Date : 20030501
Dossier : IMM-4328-02
Référence : 2003 CFPI 541
ENTRE :
SHAHNAZ AKHTAR
NUZHAT YASMEEN
MOHAMMAD QAISER GONDAL
demandeurs
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
LE JUGE LEMIEUX
[1] Les demandeurs, Shahnaz Akhtar et ses deux enfants mineurs sont des musulmans chiites et des citoyens du Pakistan. Dans la présente demande de contrôle judiciaire, ils cherchent à faire annuler la décision du 22 août 2002 dans laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (le tribunal) a rejeté leurs revendications, dans lesquelles ils allèguent craindre avec raison d'être persécutés par le Sipah-e-Sahaba Pakistan (le SSP) et la police. Ils prétendent également être des personnes à protéger parce qu'ils sont exposés au risque d'être soumis à la torture ou à une menace à leur vie, ou au risque de peines cruelles et inusitées au Pakistan.
[2] Selon moi, le tribunal a rejeté leurs revendications pour deux motifs : l'État offre une protection contre la violence sectaire qui, a reconnu le tribunal, oppose les extrémistes chiites et les extrémistes sunnites au Pakistan, et il n'y a aucun élément de preuve crédible ou digne de foi à l'appui de leurs revendications, ce qui a amené le tribunal à conclure « qu[e la demanderesse] n'est généralement pas crédible » .
[3] L'avocat des demandeurs a été très franc avec la Cour, ce qui est apprécié.
[4] Pour lui, la question de la protection revient à se demander quelle est la protection à laquelle on peut vraiment s'attendre dans le cas où l'agent de la persécution alléguée n'est pas un représentant de l'État comme la police.
[5] Il est important en l'espèce de préciser que les policiers ne sont pas des agents de persécution en raison de l'allégation des demandeurs portant que la police a pris le parti des sunnites, qui persécutaient son mari et son fils, lesquels, selon les allégations, vivraient cachés au Pakistan.
[6] Le tribunal a conclu expressément qu'il ne prêtait pas foi à l'allégation où Mme Akhtar avait fait référence à la preuve documentaire. Aucun élément de preuve documentaire au dossier ne permettait à l'avocat des demandeurs d'alléguer que la police au Pakistan appuyait les extrémistes sunnites dans leur conflit avec les chiites.
[7] Le tribunal a parlé en ces termes de la protection de l'État dans le conflit entre les chiites et les sunnites :
Le tribunal est au courant de la violence sectaire qui oppose les groupes d'extrémistes chiites et sunnites au Pakistan. Néanmoins, la preuve documentaire révèle que les chiites ne font pas l'objet d'une discrimination systématique de la part d'autres éléments de la société pakistanaise; ils sont généralement protégés par le gouvernement et sont bien intégrés à la société. La plupart des musulmans sunnites vivent paisiblement aux côtés des chiites. Bien qu'il soit difficile pour l'État du Pakistan d'éradiquer la violence sectaire, il n'y a pas de preuve objective indiquant que le gouvernement militaire ou la police favorise la majorité sunnite plutôt que les chiites, ou que l'État dirige ses actes de persécution contre les chiites. De fait, la preuve documentaire indique que le gouvernement militaire a récemment pris des mesures pour contenir l'extrémisme religieux. Durant la période du Muharram, au cours de laquelle la violence éclate généralement entre les musulmans chiites et sunnites, le gouvernement a procédé à des arrestations massives de personnes soupçonnées de fomenter des actes de violence contre les membres de l'autre groupe, et lancé un appel public aux dirigeants religieux pour faire observer un code de conduite. Le 14 août 2001, le gouvernement a interdit deux groupes, le Sipah-e-Mohammad Pakistan, d'allégeance musulmane chiite et le Lashar-e-Jhangvi, d'allégeance musulmane sunnite, qui avaient tous déjà revendiqué la responsabilité d'actes de violence sectaire. En janvier 2002, cinq autres groupes, dont le SSP, ont été interdits. En annonçant l'interdiction, le président Musharraf a déclaré que cette dernière visait à débarrasser la société de la violence sectaire et de l'intolérance. Par suite d'une descente chez ces groupes religieux extrémistes après leur interdiction, plus de 1 900 activistes religieux ont été détenus. Se fondant sur la preuve objective concernant la réponse du gouvernement pour contrer la violence sectaire, le tribunal ne croit pas la demandeure lorsqu'elle soutient que la police a pris le parti des sunnites et persécuté son mari et son fils.
[8] Je retiens quatre choses de ce paragraphe : (1) le tribunal reconnaît l'existence de la violence entre les extrémistes chiites et les extrémistes sunnites; (2) le Pakistan a eu de la difficulté à éradiquer cette violence; (3) le Pakistan a pris des mesures pour contenir l'extrémisme religieux; (4) le SSP a été interdit; et (5) on contre la violence sectaire par l'application de la loi.
[9] Je cite sur ce point les propos suivants tenus par le juge Hugessen (alors juge à la Cour d'appel fédérale) dans Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) c. Villafranca, [1992] A.C.F. no 1189 :
[...] Par contre, lorsqu'un État a le contrôle efficient de son territoire, qu'il possède des autorités militaires et civiles et une force policière établies, et qu'il fait de sérieux efforts pour protéger ses citoyens contre les activités terroristes, le seul fait qu'il n'y réussit pas toujours ne suffit pas à justifier la prétention que les victimes du terrorisme ne peuvent pas se réclamer de sa protection.
[10] L'avocat des demandeurs a essayé de me convaincre que le tribunal n'avait pas traité équitablement de la preuve documentaire relative à la protection. Mon examen de la preuve documentaire me convainc que le tribunal l'a correctement décrite, en particulier lorsqu'on examine cette preuve à la lumière de la déclaration du tribunal selon laquelle le Pakistan n'offrait pas une protection parfaite contre la violence ou le terrorisme sectaire.
[11] Le tribunal a donné six exemples qui lui ont permis de conclure que le témoignage de la demanderesse Shahnaz Akhtar n'était pas crédible. Dans certains cas, il a conclu à la non-plausibililité, dans d'autres cas, il s'est appuyé sur des contradictions avec son Formulaire de renseignements personnels et, dans d'autres cas encore, il s'est fondé sur son témoignage confus ou ses réponses peu convaincantes.
[12] Il est très clair en droit que c'est au tribunal de procéder à ce type d'évaluation, que nous avons décrit comme étant l'imbrication des conclusions relatives à la crédibilité, et la Cour ne peut apprécier de nouveau la preuve et substituer sa décision à celle du tribunal à moins qu'elle ne relève des erreurs qui l'amèneraient à conclure que la conclusion sur la crédibilité était manifestement déraisonnable. Les demandeurs n'ont pu relever de telles erreurs.
[13] Pour ces motifs, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée. Les parties n'ont pas proposé de question à certifier.
« François Lemieux »
Juge
Montréal (Québec)
Le 1er mai 2003
Traduction certifiée conforme
Julie Boulanger, LL.M.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
Date : 20030501
Dossier : IMM-4328-02
ENTRE :
SHAHNAZ AKHTAR
NUZHAT YASMEEN
MOHAMMAD QAISER GONDAL
demandeurs
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-4328-02
INTITULÉ : SHAHNAZ AKHTAR
NUZHAT YASMEEN
MOHAMMAD QAISER GONDAL
c.
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
LIEU DE L'AUDIENCE : MONTRÉAL (QUÉBEC)
DATE DE L'AUDIENCE : LE 29 AVRIL 2003
MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LE JUGE LEMIEUX
DATE DES MOTIFS : LE 1ER MAI 2003
COMPARUTIONS :
Ethan A. Friedman POUR LES DEMANDEURS
Mario Blanchard POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Ethan A. Friedman POUR LES DEMANDEURS
Morris Rosenberg POUR LE DÉFENDEUR
Sous-procureur général du Canada
Montréal (Québec)
Date : 20030501
Dossier : IMM-4328-02
Montréal (Québec), le 1er mai 2003
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE LEMIEUX
ENTRE :
SHAHNAZ AKHTAR
NUZHAT YASMEEN
MOHAMMAD QAISER GONDAL
demandeurs
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
ORDONNANCE
Pour les motifs déposés, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée. Les parties n'ont pas proposé de question à certifier.
« François Lemieux »
Juge
Traduction certifiée conforme
Julie Boulanger, LL.M.