Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20031218

Dossier : IMM-5313-02

Référence : 2003 CF 1498

Ottawa (Ontario), le 18 décembre 2003

En présence de Monsieur le juge James Russell

ENTRE :

                                                             MEHMET YILMAZ

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire à l'égard de la décision datée du 25 septembre 2002 (décision) par laquelle Kathleen Freeman, commissaire de la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (commissaire), a conclu que Mehmet Yilmaz (demandeur) n'était pas un réfugié au sens de la Convention. Le demandeur sollicite une ordonnance annulant la décision et renvoyant l'affaire à un tribunal différemment constitué pour que celui-ci statue à nouveau sur la demande.


FAITS À L'ORIGINE DU LITIGE

[2]                Aux fins de sa demande, le demandeur a soumis un formulaire de renseignements personnels (FRP) qu'il a plus tard modifié après avoir retenu les services d'un nouvel avocat. Dans son FRP révisé, il a indiqué qu'il craignait d'être persécuté en Turquie en raison de ses convictions religieuses et de ses opinions politiques du fait qu'il pratique la religion alevi et qu'il est gauchiste. Voici un résumé des arguments que le demandeur a invoqués dans son FRP.

[3]                Il a indiqué que ses parents pratiquaient la religion alevi et étaient gauchistes. Lorsqu'il était âgé de neuf ans, la famille a déménagé dans la région d'Izmit, occupée majoritairement par des alevis.

[4]                Il a également indiqué qu'en raison du fait que son entourage se composait surtout d'alevis et de gauchistes, les personnes qui y vivaient étaient constamment soumises à des fouilles et arrestations arbitraires. Même lorsqu'il était enfant, le demandeur a été arrêté et fouillé par la police. Son père a été détenu à plusieurs reprises et torturé.


[5]                Le demandeur fait valoir que les membres de sa famille et lui-même ont également eu des démêlés avec des groupes religieux. Ainsi, des intégristes ont déjà mis le feu à son véhicule. À une autre occasion, sa famille et lui-même ont été empêchés de manger dans un restaurant. À l'école, le demandeur était rejeté par les autres enfants. Les enseignants disaient aussi que les alevis étaient des pécheurs et des infidèles et obligeaient le demandeur à pratiquer la religion comme un « véritable musulman » .

[6]                Le demandeur a ajouté qu'il avait fait l'objet de discrimination au travail et qu'il a été congédié à plusieurs reprises lorsque ses employeurs ont découvert qu'il était alevi.

[7]                Il a précisé qu'après ses études, il est devenu actif au sein du centre culturel Cem (CED-DER) d'Izmit, dont il est resté membre jusqu'à ce qu'il quitte la Turquie. Même après s'être installé à Ankara, il revenait plusieurs fois par année à Izmit pour assister ou participer à des activités de groupe. Le centre culturel était vulnérable, notamment face aux intégristes, et a été vandalisé à plusieurs occasions. La police ne faisait rien pour lui venir en aide. De plus, le demandeur a été harcelé à plusieurs reprises. À une occasion, alors qu'il se trouvait dans un café au cours des prières du vendredi, un groupe d'intégristes l'ont attaqué. Les policiers qui se trouvaient tout près de là ne sont pas intervenus. Au cours de la même année, son épouse a été attaquée par deux fanatiques parce qu'elle ne portait pas de fichu.

[8]                Le CED-DER poursuivait des activités culturelles, religieuses et politiques. L'organisation publiait également un communiqué de presse lorsqu'un événement important se produisait en Turquie. Les membres du CED-DER appuyaient les « Rassemblements des mères » , qui réunissaient des parents de disparus.

[9]                Entre 1987 et 1996, le demandeur a rendu visite à plusieurs reprises à des amis et d'autres membres du CED-DER qui étaient incarcérés en raison de leurs activités politiques. Ces visites l'ont incité à craindre que quelque chose ne lui arrive. Il a également participé aux Rassemblements des mères et voté pour des partis gauchistes.

[10]            Au début de janvier 2001, le demandeur s'est rendu au Square Taksim, à Istanbul, afin d'appuyer un Rassemblement des mères. Le président du CED-DER et bon nombre des membres du centre s'y trouvaient également. Cependant, les mères n'y étaient pas à cette occasion. Le CED-DER a appris qu'elles avaient été sérieusement harcelées par la police la semaine précédente et qu'elles avaient peur de venir. Le président a commencé à lire une déclaration visant à critiquer les prisons de type F et le traitement réservé aux prisonniers. Les policiers ont fait irruption sur les lieux et ont arrêté le demandeur et d'autres personnes, les accusant d'avoir organisé une manifestation non autorisée. Le demandeur a été incarcéré dans une cellule de sous-sol et détenu pendant deux jours au cours desquels il a été régulièrement battu. Un fusil a été placé sur sa tempe et il a reçu des menaces de mort.

[11]            Deux jours plus tard, le demandeur et ses collègues ont été relâchés. Après avoir reçu un sermon et des menaces, ils ont été ramenés dans la ville. Par la suite, le demandeur a reçu des menaces de mort par téléphone au motif qu'il était kafir et gauchiste.

[12]            Le demandeur a finalement décidé de s'enfuir et a quitté le pays le 4 février 2001. Après avoir obtenu de faux documents, il est monté à bord d'un navire en partance pour les États-Unis, où il est arrivé le 25 février 2001. Il n'a pas demandé l'asile aux États-Unis, parce qu'il n'a aucun parent là-bas et s'est rendu immédiatement à Niagara Falls, où il est arrivé le 28 février 2001. Il a soutenu qu'il avait un frère au Canada.

[13]            Après que le demandeur ait quitté la Turquie, son épouse a continué à recevoir des appels de menaces et a donc quitté Ankara pour aller habiter avec ses parents à Adapazari.

DÉCISION SOUS EXAMEN

[14]            La commissaire a indiqué que la question déterminante était celle de la crédibilité et s'est attardée à différents aspects problématiques de l'exposé circonstancié du demandeur ainsi qu'au bien-fondé de la demande d'asile de celui-ci. Étant donné que les répercussions cumulatives des problèmes liés à l'exposé circonstancié du demandeur représentaient un aspect important de la décision, il est nécessaire d'exposer en détail les préoccupations de la commissaire et la façon dont elle a interprété le témoignage du demandeur.

Les embellissements contenus dans le second FRP


[15]            La commissaire a conclu que l'exposé circonstancié du demandeur était truffé de contradictions, d'incohérences et d'embellissements qui réfutaient la présomption de véracité de ses allégations. Elle a souligné que l'exposé initial qu'avait présenté le premier conseil du demandeur a été révisé par le nouveau conseil de celui-ci. De l'avis de la commissaire, le FRP révisé ne renfermait pas de contradictions ou d'incohérences manifestes, mais certaines parties avaient été enjolivées.

[16]            À l'audience, la commissaire a demandé au conseil du demandeur pourquoi l'exposé circonstancié du FRP avait été révisé en profondeur. Le conseil a répondu qu'il n'était pas le premier avocat au dossier, que c'est celui-ci qui avait préparé l'exposé et que, lorsqu'il a interrogé le demandeur, il a appris d'autres détails qui étaient importants et qu'il a ajoutés au FRP. De plus, le demandeur a précisé qu'il ne s'entendait pas avec le premier interprète et qu'il a signé le premier FRP et confirmé l'exactitude de l'information qui s'y trouvait sans que le texte lui soit traduit en turc au préalable.

[17]            La commissaire n'a pas accepté cette explication. Elle a conclu que le demandeur était représenté par un conseil d'expérience et que lui-même et l'interprète avaient tous deux signé le FRP et déclaré que le contenu était exact. Elle a donc statué que le demandeur avait enjolivé certaines parties de son FRP simplement pour aider sa cause et que les renseignements supplémentaires n'étaient pas tous véridiques.

Contradictions entre les deux FRP


[18]            La commissaire a décidé que certaines contradictions et incohérences entre le premier FRP et le FRP révisé menaient à la conclusion que le demandeur n'était pas crédible. Dans la version révisée de son FRP, le demandeur a modifié sa description de l'itinéraire qu'il a emprunté pour venir au Canada. Dans son FRP initial, il a déclaré qu'il avait quitté la Turquie le 4 février 2001, qu'il avait fait le voyage entre la Turquie et les États-Unis en avion, qu'il était arrivé aux États-Unis le jour même et qu'il est arrivé au Canada le 28 février 2001. Dans son FRP révisé, il a déclaré qu'il avait quitté la Turquie le 4 février 2001 et qu'il s'était rendu aux États-Unis en bateau et qu'il était arrivé au pays le 25 février 2001. La commissaire a refusé de croire que cette erreur pouvait être attribuable à des problèmes d'interprétation ou à des troubles de mémoire.

Contradictions entre les FRP et le témoignage en ce qui a trait à l'existence d'un frère au Canada

[19]            La commissaire a souligné que, dans les exposés circonstanciés de ses deux FRP, le demandeur a déclaré qu'il avait un frère au Canada, alors qu'il a affirmé au cours de son témoignage que tel n'était pas le cas. De l'avis de la commissaire, il s'agissait là d'une contradiction qui, examinée avec d'autres préoccupations, affaiblissait sérieusement la crédibilité générale du demandeur.

Contradictions entre les FRP et le témoignage du demandeur quant au déménagement de son épouse à Adapazari


[20]            La commissaire a souligné qu'au paragraphe 13.1 de l'exposé circonstancié modifié, le demandeur avait déclaré [traduction] « après quelques mois, elle [son épouse] avait trop peur pour demeurer à Ankara. Pour cette raison, elle est allée habiter chez ses parents avec nos filles à Adapazari » . Cependant, à l'audience, le demandeur a déclaré que, même s'il avait travaillé à Ankara, sa maison se trouvait à Adapazari, à trois heures de voiture, et que sa famille avait toujours habité là-bas. Lorsqu'il a été interrogé au sujet de cette incohérence, il a expliqué que l'interprète avait mal compris ce qu'il avait dit.

Contradictions entre les FRP et le témoignage - effet cumulatif

[21]            La commissaire a pris note de l'argument du conseil du demandeur selon lequel, même si le témoignage de celui-ci comportait un certain nombre d'incohérences, aucune d'elles n'était importante aux fins de la demande d'asile. La commissaire a conclu que les incohérences pouvaient sembler peu importantes, lorsqu'elles étaient prises individuellement, mais pouvaient permettre de tirer une conclusion défavorable au sujet de la crédibilité lorsqu'elles étaient examinées ensemble.

Rassemblement des mères


[22]            La commissaire n'a pas accepté l'explication du demandeur au sujet de l'événement qui l'aurait amené à fuir la Turquie. Le demandeur a déclaré que, le 6 janvier 2001, il s'est rendu au Square Taksim avec d'autres membres du CED-DER afin d'appuyer un Rassemblement des mères, mais qu'il a trouvé l'endroit presque désert. Le demandeur a expliqué que plusieurs des femmes avaient été fortement harcelées par la police au cours de la semaine précédente et qu'elles étaient trop effrayées pour participer à la manifestation. La commissaire n'a pas accepté cette explication; à son avis, le Rassemblement des mères manifestait activement depuis cinq ans et savait qu'il prenait un risque; il était donc peu probable que ce groupe ait été harcelé fortement par la police alors qu'il avait réussi à attirer l'attention des médias à l'étranger et que son objectif était de faire pression sur le gouvernement turc afin qu'il entreprenne une réforme en profondeur de sa politique sur les droits de la personne. C'est pourquoi la commissaire n'a tout simplement pas cru que le demandeur avait assisté à une manifestation du Rassemblement des mères le 6 janvier 2001.

Version enjolivée au sujet de la couverture par les médias

[23]            La commissaire a conclu que le demandeur avait enjolivé sa version au sujet de la couverture que les médias ont consacrée à l'incident du Rassemblement des mères. Le demandeur a fait valoir qu'Istanbul avait autorisé le président du groupe à diffuser une annonce et que la presse avait été informée. Il a dit que des représentants des journaux d'Adapazari avaient assisté à la manifestation et pris des photos de leur arrestation. Un article a été publié dans le journal d'un ami du demandeur. La commissaire n'a pas jugé crédible que le demandeur n'aurait pas tenté d'obtenir une copie de l'article; pour ce motif, elle a conclu que l'article n'a pas été écrit.

Autres incohérences


[24]            La commissaire a souligné que le demandeur a indiqué, dans son FRP modifié, qu'il avait cessé de travailler dans son lieu de travail en janvier 2001 alors que, selon son FRP initial et son témoignage, il avait cessé de travailler peut-être au début de 2001 ou à la fin de 2000. De plus, le demandeur a déclaré qu'il avait été incarcéré le 5 ou 6 janvier 2001. La commissaire était d'avis que le demandeur aurait dû se souvenir s'il avait encore ou non un emploi au moment où il a été incarcéré et que, pour cette raison, il n'était pas crédible.

Bien-fondé de la demande d'asile - absence de risque de persécution

[25]            La commissaire a conclu à l'absence d'éléments de preuve indiquant que les alevis sont persécutés en Turquie en raison de leurs croyances religieuses. Elle a également statué que les activités que le demandeur poursuivait au sein du CED-DER ne constituaient pas des activités qui auraient pu lui donner un profil politique. La commissaire n'a pas cru que le demandeur avait été détenu pendant deux jours; elle a dit que, même si c'était vrai, il n'avait pas un profil politique susceptible de susciter l'intérêt de la police. Selon la commissaire, la preuve documentaire indiquait que les alevis ne font pas l'objet de persécution, mais que ceux qui critiquaient ouvertement l'autorité, qui ont l'air communistes ou qui sont des étudiants activistes pouvaient s'attendre à être traités plus brutalement par les autorités. La commissaire a conclu que le demandeur n'était ni un étudiant ni un activiste, qu'il n'avait pas de profil politique et qu'il ne serait pas exposé à une possibilité sérieuse de persécution s'il retournait en Turquie.

Bien-fondé de la demande d'asile - appels de menaces


[26]            La commissaire a relevé des incohérences dans le témoignage du demandeur en ce qui a trait aux appels de menaces. Au cours de son témoignage, le demandeur a dit qu'il avait décidé de quitter la Turquie après avoir reçu des menaces par téléphone. Il a mentionné que, dès qu'il a été libéré, il est retourné à son domicile, à Adapazari et y est resté une nuit ou deux; il s'est ensuite rendu à Istanbul, où il est demeuré trois semaines, puis il est venu en Amérique du Nord. La commissaire a statué que ce témoignage allait à l'encontre du FRP, selon lequel une semaine après avoir été libéré, le demandeur a reçu des menaces par téléphone à la maison et au travail.

Bien-fondé de la demande d'asile - rapport psychologique, danger en cas d'expulsion

[27]            La commissaire a rejeté l'évaluation psychologique consécutive à l'audience que le demandeur a fournie et selon laquelle il souffrait du syndrome de stress post-traumatique. Elle estimait que, étant donné qu'elle avait déjà rejeté les faits à l'appui du rapport d'évaluation en question, elle ne pouvait accorder aucune importance à celui-ci dans sa décision. La commissaire a également rejeté la possibilité que le demandeur soit exposé à un danger s'il était expulsé en Turquie.

QUESTIONS EN LITIGE

[28]            Le demandeur soulève les questions suivantes :

La commissaire a-t-elle commis une erreur en tirant des conclusions déraisonnables au sujet de la crédibilité et de la vraisemblance de la preuve du demandeur?

La commissaire a-t-elle ignoré ou mal interprété la preuve?


ANALYSE

Quelle est la norme de contrôle applicable à la décision de la commissaire?

[29]            La norme de contrôle applicable aux conclusions de la Section du statut de réfugié au sujet de la crédibilité est bien reconnue et a été décrite dans Aguebor c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] A.C.F. n ° 732 (C.A.F.) :

4.      Il ne fait pas de doute que le tribunal spécialisé qu'est la section du statut de réfugié a pleine compétence pour apprécier la plausibilité d'un témoignage. Qui, en effet, mieux que lui, est en mesure de jauger la crédibilité d'un récit et de tirer les inférences qui s'imposent? Dans la mesure où les inférences que le tribunal tire ne sont pas déraisonnables au point d'attirer notre intervention, ses conclusions sont à l'abri du contrôle judiciaire...

[30]            La Cour ne devrait pas chercher à apprécier à nouveau la preuve dont la Commission était saisie simplement parce qu'elle aurait tiré une conclusion différente. Tant et aussi longtemps qu'il existe des éléments de preuve appuyant la conclusion de la Commission au sujet de la crédibilité et qu'aucune erreur manifeste n'a été commise, la décision ne devrait pas être modifiée.

La commissaire a-t-elle commis une erreur en tirant des conclusions déraisonnables au sujet de la crédibilité et de la vraisemblance de la preuve du demandeur?

Les embellissements contenus dans le second FRP


[31]            La commissaire a expliqué dans ses motifs que, lorsque le demandeur s'est fait demander pourquoi des changements majeurs avaient été apportés à son FRP, il a répondu qu'il ne s'entendait pas avec l'interprète qui avait préparé le premier FRP et qu'il avait signé celui-ci et confirmé l'exactitude de l'information s'y trouvant sans que le contenu lui soit traduit en turc au préalable. La commissaire a rejeté cette explication au motif que le demandeur était représenté par un conseil d'expérience et que tant lui-même que l'interprète avaient signé le FRP.

[32]            Le demandeur soutient que ce raisonnement est manifestement déraisonnable. Selon lui, l'expérience de son conseil n'a rien à avoir avec la question de savoir si le traducteur a traduit correctement les renseignements qu'il lui a fournis. Le conseil ne parlait pas le turc et ne savait l'écrire non plus. Le demandeur ajoute que le fait d'avoir signé le FRP ne rend pas invraisemblable son témoignage selon lequel il n'a pas eu la possibilité de vérifier la traduction.

[33]            Le demandeur cite Veres c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2001] 2 C.F. 124, où le juge Pelletier a formulé les remarques suivantes :

11.       ... Il relève du mandat de la SSR de refuser de croire l'explication de M. Veres quant à l'absence de copies de documents importants. Il ne relève pas de son mandat de ne tenir aucun compte d'une explication raisonnable et de considérer la preuve comme si l'explication n'avait jamais été donnée. Voir Chehar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1997] A.C.F. no 1379 (1re inst.) (QL); Owusu-Ansah c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1989), 8 Imm. L.R. (2d) 106 (C.A.F.).


[34]            Dans la présente affaire, je suis d'avis que la commissaire n'a pas ignoré l'explication du demandeur, mais qu'elle a plutôt choisi de ne pas y croire. Le demandeur fait valoir que l'allusion de la commissaire au fait qu'il était représenté par un conseil d'expérience ne répond pas à son allégation selon laquelle il ne s'entendait pas avec le traducteur, ce qui selon lui représente le véritable problème. Le demandeur ajoute que son avocat à l'époque ne parlait pas le turc. Il appartient au demandeur de s'assurer que toute déclaration qu'il signe est exacte. Le fait que le demandeur était représenté à l'époque par un avocat d'expérience signifie qu'il pouvait obtenir des conseils appropriés au sujet de sa responsabilité et des conséquences pouvant découler de la signature d'un document qui ne lui avait pas d'abord été traduit en turc. Il aurait très bien pu soulever les préoccupations qu'il avait au sujet de la démarche auprès de son conseil et c'est ce qu'il aurait dû faire à l'époque. Il est trop facile de rejeter après coup la faute sur l'interprète.

[35]            La commissaire n'a commis aucune erreur susceptible de révision en s'interrogeant sur les embellissements apportés au second FRP et en décidant que le demandeur n'avait pas expliqué de façon satisfaisante les raisons pour lesquelles il avait signé l'original.

Contradictions entre les deux FRP

[36]            Le demandeur soutient qu'après avoir souligné qu'il n'y avait aucune contradiction majeure entre le FRP initial et le nouveau, la commissaire a ensuite conclu que les incohérences avaient pour effet de détruire la crédibilité du demandeur. Plus précisément, la commissaire ne pouvait accepter que les versions différentes concernant l'itinéraire que le demandeur a emprunté pour venir au Canada pouvaient être imputables à des problèmes d'interprétation ou à des troubles de mémoire.

[37]            Selon le demandeur, il est tout à fait possible que les incohérences aient été causées par des problèmes de traduction. Il n'a pas eu la possibilité de revoir le premier FRP parce que le traducteur ne lui a pas traduit le document dans sa langue. Le demandeur soutient que les erreurs que comportait le premier FRP n'ont pu être décelées ou comprises que plus tard, lorsqu'il a retenu les services d'un nouvel avocat.


[38]            Sous réserve des remarques que je formulerai plus tard sur l'état psychologique du demandeur, il est difficile de critiquer l'évaluation que la commissaire a faite de ce large écart entre les deux comptes rendus que le demandeur a donnés au sujet de cet itinéraire. Même s'il est possible d'imputer cet écart en soi à une erreur de traduction, il ne peut que miner sérieusement la crédibilité du demandeur lorsqu'il est examiné avec d'autres incohérences. Il n'est pas logique d'attribuer à des troubles de mémoire la différence entre un voyage en avion à la fin de février et un voyage de trois semaines en bateau qui a commencé au début de février. À mon avis, la commissaire n'a pas commis d'erreur lorsqu'elle a statué que cette incompatibilité entre le FRP original et le nouveau menait à la conclusion que le demandeur n'était pas crédible lorsqu'elle était examinée de concert avec d'autres contradictions et incohérences.

Contradictions entre les FRP et le témoignage - existence d'un frère au Canada

[39]            La commissaire a souligné que, dans les deux exposés circonstanciés, le demandeur a déclaré qu'il avait un frère au Canada, alors qu'il a dit au cours de son témoignage qu'il n'en avait pas. Le demandeur soutient qu'il s'agit là de la seule contradiction non expliquée de l'ensemble de la demande d'asile et que, étant donné qu'il n'est pas pertinent de savoir si le demandeur a un frère au Canada, cette contradiction en soi ne peut raisonnablement mener à la conclusion qu'il n'était pas crédible.

[40]            Je conviens que cette contradiction à elle seule ne permet peut-être pas raisonnablement de conclure que le demandeur n'était pas crédible. Toutefois, ajoutée à d'autres contradictions et incohérences, cette incompatibilité entre les FRP initial et révisé et le témoignage du demandeur constituait une partie du fondement à l'appui d'une conclusion négative au sujet de la crédibilité et, à mon sens, la commissaire n'a pas commis d'erreur sur ce point.

Contradictions entre les FRP et le témoignage - déménagement de l'épouse à Adapazari

[41]            Dans son second FRP, le demandeur a déclaré que son épouse avait quitté Ankara pour aller vivre avec ses parents à Adapazari. Cependant, lorsqu'il a témoigné, le demandeur a dit qu'il avait toujours vécu à Adapazari. Lorsqu'il s'est fait demander d'expliquer cette incohérence, le demandeur a dit que l'interprète avait fait une erreur.

[42]            Le demandeur soutient qu'il est tout à fait plausible que l'interprète ait commis une erreur. Selon lui, comme il l'a expliqué au cours de son témoignage, il travaillait à Ankara et y restait souvent plusieurs jours la semaine avant de retourner à son domicile à Adapazari, ce qui pouvait entraîner une certaine confusion quant à son lieu de résidence réel. Le demandeur ajoute que la question de savoir si son épouse est partie de son domicile à Ankara pour aller vivre avec ses parents est une question accessoire et n'aurait pas dû être utilisée pour ternir sa crédibilité.


[43]            Ce compte rendu embrouillé pourrait être imputable à une erreur d'interprète, et je conviens qu'il est accessoire à la demande d'asile du demandeur. Cependant, encore là, il représente l'une des nombreuses incohérences que la commissaire a soulignées et fait simplement partie des effets cumulatifs qui ont incité celle-ci à rendre une décision défavorable au demandeur pour des raisons liées à la crédibilité. À mon avis, la commissaire n'a pas accordé trop d'importance à cette différence pour en arriver à la conclusion que le demandeur n'était pas crédible.

Contradictions entre les FRP et le témoignage - effet cumulatif

[44]            Le demandeur soutient que la commissaire n'a pas tenu compte des arguments du conseil à l'audience selon lesquels les incohérences touchant son témoignage n'étaient pas pertinentes quant à sa demande d'asile. De l'avis du demandeur, étant donné qu'examinées séparément, ces constatations étaient mineures ou accessoires, elles ne peuvent raisonnablement mener à une conclusion négative quant à la crédibilité lorsqu'elles sont examinées ensemble.

[45]            Je ne suis pas d'accord avec le demandeur sur ce point. Il n'y a pas lieu de dire que les constatations sur lesquelles la commissaire s'est fondée étaient déraisonnables ou mineures en soi. Par suite du jugement qu'a rendu la Cour d'appel fédérale dans Dan-Ash c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1988), 93 N.R. 33, il existe une tendance jurisprudentielle bien établie qui appuie les conclusions de la commissaire en ce qui a trait à l'effet cumulatif des nombreuses incohérences relevées.


[46]            Dans l'affaire Dan-Ash, précitée, le ministre voulait faire réviser et annuler une décision par laquelle la Commission d'appel de l'immigration avait statué que le défendeur était un réfugié au sens de la Convention en se fondant principalement sur sa conclusion selon laquelle, malgré les [traduction] « nombreuses contradictions » de son témoignage, le demandeur était un témoin crédible. S'exprimant au nom de la Cour d'appel fédérale, le juge Hugessen a formulé les remarques suivantes :

L'avocat de l'intimé a habilement tenté de nous persuader que cette erreur de la Commission était sans conséquence. L'intimé a catégoriquement nié avoir fait prendre ses empreintes digitales en Allemagne, ou s'être d'ailleurs déjà rendu dans ce pays (dossier d'appel, pages 422 et 423). Puisque la Commission avait jugé le témoin digne de foi malgré ses « nombreuses contradictions » , quelle différence une ou deux contradictions de plus pouvait-elle faire? Quoiqu'astucieux, cet argument n'est pas acceptable. À moins que l'on ne soit prêt à considérer comme possible (et à accepter) que la Commission a fait preuve d'une crédulité sans bornes, il doit exister une limite au-delà de laquelle les contradictions d'un témoin amèneront le juge des faits le plus généreux à rejeter son témoignage. Il nous est tout simplement impossible de dire que cette limite n'aurait pas été atteinte en l'espèce si la Commission avait correctement

appliqué le droit. Dans ces conditions, la décision ne peut être maintenue.

[47]            Des commentaires utiles au sujet des contradictions et invraisemblances cumulatives sont également formulés dans Gregory c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] A.C.F. n ° 606 (C.F. 1re inst.), où le juge suppléant Heald s'est exprimé comme suit :

La crédibilité

5.              La Commission a tiré plusieurs conclusions défavorables quant à la crédibilité du témoignage de la requérante. Les invraisemblances dans le récit de la requérante l'ont motivée pour certaines de ses conclusions tandis que, pour d'autres, ce furent les contradictions entre le FRP de la requérante et son témoignage. Pour ce qui est des « invraisemblances » relevées par la Commission, j'ai conclu que, pour la majorité d'entre elles, la Commission a eu raison dans ce dossier. Par contre, je ne puis accepter la conclusion de la Commission lorsqu'elle qualifie d'invraisemblable le témoignage de la requérante suivant lequel les LTTE « permettent aux gens de fuir vers le sud par des chemins d'évasion » ou « ne peuvent empêcher la corruption de leurs officiers » . À mon avis, cette conclusion n'est qu'une supposition. De plus, elle est manifestement fausse. Il n'est vraiment pas raisonnable de présumer sans preuve à l'appui que le régime au pouvoir d'un pays est omnipotent ou omniprésent et qu'il permet aux gens de s'enfuir. À l'exception de ce qui vient d'être dit, j'ai conclu que, pour l'ensemble du dossier, la Commission pouvait raisonnablement tirer ces conclusions quant à la crédibilité. Étant donné qu'à elle seule cette erreur ne remet pas en cause la décision, l'intervention de la Cour n'est pas justifiée. [Comparer avec Miranda c. Canada (M.E.I.) (1993), 63 F.T.R. 81 (C.F. 1re inst.)].

...

Certification


9.              L'avocat de la requérante propose que les quatre questions suivantes soient certifiées en vertu de l'article 83 de la Loi sur l'immigration :

1. Si le tribunal doute de la crédibilité d'un demandeur à cause de certaines questions qui ne se rapportent pas au fond de la revendication, ce doute peut-il justifier son refus sur le fond?

...

10.            Je suis d'accord avec l'avocat de l'intimé. La jurisprudence existante répond à la première question. [Voir Hilo c. Canada ( M.E.I.) (1991), 15 Imm. L.R. (2e) 199, voir aussi Dan-Ash c. M.E.I. (1988), 93 N.R. p. 33 à 35].

[48]            Ces observations sont particulièrement utiles lors de l'examen de la façon dont la commissaire en l'espèce a interprété le compte rendu du demandeur au sujet de sa participation au Rassemblement des mères au Square Taksim.

Rassemblement des mères


[49]            La commissaire a déclaré qu'elle n'acceptait pas la description que le demandeur a donnée de l'événement qui l'aurait amené à fuir la Turquie. Le demandeur a déclaré que, le 6 janvier 2001, il s'est rendu au Square Taksim avec d'autres membres du CED-DER afin d'appuyer le Rassemblement des mères, mais a trouvé l'endroit presque désert. Il a expliqué que, étant donné que plusieurs des femmes avaient été fortement harcelées par la police au cours de la semaine précédente, le groupe était trop effrayé pour participer à la manifestation. La commissaire n'a pas accepté cette déclaration, parce que ce groupe manifestait activement depuis cinq ans et savait qu'il prenait un risque; de plus, il était peu probable qu'un groupe semblable ait été fortement harcelé par la police alors qu'il avait réussi à attirer l'attention des médias à l'étranger et que son objectif était de faire pression sur le gouvernement turc afin qu'il entreprenne une réforme en profondeur de sa politique sur les droits de la personne.

[50]            Le demandeur fait valoir qu'il est tout à fait plausible que les mères soient fortement harcelées par les autorités turques et qu'elles soient tenues de suspendre à l'occasion leurs activités. Le demandeur ajoute que la commissaire n'a invoqué aucun élément de preuve documentaire remontant à la période de l'incident pour réfuter le compte rendu qu'il a donné des événements.

[51]            Je conviens avec le demandeur que la commissaire a tiré très rapidement un certain nombre de conclusions malheureuses sur cette question :

Le tribunal ne croit pas que : 1) les manifestants qui avaient pour objectif de confronter les autorités et qui se réunissaient depuis les cinq dernières années auraient été intimidés par les autorités au point de mettre fin à leurs activités et que 2) les policiers auraient « harcelé fortement » « plusieurs des femmes » alors qu'elles faisaient partie d'un groupe de manifestants non violents qui avaient attiré l'attention des médias étrangers. Pour ces motifs, le tribunal ne croit pas que le demandeur d'asile a participé à une manifestation en appui au « Rassemblement des mères » le 6 janvier 2001.


[52]            Il n'y a aucune raison pour laquelle la police n'aurait pu harceler les membres d'un groupe de manifestants non violents qui protestent en réalité contre la disparition des parents qu'ils ont perdus. Si la commissaire a pensé que l'attention accordée par les médias étrangers protégerait d'une certaine façon les manifestantes d'une conduite policière abusive, elle aurait dû citer des articles précis et d'autres éléments de preuve pour confirmer cette théorie. Comme dans l'affaire Gregory, précitée, j'estime que les conclusions de la commissaire sur cette question sont manifestement déraisonnables mais que, lorsqu'elles sont examinées dans le contexte de l'ensemble de la décision et de la conclusion générale qu'elle a tirée au sujet de la crédibilité, elles ne justifieraient pas à elles seules l'intervention de la Cour.

Version enjolivée en ce qui a trait à la couverture par les médias

[53]            La commissaire a conclu que le demandeur avait enjolivé sa version concernant la couverture que les médias ont consacrée à l'incident au cours duquel il a été arrêté en compagnie d'autres membres du CED-DER lorsque leur chef a commencé à prononcer une allocution. La commissaire a statué que le demandeur aurait dû se procurer une copie de l'article qui, selon lui, avait été rédigé au sujet de l'incident et que l'omission de sa part de le faire signifiait que l'article n'avait pas été écrit. Le demandeur répond qu'il ne pouvait raisonnablement prévoir, avant de quitter la Turquie, le type de preuve dont il aurait besoin à l'audition de sa demande d'asile au Canada. De plus, après son départ, il n'était pas raisonnablement en mesure d'obtenir un article rédigé par un petit journal de sa ville natale et imprimé plusieurs mois auparavant. Le demandeur soutient qu'il était manifestement déraisonnable de la part de la commissaire de conclure qu'il aurait dû obtenir une copie de l'article afin d'en prouver l'existence.


[54]            Comme le ministre le soutient, la décision d'un commissaire qui a tiré ses conclusions après avoir siégé à une audience appelle une très grande retenue (Grewal c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] A.C.F. n ° 1363 (C.F. 1re inst.)). La commissaire a statué que, lorsqu'elle était examinée de concert avec de nombreuses autres incohérences, cette lacune démontrait un manque de crédibilité de la part du demandeur. Il n'est manifestement pas raisonnable de s'attendre à ce qu'un demandeur d'asile qui provient d'un pays déchiré par la guerre arrive au Canada avec tous les documents nécessaires pour confirmer chaque aspect de sa demande. Cependant, comme la commissaire l'a indiqué, l'incident décrit dans l'article de journal était l'événement qui a précipité le départ du demandeur de la Turquie. C'est pourquoi elle estimait qu'il aurait dû obtenir une sorte de document établissant l'incident qui a mené à son arrestation et à sa détention, étant donné, surtout, qu'il connaissait le propriétaire du journal en question. Même si la commissaire semble en demander beaucoup au demandeur à cet égard, compte tenu de l'ensemble de la décision et du fait qu'elle a observé le demandeur pendant qu'il témoignait, je ne puis statuer que les conclusions qu'elle a tirées étaient manifestement déraisonnables ou justifient une intervention judiciaire sur ce point.

Autres incohérences

[55]            La commissaire a conclu qu'il était impossible de croire que le demandeur ne se souvenait pas s'il avait encore un emploi au moment où il a été incarcéré. Le demandeur soutient que les différences de dates sur cette question sont tellement mineures qu'elles sont négligeables. Selon lui, les gens n'ont pas l'habitude de mémoriser la date exacte des événements qui les touchent, si importants qu'ils soient.

[56]            Encore là, les incohérences touchant les dates ont mené, de concert avec d'autres incohérences, à la conclusion selon laquelle le demandeur n'était pas crédible. Cette conclusion n'était pas manifestement déraisonnable et ne justifie pas l'intervention de la Cour.


Bien-fondé de la demande d'asile - absence de risque de persécution

[57]            En plus des conclusions qu'elle a tirées au sujet de la crédibilité, la commissaire a statué qu'il n'y avait aucun élément de preuve indiquant que les alevis sont persécutés en raison de leurs croyances religieuses. Elle a également décidé que les activités du demandeur au sein du CED-DER ne constituaient pas des activités qui auraient pu lui donner un profil politique. Elle n'a pas cru que le demandeur avait été détenu pendant deux jours et a dit que, même si c'était vrai, il n'avait pas un profil politique susceptible de susciter l'intérêt de la police. Elle a conclu que la preuve documentaire indiquait que les alevis ne sont pas persécutés, mais que ceux qui critiquent l'autorité ou qui sont des socialistes ou des étudiants activistes peuvent s'attendre à être traités plus « brutalement » par les autorités. Elle a également statué que le demandeur n'était pas un étudiant ni un activiste, qu'il n'avait pas de profil politique et qu'il ne serait donc pas exposé à une possibilité sérieuse de persécution s'il retournait en Turquie.


[58]            Selon le demandeur, la commissaire avait devant elle une preuve abondante indiquant que les alevis de la Turquie constituent une minorité religieuse associée aux mouvements gauchistes et que, de ce fait, ils sont la cible de harcèlement tant de la part du gouvernement que de la droite religieuse. Le demandeur souligne que, dans un document daté du 14 avril 1999, la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (CISR) décrit comment la situation des alevis de la Turquie demeure tendue et explique qu'ils sont harcelés tant par les islamistes que par les nationalistes, que des alevis ont été assassinés à au moins une occasion et que des arrestations massives ont eu lieu au cours de différentes manifestations. Selon le demandeur, à titre de personne qui critiquait l'autorité en participant à des manifestations contre le gouvernement, il est visé par la description que la CISR donne elle-même des alevis soumis à la persécution.

[59]            À mon avis, le demandeur est simplement en désaccord avec les conclusions de la commissaire sur ce point. La preuve n'indique nullement que la commissaire a omis de tenir compte d'éléments pertinents ou qu'elle a fondé ses conclusions sur des hypothèses erronées. Elle a souligné que le demandeur ne semblait pas avoir participé à des activités politiques au sein du CED-DER, qu'il ne cadrait pas avec le profil d'un alevi susceptible d'être persécuté en Turquie et que les activités qu'il poursuivait au CED-DER étaient sporadiques et mineures. De plus, la commissaire a souligné que les alevis représentent une minorité assez importante en Turquie et que le fait d'être un alevi ne constitue pas en soi une raison suffisante pour craindre d'être opprimé. Toutes ces conclusions étaient appuyées par la preuve et, même s'il y a toujours des possibilités de désaccord, l'intervention de la Cour n'est pas justifiée pour autant.

Bien-fondé de la demande d'asile - appels de menaces


[60]            La commissaire a également relevé des incohérences dans la preuve du demandeur concernant les appels de menaces. Au cours de son témoignage, il a dit qu'il avait décidé de quitter la Turquie après avoir reçu des menaces par téléphone. Il a déclaré que, dès qu'il a été libéré, il est retourné à son domicile à Adapazari et y est resté une nuit ou deux; il s'est rendu à Istanbul, où il est demeuré trois semaines, et est ensuite venu en Amérique du Nord. La commissaire a jugé que ce témoignage allait à l'encontre du FRP dans lequel le demandeur avait mentionné qu'une semaine après sa libération, il a reçu des menaces par téléphone à la maison et au travail.

[61]            Le demandeur soutient qu'au cours de son témoignage, il a dit qu'il avait reçu le premier appel environ une semaine après avoir été libéré et qu'il a reçu sept ou huit appels au total, tantôt à la maison et tantôt au travail. Selon le demandeur, cette preuve est compatible avec les renseignements figurant dans l'exposé circonstancié de son FRP.

[62]            Encore là, comme la commissaire l'a indiqué, même si ces incohérences et contradictions ne sont peut-être pas fondamentales pour la demande d'asile, elles sont directement liées à la crédibilité du demandeur lorsqu'elles sont examinées avec d'autres aspects problématiques. Le demandeur semblait être mêlé en ce qui a trait aux dates des appels de menaces. Eu égard à l'importance de ces appels par rapport à la demande d'asile du demandeur, il n'était pas manifestement déraisonnable de la part de la commissaire de tenir compte de ces écarts lorsqu'elle a apprécié l'ensemble de la crédibilité de celui-ci ainsi que le bien-fondé général de sa demande.

Bien-fondé de la demande d'asile - rapport psychologique, danger en cas d'expulsion

[63]            La commissaire a rejeté l'évaluation psychologique consécutive à l'audience selon laquelle le demandeur souffrait du syndrome du stress post-traumatique et selon laquelle les renseignements qu'il avait fournis étaient valides et dignes de foi. La commissaire n'a pas cru non plus que le demandeur serait en danger s'il était expulsé en Turquie.


[64]            Le demandeur allègue que la commissaire a manifestement ignoré la preuve documentaire, y compris une lettre du Projet kurde pour les droits de l'homme et l'affidavit de Kerim Yildiz, indiquant que les demandeurs d'asile déboutés risquent sérieusement d'être détenus et torturés à leur retour en Turquie. Selon le demandeur, en ignorant la preuve au sujet des deux conclusions, la commissaire a rendu celles-ci déraisonnables et a commis une erreur de droit (Khawaja c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1999), 172 FTR 287).

[65]            Je constate que, dans l'évaluation psychologique consécutive à l'audience qu'il a préparée en date du 22 août 2002, le Dr Devins, psychologue consultant et clinicien, mentionne ce qui suit sous la rubrique [traduction] « Impression clinique » :

[traduction] M. Yilmaz répond aux critères de diagnostic énoncés dans le Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders de l'American Psychiatric Association (4th ed. : DSM-IV) en ce qui a trait au syndrome de stress post-traumatique chronique et a besoin d'être traité par un professionnel de la santé mentale. Je crois que son état s'améliorera s'il est bien soigné et s'il est libéré de la menace que représente l'expulsion. S'il ne lui est pas permis de rester au Canada, son état se détériorera. Je souhaite que ce rapport vous aidera vous et les tribunaux à en arriver au meilleur résultat possible pour M. Yilmaz.

[66]            Bien entendu, il n'était pas manifestement déraisonnable de la part de la commissaire d'examiner l'évaluation psychologique à la lumière de ses propres conclusions et de lui accorder une importance minime, voire nulle, parce qu'elle est fondée sur des hypothèses qui, à son avis, sont fausses.

[67]            L'avocat du demandeur accorde une grande importance à l'évaluation psychologique et soutient qu'elle explique une partie des aspects plus confus de sa demande. L'argument le plus sérieux de l'avocat à cet égard est le fait que la commissaire n'a pas examiné l'incidence la plus importante de l'évaluation, soit que celle-ci permet de comprendre pourquoi le demandeur a éprouvé tant de difficultés à donner un compte rendu uniforme de son expérience et semblait être confus même au sujet de questions simples comme l'itinéraire qu'il a emprunté pour venir au Canada et l'existence d'un frère ici.

[68]            L'avocat du demandeur souligne que le psychologue ne s'attarde pas dans son évaluation à l'expérience du demandeur en Turquie et aux événements invoqués au soutien d'une crainte fondée de persécution et mentionne simplement qu'il a passé en revue le FRP du demandeur. L'accent est mis plutôt sur l'observation personnelle qu'il a faite du demandeur au cours de l'entrevue et sur les symptômes psychologiques que celui-ci a alors manifestés : stress, palpitations, sueur et blancs de mémoire au sujet des questions élémentaires qui lui étaient posées. De l'avis du demandeur, lorsqu'ils sont examinés avec les autres problèmes qu'il a mentionnés à l'entrevue (cauchemars et flashs-back), ces symptômes constituent une preuve importante d'un trouble psychologique qui est bien distincte de l'exposé circonstancié présenté à l'appui de sa demande d'asile.


[69]            Lorsqu'elle a rejeté cette évaluation psychologique au motif qu'elle était fondée sur le compte rendu du demandeur lui-même, qu'elle avait jugé insatisfaisant en ce qui a trait à la persécution qu'il subissait, la commissaire aurait omis selon le demandeur d'examiner la preuve indépendante de l'existence du trouble psychologique qui ressort manifestement de ladite évaluation et l'impact possible que ce trouble a pu avoir sur les efforts qu'il a déployés pour présenter un exposé circonstancié cohérent. En d'autres termes, si le demandeur n'a pu répondre aux questions simples qui lui ont été posées au cours de l'entrevue d'évaluation, c'est certainement ce même problème qui explique pourquoi il n'était pas en mesure de donner des réponses cohérentes à la commissaire au sujet de questions comme celles de savoir quel itinéraire il avait emprunté pour venir au Canada et s'il avait un frère ici.

[70]            Dans une argumentation habile, l'avocat du demandeur formule l'allégation suivante, qui est résumée dans ses observations écrites :

[traduction]

4.              Le demandeur soutient toutefois que, dans la présente affaire, le rapport a été présenté après l'audience et visait à expliquer les problèmes évidents qui sont survenus pendant l'audience en ce qui a trait à l'incapacité du demandeur de répondre aux questions. L'auteur du rapport a sous-entendu que les problèmes du demandeur découlaient du trouble psychologique dont il était atteint. Le rapport n'a donc pas été présenté pour corroborer les incidents en soi, mais plutôt pour expliquer au tribunal pourquoi le demandeur a éprouvé des problèmes évidents, pendant l'audience, à répondre à des questions simples. Dans les motifs de sa décision, le tribunal a reconnu que le demandeur avait eu du mal à répondre aux questions pendant l'audience, mais il a rejeté le rapport, parce qu'il n'a pas cru le demandeur en raison du témoignage incohérent qu'il a présenté. Cependant, le rapport ne visait pas à établir la véracité du témoignage, mais plutôt à expliquer le problème du demandeur. C'est là que le tribunal a commis une erreur, parce qu'il n'a pas compris la raison pour laquelle le rapport a été présenté en preuve et n'en a pas apprécié l'importance. Dans Khawaja c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] A.C.F. n ° 1213, le juge Rouleau a souligné qu'un tribunal commet une erreur de droit lorsqu'il ne tient pas compte d'un rapport qui est présenté pour expliquer les difficultés qu'éprouve un demandeur à relater des expériences traumatisantes. Au paragraphe 8 de cette décision, la Cour a souligné ce qui suit :

À mon avis, le tribunal a eu tort de conclure à la non-crédibilité du demandeur principal sans tenir compte et sans se prononcer sur le contenu du rapport psychologique faisant état d'un désordre de stress post-traumatique sévère et de difficultés du demandeur à relater les événements traumatisants auxquels il a été soumis, si ce n'est, de façon négative, pour y puiser des faits qu'il n'avait pas indiqués dans sa fiche de renseignements personnels.


Dans la même veine, la décision rendue dans C.A. c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1997] A.C.F. n ° 1082, fait ressortir l'importance d'évaluer les répercussions de certains facteurs psychologiques sur la capacité de témoigner d'un demandeur. Dans cette affaire, la Cour a statué que le tribunal a commis une erreur en ne tenant pas compte de la façon dont le trouble du stress post-traumatique pouvait toucher le souvenir que le demandeur avait des événements ou la conduite qu'il a affichée devant le tribunal. La Cour a souligné ce qui suit au paragraphe 10 :

À mon avis, le contrôle judiciaire est justifié parce que la Commission n'a ni évalué ni examiné le second volet de l'argument, à savoir comment le TSPT pouvait influer sur le rappel par le requérant des événements ou sur son comportement devant la Commission. On a particulièrement demandé au psychologue de déterminer [TRADUCTION] « si un TSPT a des conséquences sur la capacité d'un individu de témoigner sur les événements traumatiques qu'il a connus » (page 21, dossier du requérant). En fait, le Dr Louise Gaston a fait savoir dans son évaluation psychologique que pour ceux qui souffrent de TSPT, [TRADUCTION] « il est naturel que les faits soient rapportés avec difficulté, même parfois avec des contradictions ... De plus, l'individu peut réagir avec hésitation, puisque l'interrogateur pourrait être lié à la situation où cet individu s'est considéré comme victime de la torture ... » .

Le demandeur soutient que, dans la présente affaire, le tribunal a commis la même erreur. Le rapport traitait manifestement de la capacité de témoigner du demandeur. Pourtant, le tribunal n'a pas examiné les incidences du rapport et a simplement rejeté celui-ci parce qu'il a conclu que le demandeur n'était pas crédible. Le raisonnement est tautologique. Le rapport visait à expliquer pourquoi le demandeur pouvait avoir du mal à donner des réponses cohérentes. Pourtant, il a été rejeté précisément parce que le demandeur n'a pas donné de réponses cohérentes. Une analyse plus poussée était nécessaire.

[71]                 La commissaire a commenté comme suit l'évaluation psychologique :

Le conseil a mis en preuve une évaluation psychologique consécutive à l'audience du Dr Devins le 23 août 2002. Dans la lettre du Dr Devins, on constate que celui-ci a basé son évaluation du syndrome du stress post-traumatique sur l'exposé circonstancié du demandeur d'asile et sur une entrevue. Le Dr Devins a déclaré : « Je crois que l'information que M. Yilmaz a fournie était valide et digne de foi » . Le tribunal n'accepte pas que les incidents ont réellement eu lieu et, pour ce motif, il n'accepte pas le diagnostic résultant.

[72]            À mon avis, il appert clairement de la lettre de M. Wasserman datée du 23 août 2002 que la commissaire s'est fait demander [traduction] « de tenir compte de l'état psychologique de M. Yilmaz d'après l'évaluation faite par le Dr Devins et de conclure que ses troubles de mémoire et la difficulté qu'il avait à répondre étaient imputables non pas au manque de crédibilité, mais plutôt au stress qu'il a éprouvé par suite de l'expérience qu'il a vécue en Turquie... » .

[73]            Je sais pertinemment que M. Wasserman a soulevé la question de l'état psychologique du demandeur et des répercussions de ce problème sur les réponses de celui-ci après l'audience, à un moment où, comme sa lettre l'indique, il était préoccupé par la conduite que le demandeur avait alors affichée, notamment parce que les difficultés qu'il avait éprouvées à se rappeler certaines choses et à répondre aux questions avaient nui à sa crédibilité. Je sais aussi que le demandeur est représenté aujourd'hui par un avocat différent, qui estime qu'une plus grande importance aurait dû être accordée à l'état psychologique dans lequel le demandeur se trouvait à la date de l'audience et qui souhaite maintenant corriger cette lacune. De plus, il importe de souligner que le rapport que le Dr Devins a préparé après l'audience est différent sous des aspects révélateurs d'un rapport précédent qu'il avait rédigé en date du 29 juin 2002.

[74]            Une évaluation psychologique consécutive à l'audience semblable à celle que le demandeur a présentée en l'espèce est problématique au plan de la preuve. Elle a pour objet évident de corriger après coup les problèmes de crédibilité qui se sont manifestés à l'audience.

[75]            Il y a également la question de la mesure dans laquelle le psychologue traitant doit s'en remettre au demandeur lui-même pour connaître les faits devant constituer le fondement de l'évaluation.

[76]            Dans son évaluation précédente datée du 29 juin 2002, le Dr Devins avait exprimé un doute important sur la question de savoir si le demandeur souffrait véritablement d'une réaction de stress :


[traduction] M. Yilmaz décrit des symptômes importants de réaction de stress et, s'ils sont fondés, il doit être traité par un professionnel de la santé mentale. Ces symptômes pourraient s'améliorer par des soins appropriés, surtout s'il était libéré de la menace d'expulsion. S'il était renvoyé en Turquie, son état se détériorerait. Des incohérences entre la description que donne M. Yilmaz et certains éléments non verbaux ont toutefois suscité des doutes au sujet de la validité de sa présentation.

Je regrette de ne pas pouvoir donner une évaluation plus définitive. Je souhaite néanmoins que ce rapport vous aidera vous et les tribunaux à en arriver au meilleur résultat possible pour M. Yilmaz.

[77]            Malgré ces doutes, le Dr Devins répète ce qui suit au cours de l'évaluation qu'il a faite après l'audience : [traduction] « Je crois que les renseignements que M. Yilmaz [le demandeur] a fournis sont valides et fiables » . À ce moment-ci, le Dr Devins a manifestement souscrit à la version que le demandeur a donnée de ce qui lui était arrivé.

[78]            Le Dr Devins ne se demande pas non plus si les symptômes qu'il observe aujourd'hui chez le demandeur pourraient être liés au fait que celui-ci sait qu'il a mal réagi au cours de l'audition de sa demande et qu'il doit prouver de façon convaincante les conséquences du trouble de stress post-traumatique dont il souffre afin d'éliminer les préoccupations que la commissaire a soulevées au sujet de la crédibilité.


[79]            Néanmoins, dans son évaluation du 22 août 2002, le Dr Devins souligne clairement que le demandeur affiche des symptômes qui [traduction] « confirment que ses expériences en Turquie ont été traumatisantes et continuent d'avoir des effets néfastes sur lui » . La remarque la plus convaincante du Dr Devins est peut-être l'allusion qu'il a faite à différents [traduction] « problèmes cognitifs qui, » selon lui, [traduction] « sont des conséquences courantes de la désorganisation causée par le stress traumatique » . Le Dr Devins affirme clairement que ces problèmes cognitifs [traduction] « traduisent la gravité des symptômes chroniques de réaction au stress du demandeur. Ils n'indiquent pas une tentative d'éluder une question ou d'embrouiller les choses » .

[80]            Dans sa décision, la commissaire « n'accepte pas le diagnostic résultant » parce qu'elle « n'accepte pas que les incidents ont réellement eu lieu » . À mon avis, compte tenu des doutes déjà exprimés au sujet du diagnostic final du Dr Devins et de la façon dont celui-ci a été établi, la commissaire aurait pu le rejeter pour des raisons valides. Cependant, la seule raison qu'elle invoque pour rejeter ce diagnostic, c'est le fait qu'elle ne croyait pas que les événements avaient réellement eu lieu. À mon sens, elle ne tient nullement compte de ce que le demandeur cherchait à démontrer en soumettant une évaluation psychologique consécutive à l'audience. De toute évidence, la commissaire a fermé les yeux devant les [traduction] « problèmes cognitifs » mentionnés dans l'évaluation et la possibilité qu'ils expliquent les difficultés évidentes que le demandeur a éprouvées à préparer un exposé circonstancié convaincant.


[81]            Dans l'ensemble, je pense qu'il serait imprudent de ne pas tenir compte de cette omission de la part de la commissaire. Le défendeur soutient que cette omission n'est pas importante, parce que la commissaire en est arrivée à une décision défavorable au demandeur en invoquant également l'absence de fondement de la demande d'asile. Cependant, il est difficile de savoir, en lisant la décision, jusqu'à quel point le motif de l'absence de fondement est lié aux préoccupations concernant la crédibilité. Après avoir commenté la preuve documentaire et le profil du demandeur, la commissaire s'attarde aux contradictions au sujet des appels de menaces; ces commentaires ne font peut-être pas partie de son analyse du fondement de la demande, mais ils portent manifestement sur des questions liées à la crédibilité.

[82]            En raison du manque de clarté de la décision sur ce point, je suis convaincu qu'il ne serait pas prudent de permettre qu'elle soit confirmée pour ce seul motif; en conséquence, l'affaire devrait être renvoyée en vue d'une nouvelle décision.

[83]            Les avocats doivent signifier et déposer leurs observations au sujet de la certification d'une question de portée générale dans les sept jours suivant la réception des présents motifs d'ordonnance. Chaque partie disposera d'un autre délai de trois jours pour signifier et déposer sa réponse aux observations de la partie adverse. Par la suite, une ordonnance sera rendue.

               « James Russell »                

Juge

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.


                         COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                Avocats inscrits au dossier

DOSSIER :                                         IMM-5313-02

INTITULÉ :                                        MEHMET YILMAZ

demandeur

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

LIEU DE L'AUDIENCE :                  TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                LE MARDI 8 SEPTEMBRE 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : MONSIEUR LE JUGE RUSSELL

DATE DES MOTIFS :                       LE 18 DÉCEMBRE 2003

COMPARUTIONS :

Lorne Waldman                                                 POUR LE DEMANDEUR

Brad Gotkin                                                      POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Lorne Waldman

Waldman & Associates

281 Eglinton Avenue East

Toronto (Ontario)

M4P 1L3                                                          POUR LE DEMANDEUR

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada                    POUR LE DÉFENDEUR


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

Date : 20030908

Dossier : IMM-5313-02

ENTRE :

MEHMET YILMAZ

                                           demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                             défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE


 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.