Date : 20210122
Dossier : T-1834-17
Référence : 2020 CF 1166
[TRADUCTION FRANÇAISE]
Ottawa (Ontario), le 22 janvier 2021
En présence de monsieur le juge Pentney
ENTRE :
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CONCORD PREMIUM MEATS LTD.
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demanderesse
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et
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L’AGENCE CANADIENNE D’INSPECTION DES ALIMENTS ET LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
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défendeurs
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JUGEMENT ET MOTIFS PUBLICS
(Jugement et motifs confidentiels rendus le 18 décembre 2020)
[1]
La société Concord Premium Meats Ltd. (Concord) sollicite, en vertu de l’article 44 de la Loi sur l’accès à l’information, LRC 1985, c A-1 [la Loi], une révision judiciaire de la décision de l’Agence canadienne d’inspection des aliments (l’ACIA) de communiquer certains documents. Ceux‑ci se rapportent à une étude sur le contenu de saucisses vendues par diverses entreprises dans des magasins canadiens ainsi qu’au suivi des résultats effectué par l’ACIA.
[2]
Concord soutient que les renseignements devraient être protégés parce que ce sont des renseignements commerciaux ou techniques confidentiels qu’elle a fournis à l’ACIA et dont la divulgation pourrait raisonnablement entraîner des pertes appréciables pour elle et nuire aux négociations qu’elle mène avec les épiceries qui vendent ses produits. Concord affirme que la Loi prévoit expressément la protection de ce type de renseignements et que les documents concernés répondent aux exigences de la Loi.
[3]
La crainte de Concord de subir un préjudice découle du fait qu’on retrouve, dans un article publié au sujet de l’étude, certaines allégations qui sont, selon Concord, dénuées de fondement et qui ont donné lieu à des reportages médiatiques négatifs. Il y a eu une nouvelle couverture négative lors de la publication d’une mise à jour de la première étude. Concord n’a pas encore été associée aux résultats de cette étude, mais l’ACIA entend divulguer des documents qui établiraient ce lien. Concord soutient que la publication de ces documents entraînera inévitablement des reportages négatifs, ce qui lui causera un préjudice appréciable.
[4]
L’ACIA soutient qu’une grande partie de l’information dont se plaint Concord se trouve déjà dans le domaine public ou devrait être divulguée parce que la preuve de Concord ne satisfait pas au critère strict établi par la jurisprudence pour justifier la non‑divulgation. Elle affirme que la Cour n’a jamais empêché la communication de rapports d’inspection réglementaires, y compris dans des affaires concernant des inspections d’aliments effectuées par l’ACIA.
[5]
Après l’audience, l’ACIA a accepté de caviarder des renseignements supplémentaires en se fondant sur les informations fournies par Concord. Elle a également proposé de joindre une note explicative aux documents afin de répondre à certaines autres préoccupations exprimées par Concord.
[6]
L’ACIA soutient que Concord n’a pas démontré que ses intérêts commerciaux pourraient être compromis et que les raisons d’intérêt public qui justifient la communication devraient prévaloir.
[7]
Pour les motifs qui suivent, je rejette la présente demande.
I.
Contexte
[8]
En janvier et février 2016, des échantillonneurs embauchés par l’ACIA ont prélevé un total de 100 saucisses dans divers magasins de détail à Montréal, Toronto et Calgary. Ils ont uniquement collecté des saucisses étiquetées comme contenant un seul ingrédient : porc, bœuf, poulet ou dinde. Le but de l’étude était d’examiner si une méthode d’analyse particulière permettait de déterminer avec précision le contenu des saucisses et, en particulier, si d’autres produits de viande étaient inclus en sus de ce qui était indiqué sur l’étiquette.
[9]
Le résumé d’un article publié ultérieurement dans la revue Food Control (Amanda M Naaum et autres, «
Complementary molecular methods detect undeclared species in sausage products at retail markets in Canada
»
(2018) 84 Food Control 339, Dossier de la demanderesse, à 237) résume le contexte et les principaux résultats de cette étude :
[traduction]
Un étiquetage précis des aliments est de la plus haute importance pour la sécurité alimentaire et le choix des consommateurs dans la chaîne alimentaire. Une substitution complète ou partielle, qu’elle soit intentionnelle ou non, peut introduire dans un produit des agents pathogènes ou des allergènes alimentaires ou porter préjudice à des personnes ayant des croyances personnelles ou religieuses. Plusieurs études à travers le monde ont fait état de différents degrés de substitution d’espèces dans les produits de viande, mais aucune étude similaire n’a été menée sur le marché canadien concernant les produits de saucisse. […] Tous les échantillons contenaient l’espèce prédominante correspondant à l’espèce inscrite sur l’étiquette, à l’exception de cinq saucisses de dinde où l’espèce prédominante était le poulet. Deuxièmement, l’analyse a montré que 6 % des saucisses de bœuf contenaient également du porc, que 20 % des saucisses de poulet contenaient de la dinde et 5 % contenaient du bœuf, et que 5 % des saucisses de porc contenaient également du bœuf. […] Le taux global de mauvais étiquetage dans cette étude était de 20 % et les résultats fournissent un seuil de référence pour l’évaluation des mauvais étiquetages des espèces dans les produits de viande transformés au Canada.
[10]
Les auteurs expliquent que [traduction] « l’augmentation et l’amélioration des méthodes d’analyse pour le dépistage de la viande de cheval dans les produits carnés en Europe ont mis en lumière et contribué à atténuer l’un des plus grands scandales alimentaires de l’histoire récente »
(dossier confidentiel certifié du tribunal (DCCT), à 237). Les auteurs notent que de la viande de cheval a été décelée dans un échantillon de saucisse de porc parmi les 100 saucisses prélevées dans le cadre de l’étude. Il a ensuite été révélé que l’ACIA n’avait pas pu donner suite au problème de la viande de cheval parce que l’entreprise qui avait produit la saucisse échantillonnée avait volontairement cessé ses activités. Il convient de noter que Concord n’avait absolument aucun lien avec la contamination par de la viande de cheval, et aucun des documents n’indique le contraire.
[11]
La publication de cet article le 31 juillet 2017 a donné lieu à quelques retombées médiatiques qui seront décrites plus en détail ci-dessous. Quelques jours plus tard, le 4 août 2017, l’ACIA a reçu la demande suivante d’accès à l’information au titre de la Loi :
[traduction]
Je cherche des documents relatifs à une étude commandée par l’ACIA et réalisée par le professeur adjoint Robert Hanner, de l’Université de Guelph, sur la spéciation des saucisses. Je demande l’identité des entreprises qui ont fabriqué les 100 saucisses, les marques des saucisses, les points de vente où elles ont été achetées et les documents d’enquête de l’ACIA concernant les 20 saucisses qui contenaient de la viande non déclarée, y compris, mais sans s’y limiter, l’entreprise qui a volontairement cessé ses activités et qui avait fabriqué une saucisse de porc contenant de la viande de cheval. J’aimerais recevoir ces documents sous forme électronique.
[12]
L’ACIA a examiné ses dossiers et relevé 177 pages de documents relatifs à Concord découlant de cette demande (elle a également relevé des documents concernant d’autres fabricants, mais ils n’ont pas été présentés à la Cour). Le 13 octobre 2017, l’ACIA a envoyé une lettre à Concord pour l’aviser de la demande et obtenir ses commentaires sur la décision préliminaire de communiquer les documents. Malheureusement, il semble que cette lettre ait été égarée au sein de la société; en tout état de cause, aucune réponse n’a été envoyée.
[13]
Le 3 novembre 2017, l’ACIA a envoyé à Concord une lettre indiquant qu’elle allait donner communication des documents à l’auteur de la demande, puisqu’elle n’avait pas reçu de réponse à la lettre précédente qu’elle lui avait envoyée, et précisant que Concord pouvait présenter une demande de révision judiciaire à notre Cour dans les 20 jours suivant l’avis. À la réception de cette lettre, le directeur général de Concord a immédiatement contacté le responsable de l’accès à l’information de l’ACIA pour lui expliquer qu’il n’avait pas vu la lettre précédente, et les parties ont convenu que Concord bénéficierait d’un délai supplémentaire pour donner sa réponse.
[14]
Concord a retenu les services d’un conseiller juridique et, le 24 novembre 2017, a donné sa réponse, dans laquelle elle a exposé les fondements de ses préoccupations au sujet de la divulgation de certains des documents et proposé d’autres caviardages pour protéger certains renseignements commercialement sensibles ainsi que des renseignements personnels relatifs à ses employés.
[15]
Le 27 novembre 2017, après avoir accepté certains des caviardages proposés par Concord, l’ACIA a pris sa décision définitive concernant la divulgation. Elle acceptait de ne pas communiquer les renseignements suivants : les renseignements personnels relatifs aux employés de Concord; les noms et coordonnées des fournisseurs et clients; les documents internes de la société; les renvois aux analyses effectuées par Concord dans certains établissements; la quantité de produit de viande reçue par rapport à la quantité de produit de viande retrouvée dans le cycle de production.
[16]
Le 29 novembre 2017, Concord a déposé sa demande de révision judiciaire de cette décision. À l’origine, Concord sollicitait également un redressement interlocutoire parce que l’ACIA avait décidé qu’elle divulguerait les documents le 2 décembre 2017. Le différend à cet égard a été résolu avant l’audition de cette demande, et l’ACIA a accepté de ne faire aucune divulgation jusqu’à ce que la demande de révision judiciaire soit tranchée.
[17]
Après l’audience, il a été confirmé que certains documents n’étaient plus en litige. À l’audience, Concord avait exprimé des préoccupations au sujet de certaines incohérences dans les caviardages de l’ACIA concernant les renseignements sur les clients et certains renvois au système d’analyse des risques aux points critiques (système HACCP) de Concord, document interne hautement confidentiel qui constitue essentiellement le plan directeur de Concord pour la sécurité des installations. Après l’audience, l’ACIA a accepté que ces documents ne soient pas divulgués.
[18]
De plus, à la suite de l’audience, l’ACIA s’est engagée à joindre à la communication une note explicative pour expliquer et clarifier certains aspects des documents afin d’atténuer certains des préjudices appréhendés par Concord. J’examinerai cette question plus en détail ci-dessous.
[19]
Dernier point de procédure : le 2 novembre 2018, le juge Richard Southcott a rendu une ordonnance conservatoire et de confidentialité conformément aux articles 151 et 152 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, et au paragraphe 47(1) de la Loi, afin de préserver la confidentialité de renseignements contenus dans les documents déposés dans le cadre de la présente instance. Cette ordonnance a été prolongée à l’audience pour protéger ces renseignements jusqu’à la publication de la présente décision.
[20]
Compte tenu de la nature de l’affaire et de l’ordonnance de confidentialité, des motifs confidentiels ont été communiqués aux parties et ces dernières ont eu la possibilité de soumettre des caviardages à l’examen de la Cour. La présente version publique des motifs reflète la prise en considération par la Cour de cette rétroaction des parties, dans le respect du principe de la publicité des débats judiciaires.
II.
Les questions à trancher
[21]
Bien qu’elles les aient formulées quelque peu différemment, les parties s’entendent de façon générale pour dire que la présente affaire soulève les questions suivantes :
- Quelle est la norme de contrôle applicable en l’espèce?
- Les documents sont-ils soustraits à la communication au titre de l’une quelconque des dispositions du paragraphe 20(1) de la Loi?
III.
Cadre législatif
[22]
Il convient d’énoncer les principaux éléments du cadre législatif avant d’entreprendre une analyse de ces questions.
[23]
Le point de départ est l’article 2, c’est-à-dire l’énoncé de l’objet de la Loi :
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La Loi établit un droit général d’accès « aux documents relevant d’une institution fédérale »
(art 4(1)) et une responsabilité correspondante à l’institution fédérale de faire tous les efforts raisonnables pour prêter assistance à la personne qui a présenté une demande d’accès (art 4(2.1)). La législation prévoit un certain nombre d’exceptions, limitées et précises, à la communication.
[25]
L’exception qui présente un intérêt en l’espèce concerne les renseignements de tiers :
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La divulgation de ces renseignements est autorisée si le tiers qui les a fournis à l’institution fédérale y consent (art 20(5)) ou si l’institution fédérale établit que leur communication est dans l’intérêt public (art 20(6)). La communication d’une partie des renseignements demandés peut également être autorisée si le prélèvement des passages soustraits à la communication ne pose pas de problème sérieux (art 25).
[27]
Lorsqu’une institution fédérale a l’intention de communiquer un document pouvant contenir des renseignements de tiers comme ceux qui sont visés au paragraphe 20(1), elle doit faire tous les efforts raisonnables pour donner avis de la demande au tiers intéressé (art 27) et lui donner la possibilité de présenter des observations sur les raisons qui justifieraient un refus de communication totale ou partielle du document (art 28). Après réception des observations du tiers, l’institution fédérale doit prendre une décision définitive concernant la communication, aviser le tiers de sa décision définitive et l’informer de son droit d’exercer un recours en révision en vertu de l’article 44 de la Loi (art 28).
[28]
L’article 44 de la Loi prévoit qu’un tiers qui est avisé par une institution fédérale de l’intention de celle-ci de donner communication d’un document peut « exercer un recours en révision devant la Cour »
(art 44(1)). Les recours de cette nature doivent être entendus et jugés en procédure sommaire (art 45) et la Cour est tenue de prendre des précautions pour éviter la divulgation des renseignements du tiers pendant ses procédures (art 47(1)). La Loi précise les pouvoirs de la Cour relativement à ces procédures :
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Ayant terminé ce survol du cadre législatif qui régit la présente affaire, j’examinerai maintenant les questions à trancher.
IV.
Analyse
A.
Quelle est la norme de contrôle applicable en l’espèce?
[30]
La question est de savoir si l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov] de la Cour suprême du Canada a modifié la jurisprudence antérieure concernant la façon d’aborder un recours en révision en vertu de l’article 44. Il est utile de décrire la jurisprudence antérieure sur cette question avant d’examiner les répercussions de Vavilov.
[31]
Dans Merck Frosst Canada Ltée c Canada (Santé), 2012 CSC 3 au para 53 [Merck Frosst], la Cour suprême du Canada a confirmé l’approche adoptée de longue date par notre Cour en ce qui concerne la norme de révision visant la décision de savoir si les renseignements sont soustraits à la communication en vertu du paragraphe 20(1) de la Loi :
Selon l’art. 51 de la Loi, le juge siégeant en révision doit décider si « le responsable [de l’]institution fédérale est tenu de refuser la communication […] d’un document » et, dans l’affirmative, il doit ordonner à ce dernier de ne pas le communiquer. Il s’ensuit que dans les cas où un tiers, telle Merck en l’espèce, demande à la Cour fédérale, en vertu de l’art. 44 de la Loi, de « contrôler » la décision du responsable de l’institution de communiquer tout ou partie d’un document, le juge de la Cour fédérale doit déterminer si ce dernier a correctement appliqué les exceptions aux documents visés. Ce processus a parfois été qualifié d’examen de novo de la question de savoir si le document en cause est soustrait à la communication. Le terme « de novo » n’est peut-être pas, à proprement parler, celui qu’il convient d’utiliser; toutefois, il n’y a aucun désaccord dans ces affaires quant au rôle du juge siégeant en révision dans un tel contexte : il doit décider si les exceptions ont été correctement appliquées relativement aux documents en cause. Les articles 44, 46 et 51 sont les dispositions législatives les plus pertinentes qui s’appliquent au présent contrôle.
[Renvois omis.]
[32]
Cette approche visait à donner effet aux choix d’organisation institutionnelle adoptés par le législateur et reflétés dans l’objet et la structure de la Loi. La disposition de Loi relative à l’objet de cette loi (art 2) énonce trois principes fondamentaux en ces termes : « le principe du droit du public à [la] communication [des documents de l’administration fédérale], les exceptions indispensables à ce droit étant précises et limitées et les décisions quant à la communication étant susceptibles de recours indépendants du pouvoir exécutif »
(art 2(2)a)). Pour reprendre les mots de la Cour suprême dans Canada (Commissaire à l’information) c Canada (Commissaire de la Gendarmerie royale du Canada), 2003 CSC 8 [Commissaire à l’information 2003], au paragraphe 17 :
Selon moi, l’adoption d’une norme de contrôle qui commande une moins grande retenue sert cet objectif. Sous le régime fédéral, les personnes chargées de répondre aux demandes de renseignements sont des représentants de l’institution fédérale en cause. Cette situation diffère donc de celle créée par de nombreuses lois provinciales sur l’accès à l’information qui prévoient l’examen des demandes de renseignements par un tribunal administratif indépendant du pouvoir exécutif. Une norme de contrôle qui comporte une moins grande retenue est donc conforme à l’objet déclaré de la loi, selon lequel les décisions quant à la communication de documents de l’administration fédérale doivent être susceptibles de recours indépendants du pouvoir exécutif. Par ailleurs, les personnes chargées de répondre aux demandes de renseignements sous le régime de la Loi sur l’accès à l’information pourraient être portées à interpréter les exceptions à la communication d’une manière libérale qui favorise leur institution. À cet égard, l’exercice de pouvoirs de contrôle étendus concorderait avec l’objectif déclaré de la loi, qui est de consacrer le principe du droit du public à la communication des documents de l’administration fédérale, les exceptions indispensables à ce droit étant précises et limitées.
[33]
La procédure sommaire prévue à l’article 44 a été qualifiée d’« hybride »
, car elle est instruite par voie de demande et elle implique un réexamen d’une décision qui est, à certains égards, semblable à un contrôle judiciaire traditionnel. Toutefois, il s’agit également d’une sorte d’audience de novo, parce que de nouvelles preuves peuvent être déposées devant le tribunal, le tribunal n’accorde que peu ou pas de déférence au décideur de l’institution fédérale, et le tribunal doit décider si les documents doivent être communiqués sous la forme proposée par l’institution fédérale (Les Viandes du Breton Inc c Canada (Agence canadienne d’inspection des aliments), 2006 CF 335 aux para 30-31).
[34]
En décembre 2019, la Cour suprême du Canada a rendu l’arrêt Vavilov. Dans cet arrêt, la majorité du tribunal a expressément entrepris de tracer « la nouvelle voie à suivre pour déterminer la norme de contrôle applicable lorsqu’une cour de justice contrôle une décision administrative au fond »
(Vavilov, au para 2). Les parties dans l’affaire qui nous occupe avaient déposé leurs observations écrites avant que l’arrêt Vavilov ne soit rendu et elles ont été invitées à présenter avant l’audience des observations supplémentaires concernant l’incidence de cet arrêt sur la norme de contrôle en l’espèce. Concord a déposé des observations écrites supplémentaires en réponse à l’invitation de la Cour, tandis que l’ACIA a abordé la question dans des observations de vive voix à l’audience. Les deux parties soutiennent que Vavilov n’a pas modifié la norme de contrôle et que la norme de la décision correcte s’applique toujours.
[35]
L’ACIA a souligné que cette norme n’est pas, à proprement parler, identique à la norme habituelle de contrôle d’une décision administrative, parce que la question dont la Cour est saisie n’est pas de savoir si la décision de l’organisme est correcte. La Cour doit plutôt évaluer les documents à la lumière de la preuve et décider si la décision du gouvernement de les communiquer doit être confirmée (voir Air Atonabee Ltd c Canada (Ministre des Transports), [1989] ACF no 453 (QL) (CF 1re inst) [Air Atonabee]; Aliments Prince Foods Inc c Canada (Ministère de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire), [1999] ACF no 247 aux para 24-25 (QL) (CF 1re inst)). Il a été admis qu’il pourrait bien s’agir dans la pratique d’une distinction sans importance et que cette question est sans incidence en l’espèce.
[36]
Pour les raisons suivantes, je conviens que Vavilov n’a pas modifié l’approche relative à la procédure visée à l’article 44 établie par la jurisprudence antérieure.
[37]
Dans Vavilov, la Cour suprême a établi un cadre d’analyse révisé permettant de déterminer la norme de contrôle applicable lorsqu’une cour de justice contrôle une décision administrative au fond. Comme il est indiqué au paragraphe 17 de cet arrêt, le point de départ est une présomption générale d’application de la norme de contrôle de la décision raisonnable dans tous les cas, sous réserve de deux exceptions : « La première [situation] est celle où le législateur a indiqué qu’il souhaite l’application d’une norme différente ou d’un ensemble de normes différentes. […] La deuxième situation où la présomption d’application de la norme de la décision raisonnable est réfutée est celle où la primauté du droit commande l’application de la norme de la décision correcte. »
[38]
L’analyse de la Cour concernant les circonstances dans lesquelles la présomption peut être réfutée par l’expression claire de l’intention du législateur est axée sur deux situations : les cas où le législateur inclut expressément une disposition d’appel dans la loi qui régit un décideur administratif (voir Vavilov aux para 36 à 54), et les cas où le législateur prescrit la norme de contrôle applicable, comme cela a notamment été fait en Colombie-Britannique dans l’Administrative Tribunals Act, SBC 2004, c 45, qui a établi les normes de contrôle qui s’appliquent à un éventail d’organismes administratifs (voir Vavilov aux para 34-35).
[39]
La logique de cette approche est expliquée ainsi dans Vavilov :
[33] La Cour a écrit que le respect de l’intention du législateur « doit nous guider » en matière de contrôle judiciaire. Cette position demeure pertinente. La présomption relative à l’application de la norme de la décision raisonnable décrite ci‑dessus a pour objet de donner effet à la volonté du législateur de s’en remettre, pour certaines choses, à un décideur administratif plutôt qu’aux cours de justice. Cette présomption peut donc être réfutée si le législateur prévoit l’application d’une norme de contrôle différente, ce qu’il peut faire de deux façons. Premièrement, le législateur peut prescrire expressément, dans une loi, la norme de contrôle applicable aux décisions d’un décideur administratif en particulier. Deuxièmement, le législateur peut indiquer qu’une dérogation à la présomption de contrôle selon la norme de la décision raisonnable est de mise en prévoyant un mécanisme d’appel à l’encontre d’un décideur administratif devant une cour de justice, ce qui dénote que les normes générales en matière d’appel trouvent application.
[Renvois omis.]
[40]
L’application de ces principes en l’espèce mène à la conclusion que la norme établie par la jurisprudence antérieure continue de s’appliquer. Il s’agit d’une situation dans laquelle le Parlement a explicitement décrit la norme applicable pour un recours en révision en vertu de l’article 44. Lors d’une modification récente de la Loi, l’article 44.1 a été ajouté et les parties ont convenu que cette disposition s’applique en l’espèce :
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[41]
Si le respect de l’intention du législateur est l’orientation qui doit « servir de guide »
en matière de contrôle judiciaire, le message ne pouvait être plus clair : la révision visée à l’article 44 doit constituer un examen de novo par le tribunal de la décision de communiquer des renseignements.
[42]
Par conséquent, la seule conclusion qui est conforme à l’intention du législateur exprimée à l’article 44.1, et qui continue de donner effet à l’objet de la Loi énoncé à l’article 2, est de continuer d’appliquer la norme de la décision correcte dans le cadre d’un examen de novo de la décision de communiquer des documents de tiers dans le contexte d’un recours exercé en vertu de l’article 44. Le tiers peut déposer de nouvelles preuves sur les questions dont la Cour est saisie et la Cour n’accorde que peu ou pas de déférence à la décision quant à la divulgation prise par l’institution fédérale.
[43]
Pour les motifs qui précèdent, je conclus que Vavilov n’a pas modifié la jurisprudence sur l’approche appropriée à l’égard d’un recours exercé en vertu de l’article 44. Le cadre établi par Merck Frosst continue de s’appliquer et je procéderai donc à un examen de novo de la preuve soumise par les parties afin de déterminer si la décision de l’ACIA concernant les documents pouvant être communiqués est correcte, sans faire preuve de retenue à l’égard de cette décision.
B.
Les documents sont-ils soustraits à la communication au titre de l’une des dispositions du paragraphe 20(1) de la Loi?
[44]
L’argument principal de Concord était que les documents devraient être soustraits à la communication en vertu de l’alinéa 20(1)c) de la Loi parce que leur divulgation pourrait raisonnablement lui causer un préjudice financier sur le marché canadien qui est très concurrentiel.
[45]
Concord a également avancé un argument subsidiaire selon lequel les documents devraient être soustraits à la communication en vertu des alinéas 20(1)b) et d) de la Loi. J’en traiterai à la suite de l’analyse de l’argument de Concord concernant l’alinéa 20(1)c).
(1)
Cadre juridique
[46]
Il incombe à la partie qui s’oppose à la communication en vertu de l’alinéa 20(1)c) de démontrer un « risque vraisemblable de préjudice probable »
(Merck Frosst au para 192). Comme l’a noté le juge Rennie dans Porter Airlines Inc c Canada (PG), 2014 CF 392 au para 80 [Porter Airlines], cette norme de preuve est « quelque peu unique »
et doit donc être décrite « le plus précisément possible »
.
[47]
La Cour Suprême a décrit la norme de la manière suivante, aux paragraphes 196 et 199 de Merck Frosst :
Toutefois, je conclus que cette formulation acceptée depuis longtemps vise à cerner un point important, à savoir que même s’il ne lui incombe pas d’établir selon la prépondérance des probabilités que le préjudice se produira effectivement si les documents sont communiqués, le tiers doit néanmoins faire davantage que simplement démontrer que le préjudice peut se produire.
[…]
Je suis d’avis de confirmer la formulation figurant dans Canada Packers. Le tiers qui invoque une exception prévue à l’al. 20(1)c) de la Loi doit démontrer qu’il existe beaucoup plus qu’une simple possibilité qu’un préjudice soit causé, mais il n’est pas tenu d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que le préjudice se produira effectivement. Cette démarche, selon moi, est fidèle au libellé de la disposition et à l’objet de celle-ci.
[Non souligné dans l’original.]
[48]
Comme l’a affirmé le juge Rennie dans Porter Airlines, au paragraphe 83 :
[83] Essentiellement, au moyen des indications données ci‑dessus, la Cour suprême trace les limites à l’intérieur desquelles se situe la norme du « risque vraisemblable de préjudice probable », la limite inférieure étant celle de la « simple possibilité » et la limite supérieure, celle de la « prépondérance des probabilités ». La Cour suprême du Canada fournit d’autres précisions lorsqu’elle ajoute que ces limites définissent « une norme exigeant considérablement plus qu’une simple possibilité, mais un peu moins qu’une probabilité plus grande qu’une chose se produise que le contraire ». En outre, la Cour suprême a expliqué la teneur de ces limites inférieure et supérieure : ainsi, la « simple possibilité » est fondée sur une crainte de préjudice « fantaisiste, imaginaire ou forcée » plutôt que sur la raison, tandis que la prépondérance des probabilités consiste à « établir que le préjudice est plus susceptible de se produire que de ne pas se produire ».
[Renvois omis.]
[49]
En analysant cette question, la Cour est inévitablement entraînée dans un exercice axé sur l’avenir, avec toutes les incertitudes que cela comporte. Le juge Michael Phelan a fourni des conseils utiles à ce sujet au paragraphe 90 d’AstraZeneca Canada Inc c Canada (Ministre de la Santé), 2005 CF 1451 [AstraZeneca] :
[B]ien que ce critère comporte en soi un aspect prévisionnel et conjectural, il existe des moyens d’établir le caractère raisonnable de cette attente. Le simple fait d’exposer la crainte d’un administrateur de l’entreprise ne suffit pas. La Cour requiert une preuve précise qu’une telle issue est raisonnablement probable.
[50]
Le juge Phelan a cité, en l’approuvant, la mise en garde du juge MacKay dans SNC‑Lavalin Inc c Canada (Ministre des Travaux publics), [1994] ACF no 1059 (CF 1re inst), selon laquelle il ne suffit pas d’affirmer simplement par affidavit que la communication entraînera « sans aucun doute »
un préjudice, puisque c’est la conclusion même que la Cour doit tirer. Il faut plutôt présenter une preuve à l’appui de la conclusion que ce préjudice est une conséquence vraisemblablement probable de la communication des documents.
[51]
Les préjudices prévus à l’alinéa 20(1)c) sont disjonctifs, c’est-à-dire qu’il suffit que Concord démontre soit que les renseignements contestés causeront des « pertes financières appréciables »,
soit qu’ils « nuir[ont] à sa compétitivité »
(Merck Frosst au para 212; Canada (Commissariat à l’information) c Calian Ltd, 2017 CAF 135 au para 40 [Calian]).
[52]
En outre, la jurisprudence établit clairement qu’une couverture médiatique négative ou inexacte appréhendée au sujet des renseignements n’est pas suffisante pour satisfaire au critère. Comme la Cour l’indique dans Merck Frosst, la Loi a pour objet « de permettre aux membres du public de prendre connaissance des renseignements pour qu’ils puissent eux‑mêmes les apprécier, et non de les empêcher de les obtenir. À mon avis, une exception ne pourrait être invoquée avec succès sur la base d’un tel argument que dans une situation assez exceptionnelle »
(au para 224), et ce, notamment parce qu’un tiers qui craint une couverture médiatique négative injuste dispose d’autres recours (Fermes Burnbrae Limitée c Canada (Agence canadienne d’inspection des aliments), 2014 CF 957 aux para 112-113 [Fermes Burnbrae], citant avec approbation Les Viandes du Breton Inc c Canada (Ministère de l’Agriculture) (2000), 2000 CanLII 16764 au para 23 [Les Viandes du Breton 2000]).
(2)
Les documents en cause
[53]
Les documents dont la communication est contestée peuvent être regroupés en trois catégories :
a) les renseignements concernant l’enquête initiale de l’ACIA sur l’usine de Concord à la suite de l’étude;
b) les courriels internes échangés entre les employés de l’ACIA au sujet du suivi de l’étude;
c) les renseignements sur le Plan de mesures correctives que l’ACIA a ordonné à Concord d’élaborer à la suite de l’étude.
[54]
Certains de ces documents visent des écrits produits par l’ACIA et fournis à Concord; d’autres ont trait à des renseignements fournis par Concord à l’ACIA; d’autres encore concernent des échanges internes entre des fonctionnaires de l’ACIA.
(3)
Position des parties
[55]
Concord soutient que ses preuves respectent le seuil décrit ci-dessus et que, contrairement aux affaires précédentes, il n’est pas nécessaire de se livrer à des conjectures sur le résultat probable de la divulgation parce que l’article de la revue et la couverture médiatique en fournissent une preuve tangible.
[56]
Concord soutient que les répercussions de la communication de ces documents doivent être évaluées dans le contexte de la preuve concernant la situation de la société sur le marché canadien, en particulier :
- Elle vend ses produits directement aux supermarchés canadiens sous plusieurs marques. | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
- Elle fournit également des produits sous étiquettes à d’autres entreprises (produits dits
« vendus sous leur propre étiquette »
); |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| - |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| | | | | | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
- |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| | | | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
[57]
Concord soutient que l’ACIA a elle-même reconnu le préjudice qui pourrait éventuellement résulter de toute association entre l’étude et Concord lorsque l’ACIA a lancé son enquête à la suite de l’étude. La société fait état d’un courriel interne de l’ACIA mentionnant que [traduction] « le personnel d’inspection a été prié de faire un suivi discret »
(DCCT à 541) comme une indication du fait que l’ACIA reconnaissait les dommages susceptibles d’être causés à Concord si celle-ci était liée à l’étude.
[58]
Sur la question du préjudice qui découlerait de la communication des documents contestés, Concord soutient que les déclarations incorrectes et trompeuses déjà publiées permettent de tirer une conclusion en sa faveur. Elle note que l’un des coauteurs de l’article publié au sujet de l’étude était un fonctionnaire de l’ACIA relevant de la Direction des sciences de la salubrité des aliments à Ottawa (Ontario), et que cet article contient plusieurs affirmations incorrectes. En particulier, Concord s’oppose à l’affirmation suivante :
[traduction]
Le tiers des produits de dinde a été entièrement remplacé par du poulet. Le prix de la dinde hachée au Canada en 2016 était plus élevé que celui du poulet haché (Agriculture et Agroalimentaire Canada, 2016), ce qui porte à conclure que ces cas de substitution peuvent avoir eu une motivation économique ou qu’un grave incident de mauvais étiquetage s’est produit lors de la production ou de l’emballage.
[59]
Concord affirme que cette déclaration est particulièrement troublante, car les documents indiquent qu’avant la publication de l’article, l’ACIA avait conclu dans son enquête que Concord n’avait pas délibérément substitué du poulet à de la dinde dans ces saucisses, mais que le problème était plutôt survenu à cause de la façon dont la viande avait été étiquetée et enregistrée lorsqu’elle avait été reçue à ses installations. De plus, Concord soutient que la déclaration est erronée sur le plan factuel, car il n’y avait à l’époque aucune différence entre le prix du poulet et celui de la dinde.
[60]
En ce qui concerne la couverture médiatique après la publication de l’article, Concord soutient que la nature des reportages fournit une preuve tangible des répercussions probables de la publication des documents contestés. La société décrit la couverture médiatique comme négative et sensationnaliste et souligne les exemples précis suivants tirés de la couverture initiale en 2017 : de nombreux reportages font référence à la détection de viande de cheval dans certaines saucisses, généralement en des termes sensationnalistes, et évoquent souvent immédiatement ensuite les saucisses de dinde qui contenaient de la viande de poulet; plusieurs des reportages parlent de l’erreur concernant les saucisses de dinde dans un contexte de « fraude alimentaire »
, où les producteurs auraient délibérément utilisé un produit moins cher pour augmenter leurs bénéfices, et dans certains de ces reportages on répète l’affirmation faite dans l’article de la revue selon laquelle le producteur des saucisses de dinde pouvait avoir été motivé par des considérations économiques.
[61]
Concord note également que la publication d’une autre étude en février 2019 a relancé l’intérêt des médias à ce sujet. Comme pour la première étude, l’ACIA a collaboré avec l’Université de Guelph pour prélever 100 saucisses dans des magasins de détail canadiens afin de déterminer si la viande contenue dans ces saucisses correspondait à la viande inscrite sur l’étiquette. La couverture médiatique de cette étude faisait souvent mention de l’erreur concernant les saucisses de dinde évoquée dans les reportages de 2017.
[62]
Concord soutient que les documents que l’ACIA projette de publier l’identifient comme étant la société productrice des saucisses de dinde contenant du poulet et indiquent clairement que cela s’est produit dans l’une de ses usines de conditionnement de viande. Certaines de ces saucisses étaient vendues sous la marque de Concord, Marcangelo, et une saucisse était conditionnée pour une autre entreprise et vendue sous sa propre étiquette. Toute information de presse liant Concord et ces marques aux reportages précédents aurait des répercussions immédiates et importantes, en particulier à cause de la couverture négative antérieure dans le cadre de laquelle on avait insinué que la substitution de viande avait délibérément été effectuée pour des raisons économiques.
[63]
Dans ses observations écrites, Concord énonce ainsi le fondement de ses préoccupations :
[traduction]
99. La réalité est que les médias continueront à publier des articles sensationnalistes, qui lieront injustement Concord et la marque Marcangelo au problème de la viande de cheval et de la « fraude alimentaire ». La couverture médiatique continuera de répéter la fausse affirmation faite par l’ACIA dans l’article de 2017, selon laquelle Concord avait délibérément remplacé de la dinde par du poulet pour des raisons économiques.
100. Si l’ACIA, organisme de réglementation du gouvernement, n’est pas disposée à qualifier avec exactitude la conduite de Concord, il y a peu de raisons de penser que les médias seront plus rigoureux sur ce point. La manière injuste dont les médias publieront les informations d’identification aggravera le préjudice économique subi par Concord.
[64]
Concord soutient qu’en vertu de l’alinéa 20(1)c), elle doit seulement démontrer que la divulgation de ces renseignements risquerait vraisemblablement soit de lui causer des pertes financières appréciables, soit de nuire à sa compétitivité (Merck Frosst, au para 212). Elle soutient que la preuve satisfait facilement à l’un ou l’autre des deux critères. |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||
[65]
En réponse, l’ACIA fait valoir que Concord n’a pas réussi à établir une attente raisonnable d’un préjudice probable parce que les preuves qu’elle a déposées manquent de précision et relèvent de la conjecture. En outre, l’ACIA soutient que la jurisprudence a mis en garde contre l’application de l’exception pour préjudice financier fondée sur le risque d’une mauvaise compréhension du public. Il incombe plutôt à la partie qui cherche à empêcher la divulgation d’aller bien au-delà des conjectures et de démontrer par des preuves précises qu’elle est susceptible de subir un préjudice financier appréciable.
[66]
L’ACIA soutient que les preuves de Concord sont conjecturales et qu’elles sont fondées sur la crainte d’une éventuelle mauvaise compréhension des documents. Elle fait valoir que la jurisprudence est unanime : ce type de preuve ne justifie pas la non-divulgation, notamment à cause de la nature du rôle de l’ACIA en matière d’inspection des aliments et de garantie de la sécurité du public.
[67]
De plus, l’ACIA souligne que plusieurs des objections de Concord concernent soit des renseignements déjà tombés dans le domaine public, soit des renseignements connus depuis longtemps, notamment le fait que son usine de traitement s’est vu assigner un numéro particulier par l’ACIA et qu’elle produit la marque de produits Marcangelo. De plus, dans ses observations écrites, l’ACIA fait valoir ce qui suit :
[traduction]
63. La demanderesse soutient que Concord n’a pas encore été publiquement identifiée comme étant le producteur de la saucisse de dinde contenant de la viande de poulet, mais elle s’oppose à toute divulgation étant donné que les décisions prises sont précisément susceptibles de le faire. Or, la demanderesse a dévoilé ces renseignements au domaine public lors du dépôt de l’avis de demande en 2017. Il n’existe aucune preuve établissant qu’un quelconque préjudice soit survenu à la suite à la divulgation publique faite en 2017, par la demanderesse, concernant le fait qu’elle était une productrice de saucisses de dinde contenant de la viande de poulet.
[68]
Cette observation est fondée sur l’affirmation suivante contenue dans l’avis de requête de Concord à l’origine de la présente instance :
[traduction]
5. Les documents produits en réponse relatifs à Concord n’avaient rien à voir avec la question de la viande de cheval dans les saucisses, mais la formulation large de la demande englobait certains documents d’enquête généraux de l’ACIA relatifs aux saucisses de dinde de Concord qui contenaient par erreur de la viande de poulet – une erreur qui a rapidement été corrigée par Concord.
[69]
L’ACIA soutient que les craintes de Concord reposent en grande partie sur le risque de mauvaise compréhension par le public, mais que cette allégation est sans fondement et a toujours été rejetée dans la jurisprudence antérieure. Elle ajoute que dans des affaires similaires concernant des inspections d’installations de production d’aliments, les tribunaux ont constamment favorisé la divulgation, et qu’on devrait voir le même résultat en l’espèce.
(4)
Analyse
[70]
La pierre de touche pour l’application de l’exception prévue à l’alinéa 20(1)c) trouve son origine dans les objets de la Loi, qui reflètent le besoin d’atteindre un équilibre « entre les objectifs importants de la divulgation et la nécessité d’éviter que celle-ci soit préjudiciable à des tiers »
(Merck Frosst, au para 204). Pour trouver cet équilibre, il est important de rappeler que la Loi concerne l’accès du public à l’information détenue par les institutions gouvernementales, ce qui sert des objectifs publics importants dans une société démocratique, sous réserve des limitations expressément prévues nécessaires à la protection d’autres intérêts importants (Merck Frosst, aux para 1-2; voir également Bombardier Inc c Canada (Procureur général), 2019 CF 207 aux para 35 à 38).
[71]
L’une des raisons pour lesquelles les tribunaux ont exigé des preuves d’un préjudice prévu qui va au-delà des conjectures et qui n’est pas fondé sur un risque de mauvaise compréhension ou de comptes rendus inexacts est que la crainte de tels risques ferait trop facilement obstacle au droit d’accès du public. Cela est confirmé dans Merck Frosst :
[204] Cette interprétation est également conforme à l’objet de la Loi. Il est nécessaire d’atteindre un équilibre entre les objectifs importants de la divulgation et la nécessité d’éviter que celle-ci soit préjudiciable à des tiers. L’objectif important visé par l’accès à l’information serait mis en échec par la norme de la simple possibilité qu’un préjudice soit causé. Il faut éviter de refuser la divulgation de renseignements sur le fondement d’une crainte de préjudice qui est fantaisiste, imaginaire ou forcée. De telles craintes ne sont pas raisonnables parce qu’elles ne sont pas fondées sur la raison. Les mots « risquerait vraisemblablement » [traduction] « expriment un risque, qui, en toute objectivité, est fondé sur des motifs réels et sérieux ». Par contre, ce dont il est question, c’est le risque qu’un préjudice soit causé, risque qui dépend de la concrétisation de certaines éventualités. Par conséquent, imposer au tiers (ou, dans d’autres dispositions, à l’administration) le fardeau d’établir que le préjudice est plus susceptible de se produire que de ne pas se produire reviendrait à lui imposer une norme de preuve qui, dans de nombreux cas, serait impossible à satisfaire.
[Renvois omis.]
[72]
En appliquant ce critère à la présente affaire, je suis d’accord avec Concord pour dire que ses preuves en l’espèce vont au-delà du type d’affirmation ou de conjecture qui a été jugé insuffisant dans des affaires précédentes. Concord ne se contente pas d’affirmer craindre un préjudice financier lié à la divulgation. Elle fait état de déclarations négatives et inexactes dans un article publié, qui mentionne un haut fonctionnaire de l’ACIA comme l’un des coauteurs, et de la couverture médiatique qui a suivi, comme étayant ses craintes de préjudice financier appréciable. Concord soutient qu’il s’agit plus que de simples conjectures sur une couverture négative prévue. Je conviens que Concord a démontré que sa crainte d’un préjudice financier repose sur davantage que de simples conjectures.
[73]
Toutefois, je ne suis pas convaincu que Concord ait démontré une attente raisonnable de préjudice probable découlant de la divulgation des documents contestés. À la suite d’un examen attentif des documents à la lumière des autres caviardages que l’ACIA s’est engagée à faire et de celles qui sont ordonnées ci-dessous, et compte tenu de la clarification que l’ACIA fournira à l’auteur de la demande, je ne suis pas convaincu que les risques que Concord appréhende soient démontrés par des preuves qui respectent le seuil rigoureux établi dans la jurisprudence. Plusieurs facteurs mènent à cette conclusion.
[74]
Tout d’abord, le préjudice potentiel pour Concord doit être évalué en fonction des documents dans la forme sous laquelle ils seront communiqués. Cela implique de tenir compte à la fois des caviardages additionnels que l’ACIA a accepté de faire et des autres caviardages ordonnés ci-dessous. De plus, il est important de tenir compte de l’incidence de la note explicative que l’ACIA joindra lorsque les documents seront fournis à l’auteur de la demande.
[75]
À l’audience, Concord a soutenu à juste titre que certains des caviardages de l’ACIA n’étaient pas conformes à la déclaration de cette dernière selon laquelle elle avait accepté plusieurs des modifications proposées par Concord. Par exemple, dans quelques documents, l’ACIA n’avait pas caviardé les mentions des clients de Concord; en outre, bien que l’ACIA ait caviardé la plupart des renvois au plan HACCP interne confidentiel de Concord, il en restait quelques-uns dans les documents. L’ACIA a maintenant accepté d’effectuer ces caviardages.
[76]
En outre, un examen attentif des documents individuels et de la lettre fournie par l’ACIA après l’audience révèle certains autres caviardages ou corrections nécessaires pour assurer une cohérence, comme nous l’expliquerons ci‑après.
[77]
L’ACIA s’est aussi maintenant engagée à inclure le paragraphe suivant dans la lettre qu’elle enverra à l’auteur de la demande et qui accompagnera la communication :
[traduction]
Veuillez noter que l’enquête menée en 2017 par l’ACIA sur des saucisses potentiellement mal étiquetées a révélé des problèmes concernant les systèmes de divers fabricants, problèmes qui ont par la suite été corrigés par les fabricants. L’enquête de 2017 n’a pas révélé de problèmes de fraude alimentaire pour des motifs économiques. La viande de cheval trouvée dans une saucisse identifiée dans l’étude n’a pas pu faire l’objet d’investigations plus poussées parce que l’entreprise avait volontairement cessé ses activités. Par conséquent, les documents ci-joints ne contiennent pas de rapports d’enquête de l’ACIA pour cette entreprise.
[78]
La question de savoir si l’ACIA rédigerait une quelconque note explicative pour préciser ce que les documents incluaient – ou non – a été abordée au cours des plaidoiries. Dans plusieurs affaires précédentes, la Cour a constaté l’utilité de telles déclarations pour remédier aux préjudices potentiels liés à la divulgation (Air Atonabee, aux para 4 et 44; Les Viandes du Breton 2000, aux para 18-19; Gainers Inc c Canada (Minister of Agriculture) (1988), 87 NR 94, 11 ACWS (3d) 151 (CAF)). Comme l’a expliqué le juge Phelan dans Air Canada c Canada (Procureur général), 2018 CF 378 :
[32] Une partie de la mauvaise compréhension peut être améliorée par le type même d’explication et le contexte figurant dans le mémoire des faits et du droit des demanderesses. On pourrait s’attendre à ce qu’une organisation responsable comme [Transports Canada] soit disposée à communiquer une note explicative au moment de la publication des renseignements. Si elle ne peut pas ou ne veut pas le faire, les parties peuvent formuler des observations avant que la Cour rende son ordonnance définitive.
[79]
C’est quelque peu similaire à ce qui s’est passé dans la présente affaire. À l’audience, plusieurs questions et préoccupations exprimées n’ont pas pu être traitées immédiatement, et les parties se sont vu accorder du temps pour les traiter après l’audience. C’est dans ce contexte que l’ACIA s’est engagée à inclure le paragraphe cité ci‑dessus dans la lettre qu’elle adressera à l’auteur de la demande.
[80]
Étant donné ces faits nouveaux, certains des préjudices craints par Concord se trouvent considérablement réduits. Les renvois à son plan confidentiel de sécurité interne et à ses clients seront caviardés conformément à l’engagement fourni dans la lettre de l’ACIA datée du 17 février 2020. Cependant, une correction est également nécessaire, car il y a une erreur typographique apparente dans la lettre. L’ACIA a accepté de caviarder les renvois au plan HACCP de Concord, mais l’un des renvois à des pages précises contient une erreur manifeste. Il est donc ordonné à l’ACIA de caviarder le renvoi au plan HACCP de Concord figurant sur la page d’information A0121575_13 (DCCT à 440), qui a été indiquée par erreur comme étant la page A01215715_23 (laquelle n’existe pas dans le dossier).
[81]
La préoccupation profonde et compréhensible de Concord concernant le fait qu’elle puisse être associée à tort à la question de la viande de cheval ou à une fraude alimentaire est abordée dans la note explicative, qui indique clairement que Concord n’a aucun lien avec la contamination par la viande de cheval dans les saucisses analysées. La note précise également que le problème qui a conduit à la présence de viande de poulet dans cinq saucisses de dinde a été corrigé et n’était pas lié à une fraude alimentaire.
[82]
Une deuxième considération importante est le passage du temps depuis l’étude initiale. Bien que l’importance de ce facteur dépende manifestement de la nature des renseignements contenus dans les documents, je suis convaincu qu’il milite en faveur de la communication en l’espèce, comme dans des affaires précédentes (Canada Packers Inc c Canada (Minister of Agriculture), [1989] 1 CF 47 à la p 60 (CAF); Les Viandes du Breton 2000, au para 12, citant Canada (Commissaire à l’information) c Canada (Premier ministre), [1993] 1 CF 427 [Commissaire à l’information 1993]); voir aussi Coopérative fédérée du Québec c Canada (Agriculture et Agroalimentaire)(2000), 2000 CanLII 14811 aux para 9-11 (CF 1re inst)).
[83]
En l’espèce, l’étude initiale a été réalisée en janvier et février 2017, et ses résultats ont été rendus publics en juillet 2017. Une certaine couverture médiatique a suivi (dont il sera question plus en détail ci‑dessous). Comme le souligne Concord, cette couverture médiatique s’est répétée dans une certaine mesure lors de la publication des résultats d’une étude de suivi en février 2019. Je suis d’accord avec Concord pour dire que les deux périodes doivent être prises en compte pour évaluer son risque de préjudice sur les plans financier ou compétitif.
[84]
Cependant, plusieurs facteurs liés au passage du temps tendent à réduire le fondement objectif de la crainte d’un préjudice découlant de la divulgation de ces documents. Tout d’abord, l’étude originale est maintenant assez datée et la couverture médiatique est obsolète. Il n’y a aucune preuve d’une controverse publique actuelle au sujet de la production et de la vente de viande contaminée au Canada, ce qui témoigne à la fois des efforts des producteurs et des résultats du régime d’inspection.
[85]
À cet égard, le passage du temps aide à placer les renseignements contenus dans les documents dans leur contexte approprié. Par exemple, la preuve montre que depuis l’enquête initiale, l’ACIA a inspecté les installations de Concord des centaines de fois et n’a trouvé aucun problème semblable à l’erreur relative aux saucisses de dinde (dossier de la demanderesse à 226). Si Concord continue de prévoir une réaction négative à la communication des résultats de l’étude de 2017, elle devra décider de rendre public ce type de renseignements afin de rétablir les faits (voir Air Atonabee à 36).
[86]
Une autre considération pertinente est la nature de la couverture médiatique sur cette question. Après avoir examiné les comptes rendus des médias versés au dossier, je ne peux pas convenir avec Concord qu’ils sont uniformément négatifs, sensationnalistes ou déséquilibrés. Plusieurs médias qui mentionnent l’erreur relative aux saucisses de dinde affirment que le problème qui l’a causée a été corrigé depuis (dossier de la demanderesse à 250, 255). En outre, les comptes rendus des médias faisant état de l’étude de suivi qui a été réalisée en 2019 ont constamment rapporté l’amélioration des résultats globaux constatée dans cette étude et, facteur d’une importance particulière pour Concord, ces comptes rendus indiquent tous qu’il n’y avait pas de saucisses de dinde contenant du poulet, et on cite l’auteur de l’étude qui dit que [traduction] « ce problème semble être résolu »
.
[87]
Dans la mesure où Concord s’est dite préoccupée par le fait que la communication de ces documents à un membre des médias ravive une couverture négative et inexacte, je ne suis pas convaincu que cela soit très préoccupant si l’on se fonde sur la couverture consécutive au deuxième rapport.
[88]
Concord souligne la couverture médiatique antérieure et note que l’ACIA a identifié l’auteur de la demande comme étant un membre des médias, et que le but de la demande est donc clair. Je n’en suis pas convaincu. Premièrement, le paragraphe 4(2.1) de la Loi et la jurisprudence indiquent que la loi doit être appliquée sans qu’il soit tenu compte de l’identité de la personne qui fait la demande (Les Viandes du Breton Inc c Canada (Agence canadienne d’inspection des aliments), 2006 CF 1075 aux para 11-13 [Les Viandes du Breton 2006], citant Commissaire à l’information 2003 au para 32). Le fait qu’il y ait eu une couverture médiatique des renseignements contenus dans les documents est une considération pertinente (Les Viandes du Breton 2000, au para 12, citant Commissaire à l’information 1993). Toutefois, la nature de la couverture doit être prise en considération et, compte tenu de l’analyse ci-dessus, je ne suis pas convaincu que la possibilité qu’il y ait une couverture supplémentaire soit suffisante pour établir un risque vraisemblable de préjudice probable.
[89]
Je suis d’accord avec Concord pour dire que la question de la contamination par la viande de cheval a occupé une place importante et qu’on a souvent employé un langage plutôt coloré dans les premiers reportages des médias relatifs à l’étude de 2017. S’il restait une ambiguïté sur le fait que Concord n’est en rien liée à ce problème, j’aurais fort bien pu être convaincu que ses craintes de préjudice financier étaient fondées. Toutefois, rien dans les documents qui seront divulgués ne permet d’établir un tel lien et la note explicative que l’ACIA communiquera à l’auteur de la demande confirme également qu’un tel lien ne doit pas être établi. Les craintes de Concord à ce sujet doivent maintenant entrer dans la catégorie des conjectures relatives à une couverture médiatique inexacte et je conclus que la société dispose d’autres recours juridiques si une telle couverture se produit.
[90]
Enfin, un examen attentif des documents montre plusieurs éléments qui ont tendance à réduire tout risque appréhendé pour la situation financière ou compétitive de Concord. Premièrement, les documents contiennent des déclarations des fonctionnaires de l’ACIA selon lesquelles l’erreur est survenue en partie à cause de la façon dont les fournisseurs de Concord emballaient et étiquetaient la dinde et le poulet, et que ce problème a été résolu. Deuxièmement, les documents montrent que Concord a élaboré et mis en œuvre un plan de mesures correctives pour remédier à des problèmes relatifs à ses pratiques concernant la traçabilité du produit de sa réception à sa production finale, qui avaient été identifiés par les inspecteurs. Ce plan a été approuvé par l’ACIA. Troisièmement, bien qu’on mentionne d’autres problèmes liés à l’installation de production de viande identifiés par les inspecteurs, les documents montrent que le plan de mesures correctives traitait de ces problèmes et que ceux‑ci ont été résolus.
[91]
En somme, les documents ne contiennent aucun renseignement particulièrement préjudiciable et ils montrent que Concord a pris des mesures pour régler les problèmes identifiés à la satisfaction des fonctionnaires de l’ACIA.
[92]
Je note ici que je ne suis pas convaincu par l’argument de l’ACIA selon lequel le renvoi dans l’avis de requête de Concord aux conclusions selon lesquelles certaines de ses saucisses de dinde contenaient par erreur du poulet est suffisant pour l’empêcher de chercher à protéger l’information. D’une part, il est troublant que Concord n’ait pris aucune mesure pour obtenir une ordonnance de confidentialité afin de protéger ces renseignements, d’autant plus qu’elle a demandé et obtenu une telle ordonnance à l’égard d’autres documents déposés dans la présente affaire. D’autre part, je suis d’accord avec Concord pour dire que l’inclusion de ce seul renvoi dans son avis de requête est très différente de la communication de l’information à l’auteur de la demande, qui est, comme il est admis, un membre des médias.
[93]
Dans l’ensemble, je ne suis pas convaincu que Concord ait démontré un risque réel de préjudice probable à sa situation financière ou concurrentielle conformément au critère établi dans la jurisprudence citée précédemment. Plusieurs des préoccupations de Concord ont été réglées par les caviardages supplémentaires de l’ACIA et certains autres caviardages qui seront ordonnés, ainsi que par la note explicative que l’ACIA remettra à l’auteur de la demande lorsqu’elle lui communiquera les documents. D’autres préoccupations sont fondées sur la crainte d’une couverture médiatique négative, inexacte ou injuste, ce qui ne peut pas être accepté comme motif de refus de la communication. Un examen attentif des documents dans leur intégralité ne permet pas de conclure qu’on peut raisonnablement craindre un préjudice financier appréciable par suite de la divulgation.
[94]
Pour ces raisons, je n’accepte pas que la communication des documents soit refusée au titre de l’alinéa 20(1)c) de la Loi.
[95]
Comme il est indiqué ci-dessus, Concord a avancé un argument subsidiaire selon lequel certains des documents devraient être soustraits à la communication en vertu des alinéas 20(1)b) ou d) de la Loi.
[96]
D’entrée de jeu, il est important de faire la distinction entre l’exception fondée sur la catégorie relative à la communication de « renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques »
fournis de manière confidentielle à une institution générale, qui est visée à l’alinéa 20(1)b), et l’exception fondée sur les préjudices qui est visée aux alinéas 20(1)c) et d) (AstraZeneca, au para 41). Si un document relève de la catégorie des documents confidentiels énoncée à l’alinéa b), aucune analyse supplémentaire du préjudice découlant de la divulgation n’est requise et le document est soustrait à la communication. Toutefois, en vertu des alinéas c) ou d), la preuve d’un risque vraisemblable de préjudice probable doit être faite. Cette question a déjà été traitée en ce qui concerne l’alinéa c); le préjudice vraisemblablement appréhendé qui est visé à l’alinéa d) concerne le fait que la divulgation entrave des négociations menées en vue de contrats ou à d’autres fins.
[97]
Dans Air Atonabee, notre Cour a établi le cadre d’analyse d’une demande présentée en vertu de l’alinéa 20(1)b); la partie qui cherche à bloquer la divulgation doit démontrer que l’information est :
a) de nature financière, commerciale, scientifique ou technique, au sens courant de ces termes;
b) de nature confidentielle suivant un critère objectif qui tienne compte du contenu des renseignements, de leur but et des conditions dans lesquelles ils ont été préparés et communiqués;
c) fournie au gouvernement par un tiers;
d) traitée de manière confidentielle de façon constante par ce tiers.
(Voir Air Atonabee à 19; voir aussi Fermes Burnbrae, au para 66; AstraZeneca, au para 79; Merck Frosst, au para 133; Calian, au para 51.)
[98]
Concord prétend que les documents contenant des renvois (i) à son plan HACCP, (ii) à son plan de mesures correctives et (iii) aux données qui montrent l’écart entre la quantité de viande reçue à son établissement et la quantité réellement produite (données sur l’écart) devraient être soustraits à la communication en vertu de l’alinéa 20(1)b). Elle soutient qu’elle traite ces renseignements de façon confidentielle, qu’elle les a fournis à l’ACIA en toute confidentialité, et qu’ils sont donc visés par cette exception.
[99]
La première catégorie de renseignements peut être traitée rapidement. Comme il a été mentionné précédemment, l’ACIA a accepté de caviarder tout renvoi au plan HACCP, de telle sorte que ces documents ne sont plus en litige. Comme il a été mentionné plus tôt, dans la lettre de l’ACIA proposant ces caviardages, il y a une erreur typographique qui devrait être corrigée, et il sera ordonné à l’ACIA de caviarder la bonne page.
[100]
En ce qui concerne les données sur l’écart, l’ACIA a accepté de caviarder le poids réel de la viande, mais pas le pourcentage de produit dont la présence a été suivie, car ce renseignement était considéré comme une information factuelle établie au cours d’une inspection, et une fois la quantité exacte en kilogrammes caviardée, ce pourcentage ne révélait plus de renseignements commerciaux confidentiels. Encore une fois, d’autres caviardages seront ordonnés pour assurer la cohérence sur ce point.
[101]
La seule question est donc celle de savoir si les valeurs en pourcentage calculées par les fonctionnaires de l’ACIA devraient aussi être soustraites à la communication. Il s’agit d’une question de fait et ce qui compte, c’est le contenu des documents, et non leur forme : « Il faut appliquer l’exception aux renseignements qui révèlent les renseignements confidentiels fournis par le tiers ainsi qu’à ces derniers. De façon générale, les jugements ou les conclusions auxquels parviennent les fonctionnaires sur la base de leurs propres observations ne peuvent être considérés comme des renseignements fournis par un tiers. »
(Merck Frosst, au para 158)
[102]
Concord soutient que la décision de caviarder le poids réel mais pas les pourcentages est illogique parce que les valeurs en pourcentage ne sont rien de plus qu’une fonction des valeurs en kilogrammes. Si les valeurs en kilogrammes sont soustraites à la communication conformément à l’article 20, les valeurs en pourcentage devraient également être protégées. L’ACIA soutient que les pourcentages sont des renseignements et des analyses qu’elle a générés et non des renseignements qui lui ont été fournis par Concord; par conséquent, ils ne sont pas visés par l’alinéa 20(1)b).
[103]
Je ne suis pas convaincu par l’argument de Concord selon lequel les calculs de pourcentage ne devraient pas être divulgués. S’il est vrai que les pourcentages sont fonction des valeurs en kilogrammes, il ne s’ensuit pas que toutes les valeurs calculées devraient être traitées de la même façon. De même, le fait que les pourcentages aient été calculés par un fonctionnaire de l’ACIA n’est pas déterminant. Ce qu’il faut, c’est plutôt évaluer si l’information est visée par l’alinéa 20(1)b) parce qu’elle révèle réellement des renseignements confidentiels fournis par Concord à l’ACIA.
[104]
Il appert que les données sur l’écart ont été générées par Concord soit conformément à une exigence réglementaire générale, soit à titre de suivi des problèmes identifiés au cours de l’enquête. Le dossier n’est pas tout à fait clair sur ce point; toutefois, à mon avis, cette question n’est pas pertinente.
[105]
Il est admis que les calculs de pourcentage ont été effectués par l’ACIA. Il est également clair que les données sur l’écart se rapportent aux préoccupations que l’ACIA a identifiées concernant les politiques, procédures et pratiques de traçabilité de Concord. En termes simples, l’une des façons d’évaluer la traçabilité consiste à mesurer la quantité d’un produit particulier (par exemple, la viande de dinde) livré au site de production par rapport à la quantité de produit de dinde qui est finalement produite. On peut s’attendre à ce qu’une partie de la viande soit perdue pendant la production, mais un poids significativement différent peut indiquer un problème lié au mélange de différents lots de produits ou d’autres problèmes de traçabilité au cours du cycle de production. C’est un point qui revient plusieurs fois dans les documents.
[106]
L’ACIA a accepté la demande de Concord de caviarder les valeurs précises en kilogrammes – bien que, comme indiqué ci-dessous, d’autres caviardages soient nécessaires pour y parvenir. Elle n’a pas accepté la demande de caviarder les calculs de pourcentage parce que ceux-ci ont été effectués par l’ACIA sur la base de ses observations des documents produits par Concord. Je conclus qu’il s’agit d’une interprétation correcte de la loi par rapport aux faits de la présente affaire.
[107]
Bon nombre des affaires qui traitent de cette question concernent des rapports d’inspection ou d’autres rapports préparés par l’institution fédérale. En l’espèce, ce n’est pas si clair; les valeurs des kilogrammes de produit qui ont servi au calcul des pourcentages ont été fournies par Concord et compilées par un fonctionnaire de l’ACIA qui a ensuite calculé les pourcentages. L’ACIA a accepté que les valeurs réelles en kilogrammes révèlent des renseignements confidentiels et devraient donc être caviardées, apparemment au motif que cela révélerait aux concurrents la quantité d’une viande particulière que Concord recevait – et donc la quantité de ce produit qui était transformée dans cette installation.
[108]
Dans la mesure où c’est ce qui justifie que ces renseignements soient considérés comme confidentiels, je conclus que l’ACIA a correctement déterminé que les valeurs en pourcentage ne révèlent pas de renseignements confidentiels lorsqu’elles ne sont pas accompagnées des valeurs en kilogrammes. Sur la base des pourcentages seuls, personne ne peut déterminer si les chiffres portent sur 100 kg de produit ou 10 000 kg de produit, et ce sont là précisément les renseignements confidentiels que Concord cherche à protéger. En outre, une fois les valeurs en pourcentage séparées des valeurs en kilogrammes, il n’est pas possible de « remonter à la source »
pour déduire le poids réel de la viande à partir de ces pourcentages.
[109]
Deuxièmement, les pourcentages correspondent à des observations réglementaires basées sur les informations fournies par Concord. Comme on l’a vu, les données sur l’écart étaient pertinentes au regard des préoccupations de l’ACIA concernant les pratiques et procédures de traçabilité de Concord. Le tableau indiquant les calculs de pourcentage a été préparé par un fonctionnaire de l’ACIA dans le contexte de l’enquête et du suivi du plan de mesures correctives de Concord. Cette information n’a pas été fournie par Concord à l’ACIA et elle est davantage de la nature des types d’analyse ou de conclusion réglementaires qui ne devraient pas être caviardés selon une jurisprudence constante (Merck Frosst, au para 156, citant Air Atonabee au para 275; Porter Airlines, aux para 22-23; AstraZeneca, aux para 74 et 103).
[110]
Pour toutes ces raisons, je conclus que les calculs de pourcentage ne sont pas visés par l’alinéa 20(1)b) (voir Fermes Burnbrae au para 90). Toutefois, comme on le verra, certains caviardages supplémentaires sont nécessaires afin de s’assurer que les valeurs en kilogrammes ne sont pas divulguées.
[111]
Il reste donc à examiner la question des documents relatifs au plan de mesures correctives. Ces documents doivent être remis dans leur contexte. L’ACIA a demandé à Concord d’élaborer ce plan à la suite de son enquête; il ne s’agissait pas d’un effort purement volontaire de la part de la société. Les documents portent sur les lacunes dans l’exploitation de l’usine qui ont été identifiées et, comme on l’a vu, les dossiers indiquent également que les fonctionnaires de l’ACIA étaient satisfaits du plan et de sa mise en œuvre par Concord.
[112]
La question de savoir si ces renseignements sont considérés comme confidentiels constitue une question de fait qui doit être tranchée à la lumière de la preuve. Le simple fait qu’un tiers ait traité certains renseignements comme étant confidentiels n’est pas déterminant. Il convient également de répéter que les documents relatifs aux plans de mesures correctives n’ont pas été fournis volontairement par Concord à l’ACIA. Au contraire, Concord était tenue d’élaborer un tel plan sur demande. L’ACIA avait également accès à l’installation de Concord et aux documents conservés à cet établissement dans le cadre de ses attributions réglementaires. Les tribunaux ont conclu à maintes reprises, selon un critère objectif, que les informations recueillies dans le cadre d’inspections réglementaires ne sont pas confidentielles (Les Viandes du Breton 2006, au para 28; Fermes Burnbrae, aux para 84-85). Comme il a été mentionné ci‑dessus, je ne conclus pas que le fait que le plan de mesures correctives ait été préparé par Concord est déterminant dans la mesure où ce plan a été exigé par l’ACIA, donne suite à bon nombre des observations et des conclusions de l’enquête de l’ACIA et répond ensuite à ces préoccupations.
[113]
À mon avis, il est important de noter qu’il n’y a aucune preuve dans le dossier indiquant que Concord ait communiqué à l’ACIA son désir de préserver la confidentialité du plan de mesures correctives. Contrairement à certains autres documents du dossier (qui sont caviardés), le plan de mesures correctives ne porte pas la mention « confidentiel »
et il n’y a aucune correspondance ni autre communication adressée par Concord à l’ACIA indiquant qu’il doive être traité comme tel. L’ACIA a demandé à Concord de produire le document dans le cadre de ses attributions réglementaires. Le document est axé sur le fonctionnement de l’installation plutôt que sur la qualité du produit. Il reflète dans une large mesure les conclusions de l’enquête de l’ACIA et les mesures correctives qui visent à répondre aux préoccupations identifiées par l’ACIA.
[114]
Je conclus que le document concernant le plan de mesures correctives n’est pas confidentiel, selon un critère objectif, et que ces renseignements ne relèvent donc pas de l’alinéa 20(1)b).
[115]
L’argument final de Concord est que certains documents relèvent de l’exception prévue à l’alinéa 20(1)d), s’agissant des renseignements « dont la divulgation risquerait vraisemblablement d’entraver des négociations menées par un tiers en vue de contrats ou à d’autres fins ».
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[116]
Dans ses décisions, la Cour a constamment conclu que cette exception nécessite la preuve d’une obstruction de négociations en cours; les risques hypothétiques pour les possibilités commerciales futures ne suffisent pas (Fermes Burnbrae, aux para 124-125; Société canadienne des postes c Commission de la capitale nationale, 2002 CFPI 700 au para 18; Société Radio-Canada c Commission de la capitale nationale, [1998] ACF no 676 au para 29).
[117]
À mon avis, la preuve de Concord est insuffisante parce qu’elle ne démontre pas un risque réel d’obstruction de négociations réelles découlant de la divulgation des documents, tels qu’ils seront caviardés et à la lumière de la note explicative que l’ACIA fournira à l’auteur de la demande.
V.
Corrections et autres caviardages
[118]
La Cour est tenue de procéder à un examen document par document du dossier de divulgation afin de s’assurer que les caviardages proposés par l’ACIA sont corrects et de déterminer si le « responsable d’une institution fédérale est tenu de refuser la communication totale ou partielle d’un document »
(art 51). Comme on l’a vu, au cours de cet examen, une correction et plusieurs autres caviardages ont été identifiés.
[119]
La correction a trait au caviardage supplémentaire que l’ACIA a accepté après l’audience. Parmi ces caviardages, l’ACIA a accepté de ne pas divulguer de renvois au plan HACCP de Concord, mais dans la lettre de l’ACIA qui en fait état, il y a une erreur typographique apparente qui doit être corrigée. Par conséquent, il est ordonné à l’ACIA de caviarder le ou les renvois au plan HACCP de Concord à la page A0121575_13 (DCCT à 440).
[120]
En outre, au cours de mon examen des documents, j’ai trouvé d’autres incohérences. Par conséquent, en vertu du pouvoir énoncé à l’article 51 de la Loi, il est ordonné à l’ACIA de caviarder certains autres renseignements dans les dossiers, comme suit :
- L’ACIA a accepté de caviarder le nom des laboratoires ainsi que les numéros de lots et de travail liés à certaines analyses, mais cette information figure toujours dans certains documents. En conséquence, il est ordonné à l’ACIA de caviarder les numéros de lots et de travail aux pages A0121582_7 (DCCT à 473) et A0121585_7 (DCCT à 500).
- L’ACIA a accepté de caviarder les valeurs en kilogrammes, mais pas les pourcentages; toutefois, les valeurs en kilogrammes figurent dans certains documents. En conséquence, il est ordonné à l’ACIA de caviarder les valeurs en kilogrammes qui figurent aux pages A0125715_22 (DCCT à 601) et A0125715_23 (DCCT à 602).
VI.
Conclusion
[121]
Pour les raisons exposées ci-dessus, je rejette le recours exercé en vertu de l’article 44 de la Loi.
[122]
Je ne suis pas convaincu que Concord a démontré l’existence d’un risque vraisemblable de préjudice probable découlant de la divulgation des documents, car ceux-ci seront caviardés et l’ACIA fournira une note explicative à l’auteur de la demande; par conséquent, les documents ne sont pas soustraits à la communication en vertu de l’alinéa 20(1)c). En outre, Concord n’a pas démontré que les dossiers relatifs au plan de mesures correctives ou aux données sur l’écart relèvent de l’exception relative aux renseignements confidentiels énoncée à l’alinéa 20(1)b). Enfin, Concord n’a pas démontré que la divulgation de ces renseignements ferait obstacle ou porterait préjudice à des négociations contractuelles ou autres, et l’exception prévue à l’alinéa 20(1)d) ne peut donc pas être invoquée.
[123]
Par ailleurs, je trouve que certains autres caviardages sont nécessaires pour assurer une cohérence. Celles-ci sont énoncées ci-dessus et figureront également dans l’ordonnance de la Cour.
[124]
Après l’audience, les parties ont présenté des observations conjointes sur les dépens. Après avoir examiné leurs observations et exerçant mon pouvoir discrétionnaire conformément à l’article 400 des Règles, je conclus que la proposition relative aux dépens est raisonnable. Conformément aux observations conjointes des parties, l’ACIA a droit à des dépens de 6 704,55 $, mais ce montant doit être compensé et réduit des frais engagés par la demanderesse pour présenter sa requête en redressement interlocutoire d’un montant de 1 050 $. Par conséquent, Concord doit payer à l’ACIA le montant global de 5 654,55 $.
[125]
Comme indiqué précédemment, à la lumière de l’ordonnance de confidentialité et de la nature des questions à trancher en l’espèce, une version confidentielle de la décision a été communiquée aux parties et celles-ci ont eu l’occasion de proposer des caviardages. En outre, Concord a demandé que l’ordonnance de confidentialité soit prolongée pendant la période d’appel; dans les circonstances, je considère qu’il s’agit d’une demande raisonnable, et je rends une ordonnance en conséquence.
[126]
En terminant, je ferai une observation supplémentaire, à titre d’opinion incidente. Lorsque la présente affaire a été débattue devant la Cour, l’ACIA n’avait fourni aucune note explicative. Bien qu’elle ait indiqué sa volonté de travailler avec Concord pour élaborer un tel document, aucun projet n’avait été fourni à Concord et aucun projet n’avait donc été présenté à la Cour. Comme je l’ai déjà mentionné, la couverture médiatique qui avait suscité des craintes chez Concord pour sa réputation avait trait à un cas où de la viande de cheval avait été trouvée dans des saucisses, affaire qui n’était en aucun cas liée à une opération de Concord, et à des allégations de fraude alimentaire. Les craintes exprimées par Concord sont faciles à comprendre. Il s’avère qu’il est également facile d’y remédier au moyen du type de note explicative que l’ACIA a finalement fournie.
[127]
À l’avenir, les institutions fédérales devraient fournir ces renseignements explicatifs avant l’audience afin que le tiers puisse déterminer s’il souhaite poursuivre son recours fondé sur l’article 44 et que la Cour soit mieux placée pour examiner le préjudice appréhendé découlant de la divulgation.
VII.
Apostille
[128]
Dans la foulée du paragraphe 125 ci-dessus, la demanderesse a déposé des observations avec les caviardages qu’elle propose. La défenderesse ne s’y est pas opposée. Je conclus que les caviardages proposés sont appropriés dans les circonstances parce qu’ils concernent des renseignements confidentiels et que les quelques caviardages relativement mineurs n’empêchent pas le public de comprendre l’affaire.
JUGEMENT dans le dossier T-1834-17
LA COUR STATUE que :
Le recours exercé en vertu de l’article 44 de la Loi sur l’accès à l’information est rejeté.
Il est ordonné la défenderesse l’Agence canadienne d’inspection des aliments de caviarder :
tout renvoi au plan HACCP de Concord en page A0121575_13 (DCCT à 440) ;
les numéros de lot et de travail des pages A0121582_7 (DCCT à 473) et A0121585_7 (DCCT à 500);
les valeurs en kilogrammes qui figurent aux pages A0125715_22 (DCCT à 601) et A0125715_23 (DCCT à 602).
La demanderesse paiera aux défendeurs des dépens d’un montant de 5 654 $, frais et débours compris.
L’ordonnance de confidentialité du 2 novembre 2018 est par les présentes prorogée pendant le délai d’appel du présent jugement.
« William F. Pentney »
Juge
Traduction certifiée conforme
Sandra de Azevedo, LL.B.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
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T-1834-17
|
INTITULÉ :
|
CONCORD PREMIUM MEATS LTD c AGENCE CANADIENNE D’INSPECTION DES ALIMENTS ET PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
|
LIEU DE L’AUDIENCE :
|
VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)
|
DATE DE L’AUDIENCE :
|
LE 20 JANVIER 2020
|
JUGEMENT ET MOTIFS :
|
LE JUGE PENTNEY
|
DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS CONFIDENTIELS :
|
LE 18 DÉCEMBRE 2020
|
DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS PUBLICS :
|
LE 22 JANVIER 2021
|
COMPARUTIONS :
Tamara Hunter
Alex Hudson
|
POUR LA DEMANDERESSE
|
Gwen MacIsaac
|
POUR LES DÉFENDEURS
|
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
DLA Piper (Canada) LLP
Avocats
Vancouver (Colombie-Britannique)
|
POUR LA DEMANDERESSE
|
Procureur général du Canada
Vancouver (Colombie-Britannique)
|
POUR LES DÉFENDEURS
|