Date : 20210128
Dossier : IMM-7358-19
Référence : 2021 CF 97
Ottawa (Ontario), le 28 janvier 2021
En présence de l'honorable monsieur le juge Shore
ENTRE :
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ANA BEATRIZ SANTOS DE PACAS
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JOSE ROBERTO PACAS PEREZ
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DIEGO ANDRES PACAS DE SANTOS
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demandeurs
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et
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LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
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défendeur
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JUGEMENT ET MOTIFS
[1]
Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire à l’encontre d’une décision rendue le 13 novembre 2019 par la Section d’appel des réfugiés (SAR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, dans laquelle la SAR a confirmé le rejet de la demande d’asile des demandeurs puisqu’ils n’ont pas la qualité de réfugié au sens de la Convention, ni de personne à protéger en vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27, articles 96-97(1) [LIPR ou Loi].
[2]
La demanderesse principale, son mari et son fils mineur sont citoyens du El Salvador et demandent le statut de réfugié pour crainte du groupe criminel Mara 18. Les demandeurs sont arrivés au Canada en 2017 en passant par les États-Unis.
[3]
La Section de la protection des réfugiés (SPR) a rejeté la demande d’asile des demandeurs au motif que la crainte alléguée n’était pas en raison d’un des cinq motifs énoncés dans la définition de réfugié et qu’ils ont manqué de crédibilité. Ceci a été confirmé par la SAR.
[4]
Le présent contrôle judiciaire porte sur les conclusions de la SAR eu égard à l’application des articles 96 et 97 de la LIPR, aux déterminations de faits et d’invraisemblances, et à l’observation des principes de justice naturelle et d’équité procédurale. Hormis ce dernier, la norme de contrôle applicable par cette Cour est celle de la décision raisonnable (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 aux para 23, 77 [Vavilov]).
[5]
Les demandeurs avancent, en somme, que leur narratif, leur preuve attestant de la mort violente du père de la demanderesse principale et la preuve documentaire du cartable national corroborent une crainte subjective de persécution pour criminalité sous l’article 97 de la LIPR, de même qu’une crainte objective pour appartenance à un groupe social, la famille, ou pour opinion politique imputée sous l’article 96 de la Loi.
[6]
Ils soulèvent en plus que les erreurs de fait – pays de départ, année de décès du père et disposition de la note de menace dans la plainte à la police – et les conclusions d’invraisemblances – soit la quasi-totalité de l’analyse sur la crédibilité par la SAR – entachent la raisonnabilité de la décision de la SAR.
[7]
Les demandeurs intercalent dans leur argumentaire l’inadmissibilité de nouvelles preuves en appel – article «
How an innocent man wound up dead in El Salvador’s justice system »
de 2017 du Washington Post; document en provenance de La Prensa Gràfica titré « Une médecine légale manque de criminalistique (sic) avec une spécialisation académique »
de 2018; et un extrait du rapport «
El Salvador and Human Rights - The challenge of reform »
de American Watch, 1991.
[8]
De prime abord, les déterminations de crédibilité peuvent affecter tous les éléments de preuve, incluant la preuve documentaire, menant au rejet d’une demande. Il ne suffit pas d’identifier des conclusions différentes selon la preuve afin d’intervenir; le fardeau requiert plutôt de démontrer que les déterminations sont abusives, arbitraires ou sans égard à la preuve (Zhu c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 1139 aux para 47, 49).
[9]
La SAR a conclu dans le présent cas que la demande entière fait défaut puisque les allégations essentielles ne sont pas crédibles. Elle note, en particulier, des incohérences dans le récit et la preuve documentaire des demandeurs quant aux circonstances entourant l’assassinat allégué du père, aux incidents qui ont succédés, le comportement des demandeurs – par exemple, le retour à trois reprises au El Salvador – et au contenu des plaintes suite au vol allégué et à une note de menace.
[10]
La prémisse de l’argumentaire des demandeurs est que la preuve aurait été indûment dépréciée en raison du manque de crédibilité des demandeurs, alors que l’ensemble de la preuve corrobore le récit des demandeurs et permet d’apprécier leur crédibilité. Les demandeurs se sont ainsi entretenus à exposer chaque élément de preuve, incluant la preuve en appel qui a été rejetée par la SAR, afin d’identifier une conclusion alternative sur l’application des articles 96 et 97 de la LIPR. Cet exercice a été répété pour soutenir leur position que la SAR aurait tiré des conclusions d’invraisemblances déraisonnables dans la quasi-totalité de son analyse sur leur crédibilité.
[11]
Cette position circulaire ne rencontre guère le fardeau requis par la jurisprudence afin d’intervenir sur une détermination de crédibilité qui entraîne le rejet de la demande d’asile. Par ailleurs, la SAR est présumée avoir considéré l’ensemble du dossier. À moins de circonstances exceptionnelles, cette Cour ne doit pas modifier ces conclusions de faits; de même que d’apprécier à nouveau toute la preuve (Vavilov, ci-dessus, aux para 125, 128).
[12]
La Cour se fait en définitive demander de peser à nouveau toute la preuve, incluant de la preuve en appel qui a été rejetée par la SAR, ce qu’elle ne peut faire à cette étape.
[13]
Quant à la preuve en appel qui a été jugée inadmissible, il y a lieu de rappeler que la SAR a retenu dans son analyse que les demandeurs n’avaient pas démontré la pertinence de cette preuve et pourquoi elle n’aurait pas été normalement présentée devant la SPR; la question de crédibilité étant d’emblée pertinente et expressément soulignée par la SPR au début de l’audience. Les demandeurs n’établissent pas davantage devant cette Cour en quoi la preuve en appel aurait dû être admise selon les critères stricts de la LIPR, article 110(4), et les critères énoncés par la jurisprudence (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Singh, 2016 CAF 96).
[14]
Ils ne démontrent pas, en plus, en quoi l’omission de référer ou d’adresser une preuve particulière – dont l’affidavit soumît après la mise en état de l’appel portant sur la procédure médicale légale du El Salvador – est déterminante ou pallie les failles de crédibilité soulevées, et équivaut à un mépris de la preuve par la SAR (voir Basanti c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1068 au para 24).
[15]
Pour les motifs mentionnés ci-dessus, la décision de la SAR est raisonnable. Les erreurs de faits soulevées par les demandeurs, qui paraissent plutôt cléricales en l’espèce, ne suffisent pas pour renverser cette conclusion (Barreau du Nouveau-Brunswick c Ryan, 2003 CSC 20 au para 56; voir également Mobil Oil Canada Ltd. c Office Canada-Terre-Neuve des hydrocarbures extracôtiers, [1994] 1 RCS 202 à la p 228).
[16]
Cette Cour doit ainsi se pencher sur la question à savoir si la SAR a observé les principes de justice naturelle et d’équité procédurale.
[17]
À ce sujet, les demandeurs arguent que la SAR devait leur accorder le droit à une audience et qu’elle devait, sous l’article 24 des Règles de la Section d’appel des réfugiés, DORS/2012-257, les aviser de l’usage de connaissances spécialisées avant d’écarter de la preuve afin de leur permettre de se défendre.
[18]
Or, pour le premier point, faute de de nouvelle preuve documentaire, l’article 110(3), (6) de la LIPR prévoit que la SAR procède sans la tenue d’une nouvelle audience. La preuve en appel en l’espèce n’a pas été admise et, donc, il n’y avait pas de droit à une audience.
[19]
Quant au deuxième point, il n’appert pas à la lecture de la décision que la SAR a utilisé de connaissances spécialisées dans son analyse, l’obligeant à donner l’occasion aux demandeurs de soumettre des observations supplémentaires. La SAR a cependant reconnu ce manquement de la part de la SPR au sujet des causes de décès, mais a constaté qu’il n’était pas déterminant puisque la preuve ne démontrait pas l’allégation essentielle – soit les circonstances entourant le décès du père de la demanderesse principale. La question de connaissances spécialisées ne ressort pas ailleurs dans la décision et les demandeurs n’identifient pas d’instance en particulier; au contraire, ils soulignent tous endroits généralement où leur preuve aurait dû être appréciée en appui de leur dossier. Ceci n’équivaut pas à un manquement à un principe de justice naturelle.
[20]
À défaut de manquement aux principes de justice naturelle et d’équité procédurale, ayant trouvé la décision de la SAR raisonnable, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.
JUGEMENT au dossier IMM-7358-19
LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Il n’y a aucune question d’importance à certifier.
Obiter
Cette Cour souhaite réitérer les consignes de la Cour suprême du Canada à l’effet qu’en révision judiciaire ce n’est pas l’occasion de se lancer dans une chasse au trésor, phrase par phrase, à la recherche d’une erreur (Vavilov, ci-dessus, aux para 102, 284-85).
« Michel M.J. Shore »
Juge
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
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IMM-7358-19
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INTITULÉ :
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ANA BEATRIZ SANTOS DE PACAS, JOSE ROBERTO PACAS PEREZ, DIEGO ANDRES PACAS DE SANTOS c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
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LIEU DE L’AUDIENCE :
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AFFAIRE ENTENDUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE À MONTRÉAL (QUÉBEC)
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DATE DE L’AUDIENCE :
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LE 11 janvier 2021
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MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT :
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LE JUGE SHORE
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DATE DES MOTIFS :
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LE 28 janvier 2021
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COMPARUTIONS :
Claudia Andrea Molina
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Pour les demandeurs
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Sherry Rafai Far
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Pour le défendeur
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Cabinet Molina Inc.
Montréal (Québec)
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Pour les demandeurs
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Procureur général du Canada
Montréal (Québec)
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Pour le défendeur
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