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Date : 20060529

Dossier : IMM-3392-05

Référence : 2006 CF 645

Ottawa (Ontario), le 29 mai 2006

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE EN CHEF

 

ENTRE :

MARCO ANTONIO AGUIRRE GARCIA

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

 

[1]        Le demandeur, un citoyen du Mexique, était un torero reconnu et un organisateur professionnel de corridas dans l’État de Zacatecas. Il attribue le succès de son entreprise au soutien qu’il offrait aux candidats du Parti révolutionnaire institutionnel (PRI) pour les élections municipales et les élections de l’État.

 

[2]        En 1998, le Parti de la révolution démocratique (PRD) avait gagné les élections municipales et l’élection de l’État de Zacatecas. Le PRI avait été réduit à une force politique négligeable dans l’État.

 

[3]        Le demandeur était connu pour son appui aux candidats du PRI et son opposition au PRD.

 

[4]        D’après le demandeur, en raison du changement du parti au pouvoir dans l’État de Zacatecas, il avait lentement été [traduction] « complètement évincé de l’industrie de la corrida ».

 

[5]        Pendant sept mois, entre décembre 2002 et juin 2003, le demandeur avait reçu des appels de menaces anonymes qui, d’après lui, étaient l’œuvre de personnes travaillant pour le PRD. La galerie d’art qu’il avait ouverte en 2002 avait été vandalisée et les œuvres d’art avaient été détruites. Il n’existe aucune preuve que le demandeur, ou quelqu’un agissant pour le demandeur, ait porté plainte aux autorités policières au sujet de ces incidents.

 

[6]        En rejetant la demande d’asile du demandeur, la Section de la protection des réfugiés a conclu que les allégations du demandeur n’avaient de lien avec aucun des cinq motifs énumérés dans la définition de réfugié au sens de la Convention et ne permettraient donc pas de conclure qu’il craignait avec raison d’être persécuté aux termes de cette définition.

 

[7]        Dans la présente demande de contrôle judiciaire, le demandeur conteste la conclusion du tribunal au sujet du lien avec les motifs de la Convention et son analyse de l’existence de la protection de l’État au sens de l’article 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27.

 

[8]        La décision portant sur l’absence d’un lien avec les motifs de la Convention se lit comme suit :

 

·         Je suis d'avis que l'entreprise de corridas du demandeur d'asile avait connu un déclin parce qu'elle n'avait pas obtenu les contrats de promotion dont elle dépendait. J'estime que l'entreprise n'avait pas connu un déclin parce que le demandeur d'asile avait exprimé ses opinions politiques, mais que ce déclin était plutôt le résultat naturel de la baisse du volume des affaires qui dépendaient de faveurs de la part de ses amis en politique. Le demandeur d'asile n'était pas membre du PRI. Il appuyait ce parti dans le but d'obtenir des contrats pour en faire la promotion sur les lieux de son entreprise qui attirait des foules.

 

·         Je crois que, peu importe que l'entreprise du demandeur d'asile ait été saccagée par des personnes liées au PRD ou non, il s'agissait d'un acte commis par des criminels et non de persécution. Le demandeur d'asile n'a pas déclaré le crime aux autorités et il n'a pas présenté une preuve crédible et digne de foi permettant de lier les auteurs du crime à ses activités politiques à titre de partisan du PRI. […] Compte tenu de la preuve devant moi, je conclus que, dans le cas qui nous occupe, le préjudice craint par le demandeur d’asile n’est pas visé par l’un des cinq motifs énumérés dans la définition de réfugié au sens de la Convention. […]

 

 

 

[9]        Après avoir examiné le formulaire de renseignements personnels du demandeur et la transcription de l’audition de sa demande d’asile, je suis convaincu qu’il n’y a aucune erreur susceptible de révision dans la conclusion tirée au sujet de l’absence d’un lien avec la Convention. L’allégeance du demandeur était envers ses amis, qui étaient candidats pour le PRI, et non envers le parti comme tel. Le demandeur a admis lui-même qu’il n’était pas membre du PRI. Même s’il n’a pas tiré de conclusion négative au sujet de la crédibilité, je suis convaincu que le tribunal pouvait conclure que la preuve du demandeur, conjuguée au fait qu’il n’avait pas déposé de plainte à la police, ne démontrait pas que les auteurs des menaces et du vandalisme étaient liés au PRD.

 

[10]      Dans le même ordre d’idées, le demandeur n’a pas réfuté, par une preuve claire et convaincante, la présomption de l’existence de la protection de l’État. L’affaire porte sur la perte de faveurs politiques lorsque le parti au pouvoir a changé. Le demandeur n’a pas demandé l’aide des autorités policières lorsqu’il a reçu des appels de menace ni lorsqu’il a été victime de vandalisme. Vu les faits en l’espèce, il n’est pas suffisant de simplement affirmer que la police est contrôlée par le gouvernement municipal du PRD ni de se fier uniquement à des preuves documentaires générales portant sur la corruption et l’imperfection des services policiers. Comme le souligne l’affaire Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) c. Villafranca, [1992] A.C.F. no 1189 (C.A.), à la page 3 : « […] il ne suffit pas que le demandeur démontre que son gouvernement n'a pas toujours réussi à protéger des personnes dans sa situation ».

 

[11]      Au sujet du lien avec la Convention et de la protection de l’État, la décision de la Section de la protection des réfugiés n’était pas « manifestement déraisonnable » et, pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

 

[12]      En dernier lieu, le demandeur a soulevé une question au sujet de la Directive no 7 du président dans son mémoire des arguments supplémentaire, fondée sur la décision rendue dans l’affaire Thamotharem c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 16. Le demandeur admet que la question de l’ordre de l’interrogatoire n’a pas été soulevée pendant l’audition de sa demande d’asile. Le demandeur a mentionné cette question pour la première fois dans son mémoire des arguments supplémentaire, qu’il a présenté le 3 avril 2006. Rien d’autre ne donne à entendre que l’audition de la demande d’asile aurait été injuste.

 

[13]      Dans quatre affaires, depuis l’affaire Thamotharem, les demandeurs ont pu soulever la Directive no 7 pour la première fois dans leur mémoire supplémentaire. Dans chaque affaire, la Cour a conclu que le demandeur avait renoncé au droit de contester l’ordre de l’interrogatoire adopté au cours de l’audition de la demande d’asile. Cependant, la question grave suivante a été certifiée dans les quatre affaires : à quel moment le demandeur doit-il soulever une objection à la Directive no 7 pour pouvoir soulever ce point pendant le contrôle judiciaire? (Voir Romero c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 506; de la Cruz c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 512; Wu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 513; Mulliqi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 563.)

 

[14]      À mon avis, il n’était pas approprié que le demandeur soulève cette question pour la première fois dans son mémoire des arguments supplémentaire. En l’espèce, j’adopte l’énoncé du juge Frederick E. Gibson dans l’affaire Arora c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2001] A.C.F. no 24 (QL) (1re inst.), au paragraphe 9 :

 

[…] le principe selon lequel la Cour ne traitera que des motifs de contrôle invoqués par le demandeur dans l'avis de requête introductif d'instance et l'affidavit à l'appui doit, à mon avis, s'appliquer. Si, comme en l'espèce, le demandeur pouvait invoquer de nouveaux motifs de contrôle dans son mémoire, le défendeur subirait vraisemblablement un préjudice du fait qu'il n'aurait eu pas la possibilité de répondre à ce nouveau motif dans son affidavit ou, à tout le moins, encore une fois comme en l'espèce, d'envisager de produire un affidavit traitant de la nouvelle question. Par conséquent, je conclus que la deuxième question soulevée par le demandeur n'a pas été soumise régulièrement à la Cour.

 

 

[15]      Le demandeur soutient que la Cour devrait traiter la question de la Directive no 7 parce qu’il l’a soulevée dans son mémoire des arguments supplémentaire. Il fait aussi valoir qu’une question grave devrait être certifiée à ce sujet. À mon avis, il serait injuste envers le défendeur de le faire. Le défendeur n’aurait aucune chance de présenter un témoignage par affidavit à la Cour. Dans le cas où l’affaire serait portée en appel, le dossier présenté à la Cour d’appel fédérale, comme maintenant, serait incomplet.

 

[16]      En l’espèce, l’autorisation à été accordée quant à des questions qui n’ont rien à voir avec  la Directive no 7. C’est pour cette raison seulement que le demandeur peut tenter de soulever la Directive no 7 dans son mémoire des arguments supplémentaire. La même possibilité n’est pas offerte aux autres demandeurs à qui l’asile a été refusé et qui n’ont pas obtenu d’autorisation dans leurs demandes de contrôle judiciaire déposées depuis le prononcé de la décision dans l’affaire Thamotharem.

 

[17]      À mon avis, il serait inapproprié, vu les faits en l’espèce, de permettre au demandeur de soulever la Directive no 7 dans son mémoire des arguments supplémentaire.

 

[18]      Ni l’un ni l’autre des avocats n’a demandé en l’espèce la certification d’une question grave au sujet des questions portant sur l’asile. Le demandeur a demandé qu’une question soit certifiée au sujet du fait qu’il a soulevé la Directive no 7 dans son mémoire des arguments supplémentaire. Pour refuser de le faire, je m’appuie sur l’affirmation du juge Denis Pelletier dans l’affaire Zazai c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CAF 89, au paragraphe 12 :


[…] Si une question se pose eu égard aux faits d'une affaire dont un juge qui a entendu la demande est saisi, il incombe au juge de l'examiner. Si la question ne se pose pas, ou si le juge décide qu'il n'est pas nécessaire d'examiner la question, il ne s'agit pas d'une question qu'il convient de certifier. [Non souligné dans l’original.]

 

 

ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE que :

  1. La demande de contrôle judiciaire soit rejetée.
  2. Aucune question ne soit certifiée.

 

 

 

 

« Allan Lutfy »

Juge en chef

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Evelyne Swenne, traductrice

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                 IMM-3392-05

                                                                                         

INTITULÉ :                                MARCO ANTONIO AGUIRRE GARCIA

 

 

                                                     c.

 

                                                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                     ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :         TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :        LE JEUDI 27 AVRIL 2006

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :               LE JUGE EN CHEF LUTFY

 

DATE DES MOTIFS :              LE 29 MAI 2006

 

 

COMPARUTIONS :

 

Neil Cohen                                                                         POUR LE DEMANDEUR

 

David Tyndale                                                                    POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Neil Cohen

Avocat

Toronto (Ontario)                                                               POUR LE DEMANDEUR 

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada                                     POUR LE DÉFENDEUR

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