Dossier : T‑706‑20
Référence : 2021 CF 191
[TRADUCTION FRANÇAISE]
Ottawa Ontario), le 2 mars 2021
En présence de monsieur le juge Annis
ENTRE :
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GARY NEDELEC, ALEXANDER SAMANEK, MICHAEL S. SHEPPARD, DOUGLAS GOLDIE, GARY BEDBROOK, PIERRE GARNEAU, JACQUES COUTURE, LARRY JAMES LAIDMAN, ROBERT BRUCE MACDONALD, GORDON A.F. LEHMAN, PETER J.G. STIRLING, DAVID MALCOLM MACDONALD, ROBERT WILLIAM JAMES, CAMIL GOEFFROY, BRIAN CAMPBELL, TREVOR DAVID ALLISON, BENOIT GAUTHIER, BRUCE LYN FANNING, MARC CARPENTIER, MARK IRVING DAVIS, RAYMOND CALVIN SCOTT JACKSON, JOHN BART ANDERSON, DAVID ALEXANDER FINDLAY, WARREN STANLEY DAVEY, RAYMOND ROBERT COOK, KEITH WYLIE HANNAN, MICHAEL EDWARD RONAN, GILLES DESROCHERS, WILLIAM LANCE FRANK DANN, JOHN ANDREW CLARKE, BRADLEY JAMES ELLIS, MICHAEL ENNIS, STANLEY EDWARD JOHNS, THOMAS FREDERICK NOAKES, WILLIAM CHARLES RONAN, BARRETT RALPH THORNTON, DAVID ALLAN RAMSAY, HAROLD GEORGE EDWARD THOMAS, MURRAY JAMES KIDD ET WILLIAM AYRE
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demandeurs
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et
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ERIC WILLIAM ROGERS, ROBERT FRANCIS WALSH, ROBERT JAMES MCBRIDE, JOHN CHARLES PINHEIRO, WILLIAM RONALD CLARK AND STEPHEN NORMAN COLLIER, COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE, AIR CANADA ET ASSOCIATION DES PILOTES D’AIR CANADA
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défendeurs
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JUGEMENT ET MOTIFS
I.
Faits
[1]
Les demandeurs sont des pilotes à la retraite d’Air Canada qui ont atteint l’âge de 60 ans entre le 1er janvier 2010 et le 15 décembre 2012. Par souci de commodité, le groupe de demandeurs sera appelé les « demandeurs »
ou le « groupe de pilotes Nedelec »
afin de les distinguer des groupes de pilotes précédents impliqués dans des procédures semblables.
[2]
Conformément à la convention collective négociée entre Air Canada et l’Association des pilotes d’Air Canada (APAC) et au régime de pension des pilotes applicable à l’époque, les membres du groupe de pilotes Nedelec devaient prendre leur retraite à l’âge de 60 ans.
[3]
Le groupe de pilotes Nedelec a soutenu qu’Air Canada et l’APAC ont commis un acte discriminatoire et appliqué une politique discriminatoire en exigeant qu’ils prennent leur retraite, en violation de la Loi canadienne sur les droits de la personne, LRC 1985, c H‑6 [la LCDP ou la Loi]. Le groupe de pilotes Nedelec a déposé des plaintes à cet effet auprès de la Commission canadienne des droits de la personne, qui a regroupé leurs plaintes et les a renvoyées au Tribunal canadien des droits de la personne (le Tribunal ou le TCDP) pour enquête.
[4]
À la date où les membres du groupe de pilotes Nedelec devaient prendre leur retraite, l’alinéa 15(1)c) de la Loi prévoyait l’exception suivante relativement aux actes discriminatoires pouvant être invoqués :
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L’application de cette disposition et la question de savoir si la retraite obligatoire équivaut à de la discrimination au sens de la Loi ont fait l’objet de plusieurs litiges impliquant Air Canada, l’APAC et les membres de différents groupes de pilotes qui devaient prendre leur retraite au cours de diverses périodes. L’historique de ces litiges peut être résumé comme suit :
Le groupe de pilotes Vilven/Kelly : Ces pilotes devaient prendre leur retraite à 60 ans en 2003 et en 2005. Les plaintes de discrimination déposées par ces pilotes ont été rejetées sur le fondement de l’alinéa 15(1)c) de la Loi, puisque l’âge de la retraite en vigueur au moment applicable était de 60 ans. La décision finale concernant ce groupe a été rendue par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Association des pilotes d’Air Canada c Kelly, 2012 CAF 209 [Kelly CAF], autorisation de pourvoi à la CSC refusée, 35014 (le 28 mars 2013).
b.
Le groupe de pilotes Thwaites/Adamson : Ces pilotes devaient prendre leur retraite à 60 ans entre 2005 et 2009. Les plaintes de discrimination déposées par ces pilotes ont été rejetées sur le fondement de l’alinéa 15(1)c) de la Loi, puisque l’âge de la retraite en vigueur au moment applicable était de 60 ans. La décision finale concernant ce groupe a été rendue dans l’arrêt Adamson c Canada (Commission des droits de la personne), 2015 CAF 215, autorisation de pourvoi à la CSC refusée, 36630 (le 10 mars 2016).
c.
Le groupe de pilotes Bailie : Ces pilotes devaient prendre leur retraite à l’âge de 60 ans avant le 1er janvier 2010 et leurs plaintes étaient à l’origine communes à aux plaintes du groupe de pilotes Nedelec. À la suite d’une requête en rejet déposée par l’APAC, le Tribunal a rejeté leurs plaintes de discrimination, étant donné que dans les instances Vilven/Kelly et Thwaites/Adamson, il avait été établi que, en vertu de l’alinéa 15(1)c) de la Loi, l’âge de la retraite en vigueur jusqu’au 31 décembre 2009 pour les pilotes de l’aviation commerciale au Canada était de 60 ans. La décision finale concernant ce groupe, Bailie et autres c Air Canada et l’Association des pilotes d’Air Canada, 2017 TCDP 22 [Bailie TCDP], a été rendue par le Tribunal. Cette décision n’a pas fait l’objet d’un contrôle judiciaire.
[6]
Toutefois, comme il ne disposait d’aucun dossier des faits ou dossier de preuve concernant l’âge de la retraite en vigueur de 2010 à 2012, le Tribunal accepté dans Bailie TCDP de traiter les plaintes des pilotes qui avaient atteint l’âge de 60 ans entre le 1er janvier 2010 et le 15 décembre 2012; il s’agit du groupe de pilotes Nedelec.
[7]
Par conséquent, les parties ont eu l’occasion de présenter des arguments au sujet de l’âge de la retraite en vigueur entre le 1er janvier 2010 et le 15 décembre 2012.
[8]
Dans le cadre de la gestion de l’instance assurée par le TCDP, les parties ont convenu de demander au Tribunal d’examiner de façon séquentielle certaines questions liées à l’affaire. Les parties ont toutes convenu que la question préliminaire serait soumise au Tribunal :
Quelle devrait être la méthode employée par le Tribunal pour établir l’« âge de la retraite en vigueur » pour les pilotes d’Air Canada ayant atteint l’âge de 60 ans entre le 1er janvier 2010 et le 15 décembre 2012?
[9]
Les parties ont présenté des arguments au Tribunal sur la question préliminaire. Étant donné qu’il s’agissait d’une question purement juridique, les parties n’ont présenté aucun élément de preuve concernant ce que constituait l’« âge de la retraite en vigueur »
. La seule question à trancher par le Tribunal était la méthode devant être employée pour l’application de l’alinéa 15(1)c) de la Loi.
[10]
Parallèlement à l’instance portant sur la question préliminaire, les demandeurs ont demandé au Tribunal de réexaminer la constitutionnalité de l’alinéa 15(1)c) de la Loi, question qui avait été examinée par la Cour d’appel fédérale dans Kelly CAF. Cette contestation a été rejetée par le Tribunal dans Nedelec et al. c Air Canada et l’Association des pilotes d’Air Canada, 2019 TCDP 32. Cette décision n’a pas fait l’objet d’un contrôle judiciaire.
[11]
Le 5 juin 2020, le Tribunal a rendu sa décision concernant la question préliminaire et a conclu qu’une analyse statistique rigoureuse pour déterminer l’âge de la retraite en vigueur devrait être appliquée aux plaintes déposées par le groupe de pilotes Nedelec. Appliquant la règle du stare decisis, le Tribunal a conclu qu’il convenait de suivre une décision antérieure dans l’affaire Vilven/Kelly, à savoir Vilven c Air Canada, 2009 CF 367 au para 169 [Vilven CF], dans laquelle la Cour fédérale a admis que « […] la détermination de l’âge normal de la retraite oblige à soumettre à une analyse statistique le dénombrement total des emplois applicables »
.
[12]
Le 6 juillet 2020, les demandeurs ont demandé un contrôle judiciaire de la décision.
II.
Les questions en litige
[13]
Les demandeurs soulèvent les questions suivantes :
1) Le TCDP a‑t‑il commis une erreur dans sa décision en refusant de se prononcer sur les arguments des demandeurs concernant le caractère désuet des dispositions de l’alinéa 15(1)c) de la LCDP relativement à ces plaintes ou en refusant d’examiner sérieusement ces arguments?
3) L’utilisation d’une méthode empirique ou statistique pour établir l’
« âge de la retraite en vigueur »
est‑elle conforme à l’intention qu’avait le législateur lorsqu’il a adopté la disposition?4) À qui incombe le fardeau de présenter une défense contre l’accusation de discrimination à première vue?
2)
Le Tribunal a‑t‑il fait inutilement obstacle à sa décision en supposant à tort que, dans les circonstances de ces plaintes, il était lié par la décision antérieure de notre Cour dans laquelle il a été jugé qu’une analyse statistique des données de comparaison des pilotes constituait une façon appropriée de déterminer la méthode pour établir l’« âge de la retraite en vigueur »
, et le Tribunal est‑il donc, dans le cadre d’une instance subséquente, empêché d’exercer son pouvoir discrétionnaire quant aux choix de la méthode « normative »
de rechange?
[14]
Air Canada affirme que les questions suivantes doivent être examinées :
1) la norme de contrôle applicable;
2) le caractère raisonnable de la décision du Tribunal, c’est‑à‑dire s’il était raisonnable de la part du Tribunal de conclure :
a) qu’une analyse statistique rigoureuse pour établir l’
« âge de la retraite en vigueur »
devrait être privilégiée;b) que l’alinéa 15(1)c) de la Loi n’était pas désuet.
[15]
L’ACAP déclare seulement que la question à trancher est celle de savoir si le TCDP a raisonnablement décidé d’adopter l’approche « statistique »
à l’égard de l’alinéa 15(1)c) de la LCDP.
III.
La norme de contrôle
[16]
Conformément à l’arrêt récent Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov] de la Cour suprême du Canada, le cadre d’analyse permettant de déterminer la norme de contrôle repose sur la présomption que la décision contestée est raisonnable (Vavilov, au para 16).
[17]
Le contrôle en fonction de la norme de la décision raisonnable doit s’intéresser à la décision effectivement rendue par le décideur, notamment au raisonnement suivi et au résultat de la décision. La Cour ne devrait intervenir que lorsqu’il est réellement nécessaire de le faire (ibid, aux para 17, 84‑86). La cour de révision doit évaluer si la décision est « fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti »
(Vavilov, aux para 85 et 99 et suiv). Une décision raisonnable est justifiée à la lumière des contraintes juridiques et factuelles particulières qui la touchent – « […] il ne suffit pas que la décision soit justifiable […] le décideur doit également […] justifier sa décision »
(ibid, aux para 85‑86). La cour de révision doit déterminer si la décision « […] possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité »
(ibid, au para 99). De plus, il incombe à la partie qui conteste la décision d’en démontrer le caractère déraisonnable (ibid, au para 100).
[18]
Lorsqu’elle procède à un examen de la décision raisonnable concernant une question d’interprétation législative, « […] la cour de révision ne procède pas à une analyse de novo de la question soulevée ni ne se demande “ce qu’aurait été la décision correcte” »
(ibid, au para 116). La cour de révision doit simplement s’assurer que le décideur administratif a interprété la disposition contestée d’une manière qui cadre avec le texte, le contexte et l’objet, c’est‑à‑dire conformément aux principes modernes d’interprétation législative (ibid, au para 121).
[19]
En outre, même si le TCDP n’est pas lié par ses décisions antérieures de la même façon qu’il doit suivre les décisions des cours supérieures, la cour de révision devrait se soucier de la cohérence générale des décisions administratives. Comme la Cour suprême du Canada l’a précisé au paragraphe 129 de Vavilov,
[l]es personnes visées par les décisions administratives sont en droit de s’attendre à ce que les affaires semblables soient généralement tranchées de la même façon et que les résultats ne dépendent pas seulement de l’identité du décideur – des attentes qui ne s’évaporent pas du simple fait que les parties ne comparaissent pas devant un juge.
IV.
Analyse
A.
Décision du TCDP
[20]
Le court volet décisionnel des motifs du Tribunal contenait deux lignes pour justifier le rejet de l’argument des demandeurs préconisant l’adoption d’une méthode d’« interprétation générale et large »
pour établir l’âge de la retraite en vigueur plutôt qu’une interprétation selon l’« analyse statistique rigoureuse »
pour l’alinéa 15(1)a) qui avait été appliquée dans des décisions semblables antérieures du Tribunal.
[21]
Premièrement, le Tribunal a admis l’argument des défendeurs selon lequel la Cour fédérale avait confirmé dans Vilven la méthode statistique pour déterminer l’âge de la retraite en vigueur. Par conséquent, il estimait qu’il était lié par le principe du stare decisis, d’autant plus que les demandeurs n’ont jamais fait valoir qu’il n’était pas tenu de respecter ce principe. Deuxièmement, le Tribunal a fait remarquer que les demandeurs ne lui ont pas présenté de facteurs susceptibles de l’inciter à conclure qu’il y aurait lieu de déroger au modèle statistique.
B.
Stare decisis et application de l’alinéa 15(1)c) de la Loi
1)
Stare decisis
[22]
Le TCDP a fait remarquer qu’au paragraphe 169 de la décision Viven, la Cour fédérale a convenu « […] avec le Tribunal que la détermination de l’âge normal de la retraite oblige à soumettre à une analyse statistique le dénombrement total des emplois applicables »
[non souligné dans l’original].
[23]
Selon le Tribunal, le principe du stare decisis ne devrait être écarté que dans les cas les plus clairs, lorsqu’il existe des facteurs concurrents qui permettent de distinguer l’affaire dont il est saisi de la jurisprudence de la Cour fédérale. À cet égard, il a renvoyé à la décision qu’il avait rendue précédemment, portant la référence 2019 TCDP 32, dans laquelle il avait notamment cité l’arrêt R c Comeau, 2018 CSC 15 au para 31, pour dire que « [n]on seulement l’exception [est] restreinte [mais] la preuve doit “change[r] radicalement la donne” […] »
pour que le principe du stare decisis soit écarté.
[24]
Le TCDP a conclu qu’il n’existait aucun facteur concurrent en l’espèce. Les demandeurs avaient souligné l’absence d’emplois comparables comme facteur concurrent déterminant. Toutefois, tel que je l’ai mentionné ci‑dessus, la Cour a confirmé dans Vilven CF que la méthode d’analyse statistique était fondée sur le dénombrement total des emplois applicables. L’analyse statistique s’applique avec ou sans éléments de comparaison, même si le dénombrement total ne compte que les pilotes d’Air Canada, dans la mesure où l’âge de la retraite de toutes les personnes occupant des emplois semblables à ceux des pilotes d’Air Canada est pris en compte dans le dénombrement total.
[25]
Les demandeurs soutiennent au paragraphe 38 de leurs observations que [traduction] « le principe du [s]tare decisis s’applique aux conclusions de droit, et non aux processus utilisés pour parvenir à ces conclusions »
. Rien n’est invoqué à l’appui de l’affirmation selon laquelle une interprétation qui prévoit une règle concernant une méthode à privilégier n’est pas assujettie aux principes du stare decisis. Le principe du stare decisis exige que les règles formulées par les juges dans des décisions antérieures soient appliquées de manière semblable dans des décisions ultérieures portant sur des faits similaires.
[26]
Selon la règle énoncée dans Vilven CF, l’établissement de l’âge de la retraite en vigueur aux fins de l’alinéa 15(1)c) devrait être fondé sur une moyenne statistique du dénombrement total moyen des âges de la retraite de toutes les personnes occupant des emplois semblables à ceux des pilotes d’Air Canada. Le Tribunal a implicitement conclu que l’absence d’éléments de comparaison ne constitue pas une preuve qui modifie les paramètres du débat de façon tellement fondamentale que la moyenne ne devrait pas être fondée sur le dénombrement total des emplois pertinents. La Cour conclut qu’il s’agit d’une décision raisonnable.
[27]
Le fait qu’ils soient tous traités de la même façon que les autres pilotes ne donne lieu à aucun sentiment d’injustice. Il s’agit d’une question de cohérence des décisions administratives et cela va dans le sens de la mise en garde formulée par la Cour suprême du Canada dans Vavilov au paragraphe 9.
2)
Question de savoir si l’alinéa 15(1)c) de la Loi est désuet quant à son application
[28]
Les demandeurs n’ont jamais présenté d’arguments pour démontrer que l’alinéa 15(1)c) était désuet. Ils ont plutôt soutenu que le TCDP n’avait pas examiné sérieusement leurs arguments au sujet de la désuétude de la disposition.
[29]
Ils invoquent simplement des extraits de Ruth Sullivan, Sullivan on the Construction of Statutes, 6e éd (Markham (Ontario), LexisNexis Canada, 2014), à la p 185, concernant la désuétude de lois au regard soit de leur application, soit de leur objet ou d’une norme. Voici leurs observations à cet égard, qui figurent aux paragraphes 35 et 36, même s’il convient de noter que la Cour conclut que seule la question de l’« application désuète »
a été invoquée par les demandeurs :
35. Comme le dit la professeure Ruth Sullivan […] les lois peuvent devenir désuètes de plusieurs façons :
[traduction]
(1) Application désuète. Même si le texte législatif demeure en vigueur, il n’existe aucun fait auquel il peut s’appliquer en raison de modifications externes. Les dispositions législatives interdisant la saisie ou la destruction d’une espèce qui est disparue ou régissant le traitement d’une maladie qui a été éliminée constituent des exemples de cette forme de désuétude.
(2) Objet ou norme désuets. Même si le texte législatif demeure en vigueur, son objet ou les hypothèses ou valeurs dont il tient compte ne sont plus exacts ou appropriés et la poursuite de son application peut avoir des conséquences indésirables. Ce serait le cas par exemple d’une loi qui discriminait contre les enfants illégitimes ou qui supposait que les infirmiers sont des femmes.
§6.44 […] Si une disposition législative ne vise aucun fait, elle ne peut évidemment pas s’appliquer.
[Non souligné dans l’original.]
36. Bref, le Tribunal était tenu d’examiner sérieusement et de trancher, en se fondant sur les observations présentées par les demandeurs à cet égard, la question de savoir si l’alinéa 15(1)c) s’appliquait toujours aux plaintes dont il est saisi, étant donné l’absence d’une retraite obligatoire imposée aux pilotes d’autres compagnies aériennes au Canada et, forcément, l’impossibilité de déterminer l’« âge de la retraite en vigueur » des pilotes forcés à la retraite à un âge donné, conformément aux dispositions de l’alinéa. L’omission du Tribunal de le faire a rendu sa décision déraisonnable.
[30]
Même si cet argument n’a pas été présenté, il semble évident que les demandeurs prétendent que l’absence totale de pilotes de comparaison aux pilotes d’Air Canada rend la méthode statistique désuète. Les demandeurs n’ont cependant pas fait valoir que la désuétude constitue un facteur concurrent qui distingue l’affaire dont était saisi le TCDP de la jurisprudence de la Cour fédérale, ce qui permettrait d’éviter l’application du principe du stare decisis.
[31]
Le TCDP a d’ailleurs souligné que les demandeurs n’ont pas invoqué une dérogation au principe du stare decisis. Si cette question n’est pas soulevée, il est difficile de reprocher au Tribunal de ne pas l’avoir examinée. En outre, si l’on ne surmonte pas le premier obstacle présenté par l’application du principe du stare decisis, les autres arguments des demandeurs ne tiennent également plus.
[32]
La Cour répondra néanmoins à l’argument présumé des demandeurs quant à l’« application désuète »
fondé sur le principe selon lequel il n’existait pas de groupe de comparaison composé de pilotes, ce qui pourrait justifier une dérogation au principe du stare decisis. Toutefois, en toute déférence, on ne comprend pas trop quel changement occasionné par la disparition d’un groupe de comparaison composé de pilotes justifierait que le Tribunal n’emploie pas la méthode statistique approuvée dans Vilven CF. La Cour souscrit à la conclusion du Tribunal, exposée au paragraphe 33 de ses motifs, selon laquelle « [o]n ne saurait prétendre qu’il n’y avait plus de faits auxquels l’alinéa 15(1)c) pouvait s’appliquer. »
[33]
Dans les décisions antérieures où on a effectué l’analyse statistique, les causes ont finalement été tranchées au regard du nombre dominant de pilotes d’Air Canada dans le dénombrement total des emplois applicables, c’est-à-dire le groupe représentatif global d’employés occupant des emplois semblables. Leur nombre, combiné à un petit nombre de pilotes de comparaison qui ont pris leur retraite à l’âge de 60 ans, suffisait pour qu’on considère qu’il s’agissait de l’âge de la retraite en vigueur en vertu de la Loi. Rien n’a changé dans l’application d’une méthode fondée sur le dénombrement total des emplois applicables, à l’exception du fait que les membres du groupe de pilotes de comparaison ont diminué par rapport à ceux dans des affaires semblables antérieures.
[34]
La méthode qui s’applique à la mise en œuvre de la disposition n’est pas désuète si elle est fondée sur le dénombrement total des emplois applicables. La méthode continue d’être utilisée de la même façon que dans le passé, de sorte que le grand nombre de pilotes d’Air Canada a en fin de compte une incidence prépondérante sur l’âge de la retraite en vigueur pour tous les pilotes occupant des emplois semblables.
[35]
Cette conclusion est renforcée par le libellé de la disposition. Il ne donne pas entendre que des emplois de comparaison doivent exister pour différents employeurs afin que la disposition législative puisse s’appliquer. La disposition s’applique au niveau de l’individu. Il s’agirait de personnes qui bénéficieraient du même régime de retraite, c’est‑à‑dire des pilotes d’Air Canada. Tant que l’âge de retraire obligatoire d’un pilote individuel n’est pas inférieur à l’âge de la retraite en vigueur pour les autres pilotes individuels d’Air Canada, il n’y a aucune discrimination. Aucun employé d’Air Canada ne peut prétendre que son âge de la retraite est inférieur à l’âge de la retraite en vigueur pour tout autre pilote individuel et, par conséquent, qu’il est victime de discrimination.
[36]
En outre, dans Vilven CF, les demandeurs ont fait valoir un argument semblable : comme les chiffres d’Air Canada ont faussé la norme, il n’y avait aucun groupe de comparaison approprié. La Cour a décrit leur argument aux paragraphes 97 et 98, et les motifs pour lesquels elle le rejette aux paragraphes 171, 172 et 174 :
[97] Les demandeurs soutiennent en outre que, même si le groupe de comparaison devait être celui des [traduction] « pilotes canadiens détenant une licence de pilote de ligne », il serait quand même inopportun d’utiliser des informations statistiques sur l’âge de la retraite des pilotes de ligne canadiens. Cela est dû au fait qu’Air Canada occupe une position très dominante au sein de l’industrie canadienne du transport aérien. Vu la proportion élevée de pilotes canadiens qui sont au service d’Air Canada, cette dernière fixerait en pratique la norme appliquée au sein de l’industrie.
[98] Les demandeurs soutiennent que, dans ces circonstances, il n’existe pas en l’espèce de groupe de comparaison approprié. De ce fait, il ne peut pas y avoir d’« âge de la retraite en vigueur » pour les pilotes de ligne, et il s’ensuit que les défendeurs ne devraient pas pouvoir se prévaloir du moyen de défense que prévoit l’alinéa 15(1)c) de la Loi canadienne sur les droits de la personne.
[…]
[171] Je souscris aussi à l’observation du Tribunal selon laquelle l’utilisation de données canadiennes à des fins comparatives pose des problèmes. Citant la décision du Tribunal dans la décision Campbell, le Tribunal a fait remarquer qu’en raison de la position dominante d’Air Canada au sein de l’industrie canadienne du transport aérien, une comparaison des emplois de pilote au sein du Canada aurait pour résultat que ce serait Air Canada qui fixerait la norme applicable à l’industrie. Cela permettrait à cette société de déterminer en pratique l’« âge de la retraite en vigueur » pour l’application de l’alinéa 15(1)c) de la Loi.
[172] Ce que le Tribunal n’a pas mentionné, c’est que, dans l’affaire Campbell, le Tribunal a néanmoins décidé d’utiliser les données canadiennes disponibles, en notant que son inquiétude quant à l’effet de la situation dominante d’Air Canada dans l’industrie était quelque peu tempérée par le fait que l’âge de la retraite obligatoire avait été négocié entre Air Canada et le syndicat auquel appartenait M. Campbell. L’APAC fait valoir que c’est également le cas en l’espèce, et que l’âge de la retraite qui est en litige dans la présente affaire a été déterminé à la suite de négociations entre Air Canada et un syndicat très fort.
[…]
[174] Par conséquent, malgré les erreurs mentionnées précédemment, la conclusion du Tribunal selon laquelle 60 ans était l’âge de la retraite en vigueur pour le genre d’emploi qu’exerçaient MM. Vilven et Kelly avant qu’ils prennent leur retraite force d’Air Canada appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.
[37]
Par conséquent, il n’y a aucune raison de considérer que l’absence de pilotes de comparaison occupant des emplois semblables rendrait l’alinéa 15(1)c) désuet ou que le Tribunal n’était pas tenu d’appliquer la même méthode dans des circonstances comme celles de la présente affaire conformément au principe du stare decisis.
C.
Omission de fournir des facteurs ou un dossier factuel à l’appui d’une nouvelle interprétation de l’alinéa 15(1)c) qui étayeraient une méthode différente de l’approche statistique adoptée dans Vilven CF
[38]
La question préliminaire dont était saisi le TCDP était la suivante : « Quelle devrait être la méthode employée par le Tribunal pour établir l’“âge de la retraite en vigueur” […] »
[non souligné dans l’original]. Il s’agit d’une question de choix entre des méthodes qui seraient concurrentes. Les demandeurs n’ont présenté aucun argument raisonnable qui permettrait au Tribunal d’exercer son pouvoir discrétionnaire afin de choisir une méthode de rechange autre que celle utilisée dans des affaires semblables antérieures.
[39]
Aux paragraphes 32 et 54 de ses motifs, le Tribunal a souligné l’absence d’un dossier ou de facteurs qui aideraient à évaluer la pertinence d’une méthode de rechange :
[32] La faiblesse de l’argument de la coalition de plaignants tient au fait que le Tribunal ne dispose pas d’un dossier factuel. Pour que le Tribunal puisse tirer quelque conclusion que ce soit au sujet de l’âge de la retraite en vigueur pour une profession, il doit disposer de faits. Cette question très controversée n’en est pas une dont le Tribunal peut prendre « connaissance d’office » afin de tirer une conclusion en l’absence de faits. […]
[54] De la même façon, la coalition de plaignants n’a pas présenté au Tribunal de facteurs susceptibles de l’inciter à conclure qu’il y aurait lieu de déroger au principe du stare decisis […].
[Non souligné dans l’original.]
[40]
L’omission du Tribunal de suppléer aux arguments des demandeurs pour qu’il examine une autre méthode ne découle d’aucune entrave à la décision du TCDP, contrairement à ce qu’ont allégué les demandeurs. Ce sont ces derniers qui sont responsables de l’omission, qui n’ont présenté aucune preuve à l’appui de leur méthode, dans la mesure où ils n’ont présenté aucune méthode ni aucune observation permettant de comprendre ce qu’elle impliquerait.
[41]
Rien ne fonde non plus l’argument des demandeurs selon lequel il incombe aux défendeurs de présenter une défense contre l’accusation de discrimination à première vue. Les demandeurs semblent avoir avancé cet argument afin de justifier leur propre omission de fournir une preuve ou une description de leur méthode normative qui remplacerait le modèle statistique.
[42]
Le fardeau de la preuve n’incombait pas aux défendeurs en ce qui concerne la question centrale du choix entre des méthodes concurrentes. Il incombe à la partie qui présente un fait ou un argument juridique de l’établir. Les défendeurs pouvaient volontiers invoquer une méthode appliquée à trois reprises, et confirmée par les tribunaux. Le fardeau de la preuve concernant une méthode de rechange, y compris les facteurs et la nature des faits pertinents permettant d’établir la conformité de cette méthode à l’alinéa 15(1)a) en vue d’établir l’âge de la retraite en vigueur, incombait aux demandeurs. La position des défendeurs fondée sur la méthode statistique est connue et a été comprise comme étant celle qui est proposée pour déterminer l’âge de la retraite en vigueur. Les défendeurs ont établi ce qui pourrait être décrit comme une preuve à première vue, qui, sans réponse des demandeurs, lie le Tribunal et détermine l’issue de l’affaire.
[43]
Il ne suffit pas non plus de répondre que le Tribunal a reconnu que la situation factuelle serait celle où il n’y avait aucun groupe de comparaison composé de pilotes occupant des emplois semblables à ceux des demandeurs. Il incombait aux demandeurs de présenter des arguments à l’appui d’une méthode de rechange, et de décrire les facteurs et le type de faits qui seraient pertinents et conformes à une interprétation viable de l’alinéa 15(1)c) de la Loi. Sans ces renseignements, même présentés en tant qu’observations, le Tribunal était tenu de choisir la méthode statistique, à savoir la seule méthode qui lui a été présentée.
D.
La méthode empirique ou statistique pour établir l’« âge de la retraite en vigueur » est‑elle conforme à l’intention qu’avait le législateur lorsqu’il a adopté la disposition?
[44]
Les demandeurs font valoir que la méthode statistique est incompatible avec l’exigence de certitude et de protection contre l’arbitraire de la primauté du droit. Le TCDP n’a pas répondu à cet argument parce que son choix concernant la méthode privilégiée avait été déterminé par la Cour fédérale dans Vilven, décision qu’il était tenu de suivre conformément au principe du stare decisis. La Cour examinera néanmoins l’argument, qu’elle rejette pour les motifs qui suivent.
[45]
Les demandeurs invoquent trois arguments en vue de démontrer que la méthode statistique est nulle pour cause d’incertitude et d’arbitraire. Ils citent d’abord des extraits de Vilven CF, aux paragraphes 313 et suiv, qui étaient décisifs pour une situation où une unique compagnie aérienne qui, en raison du seul fait qu’elle était le transporteur dominant, devrait permettre de déterminer l’âge de la retraite en vigueur pour toute la profession dans l’industrie. Toutefois, ces commentaires ont été formulés dans le contexte du rejet par la Cour de la prétention selon laquelle l’alinéa 15(1)c) de la LCDP contrevenait au paragraphe 15(1) de la Charte canadienne des droits et libertés, partie 1 de la Loi constitutionnelle de 1982, soit l’annexe B de la Canada Act 1985 (R.‑U.), 1982, c 11, et non de la question de savoir si la disposition était incompatible avec l’intention du législateur. Par ailleurs, dans Vilven, la Cour fédérale était convaincue que la déformation de norme de l’âge de la retraite n’était pas incompatible avec l’intention qu’avait le législateur lorsqu’il a adopté l’alinéa 15(1)c) de la Loi, comme en témoignent les extraits cités ci‑dessus.
[46]
Ensuite, les demandeurs invoquent des éléments de preuve extrinsèques pour aider à interpréter l’intention du législateur. Le sous‑ministre adjoint (SMA), Politiques et planification du ministère de la Justice, a tenté de donner un sens à ce qui est manifestement une disposition ambiguë lorsqu’il s’est adressé au Comité permanent de la justice et des questions juridiques au moment de l’adoption de la disposition, désignée comme étant le paragraphe 14c) (Procès‑verbal et témoignages du Comité permanent de la Justice et des questions juridiques, 30e législature, 2e session, no 16 (10 mars 1977) à la p 21 (Barry Strayer)). Voici l’extrait sur lequel les demandeurs ont insisté :
Le paragraphe 14c) signifie qu’à partir du moment où quelqu’un est obligé de prendre sa retraite au même âge que tout le monde dans le secteur de sa profession, le fait d’exiger qu’il prenne effectivement sa retraite ne constitue pas un fait discriminatoire.
[47]
La Cour convient que la disposition vise à décrire une façon dont l’âge de la retraite dans une industrie peut être jugé discriminatoire. Toutefois, en toute déférence et en reconnaissant la nature prédictive de la déclaration, dans la mesure où la déclaration décrit une méthode en vertu de laquelle une décision est prise, j’estime qu’elle est erronée.
[48]
En premier lieu, il est évident que la disposition n’avait pour objet de déterminer les circonstances discriminatoires de la retraite en fonction de la question de savoir si les personnes étaient tenues de prendre leur retraite au même âge que toutes les autres personnes. Avec des âges de retraite différents dans une industrie, l’âge en vigueur doit être un seuil défini comme étant le seul âge permettant de décrire ceux qui sont en dessous de ce seuil comme des victimes d’un régime de retraite discriminatoire. En deuxième lieu, il n’est pas utile de décrire la catégorie relativement étroite de personnes occupant des emplois semblables comme étant celles qui sont le plus largement englobées par le groupe de personnes « dans le secteur de [leur] profession »
.
[49]
Les demandeurs se sont appuyés sur ces deux déclarations erronées pour étayer de façon surprenante leur propre méthode statistique qui permet d’interpréter la disposition. Ils ont fait valoir que l’ensemble des données devrait regrouper tous les membres de l’industrie aérienne assujettis à une retraite obligatoire. Ils soutiennent au paragraphe 44 de leurs observations que [traduction] « le recours à une analyse statistique du nombre relatif de personnes occupant un “emploi semblable au [leur]”, plutôt que “tout le monde dans le secteur de sa profession” (c’est‑à‑dire toutes les personnes à qui est imposée une retraite obligatoire), donne lieu à une incertitude fondamentale quant à la détermination de la portée de l’application de la disposition »
[soulignement omis et ajouté].
[50]
La Cour remarque, en analysant les observations des demandeurs, qu’ils ont changé le terme « applicabl[e] »
mentionné au paragraphe 169 de Vilven CF, qui faisait référence aux personnes occupant des emplois semblables, par « relatif »
– qui est inutile pour l’interprétation de l’alinéa 15(1)c) de la Loi. Plus important encore, les demandeurs remplacent les mots du SMA « tout le monde dans le secteur de sa profession »
, pour ceux occupant des emplois semblables. Il semblerait selon cette observation que l’obligation de déterminer quelles personnes occupent des emplois semblables amène de l’incertitude et de l’arbitraire dans la disposition, contrairement au fait de simplement prendre l’ensemble des données aux fins de l’analyse statistique de chaque pilote certifié assujetti à une retraite obligatoire. On ne sait pas trop pourquoi cette méthode serait préférable et aucune jurisprudence n’a été présentée pour aider la Cour à comprendre l’argument.
[51]
Fait important, les demandeurs ne tiennent pas compte de la conclusion contraignante formulée au paragraphe 169 de Vilven CF selon laquelle il convient de privilégier l’interprétation tenant compte des employés qui occupaient « le genre d’emploi »
qu’occupait un plaignant, car « il serait déraisonnable qu’une société aérienne de très petite taille soit évaluée sur le même pied qu’une société aérienne de grande taille comme Air Canada, afin de déterminer la norme applicable dans l’industrie »
. Au contraire, la Cour a déclaré au paragraphe 170 que « [c]e sont les pilotes au service d’entreprises de transport aérien international canadiennes, aux commandes d’aéronefs de tailles diverses se rendant à des destinations intérieures et internationales, en traversant l’espace aérien canadien et étranger, qui constituent le groupe de comparaison approprié »
.
[52]
En deuxième lieu, la Cour rejette également l’analogie de la circulation avancée par les demandeurs au paragraphe 48 de leurs observations pour démontrer que l’expression « en vigueur »
serait ambiguë pour une loi sur la circulation routière rendant les déplacements illégaux [traduction] « à une vitesse supérieure à la “vitesse en vigueur” pour les véhicules »
. Cet exemple ne tient pas compte du fait que les dispositions législatives doivent régir ou interdire toutes les formes de conduite. Cela exige un libellé différent, de la précision, afin de tenir compte de la nature du comportement auquel le législateur souhaitait que la disposition s’applique.
[53]
Le comportement interdit d’excès de vitesse vise à proscrire une forme unique de comportement qui nécessite une description étroite et stricte de l’interdiction. À l’inverse, l’alinéa 15(1)a) de la LCDP vise à fournir une norme juridique permettant de définir un comportement discriminatoire, qui est lui‑même une notion hétéroclite, qui s’applique à une grande diversité d’emplois et d’employeurs canadiens relevant de la compétence fédérale. L’argument des demandeurs, qui reviendrait à considérer la prévisibilité de [traduction] « la personne raisonnable »
comme norme pour reconnaître un comportement négligent, doit être rejeté en raison de l’incertitude que cette norme implique et de la primauté du droit, car elle doit s’appliquer de façon générale à toutes les formes de négligence humaine préjudiciable.
[54]
En troisième lieu, le fait que les normes juridiques peuvent varier en fonction des circonstances ou sont difficiles à appliquer ne signifie pas qu’elles ne correspondent pas à l’intention du législateur. Il s’agit essentiellement du dernier argument des demandeurs, à savoir que l’âge de la retraite en vigueur est, comme ils le décrivent au paragraphe 49 de leurs observations, [traduction] « assujetti aux vicissitudes du marché »
.
V.
Conclusion
[55]
La Cour conclut que la décision du TCDP est justifiable et justifiée sur la base d’une série d’analyses internes cohérentes et rationnelles, que l’issue de l’affaire est raisonnable et peut se justifier au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le Tribunal est assujetti, et que la décision possède toutes les caractéristiques d’une décision raisonnable : justification, transparence et intelligibilité. Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.
[56]
Toutes les parties ont demandé que les dépens soient adjugés à la suite de la décision de la Cour. La Cour adjuge les dépens aux défendeurs, en tenant pour acquis qu’il n’est pas manifeste qu’il soit nécessaire qu’ils présentent des observations distinctes.
[57]
Si les parties ne peuvent pas s’entendre, dans les 15 jours suivant le prononcé de la présente décision, sur les dépens que les demandeurs doivent verser aux défendeurs, ces derniers doivent présenter à la Cour, dans un délai maximum d’une semaine, des observations ne dépassant pas deux pages à l’appui d’une adjudication de dépens, et les demandeurs doivent y répondre dans un délai d’une semaine.
JUGEMENT dans le dossier T‑706‑20
LA COUR STATUE que :
La demande de contrôle judiciaire est rejetée.
Les dépens sont adjugés aux défendeurs, les montants restant à déterminer.
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Vide
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Traduction certifiée conforme
Sandra de Azevedo, LL.B.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
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T‑706‑20
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INTITULÉ :
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GARY NEDELEC et autres c ERIC WILLIAMS ROGERS et al
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LIEU DE L’AUDIENCE :
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OTTAWA (ONTARIO)
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DATE DE L’AUDIENCE :
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LE 19 JANVIER 2021
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JUGEMENT ET MOTIFS :
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L’HONORABLE JUGE ANNIS
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DATE DES MOTIFS :
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LE 2 MARS 2020
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COMPARUTIONS :
Me Raymond D. Hall
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POUR LES DEMANDEURS
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Me Christopher Roothman
Me Fred Headon
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POUR LES DÉFENDEURS
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Raymond D. Hall
Avocat
Richmond (C.‑B.)
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POUR LES DEMANDEURS
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Christopher Roothman
Nelligan O’Brien Payne LLP
Ottawa (Ontario)
Fred Headon
Avocat général adjoint
Centre Air Canada
Dorval (Québec)
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POUR LES DÉFENDEURS
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