Date : 19990728
Dossier : IMM-5385-98
Entre :
MOHAMMAD REHAN KHAWAJA
ROWSHAN ARA REHAN
MOHAMMAD SHAEEK KHAWAJA
Demandeurs
ET:
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
Défendeur
MOTIFS D'ORDONNANCE
LE JUGE DENAULT
[1] Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision de la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du Statut de réfugié (la "section du statut") rendue le 27 août 1998, rejetant la demande de statut de réfugié des demandeurs originaires du Bangladesh.
[2] Les demandeurs craignent d'être persécutés au Bangladesh en raison des activités politiques et sociales du demandeur principal (le "demandeur"). En mars 1989, le demandeur est devenu membre du Jatiya Party Bhandaria Thana Branch of Pirojpur District. Il y a été élu membre du comité exécutif en janvier 1993 et en est devenu trésorier en janvier 1994. Le demandeur a été battu à deux reprises par des partisans du Bangladesh Nationalist Party ("BNP") alors qu'il assistait à des manifestations. Ces derniers ont attaqué son commerce à une occasion et ont aussi vandalisé sa maison. Le demandeur a de plus été attaqué à deux reprises par des partisans de l'organisation fondamentaliste Jamaat-e-Islami. Les policiers ont arrêté et battu le demandeur à deux occasions. À chacune d'entre elles, le demandeur a dû payer un pot-de-vin en échange de sa remise en liberté.
[3] Se fondant sur certaines omissions, contradictions et incohérences, la section du statut a rejeté le témoignage du revendicateur principal qui leur est apparu "fabriqué de toutes pièces". Le tribunal a aussi trouvé invraisemblables les allégations du revendicateur à l'effet qu'il était actif au sein du parti Jatiya. On a même jugé le demandeur non crédible sur le fait qu'il ait appartenu à un parti politique ou qu'il ait été recherché par la police du Bangladesh.
[4] Les demandeurs soutiennent que les membres de la section du statut on commis une erreur de droit en ne tenant pas compte d'une part d'une expertise psychologique concluant à un désordre de stress post-traumatique sévère et, d'autre part, de la preuve documentaire spécifique au demandeur, à savoir des lettres faisant état de son engagement social concernant l'oppression faite aux femmes (P-8, p. 362 du dossier des demandeurs), de son appartenance au parti Jatiya dont il aurait même été élu trésorier d'une des sections (P-9, p. 364), et enfin d'une lettre de son avocat au Bangladesh faisant état de ses difficultés (arrestations, torture, pots-de-vin) avec la police.
[5] Les demandeurs soutiennent d'autre part que la section du statut a aussi erré en concluant d'abord "à l'absence de minimum de fondement à ces revendications en vertu de l'article 69.1(9.1) de la Loi sur l'immigration" et de plus, sans aucunement motiver cette conclusion.
[6] La réponse du défendeur aux arguments des demandeurs tient en somme à la proposition suivante : dans la mesure où la section du statut n'a pas cru le demandeur principal, il n'était pas déraisonnable de n'accorder aucune force probante au rapport psychologique et de conclure à l'absence du minimum de fondement.
[7] Tel que je l'ai indiqué à la fin de l'audition de cette affaire, il s'agit d'un cas où l'intervention de la Cour est justifiée.
[8] À mon avis, le tribunal a eu tort de conclure à la non-crédibilité du demandeur principal sans tenir compte et sans se prononcer sur le contenu du rapport psychologique faisant état d'un désordre de stress post-traumatique sévère et de difficultés du demandeur à relater les événements traumatisants auxquels il a été soumis, si ce n'est, de façon négative, pour y puiser des faits qu'il n'avait pas indiqués dans sa fiche de renseignements personnels.
[9] De plus, le tribunal a aussi erré en concluant à la non-crédibilité du demandeur principal quant à son engagement politique avec le parti Jatiya et au fait qu'il soit recherché par la police, alors qu'une preuve indépendante, spécifique au demandeur, corroborait pourtant son témoignage à ce sujet. Le tribunal n'a pas soufflé mot de cette preuve qui non seulement corroborait des aspects importants de sa revendication, mais à tout le moins venait appuyer la crédibilité de son témoignage. [Voir au même effet Mahanandan c. M.E.I, A-608-91, le 24 août 1994, C.A.F. (décision non rapportée), Mahamood Rehman c. M.C.I., IMM-2175-96, le 4 juin 1997, C.F. 1ère inst., (décision non rapportée), Numbi c. M.C.I., IMM-1378-98, le 17 février 1999, C.F. 1ère inst. (décision non rapportée), Kouassi c. M.C.I., IMM-3871-97, le 24 août 1998, C.F. 1ère inst. (non rapportée), Berete c. M.C.I., IMM-1804-98, le 2 mars 1999, C.F. 1ère inst. (non rapportée), Khan c. M.C.I., IMM-2831-98, le 11 mars 1999, C.F. 1ère inst. (décision non rapportée)].
[10] La demande de contrôle judiciaire est accueillie. L'affaire est renvoyée à la Commission pour qu'un tribunal de composition différente procède à une nouvelle audition et à un réexamen. L'affaire ne soulève aucune question grave de portée générale.
Pierre Denault
Juge
MONTRÉAL (QUÉBEC)
Le 28 juillet 1999
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
Date : 19990728
Dossier : IMM-5385-98
Entre :
MOHAMMAD REHAN KHAWAJA
ROWSHAN ARA REHAN
MOHAMMAD SHAEEK KHAWAJA
Demandeurs
ET:
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
Défendeur
MOTIFS D'ORDONNANCE
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
NOMS DES AVOCATS ET DES AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
NO DE LA COUR : IMM-5385-98
INTITULÉ : MOHAMMAD REHAN KHAWAJA
ROWSHAN ARA REHAN
MOHAMMAD SHAEEK KHAWAJA
Demandeurs
ET:
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
Défendeur
LIEU DE L'AUDIENCE : MONTRÉAL, QUÉBEC
DATE DE L'AUDIENCE : LE 27 JUILLET 1999
MOTIFS D'ORDONNANCE DE L'HONORABLE JUGE DENAULT
EN DATE DU 28 JUILLET 1999
COMPARUTIONS :
Me Carole Fiore pour les demandeurs
Me Michel Synnott pour le défendeur
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Bélanger, Fiore, avocats pour les demandeurs
St-Laurent, Québec
Sous-Procureur général du Canada
Ministère fédéral de la Justice pour le défendeur