Date : 20210225
Dossier : T‑1683‑18
Référence : 2021 CF 181
[traduction française]
Ottawa (Ontario), le 25 février 2021
En présence de monsieur le juge O’Reilly
ENTRE :
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TBV PRODUCTIONS , LLC
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demanderesse
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et
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M. UNTEL no 1 et autres
Voir la liste des défendeurs à l’annexe 1
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défendeurs
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et
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BELL CANADA,
SASKTEL ET
XPLORNET COMMUNICATIONS INC.
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tiers intimés
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ORDONNANCE ET MOTIFS
I.
Vue d’ensemble
[1]
TBV Productions LLC (TBV) affirme qu’elle est la titulaire du droit d’auteur sur le film intitulé « Moi, belle et jolie »
[titre de la version française]. Selon TBV, plusieurs personnes ont téléchargé le film ou ont fait en sorte qu’il puisse être obtenu sur Internet, contrevenant ainsi à la Loi sur le droit d’auteur, LRC 1985, c C‑42. TBV a obtenu l’aide d’un tiers pour tracer les adresses de protocole Internet (IP) des personnes soupçonnées d’avoir violé le droit d’auteur et pour identifier les fournisseurs de services Internet (FSI) qui ont assigné ces adresses à leurs abonnés.
[2]
TBV a ensuite, au moyen d’un avis, informé les FSI, qui sont les tiers intimés en l’espèce – SaskTel, Bell, et Xplornet –, que certains de leurs clients avaient peut‑être violé son droit d’auteur. Dans son avis, TBV demandait aux FSI de donner deux autres avis – le premier, destiné à tous leurs abonnés, pour les informer de la violation possible du droit d’auteur, et, si la violation continuait, un autre avis pour les informer que le titulaire du droit d’auteur pourrait intenter contre eux une action en violation du droit d’auteur. Ce processus, connu sous le nom de régime d’« avis et avis »
, fait partie de la Loi sur le droit d’auteur (art 41.25 et 41.26; voir toutes les dispositions citées dans l’annexe).
[3]
Par voie de requête, TBV a demandé aux FSI de lui communiquer l’identité de certains de leurs abonnés et leur a réclamé des dommages‑intérêts préétablis pour inexécution de leur obligation de donner avis à leurs abonnés de la violation soupçonnée. TBV réclame 10 000 $ pour chacun des avis qui n’a pas été transmis, soit la somme totale de 600 000 $. Les parties ont subséquemment réglé leur différend concernant la communication de l’identité des abonnés, mais la question des dommages‑intérêts n’est toujours pas réglée.
[4]
La question que je dois trancher en l’espèce n’est pas celle de savoir si TBV a droit aux dommages‑intérêts qu’elle réclame. Je dois plutôt statuer sur la seule question de savoir si la requête de TBV constitue le recours approprié pour les obtenir.
[5]
TBV sollicite une ordonnance l’autorisant à faire instruire la question des dommages‑intérêts simplement sur présentation d’une requête. L’autre solution, préconisée par les FSI, serait d’exiger que TBV intente une action distincte en dommages‑intérêts contre les FSI (en plus de l’action qu’elle a intentée contre les personnes soupçonnées d’avoir violé le droit d’auteur).
[6]
À mon avis, ce n’est pas par voie de requête que TBV peut réclamer aux FSI des dommages‑intérêts. Elle doit le faire au moyen d’une action.
II.
Le contexte
[7]
L’un des objets du régime d’avis et avis est de faire en sorte que les titulaires du droit d’auteur puissent obtenir les renseignements dont ils ont besoin pour intenter une action en violation du droit d’auteur contre les personnes soupçonnées d’avoir violé leur droit d’auteur, lesquelles sont généralement des internautes. Les titulaires du droit d’auteur ne connaissent pas l’identité de ces internautes, contrairement aux FSI concernés. L’action qui sous‑tend la présente instance est la poursuite que TBV a intentée contre des personnes qui sont soupçonnées d’avoir violé son droit d’auteur parce qu’elles auraient téléchargé ou téléversé le film en cause, qui ont reçu les avis en conséquence de la part de leur FSI et qui ont malgré tout continué de commettre les actes de violation.
[8]
Dans l’ensemble, le régime a un objectif de dissuasion et un objectif d’application de la loi relativement aux violations du droit d’auteur. Toutefois, les FSI eux‑mêmes sont à l’abri d’actions en violation du droit d’auteur; ils ont plutôt l’obligation de transmettre rapidement les avis de la part des titulaires du droit d’auteur et d’informer les demandeurs de cette transmission (ou expliquer les raisons pour lesquelles ils n’ont pu l’effectuer) ainsi que l’obligation de conserver pour une période d’au moins six mois des registres exacts des renseignements qui permettent d’identifier les personnes à qui sont transmis les avis (art 41.26(1)a),b)). Implicitement, cela signifie que les FSI ont l’obligation de mettre les adresses IP en corrélation avec l’identité des abonnés et de faire le nécessaire pour s’assurer qu’ils ont correctement fait ce lien (Rogers Communications Inc. c Voltage Pictures, LLC, 2018 CSC 38 au para 31 [Voltage CSC]). L’inexécution de ces obligations est passible d’amendes dont le montant varie entre 5 000 $ et 10 000 $ (art 41.26(3)).
A.
La décision ME2
[9]
TBV s’appuie sur la décision ME2 Productions, Inc. c M. Untel, 2019 CF 214 [ME2], où la Cour a approuvé une procédure précise dans un contexte similaire. Dans l’affaire ME2, les demanderesses cherchaient, au moyen d’une requête dont était saisi le protonotaire Kevin Aalto, à obtenir auprès de TekSavvy – un FSI – les coordonnées des personnes à qui elles reprochaient d’avoir violé leur droit d’auteur. L’ordonnance de divulgation que les demanderesses sollicitaient est généralement appelée une « ordonnance de type
Norwich
»
(voir Norwich Pharmacal Co v Customs & Excise Commissioners, [1974] AC 133 (R‑U, HL); Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106, art 238).
[10]
En plus de l’ordonnance de type Norwich, les demanderesses réclamaient à TekSavvy des dommages‑intérêts préétablis, au motif qu’elle ne s’était pas acquittée de ses obligations au titre du régime d’avis et avis.
[11]
TekSavvy a contesté la requête de ME2, faisant valoir que les facteurs à respecter pour l’obtention d’une ordonnance de type Norwich n’avaient pas été établis et que ME2 devait intenter une action, et non présenter une requête, pour obtenir des dommages‑intérêts préétablis. Le protonotaire Aalto n’a pas souscrit au point de vue de TekSavvy. Se fondant sur l’énoncé d’objet formulé par la Cour d’appel fédérale – selon lequel le régime vise à rendre plus simple et plus rapide la procédure visant à faire respecter le droit d’auteur à l’ère d’Internet –, le protonotaire a rendu l’ordonnance de type Norwich et a permis que la détermination des dommages‑intérêts réclamés par ME2 se fasse dans le cadre d’une requête (Voltage Pictures, LLC c M. Untel, 2017 CAF 97 au para 21 [Voltage CAF]). TekSavvy a interjeté appel.
[12]
Le juge William Pentney a fait droit en partie à l’appel. Il a annulé l’ordonnance de type Norwich et a autorisé ME2 à présenter une nouvelle requête étayée par la meilleure preuve possible. Il a renvoyé au protonotaire le recours en dommages‑intérêts de ME2 pour décision. Certaines des observations du juge Pentney sont utiles pour la requête de TBV sur laquelle je dois me prononcer.
[13]
Le juge Pentney a tout d’abord fait remarquer que le régime d’avis et avis était relativement nouveau, et que la « liberté d’action »
dont les juges responsables de la gestion de l’instance doivent être investis pour décider de l’application du régime était une « question de première importance »
(para 6). Il a rappelé les objets du régime énoncés par la Cour suprême du Canada dans le cadre du pourvoi contre l’arrêt Voltage CAF (Voltage CSC), lesquels consistent à dissuader la violation en ligne du droit d’auteur et à établir un équilibre entre les droits des différents intéressés, à savoir les titulaires du droit d’auteur, les internautes et les FSI (Voltage SCC, au para 22).
[14]
S’agissant de l’ordonnance de type Norwich, le juge Pentney a estimé que la preuve présentée par ME2 était insuffisante parce qu’elle ne consistait qu’en des affidavits très généraux souscrits par des auxiliaires juridiques et les pièces jointes à ces affidavits. Il a annulé l’ordonnance de type Norwich sans préjudice du droit de ME2 de présenter une nouvelle requête étayée par la meilleure preuve possible.
[15]
Quant au recours approprié pour réclamer des dommages‑intérêts, le juge Pentney a souligné que la question des dommages‑intérêts avait été soulevée dans le contexte de la requête par laquelle ME2 sollicitait une ordonnance de type Norwich visant à obtenir des renseignements au sujet d’abonnés, et que TekSavvy était partie à cette instance. Par ailleurs, la réclamation en dommages‑intérêts était fondée sur le fait que TekSavvy n’avait pas conservé le registre voulu comportant les renseignements sur ses abonnés. Les questions concernant la divulgation et les dommages‑intérêts préétablis étaient donc interreliées. Compte tenu du lien existant entre ces deux questions, le protonotaire a approuvé la procédure à suivre pour régler la question des dommages‑intérêts en même temps que la demande de divulgation : ME2 était autorisée à présenter des affidavits comportant les éléments sur lesquels elle s’appuyait et TekSavvy avait ensuite la possibilité de contre‑interroger les auteurs de ces affidavits et de produire sa preuve. D’après le protonotaire, cette procédure constituait un moyen équitable et efficace de régler la question dommages‑intérêts.
[16]
Le juge Pentney a pris en compte l’argument de TekSavvy selon lequel rien ne justifiait le recours à une procédure autre qu’une action en dommages‑intérêt conformément à la Loi sur le droit d’auteur (art 34(5)) et aux Règles des Cours fédérales. Il a toutefois conclu que dans une affaire, comme celle qu’il devait trancher, où une FSI se voit reprocher des manquements à ses obligations dans le contexte d’une demande visant l’obtention d’une ordonnance de type Norwich, « il est tout à fait logique d’examiner le recours en dommages‑intérêts fondé sur de tels manquements pendant la même instance »
(para 136). Toute autre approche entraînerait des dépenses, des retards ainsi qu’une incertitude inutiles et serait contraire aux objets du régime.
[17]
Par conséquent, le juge Pentney a conclu que le protonotaire n’avait pas commis une erreur manifeste et dominante lorsqu’il a proposé la procédure décrite ci‑dessus. Cette décision relevait entièrement du pouvoir discrétionnaire du protonotaire en sa qualité de juge responsable de la gestion de l’instance. Le juge Pentney n’a relevé aucune erreur justifiant son intervention « dans les circonstances de la présente affaire »
(para 139). TekSavvy aurait ainsi amplement l’occasion de réfuter la preuve présentée contre elle et de produire sa propre preuve; la procédure était équitable et proportionnée. Le juge Pentney a renvoyé au protonotaire la réclamation de ME2 visant l’obtention de dommages‑intérêts préétablis.
B.
Les similitudes et les différences
[18]
Tout comme dans l’affaire ME2, TBV a initialement sollicité une ordonnance de type Norwich et des dommages‑intérêts préétablis dans le cadre d’une même requête. Toutefois, les parties en l’espèce ont réglé la question de la divulgation, de sorte que l’ordonnance de type Norwich n’est plus visée par la requête de TBV. Sa requête vise uniquement les dommages‑intérêts.
[19]
Contrairement à l’affaire ME2, la question que je suis appelé à trancher en l’espèce n’a rien à voir avec la « liberté d’action »
dont le juge responsable de la gestion de l’instance ou le protonotaire doivent être investis. Le juge Pentney a clairement dit dans la décision ME2 que la question sur laquelle il devait statuer était celle de savoir si le protonotaire avait commis une erreur manifeste et dominante du fait qu’il avait permis à ME2 de réclamer des dommages‑intérêts aux FSI par voie de requête. Il a conclu que le protonotaire n’avait, du fait d’avoir autorisé la procédure en question, commis aucune erreur justifiant son intervention.
[20]
Par conséquent, contrairement à la situation dans l’affaire ME2, la question qui se pose en l’espèce n’est pas celle de savoir si le juge responsable de la gestion de l’instance peut, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, autoriser que la réclamation en dommages‑intérêts soit tranchée en même temps que la requête connexe visant à obtenir une ordonnance de type Norwich. Il s’agit plutôt de savoir s’il existe un fondement juridique justifiant qu’une réclamation en dommages‑intérêts procède par voie de requête en l’absence d’une requête connexe visant à obtenir une ordonnance de type Norwich. J’estime qu’il faut répondre par l’affirmative à la première question, et par la négative à la seconde.
III.
La présente requête constitue‑t‑elle le recours approprié qui permet à TBV d’obtenir la réparation demandée?
[21]
Selon TBV, vu que les circonstances de l’espèce sont à ce point semblables à celles de l’affaire ME2, je devrais lui permettre de solliciter des dommages‑intérêts par voie de requête et établir une procédure de communication de la preuve analogue à celle qui a été proposée dans cette affaire. Plus particulièrement, TBV souligne que, pareillement à l’affaire ME2, elle a présenté une demande en vue d’obtenir une ordonnance de type Norwich contre les FSI en même temps qu’une réclamation en dommages‑intérêts. Certes, la question de la divulgation est réglée, mais la requête présentée par TBV était essentiellement la même que celle qu’avait présentée ME2.
[22]
Je ne suis pas d’accord. À mon avis, la différence entre les circonstances de l’espèce et celles dans l’affaire ME2 est suffisamment importante pour justifier l’obligation de réclamer les dommages‑intérêts par voie d’action, étant donné qu’il s’agit du recours normal pour obtenir une réparation pécuniaire.
[23]
Les FSI m’invitent à conclure que je ne suis pas lié par la décision ME2. Si la différence entre les circonstances de l’espèce et celles dans l’affaire ME2 n’avait pas aussi importante, j’aurais rejeté cette prétention. Les juges sont généralement liés par les décisions de leurs collègues du même tribunal, sauf s’il ont des raisons convaincantes de s’en écarter (Apotex Inc. c Pfizer Canada Inc., 2013 CF 493 aux para 11‑18). Ce principe est souvent qualifié de « courtoisie judiciaire »
, mais en réalité il fait partie de la règle du stare decisis, c.‑à‑d. que si une affaire est résolue, il n’y a pas lieu d’y revenir. Quoi qu’il en soit, les différences entre la présente instance et l’affaire que devait trancher le juge Pentney justifient une issue différente, de sorte que les principes de courtoisie judiciaire et du stare decisis ne s’appliquent pas.
[24]
Dans l’affaire ME2, les manquements reprochés aux FSI ont été allégués dans la requête en divulgation présentée par ME2, justifiant ainsi que les dommages‑intérêts soient réclamés dans la même instance (ME2, précitée, au para 139). Dans cette affaire, ME2 alléguait que les personnes soupçonnées d’avoir violé le droit d’auteur avaient continué de le faire après avoir reçu l’avis transmis par les FSI, et TekSavvy ne voulait pas révéler l’identité de ses abonnés au motif que ME2 n’avait pas fourni suffisamment d’éléments de preuve au sujet de la violation du droit d’auteur. TekSavvy a admis qu’elle n’avait pas conservé un registre complet de ses abonnés, et cette inexécution de son obligation a motivé ME2 à lui réclamer des dommages‑intérêts. Par conséquent, le défaut que ME2 reprochait à TekSavvy était inextricablement lié à la question de la divulgation. Or, en l’espèce, TBV ne reproche pas aux FSI de ne pas s’être conformés au régime d’avis et avis quant aux adresses IP qui devaient être visées par la requête en divulgation. La question de la divulgation a déjà été réglée. Par contre, la question qui demeure entière porte sur les autres adresses IP qui appartiennent aux personnes soupçonnées d’avoir violé le droit d’auteur et qui n’ont jamais reçu l’avis voulu de la part des FSI. Les FSI justifient leur défaut comme suit : les avis que TBV lui a transmis sont des copies, ils n’ont pas les adresses électroniques des personnes soupçonnées d’avoir violé le droit d’auteur, et certaines de ces personnes ne sont pas parties à l’action en violation du droit d’auteur intentée par TBV, de sorte qu’elles n’ont pas reçu d’avis. La non‑conformité au régime d’avis et avis reprochée aux FSI n’est pas liée à un problème de divulgation et, comme je l’ai mentionné, cette question a été réglée.
[25]
Par conséquent, les circonstances de l’espèce se distinguent de celles dans l’affaire ME2. Les questions liées au défaut des FSI de transmettre l’avis aux personnes soupçonnées d’avoir violé le droit d’auteur n’ont absolument rien à voir avec la question de la divulgation. Cela signifie qu’à présent TBV tente simplement d’obtenir des dommages‑intérêts sans avoir à intenter une action contre les FSI. J’estime que rien dans les présentes circonstances ne permet de justifier l’approche proposée par TBV.
[26]
En général, les questions portant sur la responsabilité et les dommages‑intérêts ne peuvent être tranchées que dans le cadre d’une action (TMR Energy Ltd. c Ukraine (State Property Fund), 2005 CAF 28 au para 40). La question qui se pose est donc celle de savoir si la décision de procéder par voie de requête est fondée en droit dans le présent contexte.
[27]
Les procédures pour violation du droit d’auteur peuvent être engagées par une requête ou une action (Loi sur le droit d’auteur, art 34(4)). Comme l’a expliqué le juge Pentney dans la décision ME2, le terme « requête »
s’entend d’une procédure engagée autrement que par un bref ou une déclaration (para 137). C’est pourquoi il a conclu que la réclamation en dommages‑intérêts pouvait être présentée par voie de requête (para 139).
[28]
Sans vouloir mettre en doute la conclusion que le juge Pentney a tirée à la lumière des circonstances particulières de l’affaire qu’il devait juger, j’estime qu’il est difficile de savoir si une réclamation distincte en dommages‑intérêts visée par le régime d’avis et avis peut être engagée par voie de requête. La réclamation en dommages‑intérêts pour non‑conformité au régime d’avis et avis ne fait pas partie des procédures – requête ou action – sur lesquelles le tribunal peut statuer par voie sommaire (Loi sur le droit d’auteur, art 34(4)). La Loi sur le droit d’auteur ne précise pas quel recours peut être engagé relativement au régime d’avis et avis (voir art 41.26(3)). Par conséquent, la règle générale selon laquelle les questions portant sur la responsabilité et les dommages‑intérêts doivent être tranchées dans le cadre d’une action s’applique en l’espèce.
[29]
Je suis également d’accord avec les FSI pour dire que la thèse de TBV aurait pour effet de permettre au titulaire du droit d’auteur d’exposer des entités qui ne sont même pas parties à une action en violation du droit d’auteur à d’importants dommages‑intérêts sans pouvoir bénéficier des garanties procédurales normalement accordées aux défendeurs dans une action, plus particulièrement celles qui concernent l’échange d’actes de procédure, la possibilité de procéder à un interrogatoire préalable, ainsi que la production d’éléments de preuve et de témoignages à l’instruction. Certains FSI reçoivent des centaines de milliers d’avis de la part de titulaires du droit d’auteur mensuellement. Il serait inéquitable de permettre que des poursuites visant à recouvrer d’importants dommages‑intérêts pour non‑conformité au régime soient intentées contre eux autrement que par la voie d’une action, qui est la procédure habituelle. Les dommages‑intérêts éventuels dont les FSI peuvent être tenus responsables en vertu du régime sont normalement plus élevés que ceux auxquels sont exposées les personnes qui violent le droit d’auteur. Par conséquent, il est illogique de priver les FSI des mêmes garanties procédurales.
[30]
Je ne vois aucune raison, mis à part les circonstances spéciales mentionnées dans la décision ME2, de permettre que la réclamation en dommages‑intérêts présentée contre les FSI sur le fondement du régime d’avis et avis procède par voie de requête.
IV.
Conclusion et dispositif
[31]
Vu l’absence de circonstances spéciales justifiant qu’elle soit autorisée à réclamer aux FSI des dommages‑intérêts par voie de requête, TBV doit procéder par voie d’action. La requête de TBV est rejetée, avec dépens.
ORDONNANCE dans le dossier T‑1683‑18
LA COUR ORDONNE que la requête est rejetée, avec dépens.
« James W. O’Reilly »
Juge
Traduction certifiée conforme
Sandra de Azevedo, LL.B.
ANNEXE
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COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
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T‑1683‑18
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INTITULÉ :
|
TBV PRODUCTIONS, LLC c M. UNTEL #1 et autres
(Voir la liste de défendeurs à l’annexe 1) et
BELL CANADA,
SASKTEL ET
XPLORNET COMMUNICATIONS INC (tiers intimés)
|
LIEU DE L’AUDIENCE :
|
AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE à Toronto (Ontario)
|
DATE DE L’AUDIENCE :
|
LE 2 NOVEMBRE 2020
|
ORDONNANCE ET MOTIFS :
|
LE JUGE O’REILLY
|
DATE DE L’ORDONNANCE ET DES MOTIFS :
|
LE 25 FÉVRIER 2021
|
COMPARUTIONS :
Kenneth R. Clark
Lawrence Veregin
|
POUR LA DEMANDERESSE
|
Barry Sookman
Steven Mason
Bruna Kalinoski
|
AVOCATS DES TIERS INTIMÉS, BELL CANADA ET XPLORNET COMMUNICATIONS INC
|
Gerald (Jay) Kerr‑Wilson
Stacey Smydo
|
AVOCATS DU TIERS INTIMÉ, SASKTEL
|
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Aird & Berlis LLP
Avocats
Toronto (Ontario)
|
POUR LA DEMANDERESSE
|
McCarthy Tétrault S.E.N.C.R.L., s.r.l.
Avocats
Toronto (Ontario)
|
AVOCATS DES TIERS INTIMÉS, BELL CANADA ET XPLORNET COMMUNICATIONS INC
|
Fasken Martineau Dumoulin S.E.N.C.R.L., s.r.l.
Avocats
Ottawa (Ontario)
|
AVOCATS DU TIERS INTIMÉ, SASKTEL
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