Date : 19990428
Dossier : IMM-5367-97
ENTRE :
SANTOSH KUMARI GURBEK,
demanderesse,
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,
défendeur.
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
LE JUGE TREMBLAY-LAMER :
[1] Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision rendue par l'agente d'immigration C. A. Wannamaker (l'agente), dans une lettre datée du 28 juillet 1997, et communiquée à Mme Gurbek au mois de décembre 1997. Par cette décision, l'agente a rejeté la demande de dispense de l'application du paragraphe 9(1) de la Loi sur l'immigration1 que la demanderesse a présentée pour des raisons d'ordre humanitaire.
[2] Citoyenne de l'Inde, la demanderesse est arrivée au Canada le 19 juillet 1988. Sa revendication du statut de réfugiée a été rejetée parce qu'il a été jugé que sa revendication n'avait pas le minimum de fondement requis pour que la demanderesse soit considérée comme une réfugiée au sens de la Convention. La demande d'autorisation qu'elle a présentée à la Cour fédérale a été rejetée le 3 mars 1992.
[3] En octobre 1992, la demanderesse a fait la rencontre de son mari actuel, un citoyen canadien. Elle l'a épousé le 5 février 1995 à Orléans, en Ontario, peu après le décès de son père. Son premier mari, avec qui elle a eu deux enfants, a obtenu le divorce en Inde en 1983. Son troisième enfant est né au Canada le 6 octobre 1988 à la suite d'un viol dont elle a été victime en Inde. C'est ce viol qui l'a incitée à quitter l'Inde.
[4] La demanderesse vit au Canada depuis 1988. Dans son affidavit, elle déclare avoir mis l'agente au courant de ce viol et du fait qu'un de ses enfants est né au Canada. Elle affirme également qu'elle a actuellement un emploi et qu'elle n'a pas reçu d'aide sociale depuis 19932. Élevés au Canada, ses enfants ont adopté le mode de vie des Canadiens. Ses deux frères, ses deux soeurs et sa mère sont tous citoyens canadiens3.
[5] Selon les notes de l'agente, elle a conclu que la présente affaire ne faisait pas intervenir de considérations humanitaires parce que le mariage de la demanderesse avec son mari actuel n'a pas été contracté de bonne foi 4.
[6] Suivant ce que la Cour d'appel fédérale a statué dans l'affaire Shah c. M.E.I., il incombait entièrement à la demanderesse d'établir le bien-fondé de sa demande et de convaincre l'agente de l'existence de circonstances exceptionnelles. L'agente n'était pas tenue de l'informer des points faibles de sa cause ni même d'énoncer les motifs de sa décision : " Toutefois, lorsqu'elle décèle l'existence d'éléments contradictoires, son omission de les porter expressément à l'attention du requérant peut avoir une incidence sur le poids qu'elle doit leur accorder par la suite, mais ne porte pas atteinte au caractère équitable de sa décision5 ".
[7] L'agente a noté beaucoup d'incohérences entre le témoignage de la demanderesse et celui de son mari. La demanderesse n'a pas réussi à les expliquer. À mon avis, les faits de l'espèce étayaient amplement la conclusion de l'agente que la demanderesse et son mari n'ont pas contracté un mariage de bonne foi.
[8] Par ailleurs, la demanderesse prétend également que l'agente a omis de tenir compte de moyens subsidiaires invoqués pour fonder sa demande. Dans son affidavit, relativement auquel elle n'a pas été contre-interrogée par le défendeur, la demanderesse affirme avoir informé l'agente de l'existence possible d'autres motifs d'ordre humanitaire. Le dossier du tribunal confirme ce fait6. Toutefois, l'agente a fondé sa décision exclusivement sur la question du mariage. Par exemple, il n'y est pas fait mention des enfants de la demanderesse ni du fait qu'ils ont été élevés au Canada, ni de son emploi, ni du fait que de nombreux membres de sa famille immédiate sont citoyens canadiens. L'agente a choisi de se concentrer sur l'authenticité du mariage, à l'exclusion des autres faits pertinents. Par conséquent, j'estime qu'elle n'a pas exercé correctement le pouvoir discrétionnaire dont elle était investie.
[9] Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est accueillie. L'affaire est renvoyée à l'agente C.A. Wannamaker pour réexamen.
" Danièle Tremblay-Lamer "
Juge
TORONTO (ONTARIO)
Le 28 avril 1999.
Traduction certifiée conforme
Laurier Parenteau, LL.L.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
Avocats et avocats inscrits au dossier
NUMÉRO DU GREFFE : IMM-5367-98
INTITULÉ DE LA CAUSE : SANTOSH KUMARI GURBEK
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
DATE DE L'AUDIENCE : LE MARDI 27 AVRIL 1999
LIEU DE L'AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE TREMBLAY-LAMER
DATE DES MOTIFS : LE MERCREDI 28 AVRIL 1999
ONT COMPARU : M e Lorne Waldman
Pour la demanderesse
M e Kevin Lunney
Pour le défendeur
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER : Jackman, Waldman & Associates
Avocats
281, avenue Eglinton Est
Toronto (Ontario)
M4P 1L3
Pour la demanderesse
Morris Rosenberg
Sous-procureur
général du Canada
Pour le défendeur
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
Date : 19990428
Dossier : IMM-5367-98
Entre :
SANTOSH KUMARI GURBEK,
demanderesse,
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION,
défendeur.
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
__________________
2 (Déclaré sous serment le 14 juin 1988), dossier de la demanderesse, p. 5 à 11 au para. 25.
4 Dossier de la demanderesse, 14 à 24.
5 Shah c. Canada (M.E.I.) (1994), 170 N.R. 238 (C.A.F.).
6 [Traduction] " Demande d'examen en vertu du para. 114(2) " (6juin 1997), signée par C.A. Wannamaker, exposant en détails les autres considérations présentées par la demanderesse, dossier du tribunal, p. 425 à 427.