Date : 20210204
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Dossier : T-1392-20
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Référence : 2021 CF 114
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[TRADUCTION FRANÇAISE]
Toronto (Ontario), le 4 février 2021
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En présence de monsieur le juge Diner
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ENTRE :
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OKSANA NEVOSTRUYEVA
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demanderesse
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et
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SA MAJESTÉ LA REINE
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défenderesse
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JUGEMENT
VU LA REQUÊTE déposée par écrit le 9 décembre 2020 par la sous-procureure générale du Canada, au nom de Sa Majesté la Reine (la Couronne), au titre de l’article 369 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 [les Règles], en vue d’obtenir :
a) une ordonnance au titre de l’article 8 et des alinéas 221(1)a), c) et f) des Règles, radiant la déclaration, sans autorisation de la modifier, rejetant l’action et adjugeant les dépens de la présente requête à la défenderesse;
b) si la déclaration n’est pas radiée, une ordonnance prolongeant de 30 jours, à compter de la date de l’ordonnance concernant la présente requête, le délai dont dispose la défenderesse pour signifier et déposer une défense;
c) toute autre réparation que la Cour estime juste.
ET VU l’attestation de signification déposée par l’avocat de la défenderesse le 9 décembre 2020, confirmant la signification du dossier de requête de la défenderesse à la demanderesse par courriel à la même date; la demanderesse n’a pas déposé de réponse à la requête de la défenderesse, et le délai pour le faire est expiré.
ET VU le dossier de requête de la défenderesse, y compris :
l’avis de requête au nom de la défenderesse déposé le 9 décembre 2020;
l’affidavit d’Aleksandra Wojciechowski et les pièces connexes, y compris la déclaration de la demanderesse;
les observations écrites, ainsi que la jurisprudence et la doctrine.
LA COUR CONSTATE :
[1]
La demanderesse a intenté l’action sous-jacente contre la Couronne et le procureur général du Canada le 16 novembre 2020.
[2]
La déclaration de neuf pages soulève les points suivants :
- Aux paragraphes 1 à 3, le fait que la juge en chef adjointe (JCA) Gagné a rejeté les dossiers IMM-4233-18 et IMM-4926-18;
- Aux paragraphes 4 à 18, le fait que la Commission de l’immigration et du statut de réfugié comporte quatre sections, chacune responsable d’un secteur d’arbitrage distinct au titre de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR];
- Dans les autres paragraphes de sa déclaration (18 à 22) :
[traduction]
(18) En termes simples, une procédure à la CISR est seulement possible lorsque la partie visée se trouve au Canada, et le législateur ne prévoit que deux issues possibles, en fin de compte : une personne obtient ou confirme à nouveau son statut juridique au Canada, ou bien elle est visée par une mesure de renvoi et est contrainte de quitter le Canada.
(19) Étant donné que la demanderesse n’a jamais reçu une demande de quitter le Canada et que les dossiers de l’Agence des services frontaliers du Canada confirment que la demanderesse n’est pas visée par une mesure de renvoi ou toute autre restriction d’entrer au Canada ou de sortir du pays;
(20) Et puisque madame la juge Gagné a confirmé l’existence du statut en rejetant la demande de sa délivrance répétée, car le statut ne peut être accordé sous réserve d’une dérogation du statut existant;
(21) Il est évident et manifeste que les documents attestant le statut de la demanderesse ont été délivrés avant le 20 février 2019, la date des décisions de madame la juge Gagné. Toutefois, aucun de ces documents n’a été remis à la demanderesse.
B. Réparation demandée
(22) Ainsi, la demanderesse sollicite une ordonnance enjoignant à Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada de lui fournir tous les documents attestant son statut qui ont été délivrés ou qui doivent l’être.
[3]
L’article 221 est ainsi libellé :
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[4]
Le critère applicable pour déterminer qu’il n’existe aucune cause d’action valable dans le cadre d’une requête visant à radier un acte de procédure, au titre de l’article 221, est d’établir s’il est évident et manifeste, d’après les faits allégués, que la demande ne peut être accueillie. La demande devrait être interprétée de manière généreuse, et la souplesse s’impose à l’égard des impropriétés dues à des lacunes de rédaction.
[5]
La jurisprudence établit que la Cour ne doit exercer son pouvoir discrétionnaire de radier que dans les cas les plus clairs (Hunt c Carey, [1990] 2 RCS 959 à la p 976 [Hunt]). Le principe général selon lequel les allégations pouvant être prouvées doivent être considérées comme vraies ne doit pas s’appliquer aux allégations fondées sur des suppositions et des conjectures, pour lesquelles on ne peut démontrer la véracité par la présentation d’éléments de preuve : Operation Dismantle c La Reine, [1985] 1 RCS 441 à la p 455.
[6]
En l’espèce, les demandes d’autorisation et de contrôle judiciaire ont été décidées définitivement par les deux ordonnances de la JCA, parce que, dans les deux cas, les directives antérieures de la Cour n’avaient pas été respectées et que la demanderesse n’avait pas déposé un dossier de demande.
[7]
La Cour doit interpréter l’acte de procédure de manière généreuse, en restant conciliante à l’égard des lacunes de rédaction (Lewis c Canada, 2012 CF 1514 au para 10).
[8]
Au sens le plus large possible, la demanderesse ne fait valoir aucun argument raisonnable qui pourrait légitimement constituer matière à procès (Hunt, à la p 971).
[9]
Comme l’a déclaré la juge Gauthier dans la décision Carten c Canada, 2010 CF 857 au para 29, « il doit être évident et manifeste que les appelants n’ont aucune chance de réussir parce que leur déclaration ne révèle aucune cause d’action raisonnable »
.
[10]
Je conclus que la déclaration est sans fondement : il est évident et manifeste, d’après les faits allégués, qu’elle ne révèle aucune cause d’action valable. La Cour n’a aucune raison d’accorder la réparation sollicitée.
[11]
Telle est la situation en l’espèce, en raison du manque de faits substantiels et de précisions dans l’acte de procédure quant à la manière dont les deux ordonnances de la JCA donnent ouverture à un droit d’action (Baird c Canada, 2006 CF 205 au para 13, conf par 2007 CAF 48). Par exemple, il n’y a aucun renseignement concernant le statut actuel au Canada, les procédures d’immigration antérieures ainsi que la pertinence des documents sollicités et des ordonnances citées.
[12]
D’après ce qui possible de dégager de la déclaration, ce que la demanderesse sollicite n’est fondé sur aucune cause d’action valable. Au mieux, la réparation serait davantage le fondement d’une demande de mandamus. En somme, l’action ne peut procéder, parce qu’elle ne révèle aucune raison pour laquelle la Cour accorderait une réparation, et que la réparation sollicitée ne peut être accordée dans le cadre d’une action.
[13]
Enfin, puisque je suis convaincu qu’aucune modification ne pourrait remédier aux lacunes de sa demande, la présente ordonnance radiant la déclaration sera sans autorisation de modification. Aucune modification ne peut être apportée à l’acte de procédure pour remédier à ses lacunes fondamentales (voir Bjorkman c Canada, 2018 CF 721 au para 7, citant Simon c Canada, 2011 CAF 6 au para 8).
[14]
Aucuns dépens n’ont été demandés, et aucuns ne seront adjugés.
LA COUR STATUE :
La déclaration est radiée, sans autorisation de la modifier.
Aucuns dépens ne sont adjugés.
blank
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« Alan S. Diner »
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Juge
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Traduction certifiée conforme
Christian Laroche, LL.B., juriste-traducteur