IMM-2757-96
Ottawa (Ontario), le mercredi 10 septembre 1997
En présence de M. le juge Darrel V. Heald, juge suppléant
Entre :
HO WING YAU STEPHEN,
requérant,
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,
intimé.
O R D O N N A N C E
La demande de contrôle judiciaire est accueillie.
La décision de l'agent des visas Peter Lancefield, en date du 2 juillet 1996, est infirmée et l'affaire est renvoyée à un autre agent des visas pour nouvelle audition, à l'issue de laquelle sera prise une décision conforme aux motifs ci-joints.
Il n'y a pas d'ordonnance relative aux dépens.
Darrel V. Heald
Juge suppléant
Traduction certifiée conforme
F. Blais, LL.L.
IMM-2757-96
Entre :
HO WING YAU STEPHEN,
requérant,
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,
intimé.
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
LE JUGE SUPPLÉANT HEALD
Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire concernant la décision de l'agent des visas Peter Lancefield, en date du 2 juillet 1996, qui refusait la demande de résidence permanente au Canada présentée par le requérant.
LES FAITS
Le requérant, citoyen de Hong Kong, a présenté une demande de résidence permanente au Canada à l'Ambassade canadienne en Thaïlande en mars 1995. Il souhaitait faire évaluer sa demande dans la catégorie des travailleurs autonomes ou, subsidiairement, dans la catégorie des entrepreneurs. Sa demande a été refusée dans la lettre datée du 2 juillet 1996.
L'agent des visas a conclu que le requérant n'avait jamais travaillé à son compte ni exploité une entreprise. Sur cette base, il a jugé que le requérant n'avait pas la capacité d'établir une entreprise susceptible de contribuer de manière significative à l'économie canadienne. Le requérant avait l'intention d'établir un laboratoire de photomécanique. De l'avis de l'agent des visas, le requérant ne pouvait contribuer de manière significative à la vie économique, artistique ou culturelle du Canada par la vente de ses photos. L'agent des visas a de plus fait observer que le requérant n'avait pas gagné de prix de photographie depuis 1976 et que ses photos ne se vendaient pas beaucoup.
LES QUESTIONS EN LITIGE
1. L'agent des visas a-t-il commis une erreur de droit en fondant sa décision sur des conclusions de fait erronées? |
2. L'agent des visas a-t-il fait obstacle à l'exercice de son pouvoir discrétionnaire et commis une erreur de compétence en interprétant de façon erronée la définition de "travailleur autonome" donnée au paragraphe 2(1) du Règlement sur l'immigration de 1978 , DORS/78-172 (le Règlement)? |
ANALYSE
Comme il a été indiqué ci-dessus, la lettre de refus de l'agent des visas indique sans équivoque que le requérant n'a jamais travaillé à son compte ni exploité une entreprise. Cette déclaration est manifestement erronée, étant donné qu'elle n'est pas appuyée par le dossier. La preuve non contredite du requérant indique qu'il a déjà travaillé dans un laboratoire de photomécanique comme technicien de chambre noire, et qu'il a aussi enseigné à de petits groupes de personnes. D'après ce dossier, l'agent des visas a manifestement commis une erreur en concluant que le requérant n'avait pas d'expérience en tant que travailleur autonome.
L'expression "travailleur autonome" est définie dans les termes suivants :
"travailleur autonome" s'entend d'un immigrant qui a l'intention et qui est mesure d'établir ou d'acheter une entreprise au Canada, de façon à créer un emploi pour lui-même et à contribuer de manière significative à la vie économique, culturelle ou artistique du Canada.1 |
Il ressort clairement de la preuve que l'agent des visas a interprété le Règlement comme réservant la catégorie des travailleurs autonomes à des personnes "extraordinaires". L'agent des visas a appliqué une norme qui, au bout du compte, exige d'une personne qui présente une demande dans la catégorie des travailleurs autonomes qu'elle ait de l'expérience et se soit établie comme travailleur autonome ou qu'elle soit reconnue internationalement dans son domaine culturel ou artistique.
Bien que la reconnaissance internationale et l'établissement en tant que travailleur autonome figurent parmi les facteurs pertinents, ce ne sont pas des conditions essentielles à l'examen d'une demande dans la catégorie des travailleurs autonomes : voir Ho c. Canada (M.E.I.) (1989), 8 Imm.L.R. (2d) 38 (C.F. 1re inst.), Grube c. Canada (M.C.I.), (1996), 34 Imm.L.R. (2d) 219, et Yang c. Canada (M.E.I.) (1989), 27 F.T.R. 74, 8 Imm.L.R. (2d) 48, 36 Admin.L.R. 235.
L'intimé a fait valoir devant moi que l'agent des visas n'avait pas fait de l'expérience en tant que travailleur autonome une condition préalable à une décision favorable. Toutefois, il suffit de lire la lettre de refus pour constater que l'agent des visas a mal interprété le Règlement. La lettre indique ce qui suit2 :
[TRADUCTION] |
Puisque vous n'avez jamais travaillé à votre compte ni exploité une entreprise, je ne dispose pas de preuves qui établissent que vous avez la capacité d'établir une entreprise qui pourrait contribuer de manière significative à l'économie. |
Dans l'ensemble, je suis convaincu que l'agent des visas a mal interprété le Règlement en appliquant une norme trop élevée pour déterminer si le requérant pouvait obtenir le droit d'établissement au Canada en tant que travailleur autonome.
CONCLUSION
Pour les motifs précités, j'ai conclu que la décision de l'agent des visas est fondée sur une décision de fait erronée et une mauvaise interprétation du paragraphe 2(1) du Règlement. Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision de Peter Lancefield, en date du 2 juillet 1996, est infirmée et l'affaire est renvoyée à un autre agent des visas pour nouvelle audition, à l'issue de laquelle sera prise une décision conforme aux présents motifs.
CERTIFICATION
Le requérant a proposé la question suivante aux fins de la certification :
Un agent des visas commet-il une erreur de droit et fait-il obstacle à l'exercice de son pouvoir discrétionnaire en interprétant la définition de "travailleur autonome" donnée au paragraphe 2(1) du Règlement comme exigeant de l'immigrant éventuel qu'il fasse la preuve de qualités extraordinaires dans l'exploitation de son entreprise ou l'exercice de sa profession afin d'établir qu'il est en mesure de "contribuer de manière significative à la vie économique, culturelle ou artistique du Canada"? |
L'intimé n'a pas proposé de question, mais est d'avis qu'il n'y a pas de question grave de portée générale.
Dans les circonstances de l'espèce, je ne suis pas disposé à conclure qu'il existe une question grave de portée générale pouvant être certifiée conformément à l'article 83 de la Loi sur l'immigration.
Par conséquent, aucune question n'est certifiée.
DÉPENS
Le requérant a demandé que les dépens lui soient adjugés. Toutefois, étant donné qu'il n'a pas établi de raisons spéciales qui puissent justifier sa demande, il n'y aura pas d'adjudication de dépens.3
Darrel V. Heald
Juge suppléant
Ottawa (Ontario)
le 10 septembre 1997
Traduction certifiée conforme
F. Blais, LL.L.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER
NE DU GREFFE : IMM-2757-96 |
INTITULÉ DE LA CAUSE : HO WING YAU STEPHEN
c.
LE MINISTRE DE L'IMMIGRATION ET DE LA CITOYENNETÉ |
LIEU DE L'AUDIENCE : VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)
DATE DE L'AUDIENCE : LE 11 AOÛT 1997
MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU JUGE SUPPLÉANT HEALD
DATE : LE 10 SEPTEMBRE 1997
ONT COMPARU :
Andrew Z. Wlodyka
pour le requérant
Larissa L. Easson
pour l'intimé
PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :
LAWRENCE WONG & ASSOCIATES
Avocats et procureurs
2695, rue Granville, Bureau 600
Vancouver (C.-B.)
V6H 3H4
pour le requérant
George Thomson |
Sous-procureur général
du Canada
pour l'intimé
__________________1 Voir le paragraphe 2(1) - Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-172