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Date : 20210312


Dossier : T‑408‑20

Référence : 2021 CF 224

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 12 mars 2021

En présence de monsieur le juge Southcott

ENTRE :

HIDDEN BENCH VINEYARDS & WINERY INC.

demanderesse

et

LOCUST LANE ESTATE WINERY CORP.

défenderesse

JUGEMENT ET MOTIFS SUPPLÉMENTAIRES

I. Aperçu

[1] La présente décision concerne des dépens découlant du procès concernant un litige en matière de marque de commerce entre les parties l’espèce. Le 17 février 2021, j’ai rendu mon jugement et mes motifs dans l’affaire Hidden Bench Vineyards & Winery Inc c Locust Lane Estate Winery Corp, 2021 CF 156, donnant gain de cause à la défenderesse et rejetant la demande de la demanderesse. La demanderesse demandait réparation pour une prétendue commercialisation trompeuse de la part de la défenderesse aux termes des alinéas 7b) et c) de la Loi sur les marques de commerce (LRC (1985), c T‑13), concernant l’utilisation des mots LOCUST LANE comme marque de commerce en association avec la vente de boissons alcoolisées et la prestation de services de vinification et de viticulture.

[2] Mon jugement a donné à chacune des parties l’occasion de présenter des observations écrites sur les dépens. La présente décision est fondée sur ces observations et les documents à l’appui.

[3] Comme je l’explique plus en détail ci‑après, j’accorde à la défenderesse des dépens fondés sur la colonne IV du tarif B des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106 [les Règles], quantifiés comme une somme forfaitaire tout compris de 27 442,05 $.

II. Contexte

A. Position de la défenderesse sur les dépens

[4] La défenderesse demande à la Cour de fixer une somme forfaitaire pour les dépens, sans la nécessité d’une taxation, calculée comme suit : 25 % des honoraires juridiques réels de la défenderesse, plus ses débours. La défenderesse a présenté des éléments de preuve quantifiant ses honoraires à 209 255,00 $, plus la TVH de 13 % de 27 203,15 $, et ses débours à 1 718,68 $ plus la TVH (sur les débours qui sont taxables) de 223,43 $, pour un total de 238 400,26 $. La défenderesse réclame 25 % des honoraires et de la TVH applicable (c.‑à‑d., 25 % de 236 458,15 $ = 59 114,54 $) plus ses débours et la TVH applicable (c.‑à‑d., 1 942,11 $) pour une demande de remboursement d’une somme forfaitaire totale de 61 056,65 $, ainsi que les intérêts postérieurs au jugement.

[5] À titre subsidiaire, la défenderesse demande une somme forfaitaire basée sur l’échelon supérieur de la colonne IV du tarif B et les débours applicables. La défenderesse a soumis un mémoire de frais, calculant sa demande de remboursement des dépens sur cette base pour un montant de 27 442,05 $, plus des intérêts postérieurs au jugement.

B. Position de la demanderesse sur les dépens

[6] En réponse à la demande de remboursement des dépens de la défenderesse, la demanderesse soutient que les honoraires juridiques de la défenderesse sont excessifs. La demanderesse a déposé des éléments de preuve selon lesquels ses propres honoraires juridiques s’élevaient à 111 407,50 $, une TVH de 14 482,98 $, des débours de 3 687,13 $ et une TVH sur les débours taxables de 479,33 $, pour un total de 130 056,94 $. La demanderesse oppose ce montant à celui de 238 400,26 $ avancé par la défenderesse.

[7] La demanderesse fait valoir qu’en tout état de cause, il ne s’agit pas d’un cas où une somme forfaitaire pour les dépens est justifiée. Elle a préparé un mémoire de frais, en utilisant le milieu de la colonne III du tarif B, qui donne un montant de 14 807,16 $ en honoraires, débours et taxes, et demande à la Cour de fixer les dépens de la défenderesse à ce montant.

III. Question

[8] La seule question à trancher par la Cour est le choix d’une adjudication appropriée des dépens en faveur de la défenderesse dans cette affaire.

IV. Analyse

A. Le caractère approprié d’une somme forfaitaire

[9] Même si la demanderesse estime que la présente instance ne se prête pas à l’adjudication d’une somme forfaitaire pour les dépens, je ne comprends pas qu’elle soutienne que la Cour devrait ordonner une taxation des dépens au lieu d’imposer une somme forfaitaire. En effet, la demanderesse a proposé un montant forfaitaire de 14 807,16 $. La demanderesse s’oppose plutôt au calcul des dépens sous la forme d’un pourcentage des honoraires réels de la défenderesse, en particulier car elle estime que ces honoraires sont excessifs. La demanderesse soutient que la somme forfaitaire devrait être basée sur le tarif B. Elle ne soulève pas de problème particulier concernant les calculs du mémoire de frais de la défenderesse basés sur le tarif B, si ce n’est qu’elle estime que la colonne III devrait être utilisée plutôt que la colonne IV.

[10] Je conviens avec les parties qu’une somme forfaitaire est appropriée, car elle évite le recours à un autre processus de taxation. Les questions que la Cour doit examiner sont celles de savoir si cette somme forfaitaire doit être basée sur un pourcentage des honoraires de la défenderesse ou sur le tarif B et, dans ce dernier cas, quelle colonne du tarif doit être utilisée.

[11] Le choix du montant des dépens est laissé à l’entière discrétion de la Cour (voir le paragraphe 400(1) des Règles). Le paragraphe 400(3) des Règles prescrit les facteurs qui peuvent être pris en compte dans l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire. Les parties ont présenté des observations sur l’application de plusieurs de ces facteurs, sur lesquels je vais maintenant me pencher.

B. Alinéa 400(3)a) des Règles – Résultat de l’instance

[12] La défenderesse a réussi à avoir gain de cause dans cette demande. Comme elle le fait valoir, il ne s’agissait pas d’une affaire où les parties ont partiellement obtenu gain de cause. La défenderesse souligne également qu’elle a réussi à avoir gain de cause relativement à une requête présentée par la demanderesse en vertu de l’article 312 des Règles, demandant l’autorisation de déposer des éléments de preuve supplémentaires dans le mois précédant l’audition de la demande. Le 19 janvier 2021, le juge Richard Mosley a rejeté la requête de la demanderesse, avec dépens suivant l’issue de l’affaire. Ce facteur est en faveur de la défenderesse.

C. Alinéa 400(3)b) des Règles ‑ Sommes réclamées et sommes recouvrées

[13] En ce qui a trait à ce facteur, la demanderesse soutient que la demande de remboursement des dépens de la défenderesse est excessive, car ses honoraires sont excessifs, représentant 45 % de plus que les honoraires de la demanderesse pour la même instance. La demanderesse cerne un certain nombre d’étapes dans l’instance où elle soutient que la défenderesse a employé plus d’avocats et d’autres employés que ce qui était raisonnable.

[14] À mon avis, le facteur prévu à l’alinéa 400(3)b) des Règles est destiné à prendre en compte la somme réclamée et recouvrée dans l’instance principale, et non la somme réclamée à titre de dépens. Cela dit, si je devais décider que cette affaire justifie une somme forfaitaire calculée sous la forme d’un pourcentage des honoraires réels de la défenderesse, il serait nécessaire d’examiner le caractère raisonnable de ces honoraires. Je considère également qu’un écart important dans le montant des honoraires engagés par les parties dans le cadre d’une instance peut aller à l’encontre de l’utilisation des honoraires réels comme moyen de calculer l’adjudication des dépens.

D. Alinéa 400(3)c) des Règles – Importance et complexité des questions en litige

[15] La demanderesse soutient que les questions examinées dans cette demande n’étaient pas complexes. Elle souligne que l’affaire a été réglée en une seule journée d’audience et sans qu’il soit nécessaire de recourir à des preuves d’experts. La demanderesse oppose cette instance à des affaires de propriété intellectuelle plus complexes, notamment les litiges relatifs aux brevets, qui impliquent plusieurs jours de procès, des preuves d’experts et des questions techniques et financières complexes.

[16] Je ne considère pas que la possibilité d’accorder une somme forfaitaire basée sur un pourcentage des honoraires réels soit limitée aux instances en matière de brevets (voir, par exemple, Loblaws Inc. c Columbia Insurance Company, 2019 CF 1434, aux para 8 à 17). Toutefois, je conviens avec la demanderesse que les questions en litige dans cette affaire n’étaient pas particulièrement complexes. Bien que les parties n’aient pas été d’accord sur certains aspects techniques du droit des marques de commerce, dans l’ensemble, l’instance n’a été ni longue ni trop compliquée. Je décrirais l’affaire comme impliquant des questions d’une complexité modeste.

E. Alinéa 400(3)i) des Règles – Conduite d’une partie qui a eu pour effet de prolonger la durée de l’instance

[17] La demanderesse soutient que la défenderesse a profité des délais procéduraux et a cherché à retarder l’instance.

[18] À titre d’exemple, la demanderesse se réfère à une lettre en date du 28 août 2020 de l’avocat de la défenderesse à la Cour, demandant une prolongation de délai pour procéder au contre‑interrogatoire du représentant de la défenderesse. Cependant, cette lettre indique que la défenderesse a demandé une prolongation d’environ un mois seulement et que la demande a été soumise avec le consentement de la demanderesse. Cette étape ne permet pas de conclure que la défenderesse cherchait à retarder l’instance.

[19] La demanderesse s’appuie également sur la position adoptée par la défenderesse, au cours d’une conférence de gestion de l’instance qui a conduit à la requête de la demanderesse en vertu de l’article 312 des Règles et au cours de l’audition de la requête, selon laquelle l’acceptation de la requête nécessiterait un report de l’audition prévue de la demande. La demanderesse soutient que cette position était déraisonnable, car le délai proposé par la défenderesse avait pour but de contre‑interroger un auxiliaire juridique sur un affidavit présentant des enregistrements de marques de commerce accessibles au public.

[20] Une fois encore, je ne vois aucun fondement à la position de la demanderesse selon laquelle la défenderesse a cherché de manière déraisonnable à retarder l’instance. La défenderesse répondait à une requête dans laquelle la demanderesse cherchait à présenter de nouveaux éléments de preuve dans le mois précédant l’audition de la demande. Dans sa réponse, la défenderesse a demandé un délai non seulement pour contre‑interroger le déposant de la demanderesse, mais aussi pour déposer ses propres éléments de preuve en réponse. Je souligne également que le juge Mosley a rejeté la requête la demanderesse au motif que l’accueillir entraînerait un retard et que les éléments de preuve que la demanderesse cherchait à présenter étaient inutiles et non pertinents.

[21] La demanderesse cherche à opposer la conduite de la défenderesse à ses propres efforts pour faire progresser l’instance rapidement. Elle fait référence à une offre de règlement en vertu de l’article 420 des Règles qu’elle a signifiée à la défenderesse au début de l’instance et qui, selon la demanderesse, aurait pu permettre de régler l’instance sans que la défenderesse n’ait à engager des frais importants. Cependant, cette offre proposait à la défenderesse de cesser tout usage de la marque LOCUST LANE. J’ai du mal à comprendre comment la demanderesse peut soutenir de manière crédible que la défenderesse a retardé l’instance de manière déraisonnable en refusant d’accepter cette offre, alors que la défenderesse a finalement eu gain de cause dans cette demande.

[22] Je souligne également que l’offre prévoyait une acceptation avant une date donnée sans dépens et, par la suite, prévoyant que la défenderesse paye les dépens de la demanderesse. L’offre précisait que ces dépens étaient basés sur le sommet de la colonne V du tarif B, plus des débours raisonnables.

F. Sous‑alinéa 400(k)i) des Règles – Mesure inutile au cours de l’instance

[23] En ce qui a trait à ce facteur, la défenderesse fait à nouveau référence à la requête infructueuse de la demanderesse en vertu de l’article 312 des Règles. J’ai déjà pris en compte l’argument de la défenderesse selon lequel elle a eu gain de cause dans cette requête, ce qui milite en faveur de la défenderesse, et je dois faire attention de ne pas « compter deux fois » le fait que la requête de la demanderesse a été rejetée.

G. Décision quant à l’adjudication des dépens

[24] En résumé, la défenderesse a droit à une adjudication des dépens qui tient compte du fait qu’elle a eu gain de cause dans cette affaire, y compris le fait qu’elle a eu gain de cause dans le cadre d’une requête interlocutoire inutile près du début de l’audience principale, le tout dans le contexte d’une affaire de complexité modeste.

[25] Compte tenu des arguments susmentionnés et des précédents cités par les parties, je conclus que la défenderesse devrait avoir droit à des dépens calculés sur une base quelque peu élevée, mais non calculés sur la base d’un pourcentage de ses dépens réels. La défenderesse a cité plusieurs précédents qui ont accordé des dépens selon l’échelon supérieur de la colonne IV du tarif B dans des instances relatives à des marques de commerce (voir MC Imports Ltd c Afod Ltd, 2014 CF 1161, à la p. 19; Kamsut Inc c Jaymei Enterprise Inc, 2009 CF 627, à la p. 37; Denturist Group of Ontario c Denturist Assn of Canada, 2014 CF 989, au para 97). Je trouve ces précédents plus pertinents que ceux cités par la défenderesse en faveur d’un calcul basé sur ses dépens réels.

[26] J’accorde donc des dépens d’un montant forfaitaire de 27 442,05 $, ce qui englobe les honoraires, les débours et la TVH applicable, représentant le montant calculé par la défenderesse selon l’échelon supérieur de la colonne IV du tarif B. Des intérêts postérieurs au jugement s’appliqueront à un taux de 5 % par année.


 

JUGEMENT SUPPLÉMENTAIRE DANS LE DOSSIER T‑408‑20

LA COUR STATUE que la demanderesse devra verser à la défenderesse des dépens pour cette instance pour un montant forfaitaire de 27 442,05 $, plus des intérêts postérieurs au jugement au taux de 5 % par année à compter de la date du présent jugement.

« Richard F. Southcott »

Juge

Traduction certifiée conforme

Isabelle Mathieu


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑408‑20

INTITULÉ :

HIDDEN BENCH VINEYARDS & WINERY INC. c LOCUST LANE ESTATE WINERY CORP.

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE À TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 27 JANVIER 2021

JUGEMENT ET MOTIFS SUPPLÉMENTAIRES :

LE JUGE SOUTHCOTT

DATE DES MOTIFS :

LE 12 MARS 2021

COMPARUTIONS :

Abbass Kassam

Pour la demanderesse

Jennifer Ponton

Pour la défenderesse

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Ridout and Maybee LLP

Toronto (Ontario)

Pour la demanderesse

Borden Ladner Gervais LLP

Toronto (Ontario)

Pour la défenderesse

 

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