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     Date: 20000525

     Dossier: IMM-925-99

Ottawa (Ontario), le 25 mai 2000

DEVANT : MONSIEUR LE JUGE JOHN A. O'KEEFE

ENTRE :


ARSHED MAHMOOD


demandeur


et


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION


défendeur


MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE


LE JUGE O'KEEFE

[1]      Il s'agit d'une demande qu'Arshed Mahmood (le demandeur) a présentée en vue d'obtenir le contrôle judiciaire de la décision par laquelle la section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) a conclu, le 8 février 1999, qu'il n'était pas un réfugié au sens de la Convention.

[2]      Le demandeur affirme que la formation a commis une erreur de droit dans sa décision et qu'elle a fondé cette décision sur des conclusions de fait erronées qu'elle a tirées d'une façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont elle disposait.

[3]      Le demandeur est un citoyen pakistanais qui est arrivé au Canada le 11 octobre 1996 et qui a revendiqué le statut de réfugié le 13 décembre 1996. Il a quitté le Pakistan le 15 janvier 1996 à l'aide d'un visa lui permettant d'être admis en Arabie saoudite pour y travailler. Lorsque l'emploi qu'il exerçait en Arabie saoudite a pris fin, le demandeur a pu, avec l'aide de son employeur, obtenir un visa en vue d'être admis en Belgique le 20 septembre 1996. Il est ensuite arrivé au Canada le 11 octobre 1996.

[4]      Le demandeur a fourni un Formulaire de renseignements personnels (le FRP) avec sa demande et, par la suite, il a soumis deux autres déclarations. Certains faits se contredisaient.

[5]      Dans son FRP et dans deux autres déclarations écrites, le demandeur a relaté les actes de persécution suivants :

     (1)      Au mois de novembre 1992, il a été détenu à la suite d'une manifestation; de fausses accusations ont été portées contre lui à la demande du député local de la ML;
     (2)      Au mois de juillet 1994, la police l'a battu et l'a mis sous garde sans que des accusations aient été portées;
     (3)      Au mois de novembre 1995, il a été arrêté lors d'un rassemblement; de fausses accusations ont été portées contre lui; la police l'a brutalement torturé et l'a amené à l'hôpital. Le 23 décembre 1995, après avoir versé un pot-de-vin, le demandeur a été mis en liberté moyennant la remise d'un cautionnement. Selon une condition du cautionnement, il devait se présenter au poste de police tous les 14 jours.

[6]      Après avoir été mis en liberté, le demandeur s'est enfui dans une autre ville pour se cacher avec des membres de sa famille. Il a subséquemment appris qu'un député tentait de faire annuler le cautionnement. Le demandeur s'est ensuite enfui en Arabie saoudite parce qu'il craignait d'être emprisonné et reconnu coupable sous une fausse accusation.

[7]      Le demandeur a également affirmé qu'il avait par la suite appris que plusieurs membres de sa famille avaient été emprisonnés au Pakistan, que la police continuait à le chercher et qu'un député local s'était approprié la maison familiale.

[8]      Le demandeur a déclaré qu'il craignait d'être persécuté par Afzal Hussain Tarar, un ancien député local du PPP, par les frères Bhatti, dont l'un était un ancien député, ainsi que par la police, et ce, où qu'il vive au Pakistan. Il soutient que les frères Bhatti ont de l'influence partout au Pakistan.

[9]      Dans sa décision, la formation a dit qu'elle ne croyait pas le témoignage que le demandeur avait présenté au sujet de ses arrestations et, subsidiairement, elle a conclu à l'existence d'une possibilité de refuge intérieure (la PRI) au Pakistan.

Les points litigieux

[10]      Le demandeur a soulevé les questions suivantes :

     (1)      La section du statut de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a commis une erreur de droit dans ce cas-ci;
     (2)      La section du statut a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont elle disposait;
     (3)      La section du statut n'a pas observé un principe de justice naturelle.

Les dispositions législatives applicables

[11]      L'expression « réfugié au sens de la Convention » est définie au paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration, 1976-77, ch. 52 :

"Convention refugee" means any person who

« réfugié au sens de la Convention » toute personne:

(a) by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

a) qui, craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

(i) is outside the country of the person's nationality and is unable or, by reason of that fear, is unwilling to avail himself of the protection of that country, or

(i) soit se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

(ii) not having a country of nationality, is outside the country of the person's former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, is unwilling to return to that country, and

(ii) soit, si elle n'a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ou, en raison de cette crainte, ne veut y retourner;

(b) has not ceased to be a Convention refugee by virtue of subsection (2)

b) qui n'a pas perdu son statut de réfugié au sens de la Convention en application du paragraphe (2).

but does not include any person to whom the Convention does not apply pursuant to section E or F of Article 1 thereof, which sections are set out in the schedule to this Act;

Sont exclues de la présente définition les personnes soustraites à l'application de la Convention par les sections E ou F de l'article premier de celle-ci dont le texte est reproduit à l'annexe de la présente loi.

[12]      Selon la jurisprudence de cette cour, le demandeur doit craindre subjectivement de solliciter la protection de son pays; cette crainte doit être objectivement fondée.

[13]      La norme de contrôle à appliquer dans le cadre de l'examen d'une décision rendue par la Commission sur des questions de droit est celle de la décision correcte (voir Pushpanathan c. Canada [1998] 1 R.C.S. 982). Dans l'arrêt Pushpanathan, supra, la Cour suprême du Canada n'a pas précisé quelle était la norme de contrôle à appliquer aux questions de fait ou aux questions de fait et de droit, mais dans l'arrêt Canada (Directeur des enquêtes et recherches, Loi sur la concurrence) c. Southam Inc. [1997] 1 R.C.S. 748, elle a dit que les questions de droit et de fait doivent être examinées selon la norme de la décision raisonnable simpliciter. J'estime que la même norme devrait s'appliquer à l'examen des conclusions de fait.

[14]      Selon la jurisprudence qui s'applique aux décisions défavorables portant sur la question de la crédibilité, si la Commission rejette une revendication parce qu'elle estime que le demandeur n'est pas crédible, elle doit le dire clairement et elle doit motiver ses conclusions. (Voir Ababio c. Canada (MEI) (1988), 5 Imm. L.R. (2d) 174 (C.A.F.) et Armson c. Canada (1989), 9 Imm. L.R. (2d) 150 (C.A.F.)). En outre, si la Commission retient la preuve documentaire plutôt que le témoignage oral du demandeur, elle doit motiver cette conclusion (voir Sidhu c. Canada (MEI) (1993) 70 F.T.R. 104).

[15]      À l'audience, l'argumentation était principalement axée sur deux arguments. En premier lieu, la formation avait commis une erreur en ne jugeant pas crédible et plausible la preuve fournie par le demandeur. En second lieu, la formation avait commis une erreur de droit en concluant qu'il existait dans le cas du demandeur une possibilité de refuge intérieur (la PRI) au Pakistan.

[16]      J'ai examiné la décision de la formation et les documents ainsi que les autres éléments versés au dossier et les conclusions tirées par la formation au sujet de la crédibilité, et je conclus que ces conclusions sont raisonnables. La formation a minutieusement examiné les trois déclarations du demandeur et son témoignage oral et a ensuite donné des exemples précis d'incohérences; elle a expliqué pourquoi elle ne croyait pas le demandeur. Ainsi, la formation a signalé les incohérences qui existaient au sujet des trois occasions où le demandeur avait été détenu; elle a souligné les incohérences entre les trois déclarations que le demandeur avait faites et la raison pour laquelle elle avait décidé de ne pas retenir la version des faits donnée par celui-ci. Je conclus que les conclusions tirées par la formation au sujet de la crédibilité sont raisonnables.

[17]      La formation a également fait des inférences à partir de la preuve. La loi me permet d'apprécier la preuve sur laquelle la formation s'est fondée pour faire les inférences et pour en arriver à ses propres conclusions puisque je suis aussi bien placé qu'elle pour faire les inférences en question. Je conclus que la formation a eu raison de faire les inférences qu'elle a faites. Ainsi, il était raisonnable d'inférer que le demandeur ne retournerait pas voir son premier avocat qui avait commis un si grand nombre d'erreurs dans son FRP, ce document constituant un élément crucial de la demande. Il était également raisonnable d'inférer que la police, qui avait torturé le demandeur d'une façon si brutale, ne l'amènerait pas à l'hôpital. En outre, dans le rapport médical il n'était pas fait mention de la « participation de la police » .

[18]      J'estime que la formation a eu raison de conclure qu'il existait [TRADUCTION] « tout au plus une simple possibilité que le demandeur soit persécuté par la police ou par les hommes politiques qu'il avait nommés s'il retournait aujourd'hui à Hafizabad » .

[19]      Le demandeur a également soutenu que la formation avait commis une erreur en concluant à l'existence d'une PRI dans ce cas-ci. Pour conclure à l'existence d'une PRI, la formation doit être convaincue, selon la prépondérance des probabilités, qu'il n'existe aucune possibilité sérieuse que le demandeur soit persécuté pour un motif prévu par la Convention dans une certaine région de son pays de nationalité et qu'eu égard à l'ensemble des circonstances, et notamment aux circonstances propres au demandeur, la situation dans la région est telle qu'il ne serait pas déraisonnable pour le demandeur d'y chercher refuge (voir Rasaratnam c. Canada (MEI) [1992] 1 C.F. 706 (C.A.)). L'individu en cause doit se prévaloir de la PRI s'il n'est pas déraisonnable de le faire compte tenu de la situation dans laquelle il se trouve. Le critère relatif au caractère raisonnable est un critère objectif et la charge de la preuve incombe au demandeur (voir Thirunavukkarasu c. Canada (MEI) [1994] 1 C.F. 589 (C.A.F.)).

[20]      J'ai examiné la décision de la formation et je suis d'avis que cette dernière a correctement appliqué le droit en ce qui concerne la PRI dont le demandeur pouvait se prévaloir au Pakistan, eu égard aux faits de l'affaire.

[21]      À l'audience, les avocats des parties ont informé la Cour qu'ils n'avaient pas l'intention de demander la certification d'une question grave de portée générale conformément au paragraphe 83(1) de la Loi sur l'immigration.


ORDONNANCE

[22]      IL EST ORDONNÉ QUE la demande de contrôle judiciaire soit rejetée.


                                 « John A. O'Keefe »

                             ___________________________

                                 J.C.F.C.

Ottawa (Ontario)

le 25 mai 2000


Traduction certifiée conforme


Martine Brunet, LL.B.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


No DU GREFFE :      IMM-925-99

    

INTITULÉ DE LA CAUSE :      ARSHED MAHMOOD

     c.

     MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :      CALGARY (ALBERTA)

DATE DE L'AUDIENCE :      LE 19 JANVIER 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE du juge O'Keefe en date du 25 mai 2000


ONT COMPARU :

Birjinder P.S. Mangat          POUR LE DEMANDEUR

Tracy King          POUR LE DÉFENDEUR


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Birjinder P.S. Mangat          POUR LE DEMANDEUR

Brad Hardstaff         

Morris Rosenberg          POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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