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Date: 20210310


Dossier: T-134-20

Référence: 2021 CF 215

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 10 mars 2021

En présence de monsieur le juge Fothergill

ENTRE:

AMANDEEP BADESHA

demandeur

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] Amandeep Badesha sollicite le contrôle judiciaire de la décision du 2 janvier 2020 par laquelle le ministre du Revenu national [le ministre] a refusé sa demande d’annulation de l’impôt à payer sur des cotisations excédentaires versées à son compte d’épargne libre d’impôt [CÉLI] à l’égard des années d’imposition 2016, 2017 et 2018.

[2] M. Badesha a ouvert un CÉLI à la Banque Toronto-Dominion [la Banque TD] en 2013. Il a versé des cotisations totalisant 5 464,86 $ en 2013, 2 013,88 $ en 2014 et 5 887,75 $ en 2015. En date du 1er janvier 2016, ses droits de cotisation s’élevaient à 33 233,62 $.

[3] Au cours de l’année 2016, M. Badesha a versé des cotisations totalisant 82 214,81 $ à son CÉLI. Il n’a retiré que 2 889,59 $, ce qui a donné lieu à des cotisations excédentaires de 43 981,19 $.

[4] Le 12 juillet 2017, le ministre a établi une cotisation à l’égard de M. Badesha au titre de l’article 207.02 de la Loi de l’impôt sur le revenu, LRC 1985, c 1 (5e supp) [la LIR], pour l’année d’imposition 2016, et a délivré un avis de cotisation en vertu de la partie XI.01 de la LIR. L’avis de cotisation informait M. Badesha qu’il devait retirer immédiatement les cotisations excédentaires de son CÉLI pour éviter un impôt supplémentaire.

[5] En date du 31 décembre 2017, M. Badesha n’avait retiré que 4 692,89 $ de son CÉLI. La juste valeur marchande du bien détenu dans son CÉLI s’élevait à 37 150,16 $.

[6] Le 17 juillet 2018, le ministre a établi une cotisation à l’égard de M. Badesha au titre de l’article 207.02 de la LIR pour l’année d’imposition 2017, et a délivré un avis de cotisation en vertu de la partie XI.01 de la LIR. Encore une fois, l’avis de cotisation informait M. Badesha qu’il devait retirer immédiatement les cotisations excédentaires du CÉLI pour éviter un impôt supplémentaire.

[7] En date du 31 décembre 2018, M. Badesha avait seulement retiré 1 453,78 $ de son CÉLI. La juste valeur marchande du bien détenu dans son CÉLI n’était que de 8 993,29 $. Dans ses observations orales devant la Cour, M. Badesha a indiqué qu’il avait perdu plus de 70 000 $ en [traduction] « jouant à la Bourse », ce qu’il regrette maintenant.

[8] Le 16 juillet 2019, le ministre a établi une cotisation à l’égard de M. Badesha au titre de l’article 207.02 de la LIR pour l’année d’imposition 2018, et a délivré un avis de cotisation en vertu de la partie XI.01 de la LIR. L’avis de cotisation informait M. Badesha, pour la troisième fois, qu’il devait retirer immédiatement les cotisations excédentaires de son CÉLI pour éviter un impôt supplémentaire.

[9] Le 19 juillet 2019, M. Badesha a présenté à l’Agence du revenu du Canada [l’ARC] une demande d’allègement relativement à l’impôt impayé. Il a indiqué qu’un employé de la Banque TD l’avait mal informé quant à la nature d’un CÉLI. Selon M. Badesha, on lui aurait dit qu’un CÉLI était comme un compte bancaire ordinaire et on ne l’aurait pas avisé des plafonds de cotisation.

[10] M. Badesha a admis avoir reçu des avis de cotisation de l’ARC à l’égard des années d’imposition 2017, 2018 et 2019. Toutefois, il a mentionné qu’entre 2015 et 2019, il a souvent reçu des appels téléphoniques frauduleux d’individus qui prétendaient appeler au nom de l’ARC pour demander de l’argent. Il a donc présumé que les avis de cotisation étaient également frauduleux.

[11] Le 5 septembre 2019, M. Badesha a déposé un avis d’opposition à la cotisation relative au CÉLI à l’égard de l’année 2018. Il a fermé son CÉLI le 17 septembre 2019.

[12] Le 23 septembre 2019, le délégué du ministre a refusé la demande d’annulation de l’impôt à payer sur les cotisations excédentaires du CÉLI de M. Badesha pour les années d’imposition 2016 à 2018. Le délégué du ministre a conclu que M. Badesha n’était pas admissible à un allègement, car il avait omis de distribuer sans délai les cotisations excédentaires de son CÉLI, même s’il avait été informé des conséquences fiscales à plusieurs reprises.

[13] Un agent des appels de l’ARC a conclu que l’avis d’opposition de M. Badesha ne portait que sur la question de savoir si la cotisation établie en vertu de la partie XI.01 de la LIR devrait être annulée conformément à l’article 207.06 de la LIR, et non sur la validité et la justesse de la cotisation relative au CÉLI à l’égard de l’année 2018. Le 4 novembre 2019, l’agent des appels a confirmé la cotisation relative au CÉLI à l’égard de l’année 2018.

[14] Le dossier a été transféré afin que la demande de renonciation à l’impôt de M. Badesha à l’égard des années d’imposition 2016 à 2018 soit soumise à un examen de deuxième niveau. Le 2 janvier 2020, le délégué du ministre a refusé d’annuler l’impôt payable par M. Badesha à l’égard des cotisations excédentaires qu’il a versées à son CÉLI. Le délégué du ministre a souligné que M. Badesha avait été avisé par l’ARC des cotisations excédentaires versées en 2016 et en 2017, mais qu’il n’avait pris aucune mesure pour distribuer ces cotisations excédentaires jusqu’en 2019.

[15] L’unique question soulevée dans la présente demande de contrôle judiciaire est celle de savoir si le refus du ministre d’annuler l’impôt payable par M. Badesha à l’égard des cotisations excédentaires qu’il a versées à son CÉLI était raisonnable.

[16] La décision du ministre est assujettie au contrôle selon la norme de la décision raisonnable. Il s’agit d’une norme commandant la déférence. La Cour n’interviendra que si la décision « souffre de lacunes graves à un point tel qu’on ne peut pas dire qu’elle satisfait aux exigences de justification, d’intelligibilité et de transparence » (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 au para 100; Carpenter c Canada (Procureur général), 2020 CF 753 au para 20).

[17] Le pouvoir discrétionnaire du ministre de renoncer à l’impôt établi en vertu de la partie XI.01, ou de l’annuler, est limité par le paragraphe 207.06(1) de la LIR, qui prévoit ce qui suit :

Renonciation

207.06 (1) Le ministre peut renoncer à tout ou partie de l’impôt dont un particulier serait redevable par ailleurs en vertu de la présente partie par l’effet des articles 207.02 ou 207.03, ou l’annuler en tout ou en partie, si, à la fois :

a) le particulier convainc le ministre que l’obligation de payer l’impôt fait suite à une erreur raisonnable;

b) sont effectuées sans délai sur un compte d’épargne libre d’impôt dont le particulier est titulaire une ou plusieurs distributions dont le total est au moins égal au total des sommes suivantes :

(i) la somme sur laquelle le particulier serait par ailleurs redevable de l’impôt,

(ii) le revenu, y compris le gain en capital, qu’il est raisonnable d’attribuer, directement ou indirectement, à la somme visée au sous-alinéa (i).

Waiver of tax payable

207.06 (1) If an individual would otherwise be liable to pay a tax under this Part because of section 207.02 or 207.03, the Minister may waive or cancel all or part of the liability if

(a) the individual establishes to the satisfaction of the Minister that the liability arose as a consequence of a reasonable error; and

(b) one or more distributions are made without delay under a TFSA of which the individual is the holder, the total amount of which is not less than the total of

(i) the amount in respect of which the individual would otherwise be liable to pay the tax, and

(ii) income (including a capital gain) that is reasonably attributable, directly or indirectly, to the amount described in subparagraph (i).

[18] Le critère est conjonctif, ce qui signifie que le contribuable doit en établir les deux volets pour qu’un allègement soit envisagé à son égard (Kapil c Canada (Agence du revenu), 2011 CF 1373 au para 28). Selon l’interprétation de l’ARC, une « erreur raisonnable » signifie que les cotisations excédentaires du contribuable à un CÉLI ont eu lieu dans des circonstances exceptionnelles hors du contrôle du contribuable, et l’expression « sans délai » signifie que le contribuable a pris des mesures correctives sur-le-champ afin de distribuer les cotisations excédentaires ou de fermer le CÉLI dans les 30 jours suivant l’avis de l’ARC.

[19] Le fait d’obtenir de mauvais conseils des institutions financières ou de mal interpréter les avis de l’ARC ne constitue pas une erreur raisonnable (Jiang c Canada (Procureur général), 2019 CF 629 au para 12; Perinpanayagam c Unité de traitement CELI, 2020 CF 1111 au para 40). Comme l’a souligné le juge Peter Annis dans la décision Pouchet c Canada (Procureur général), 2018 CF 473 au para 37, « [l]’ignorance de la loi ne constitue pas une erreur ou une faute raisonnable ».

[20] Le régime fiscal canadien est fondé sur le principe de l’auto-cotisation. Il appartient à tous les contribuables de mener leurs affaires financières d’une manière conforme à la LIR (Levenson c Canada (Procureur général), 2016 CF 10 aux para 20). M. Badesha avait l’obligation de se conformer à la LIR. Sa mauvaise compréhension de la loi ne constituait pas une erreur raisonnable, pas plus que sa mauvaise compréhension des avis de cotisation délivrés par l’ARC.

[21] M. Badesha est titulaire d’un baccalauréat en sciences de la santé et occupe un emploi d’inhalothérapeute. Il a négocié des titres à la Bourse, bien que sans succès. Il n’est pas une personne qui manque d’instruction.

[22] Le refus du ministre d’annuler l’impôt payable par M. Badesha à l’égard des cotisations excédentaires qu’il a versées à son CÉLI était raisonnable. Même s’il a été avisé à maintes reprises de ses cotisations excédentaires en 2017, en 2018 et en 2019, M. Badesha a systématiquement omis de distribuer le montant des cotisations excédentaires ou la juste valeur marchande du bien détenu dans son CÉLI jusqu’à ce qu’il ait finalement fermé ce compte le 17 septembre 2019. Même lorsque M. Badesha était incontestablement au fait de son assujettissement à l’impôt aux termes de la partie XI.01 de la LIR en juin 2019, il n’a fermé son CÉLI qu’au cours du mois de septembre qui a suivi.

[23] La décision du ministre est justifiée, transparente et intelligible, et elle appartient aux issues possibles acceptables. La demande de contrôle judiciaire est donc rejetée.

[24] Comme le ministre n’a pas demandé de dépens, aucuns ne seront adjugés.


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE QUE la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

« Simon Fothergill »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER:

T-134-20

 

INTITULÉ:

AMANDEEP BADESHA c LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE:

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE entre VANCOUVER (Colombie-britannique) et OTTAWA (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE:

Le 4 mars 2021

 

JUGEMENT ET MOTIFS:

le juge FOTHERGILL

 

DATE DES MOTIFS:

le 10 mars 2021

 

COMPARUTIONS:

Amandeep Badesha

(pour son propre compte)

 

Pour le demandeur

Eric Brown

 

pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

pour le défendeur

 

 

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