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Date : 20031202

Dossier : IMM-3865-02

Référence : 2003 CF 1407

ENTRE :

                                                                     ILIE HUSLEAG

                                                                                                                                                     demandeur

                                                                              - et -

                                                                                   

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE MacKAY

[1]                 La présente affaire est une demande de contrôle judiciaire de la décision de le tribunal de l'immigration et du statut de réfugié (le tribunal) en date du 1er août 2002, dans laquelle le statut de réfugié a été refusé au demandeur. Le demandeur sollicite une ordonnance accordant le contrôle judiciaire, annulant la décision de la CISR et lui accordant le statut de réfugié au sens de la Convention ou, à titre subsidiaire, une ordonnance accordant le contrôle judiciaire, annulant la décision de la CISR et renvoyant la revendication de statut de réfugié pour réexamen.

[2]                 Le demandeur est un citoyen de la Roumanie âgé de vingt-neuf ans, arrivé au Canada le 15 juillet 2001 par cargo porte-conteneurs. Il a revendiqué le statut de réfugié en alléguant avoir été persécuté en raison de sa foi pentecôtiste, de son origine russe et de sa désertion de l'armée roumaine.

[3]                 Le demandeur soutient avoir tenté de quitter la Roumanie à plus d'une occasion. En février 2000, il a travaillé en Grèce pendant deux mois avant dtre renvoyé en Roumanie parce qu'il séjournait illégalement en Grèce. Plus tard, il est retourné en Grèce où il a de nouveau travaillé illégalement avant dtre renvoyé une seconde fois en Roumanie. En août 2000, il est entré en Italie et y a travaillécomme briqueteur pendant plus d'un an jusquce qu'il soit arrêté pour s'y être trouvéillégalement. Il a alors revendiqué le statut de réfugié, mais sa demande a été refusée parce qu'il avait travaillé dans l'illégalité. Le demandeur a ensuite quitté l'Italie pour le Canada. Il affirme ne pas vouloir retourner en Roumanie en raison du risque de persécution.


[4]                 Dans son témoignage devant le tribunal, le demandeur a affirmé détenir un diplôme dtudes secondaires comme briqueteur et charpentier et avoir décroché un contrat d'une durée de cinq ans avec une entreprise de construction après l'obtention de son diplôme. Toutefois, il a été enrôlé par la force dans l'armée roumaine à lge de dix-neuf ans et son contrat avec l'entreprise de construction a été suspendu. Malgré le fait que le service militaire allait à l'encontre de ses croyances religieuses, le demandeur s'est joint à l'armée lorsqu'il a été conscrit parce que les peines imposées dans le cas contraire étaient de deux à cinq ans d'emprisonnement et une amende de cinq millions de lei.

[5]                 Pendant son service militaire, le demandeur soutient avoir été persécuté, avoir été choisi pour exécuter des tâches que les autres n'avaient pas à accomplir et avoir vu sa demande d'autorisation de départ refusée. Après avoir complété son service militaire, le demandeur a tenté de décrocher d'autres emplois mais n'a pas réussi et est retourné travailler dans l'entreprise de construction. Il allègue qu'il perdait fréquemment ses emplois en raison de ses croyances religieuses.

[6]                 De plus, le demandeur soutient que, à deux occasions en 1992, des gens ont fracassé les fenêtres de son église pendant que des fidèles, dont lui-même, effectuaient leurs dévotions et que les policiers n'ont rien fait. En 1997, des gens ont lancé des pierres aux fidèles, y compris sur lui-même. Il a ajouté dans son témoignage que de tels incidents se produisaient deux ou trois fois par mois, mais il n'a pas indiqué ce renseignement dans son formulaire de renseignements personnels (FRP).


[7]                 Le 4 avril 2002, la CISR a délivré un avis de convocation au demandeur pour l'audition de sa revendication du statut de réfugié en date du 23 avril 2002. Lors de l'audience, celui-ci a demandé l'autorisation de produire des preuves documentaires supplémentaires à l'appui de sa demande, ce qui a été refusé par le tribunal. Le demandeur allègue que son conseil a fait valoir une objection, mais que l'audience s'est poursuivie.

La décision en cause

[8]                 Dans sa décision en date du 1er août 2002, le tribunal, pour les motifs qu'il a énoncés, a estimé que la preuve documentaire n'étayait pas la persécution des pentecôtistes dans la Roumanie actuelle. Bien que le lancement de pierres et le vandalisme du lieu de culte du demandeur aient été choquants, le tribunal a conclu que ces incidents n'équivalaient pas à de la persécution. En conséquence, le tribunal est arrivé à la conclusion qu'il n'y avait pas de possibilité sérieuse que le demandeur soit persécuté en raison de sa religion s'il retournait en Roumanie.

[9]                 Par ailleurs, relativement à l'allégation de persécution du demandeur en raison de son origine russe, le tribunal a estimé que celui-ci avait enjolivé le récit du seul incident survenu alors qu'il n'avait que seize ans. Après cet incident, le demandeur a été en mesure de fréquenter l'école, recevoir son diplôme et trouver du travail. Il n'a pas présenté d'éléments de preuve crédibles en ce qui concerne la persécution qu'il subirait en raison de son origine russe.

[10]            Enfin, le tribunal est arrivé à la conclusion que, vu les documents selon lesquels, depuis 1989, aucune loi en vigueur n'empêche les déplacements d'anciens militaires à l'extérieur de la Roumanie, la crainte du demandeur relativement à sa désertion de la réserve militaire n'était pas objectivement fondée.


[11]            De plus, le tribunal a estimé le retour du demandeur, en deux occasions, de la Grèce à la Roumanie discréditait son allégation de crainte de persécution. Il n'avait pas présenté de revendication de statut de réfugié en Grèce et ne l'a fait en Italie qu'après avoir été arrêté par les autorités alors qu'il y vivait depuis plus d'un an. Selon le tribunal, il n'a pas démontré de crainte subjective de persécution.

[12]            La seule question soulevée par le demandeur dans la présente instance de contrôle judiciaire est la suivante :

La CISR a-t-elle privé le demandeur de son droit à la justice naturelle en refusant qu'il produise des éléments de preuve documentaire supplémentaires lors de l'audience portant sur le statut de réfugié?

[13]            Au début de l'audience du tribunal, le conseil du demandeur a demandé l'autorisation de présenter certains documents. Le président du tribunal a affirmé :

[traduction] Pour les affaires éventuelles, j'ai toujours exigé que, dans la mesure du possible, tous les documents me soient fournis au moins 20 jours avant l'audience. Je vous le dis pour la prochaine fois.

Le président a ensuite accepté certains documents, refusant d'admettre uniquement ceux rédigés en roumain, sans traduction dans l'une des langues officielles du Canada, ainsi qu'un document vieux de plus d'un an décrivant les conditions de vie en Roumanie.

[14]            Le demandeur allègue premièrement qu'aucune disposition des Règles de la section du statut de réfugié, DORS/93-45 (les règles de la SSR), n'exige que le revendicateur de statut de réfugié ne présente de preuve documentaire vingt ou trente jours avant l'audience. Il semble que ce soit le cas. Cependant, cet argument soulevé par le demandeur n'est pas établi en preuve. En effet, les transcriptions indiquent que certains documents apportés ont été acceptés et que, vers la fin de l'audience, le président a mentionné l'obligation du tribunal d'examiner les documents écrits soumis après l'audience et avant que la décision ne soit rendue. La transcription de l'audience du tribunal qui a été déposée en preuve ne permet pas d'étayer l'argument du demandeur selon lequel la présentation et la production par le conseil de l'ensemble des documents supplémentaires ont été refusées, puisque certains documents ont été acceptés.

[15]            Deuxièmement, le demandeur fait valoir que, puisque l'avis de la date d'audience a été envoyé moins de vingt jours avant l'audience, il lui était impossible de savoir à quelle date il aurait dû déposer les documents ou, vraisemblablement, de quelle façon il aurait pu les déposer vingt jours ou plus avant la tenue de l'audience.

Analyse

[16]            L'article 14 des Règles de la SSR, qui était alors applicable, prévoyait :


14. (1) L'intéressé fournit à la section du statut les renseignements relatifs à sa revendication, notamment:

. . .

(2) Les renseignements visés au paragraphe (1) sont:

a) fournis sur le formulaire qui a été signifié à l'intéressé conformément à l'alinéa 6(1)c) ou en une forme semblable;

b) déposés:

. . .

(iii) dans les 28 jours qui suivent la date à laquelle le formulaire a été signifié à l'intéressé conformément à l'alinéa 6(1)c), ou dans les 35 jours qui suivent cette date dans le cas du dépôt par courrier ordinaire affranchi.

14. (1) A person concerned shall provide the Refugee Division with information respecting the claim, including

. . .

(2) The information referred to in subsection (1) shall be

(a) provided on the form that was served on the person pursuant to paragraph 6(1)(c) or on a similar form; and

(b) filed

. . .

(iii) within 28 days after the day on which the form is served on the person concerned pursuant to paragraph 6(1)(c), or within 35 days after that day where the information is filed by prepaid regular mail.


[17]            L'article 14 s'applique manifestement en l'espèce. La preuve n'appuie pas l'allégation du demandeur selon laquelle le premier avis de déposer des documents a été l'avis de convocation du 4 avril 2002. Le défendeur fait référence à d'autres avis indiquant au demandeur qu'il devait fournir à la CISR les éléments de preuve et documents pertinents. Ces avis incluaient une lettre en date du 24 août 2001 demandant au demandeur de fournir tout document sur lequel il entendait étayer sa revendication et indiquant que [traduction] « ces documents doivent être communiqués avant l'audience » . De plus, une lettre en date du 5 décembre 2001 l'informait des questions principales soulevées par sa revendication et lui demandait de fournir [traduction] « le plus tôt possible » les documents sur lesquels il avait l'intention de fonder sa position. Manifestement, le demandeur a été avisé qu'il devait fournir les documents et ce, près de huit mois avant la date fixée plus tard pour l'audience.

[18]            Enfin, le demandeur fait valoir que son conseil a « expressément et implicitement » demandé un ajournement dans le but de produire d'autres éléments de preuve. Cette requête a été rejetée par le tribunal. Il allègue que cette décision était injuste et que l'ajournement aurait dû être accordé pour permettre le dépôt d'éléments de preuve supplémentaires.

[19]            Il y a un certain désaccord relativement à l'ajournement et la preuve n'établit pas clairement s'il a été demandé ou non. Que l'ajournement ait été demandé ou non, le tribunal avait le pouvoir discrétionnaire d'accueillir ou de rejeter une telle requête, pour autant que la décision n'ait pas été injuste pour le demandeur. Comme l'a souligné le juge Sopinka de la Cour suprême du Canada au par. 16 de l'arrêt Prassad c. Canada (M.E.I.), [1989] 1 R.C.S. 560 :

En règle générale, ces tribunaux sont considérés maîtres chez eux. En l'absence de règles précises établies par loi ou règlement, ils fixent leur propre procédure à la condition de respecter les règles de l'équité et, dans l'exercice de fonctions judiciaires ou quasi judiciaires, de respecter les règles de justice naturelle. Il est donc clair que l'ajournement de leurs procédures relève de leur pouvoir discrétionnaire.

[20]            Le tribunal avait le pouvoir discrétionnaire d'autoriser ou non le dépôt de nouveaux documents. À mon avis, il ne peut être question d'injustice lorsque, comme en l'espèce, le président du tribunal indique à la fin de l'audience :


[traduction] En ce qui concerne l'ajournement pour le dépôt de nouveaux documents, le tribunal n'est pas disposé à accueillir cette requête. Ceci dit, le tribunal doit tenir compte de tous les documents dont vous lui faites part avant que la décision soit prise.

Conclusion

[21]            À mon avis, la CISR n'a violé aucun principe de justice naturelle. Il n'y a eu aucune injustice dans le processus d'examen de la requête du demandeur visant à déposer des documents supplémentaires lors de l'audience ou par la suite. En conséquence, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                                                                           « W. Andrew MacKay »             

Juge                   

Ottawa (Ontario)

Le 2 décembre 2003

Traduction certifiée conforme

Christine Gendreau, LL.B.


                          COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                 IMM-3865-02

INTITULÉ :              ILIE HUSLEAG

- et -

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                         

LIEU DE L'AUDIENCE :                                Halifax (Nouvelle-Écosse)

DATE DE L'AUDIENCE :                              Le mardi 29 avril 2003

MOTIFS DE LA DÉCISION :                       Monsieur le juge MacKAY

DATE :                        Le mardi 2 décembre 2003

COMPARUTIONS :

Eugene Y. S. Tan

                                                                             POUR LE DEMANDEUR

Lori Rasmussen

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Cooper & McDonald

Halifax (Nouvelle-Écosse)          

                                                                             POUR LE DEMANDEUR

Morris Rosenberg, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR


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