Date : 19980114
IMM-733-97
Ottawa (Ontario), le 14 janvier 1998
En présence de l'honorable juge Pinard
Entre :
SAJAN SINGH, domicilié et résidant au
7208, promenade Harwick , Mississauga (Ontario) L4T 3A4,
requérant,
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION, a's Ministère de la Justice,
Complexe Guy Favreau, 200, boulevard René-Lévesque ouest,
Tour de l'est, 5e étage, Montréal (Québec) H2Z 1X4,
intimé.
ORDONNANCE
La demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a conclu, le 27 janvier 1997, que le requérant n'était pas un réfugié au sens de la Convention, est rejetée.
YVON PINARD
JUGE
Traduction certifiée conforme :
François Blais, LL.L.
Date : 19980114
IMM-733-97
Entre :
SAJAN SINGH, domicilié et résidant au
7208, promenade Harwick, Mississauga (Ontario) L4T 3A4,
requérant,
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION, a's Ministère de la Justice,
Complexe Guy Favreau, 200, boulevard René-Lévesque ouest,
Tour de l'est, 5e étage, Montréal (Québec) H2Z 1X4,
intimé.
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
LE JUGE PINARD :
[1] Le requérant demande le contrôle judiciaire de la décision par laquelle la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) a conclu, le 7 janvier 1997, qu'il n'était pas un réfugié au sens de la Convention selon la définition attribuée à cette expression par le paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration (la Loi).
[2] La Commission a rejeté la revendication du statut de réfugié présentée par le requérant pour le motif que son témoignage n'était pas crédible.
[3] La Cour d'appel fédérale a statué, dans l'arrêt Aguebor c. Canada (M.C.I.) (1993), 160 N.R. 315, à la page 316, que le tribunal est le mieux placé pour évaluer la crédibilité du revendicateur :
Il ne fait pas de doute que le tribunal spécialisé qu'est la Section du statut de réfugié a pleine compétence pour apprécier la plausibilité d'un témoignage. Qui, en effet, mieux que lui, est en mesure de jauger la crédibilité d'un récit et de tirer les inférences qui s'imposent? Dans la mesure où les inférences que le tribunal tire ne sont pas déraisonnables au point d'attirer notre intervention, ses conclusions sont à l'abri du contrôle judiciaire. Dans Giron, la Cour n'a fait que constater que dans le domaine de la plausibilité, le caractère déraisonnable d'une décision peut être davantage palpable, donc plus facilement identifiable, puisque le récit apparaît à la face même du dossier. Giron, à notre avis, ne diminue en rien le fardeau d'un appelant de démontrer que les inférences tirées par le tribunal ne pouvaient pas raisonnablement l'être. L'appelant, en l'espèce, ne s'est pas déchargé de ce fardeau.1 |
[4] Il a également été établi que, lorsque le tribunal perçoit le revendicateur comme non crédible, il conclut en fait qu'il n'existe pas de preuve crédible lui permettant d'accueillir sa revendication du statut de réfugié. Dans l'arrêt Sheikh c. Canada (M.E.I.) (1990), 11 Imm. L.R. (2d) 81, à la page 86, monsieur le juge MacGuigan a déclaré, au nom de la Cour d'appel fédérale :
Le concept de la crédibilité des éléments de preuve et celui de la crédibilité du demandeur sont évidemment deux choses différentes, mais il est évident que lorsque la seule preuve soumise au tribunal qui relie le demandeur à sa demande est celle que ce dernier fournit lui-même (outre, peut-être, les dossiers sur différents pays dont on ne peut rien déduire directement à l'égard de la revendication du demandeur), la perception du tribunal que le demandeur n'est pas un témoin crédible équivaut en fait à la conclusion qu'il n'existe aucun élément crédible sur lequel pourrait se fonder le second palier d'audience pour faire droit à la demande. |
[5] En l'espèce, la Commission a conclu que le requérant était en mesure de relater les événements figurant dans son Formulaire de renseignements personnels (FRP), mais son témoignage est devenu vague lorsque l'agent d'audience l'a questionné. La Commission a également conclu qu'il y avait des divergences entre son témoignage et les déclarations qu'il avait faites à son point d'entrée concernant des éléments importants de sa revendication. La Commission a donné plusieurs exemples de telles divergences.
[6] Premièrement, la Commission a souligné que, dans son témoignage, le requérant a affirmé ne pas être membre de la AISSF et que sa participation à ses activités avait été minime. Toutefois, au point d'entrée, il avait déclaré dans son FRP et aux autorités de l'immigration qu'il était membre de la AISSF et qu'il avait placardé des affiches, transmis des messages et assisté à des manifestations et à des grèves. Le requérant a tenté d'expliquer cette divergence en déclarant que l'agent qui lui avait permis de fuir l'Inde lui avait dit de mentir pour obtenir le statut de réfugié. La Commission était également préoccupée par le fait que le requérant n'avait fait aucune déclaration relativement à son frère, bien que celui-ci constitue un élément important de sa revendication. Le requérant a déclaré avoir simplement fait ce que l'agent lui avait dit de faire. La Commission a conclu que cette explication n'était pas crédible.
[7] Deuxièmement, le requérant avait déclaré aux autorités de l'immigration qu'il avait été contraint de s'allonger sur de la glace lorsqu'il avait été torturé. Toutefois, il ne l'a pas mentionné dans son FRP, ni lorsqu'il a été interrogé par son avocat lors de l'audience, ni lorsqu'il a rencontré un médecin et un psychiatre. Le requérant a tenté d'expliquer cette divergence en prétendant que, depuis son arrivée au Canada, il se rappelait certaines choses et en avait oublié d'autres. Toutefois, la Commission a trouvé révélateur que le requérant soit en mesure de fournir beaucoup d'autres détails sur la façon dont il avait été torturé. La Commission était d'avis que s'il avait été contraint de s'allonger sur de la glace lorsqu'il avait été torturé, il ne l'aurait pas oublié.
[8] Enfin, le requérant n'a pu produire que son permis de conduire à l'audience parce que, selon ses dires, ses autres papiers d'identité originaux avaient été égarés à l'été 1996. Le requérant a affirmé avoir demandé à son père de remplacer ces documents mais que, chaque fois qu'il lui parlait au téléphone, son père était tellement heureux de parler avec lui qu'il avait oublié de le lui demander. La Commission a conclu que le requérant aurait dû faire plus d'efforts pour trouver ces documents.
[9] Compte tenu de toute la preuve versée au dossier, je suis d'avis que le requérant ne s'est pas acquitté de son fardeau d'établir que le tribunal spécialisé n'a pas évalué sa crédibilité correctement. Bien que je ne souscrive pas à chacun des aspects de l'analyse des faits effectuée par le tribunal, j'estime que le tribunal pouvait raisonnablement tirer la conclusion à laquelle il est parvenu. Dans les circonstances, la Cour ne doit pas substituer sa propre décision à celle du tribunal.
[10] En conséquence, la demande doit être rejetée.
YVON PINARD
JUGE
OTTAWA (ONTARIO)
14 janvier 1998
Traduction certifiée conforme :
François Blais, LL.L.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER
NUMÉRO DU GREFFE : IMM-733-97 |
INTITULÉ DE LA CAUSE : SAJAN SINGH c. MCI |
LIEU DE L'AUDITION : MONTRÉAL |
DATE DE L'AUDITION : 7 JANVIER 1998 |
MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR M. LE JUGE PINARD
DATE DES MOTIFS : 14 JANVIER 1998 |
ONT COMPARU :
Me Jean-François Bertrand POUR LE REQUÉRANT |
Me Marie Nicole Moreau POUR L'INTIMÉ |
PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :
Bertrand, Deslauriers POUR LE REQUÉRANT |
Montréal (Québec)
Me George Thomson POUR L'INTIMÉ |
Sous-procureur général du Canada |
1 Voir aussi Rajaratnam c. Canada (M.E.I.) (1991), 135 N.R. 300 (C.A.F.).