Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision


Date : 20210119

Dossier : T‑1397‑16

Référence : 2021 CF 64

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 19 janvier 2021

En présence de monsieur le juge Southcott

ENTRE :

DUNN’S FAMOUS INTERNATIONAL HOLDINGS INC.

demanderesse

et

INA DEVINE

STANLEY DEVINE

1222187 ONTARIO LIMITED

1924599 ONTARIO INC.

2189944 ONTARIO INC.

9702938 CANADA INC.

GRAY JOHNSON

2474234 ONTARIO INC.

MOISHE SMITH

TIM LONG CHANG

RIPON AHMED

VINCENT GOBUYAN

10199087 CANADA CORPORATION

10199052 CANADA LTD.

défendeurs

ET ENTRE :

INA DEVINE

STANLEY DEVINE

1222187 ONTARIO LIMITED

1924599 ONTARIO INC.

2189944 ONTARIO INC.

demandeurs reconventionnels

et

DUNN’S FAMOUS INTERNATIONAL HOLDINGS INC.

PLACEMENT ISB INC.

ELLIOT KLIGMAN

défendeurs reconventionnels

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] La demanderesse a présenté une requête ex parte par écrit, demandant : a) qu’une ordonnance annulant l’ordonnance datée du 13 septembre 2017, rendue en vertu de l’article 107 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106 [les Règles], qui avait scindé l’instance relative aux questions de responsabilité et aux questions de quantification en litige en l’espèce, soit rendue; b) que soit rendue, en vertu de l’article 210 des Règles, une ordonnance par laquelle un jugement par défaut est prononcé contre les défendeurs qui ont omis de déposer une défense, à savoir 9702938 Canada Inc., Gray Johnson, 2474234 Ontario Inc., Moishe Smith, Tim Long Chang, Ripon Ahmed, Vincent Gobuyan, 10199087 Canada Corporation et 10199052 Canada Ltd. [les défendeurs en faute].

[2] La présente requête est accueillie (en partie), et le jugement est enregistré contre les défendeurs en faute. Les présents motifs expliquent la décision de la Cour quant à la réparation énoncée dans le jugement, qui ne comprend pas toutes les réparations demandées dans la requête.

II. Contexte

[3] La demanderesse, Dunn’s Famous International Holdings Inc., est une société canadienne, située à Montréal, au Québec, qui exploite une entreprise de développement, de commercialisation, de délivrance de licences et de distribution en gros de produits de consommation au détail. Dans la présente action, intentée au moyen d’une déclaration déposée le 19 août 2016, la demanderesse invoque des causes d’action découlant de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T‑13, et de la Loi sur le droit d’auteur, LRC 1985, c C‑42, contre divers défendeurs qui auraient violé les droits que la demanderesse détient en vertu de ces lois.

[4] Les éléments relatifs aux marques de commerce invoqués par la demanderesse dans le cadre de la présente action sont les suivants :

  1. les marques de commerce déposées au Canada LMC724,615 pour DUNNS FAMOUS & DESIGN, LMC1,075,279 pour DUNN’S FAMOUS & DESIGN, LMC1,075,280 pour DUNN’S EST. 1927 & DESIGN, et LMC1,024,058 pour DUNN’S EXPRESS & DESIGN;

  2. les demandes d’enregistrement de marque de commerce no 1,945,271 pour DUNN’S et no 1,945,272 pour DUNN’S FAMOUS;

  3. les noms commerciaux « Dunn’s Famous Delicatessen », « Restaurant Dunn’s Famous » et « Dunn’s Famous Smoked Meat »;

  4. tous les droits conférés par la Loi sur les marques de commerce, ainsi que tous les droits correspondants en common law, à l’égard des enregistrements radiés LMC357,531 pour DUNN’S FAMOUS SMOKED MEAT SHOPPES & DESIGN et LMC360,232 pour DUNN’S FAMOUS & DESIGN [collectivement, les marques de commerce DUNN’S].

[5] La présente action concerne les activités de certains des défendeurs, à savoir Ina Devine et Stanley Devine, ainsi que les sociétés qu’ils possèdent et contrôlent, 1222187 Ontario Limited, 1924599 Ontario Inc. et 2189944 Ontario Inc. [collectivement, les défendeurs Devine]. Entre 2007 et 2018, les défendeurs Devine ont conclu une série d’ententes avec des tiers, sans l’autorisation de la demanderesse, prétendant fournir des licences à ces tiers, en liaison avec les marques de commerce en cause dans la présente action. Ces tiers ont également été désignés comme défendeurs.

[6] En juillet 2017, la demanderesse a déposé une requête en vue de scinder l’instance relative aux questions de responsabilité et aux questions de quantification dans la présente action parce que, à l’époque, plusieurs des défendeurs avaient déposé des demandes reconventionnelles, plaidant que les marques de commerce DUNN’S n’étaient pas valides ou n’appartenaient pas à la demanderesse. Le 13 septembre 2017, la juge St‑Louis a ordonné la disjonction en vertu de l’article 107 des Règles.

[7] Par la suite, les défendeurs Devine et les tiers avec lesquels les défendeurs Devine avaient conclu des contrats de licence, à l’exception des défendeurs en faute, consentaient à des jugements, dans lesquels ils reconnaissaient que les marques de commerce DUNN’S appartenaient à la demanderesse et qu’elles étaient valides.

[8] L’acte de procédure de la demanderesse repose sur une deuxième déclaration modifiée, déposée le 9 décembre 2019. Les défendeurs en faute sont les défendeurs qui sont désignés dans la deuxième déclaration modifiée et qui n’ont pas déposé de défense dans le délai prescrit par les Règles. Les rôles de ces défendeurs dans les activités à l’origine de l’action seront décrits plus en détail plus loin dans les présents motifs. Toutefois, à titre d’introduction, voici les parties concernées :

  1. Gray Johnson et une société, 9702938 Canada Inc. [970], qui, selon la demanderesse, est contrôlée par M. Johnson et aurait exploité un restaurant employant les marques de commerce DUNN’S, sans l’autorisation de la demanderesse, au 902, chemin Shefford, Gloucester (Ontario), depuis au moins août 2016 [collectivement, les défendeurs Johnson];

  2. Moishe Smith et une société, 2474234 Ontario Inc. [247], qui, selon la demanderesse, est contrôlée par M. Smith et aurait exploité un restaurant employant les marques de commerce DUNN’S, sans l’autorisation de la demanderesse, au 5‑1460, chemin Merivale, Ottawa (Ontario), depuis au moins novembre 2015 [collectivement, les défendeurs Smith];

  3. Tim Long Chang, Ripon Ahmed, Vincent Gobuyan et deux sociétés, 10199087 Canada Corporation [087] et 10199052 Canada Ltd. [052], qui, selon la demanderesse, sont contrôlées par une ou plusieurs de ces personnes et M. Johnson, et auraient participé à l’exploitation de restaurants employant les marques de commerce DUNN’S, sans l’autorisation de la demanderesse, à trois endroits :

  1. 2010, chemin Trim, Orléans (Ontario), depuis mars 2018,

  2. 1779, avenue Danforth, Toronto (Ontario), depuis octobre 2018,

  3. 1679, avenue Carling Est, Ottawa (Ontario), depuis février 2019

[collectivement, y compris M. Johnson, les défendeurs Chang].

[9] La demanderesse a déposé un avis de requête, daté du 17 août 2020, visant l’obtention, en vertu du paragraphe 210(1) des Règles, d’un jugement par défaut contre les défendeurs en faute. La requête vise également à annuler l’ordonnance de disjonction afin de permettre l’enregistrement d’un jugement de défaut concernant les questions de responsabilité et de quantification.

[10] La demanderesse a déposé sa requête ex parte contre les défendeurs en faute, comme le permet le paragraphe 210(2) des Règles. Elle a signifié ses documents de requête à l’avocat des défendeurs de Devine. Toutefois, présumément parce que la requête ne touche pas leurs intérêts, les défendeurs Devine n’ont pas déposé de documents en réponse ou n’ont pas comparu à l’audition de la requête.

[11] Comme le permet également le paragraphe 210(2) des Règles, la demanderesse a déposé sa requête par écrit en vertu de l’article 369 des Règles. Toutefois, après avoir examiné les documents à l’appui de la requête écrite, j’ai émis une directive à l’avocat de la demanderesse (envoyée en copie conforme à l’avocat des défendeurs de Devine) selon lesquelles la tenue d’une audience était nécessaire afin de donner à l’avocat de la demanderesse l’occasion de présenter des observations concernant la réparation demandée. Cette audience a eu lieu par vidéoconférence à l’aide de la plateforme Zoom, et seul l’avocat de la demanderesse a comparu le 17 décembre 2020.

III. Questions en litige

[12] La demanderesse soutient que sa requête soulève les questions suivantes, que devrait trancher la Cour :

  1. Est‑il dans l’intérêt de la justice d’annuler la disjonction ordonnée le 13 septembre 2017?

  2. Les défendeurs en faute ont‑ils omis de déposer un avis de comparution ou une défense dans le délai prévu par les Règles?

  3. La demanderesse a‑t‑elle produit suffisamment d’éléments de preuve pour établir les allégations formulées dans la deuxième déclaration modifiée, en particulier en ce qui a trait à ce qui suit :

  1. La demanderesse est‑elle la propriétaire unique et exclusive des marques de commerce DUNN’S?

  2. Les défendeurs en faute ont‑ils employé les marques de commerce DUNN’S sans l’autorisation de la demanderesse?

  3. Les activités des défendeurs individuels en faute ont‑elles engagé leur responsabilité personnelle?

  4. La demanderesse a‑t‑elle droit à la réparation prévue dans la Loi sur les marques de commerce contre les défendeurs en faute?

  5. Les défendeurs en faute ont‑ils volontairement et délibérément usurpé les marques de commerce, fait une commercialisation trompeuse, causé une dépréciation de l’achalandage, et fait de la publicité fausse et trompeuse?

  6. Est‑ce que 087, 052, M. Chang, M. Ahmed et M. Gobuyan se sont livrés à une reproduction illégale de pages Web de la demanderesse, qui étaient hébergées sur le site dunnsfamous.com, sur leur propre site dunnsexpress.co?

  7. La demanderesse a‑t‑elle le droit de demander que les dépens dans la présente action soient adjugés contre les défendeurs en faute?

[13] Bon nombre des questions figurant ci‑dessus nécessitent très peu d’analyse pour conclure que la demanderesse s’est acquittée de son fardeau dans le cadre de la présente requête. En effet, il est courant pour la Cour d’examiner les requêtes en jugement par défaut au moyen d’un jugement de type « attendu », sans fournir de motifs détaillés. Ma décision de préparer le présent jugement et les présents motifs découle de préoccupations particulières concernant certains aspects de la réparation demandée, qui ont motivé ma demande d’audience. Par conséquent, mon analyse énoncera ces préoccupations et portera principalement sur celles‑ci. Toutefois, je suis convaincu que les questions proposées par la demanderesse qui figurent ci‑dessus et qui, dans certains cas, comprennent des questions qui nécessitent des déterminations connexes, fournissent un cadre approprié pour structurer les présents motifs.

IV. Analyse

A. Est‑il dans l’intérêt de la justice d’annuler la disjonction ordonnée le 13 septembre 2017?

[14] J’accepte l’argument de la demanderesse selon lequel la justification de l’ordonnance de disjonction ne s’applique plus, puisque la question de la validité des marques de commerce DUNN’S a été tranchée. Il est donc dans l’intérêt de la justice d’annuler l’ordonnance de disjonction afin que la présente requête en jugement par défaut puisse viser à la fois les questions de responsabilité et celles de quantification. Mon jugement sera rendu en ce sens.

B. Les défendeurs en faute ont‑ils omis de déposer un avis de comparution ou une défense dans le délai prévu par les Règles?

[15] La demanderesse s’appuie sur l’affidavit de Cai Cheng, une avocate au service de l’avocat de la demanderesse, qui a examiné et joint une preuve de signification de la deuxième déclaration modifiée aux défendeurs en faute, ainsi que, dans le cas des parties qui avaient déjà été jointes à l’action, une preuve de signification de la première déclaration modifiée.

[16] Compte tenu de ces éléments de preuve, je suis convaincu que chacun des défendeurs en faute a été dûment signifié dans le cadre de la présente action et n’a pas produit de défense dans le délai prévu par les Règles. Il convient donc de passer à l’étape suivante de l’analyse relative au jugement par défaut, à savoir si la demanderesse a produit suffisamment d’éléments de preuve pour prouver les allégations formulées dans la deuxième déclaration modifiée, en particulier en ce qui a trait aux questions suivantes.

C. La demanderesse est‑elle la propriétaire unique et exclusive des marques de commerce DUNN’S?

[17] La demanderesse s’appuie sur l’affidavit, accompagnés de pièces justificatives, d’Elliot Kligman, le président et unique actionnaire de la demanderesse, qui parle de l’historique de la société de la demanderesse, ainsi que de l’historique des marques de commerce DUNN’S et de son titre. Comme le fait remarquer l’avocat de la demanderesse, la propriété ou la validité des marques n’est pas contestée. La propriété de la demanderesse a également été reconnue dans des ordonnances antérieurement rendues dans la présente instance, bien que dans le contexte du consentement des défendeurs visés par ces ordonnances. Compte tenu de ce qui précède et, en particulier, des éléments de preuve de M. Kligman, je suis convaincu que mon jugement devrait déclarer que la demanderesse est la propriétaire unique et exclusive des marques de commerce DUNN’S.

D. Les défendeurs en faute ont‑ils employé les marques de commerce DUNN’S sans l’autorisation de la demanderesse?

E. Les activités des défendeurs individuels en faute ont‑elles engagé leur responsabilité personnelle?

F. La demanderesse a‑t‑elle droit à la réparation prévue dans la Loi sur les marques de commerce contre les défendeurs en faute?

G. Les défendeurs en faute ont‑ils volontairement et délibérément usurpé les marques de commerce, fait une commercialisation trompeuse, causé une dépréciation de l’achalandage, et fait de la publicité fausse et trompeuse?

[18] Je considère que ces quatre questions concernent des déterminations connexes. Compte tenu de la preuve par affidavit de M. Kligman et des pièces jointes, ainsi que des observations de la demanderesse, je suis convaincu que les défendeurs en faute ont participé à l’emploi des marques de commerce DUNN’S sans l’autorisation de la demanderesse et qu’ils ont délibérément participé à des activités ayant entraîné l’usurpation des marques de commerce, leur commercialisation trompeuse, la dépréciation de l’achalandage attachée aux marques de commerce, et de la publicité fausse et trompeuse sur celles‑ci. Je ne considère pas que ces conclusions concernant les sociétés défenderesses exigent une analyse détaillée.

[19] Toutefois, un des sujets de préoccupation que j’ai soulevés auprès de l’avocat de la demanderesse à l’audience est la durée de l’activité ouvrant droit à action, car la durée influe sur le calcul des dommages subis par la demanderesse au moment de déterminer si la demanderesse a droit à la réparation demandée.

[20] J’ai également soulevé, à titre de sujet de préoccupation, la question de savoir si la nature de la participation des défendeurs individuels à l’emploi des marques par les sociétés défenderesses est telle qu’elle engagerait la responsabilité personnelle des défendeurs individuels. Comme le soutient la demanderesse, un administrateur peut être tenu personnellement responsable d’une violation de droits de propriété intellectuelle, lorsqu’il existe des circonstances à partir desquelles il est raisonnable de conclure que ce que visait l’administrateur était la commission délibérée, volontaire et consciente d’actes qui étaient de nature à constituer une contrefaçon ou qui reflètent une indifférence à l’égard du risque de contrefaçon (voir Mentmore Manufacturing Co c National Merchandise Manufacturing Co, [1978] ACF no 521 (CAF) [Mentmore] au par. 28).

[21] Je tiendrai compte de la preuve et de l’argument de la demanderesse concernant la question de la responsabilité personnelle, ainsi que de la durée de l’activité ouvrant droit à action en ce qui concerne les trois groupes de défendeurs en faute identifiés dans les observations de la demanderesse (c.‑à‑d., les défendeurs Johnson, les défendeurs Smith et les défendeurs Chang).

(1) Défendeurs Johnson

[22] En ce qui concerne les défendeurs Johnson, les rapports d’enregistrement de la société joints à l’affidavit de M. Kligman montrent que la société défenderesse, 970, a été enregistrée le 26 août 2016, sous la dénomination sociale « DUNN’S FAMOUS » et sous l’adresse 902, chemin Shefford, Ottawa (Ontario). La demanderesse affirme que cette date représente le début de l’activité de 970 ouvrant droit à action. Un autre rapport montre que M. Johnson est l’unique administrateur de 970.

[23] Le 30 septembre 2016, l’avocat de la demanderesse a écrit une lettre de mise en demeure à 970, à l’attention de M. Johnson, dans laquelle il invoquait les droits de la demanderesse à l’égard des marques de commerce. Cela a mené à une réunion entre M. Johnson et M. Kligman en octobre 2016, ainsi qu’à une correspondance subséquente. En novembre 2016, M. Johnson a envoyé à M. Kligman des photos de l’intérieur du restaurant du 902, chemin Shefford. M. Kligman s’est également rendu sur les lieux et a attesté l’exactitude des photos, qui montrent la contrefaçon des marques de la demanderesse.

[24] La preuve de la demanderesse comprend également un affidavit établi sous serment par sa contrôleuse, Elisa Kligman, qui joint des documents, obtenus auprès d’un fournisseur de viande fumée, qui montrent que le fournisseur a vendu de la viande fumée à 970 entre septembre 2016 et juillet 2018. Ces registres désignent le client comme « (DUNNSHEF) Z‑DUNN’S REST. (SHEFFORD) ». Ces dossiers font également état de ventes entre juillet 2018 et septembre 2019 à un client appelé « DUNNOTTA 2648240 ONTARIO INC. (SHEFFORD) ». Mme Kligman déclare dans son affidavit qu’elle ne connaît pas la raison du changement de société en juillet 2018. Compte tenu de ces documents, la demanderesse fait valoir que les éléments de preuve démontrent que l’activité ouvrant droit à action en vertu de la Loi sur les marques de commerce a eu lieu pendant environ deux ans, soit d’août 2016 à juillet 2018.

[25] Je suis convaincu que la preuve, y compris les photos, démontre l’existence d’une activité ouvrant droit à action entre août et novembre 2016 (lorsque M. Johnson a envoyé les photos à M. Kligman). Toutefois, après cette date, le seul élément de preuve que la demanderesse offre est la façon dont le fournisseur de 970 fait référence à son client dans ce qui semble être ses registres de ventes internes. À l’audition de la présente requête, j’ai soulevé une préoccupation concernant la valeur probante de cet élément de preuve pour démontrer une contrefaçon continue.

[26] La demanderesse fait valoir que, si les défendeurs Johnson avaient participé à la présente instance et si la contrefaçon avait cessé à un moment donné après novembre 2016, les défendeurs Johnson auraient pu présenter des éléments de preuve démontrant la cessation de la contrefaçon à ce moment‑là. La demanderesse fait également valoir que le défaut de participation des défendeurs Johnson a empêché la demanderesse de recueillir des éléments de preuve à l’appui de la contrefaçon.

[27] Ces arguments ne me convainquent pas. Dans le cadre d’une requête en jugement par défaut, il incombe à la demanderesse de produire des éléments de preuve pour établir son allégation. Il arrive parfois qu’un demandeur se trouvant dans la position de la demanderesse présente des éléments de preuve photographiques de l’emploi continu des marques en cause pendant une période donnée. En effet, la demanderesse s’appuie sur de tels éléments de preuve photographiques d’une contrefaçon au début de la période alléguée de contrefaçon, mais elle n’offre aucun élément de preuve comparable pour des périodes ultérieures. À mon avis, les éléments de preuve établissent l’existence d’une activité de 970 ouvrant droit à action d’août à novembre 2016. Il se peut fort bien que l’activité ouvrant droit à action se poursuive pendant la période alléguée par la demanderesse, mais la Cour ne dispose d’aucun élément de preuve à l’appui de cette détermination.

[28] La demanderesse réclame 200 000 $ en dommages‑intérêts contre les défendeurs de Johnson en vertu de la Loi sur les marques de commerce. Elle calcule ce chiffre en se fondant sur les éléments de preuve fournis dans l’affidavit de Mme Kligman concernant : a) la redevance de franchisage moyenne de 50 000 $, habituellement payable à la demanderesse au moment de l’exécution d’un contrat de franchise; b) la fourchette des redevances annuelles par restaurant habituellement payable à la demanderesse, sur la base de laquelle elle réclame, avec prudence, 50 000 $ par année d’exploitation. La demanderesse calcule sa réclamation de 200 000 $ en se fondant sur un montant de 50 000 $ pour chacune des trois années d’exploitation du restaurant sur le chemin Shefford, plus la redevance de franchisage de 50 000 $.

[29] Je considère que les éléments de preuve appuient les chiffres de la demanderesse, à l’exception de la durée de l’activité ouvrant droit à action au chemin Shefford. Je n’ai trouvé des éléments de preuve que pour quatre mois de cette activité, ce qui se traduit par des dommages‑intérêts payables par 970 de 16 666,66 $ (c.‑à‑d.,50 000 $ x 4/12), plus la redevance de franchisage de 50 000 $, pour un total de 66 666,66 $.

[30] En ce qui concerne M. Johnson, je reconnais qu’il est (ou était) l’administrateur de 970 et qu’il a été avisé des allégations de la demanderesse le 30 septembre 2016. Toutefois, étant donné que les éléments de preuve n’établissent qu’une courte période d’activité après cet avis, j’aurais de la difficulté à conclure, sur la base de ces éléments de preuve seulement, qu’il devrait être tenu personnellement responsable de la contrefaçon commise par 970.

[31] Toutefois, la demanderesse a également produit des éléments de preuve établissant que M. Johnson a davantage participé aux activités plus larges de contrefaçon menées par les défendeurs en l’espèce. Cette participation comprend des activités menées en collaboration avec les défendeurs de Chang, après l’ouverture du restaurant exploité au chemin Shefford. Je reviendrai sur ces activités plus tard dans les présents motifs. Plus important encore, aux fins de l’évaluation de sa responsabilité à l’égard des activités de 970 ouvrant droit à action, il est prouvé que M. Johnson a également participé aux affaires des défendeurs Devine depuis aussi tôt que 2007.

[32] L’affidavit de M. Kligman joint un contrat de licence, daté du 5 décembre 2007, conclu entre Ina Devine et 2153742 Ontario Inc. [215], qui est censé accorder une licence à 215 pour employer le nom commercial « Dunn’s », ainsi que les noms et styles connexes en liaison avec l’exploitation d’un restaurant de charcuterie situé au 355, rue Dalhousie, à Ottawa, en Ontario [le contrat de licence de 215]. Le nom de M. Johnson apparaît sur ce contrat à titre de signataire, au nom de 215, en sa qualité de président. Est également joint à l’affidavit de M. Kligman un profil de société, daté de décembre 2016, qui indique que M. Johnson est l’administrateur et président de 215, et qu’Ina Devine en est l’administratrice et vice‑présidente.

[33] Comme il a été mentionné précédemment, les défendeurs Devine (y compris Iva Devine) ont consenti à un jugement contre eux à une étape antérieure de la présente instance. L’ordonnance de la juge en chef adjoint Gagné, datée du 17 octobre 2019, mettant en œuvre ce jugement sur consentement, mentionne dans ses « attendu » une reconnaissance par les défendeurs Devine que divers contrats, y compris le contrat de licence de 215, ont été conclus sans droit et sont invalides parce que le propriétaire allégué n’était pas le propriétaire des marques sous licence au moment de conclure les contrats.

[34] Par conséquent, les éléments de preuve démontrent que M. Johnson a participé à la conclusion d’un contrat de licence non valide avec Ina Devine presque dix ans avant la contrefaçon de 2016 par 970. De plus, lui et Mme Devine étaient tous deux des employés et des administrateurs de la société licenciée. Ce fait contredit la conclusion selon laquelle M. Johnson était un participant innocent qui a été trompé par Mme Devine. Je suis convaincu, compte tenu de sa participation passée aux activités des défendeurs de Devine, que le critère de l’arrêt Mentmore est respecté en ce qui a trait à la participation subséquente de M. Johnson à l’exploitation de 970 en 2016. Il est donc personnellement responsable des dommages‑intérêts de 66 666,66 $ accordés contre 970 en vertu de la Loi sur les marques de commerce. Mon jugement imposera une responsabilité conjointe de ce montant à 970 et à M. Johnson relativement au restaurant du chemin Shefford.

(2) Défendeurs Smith

[35] En ce qui concerne 247 et le restaurant exploité au 5‑1460, chemin Merivale, à Ottawa, en Ontario, est jointe à l’affidavit de M. Kligman une lettre de mise en demeure envoyée à 247, à l’attention de M. Smith, le 9 décembre 2015. Est également joint un rapport sur les dénominations sociales pour 247, daté du 22 juin 2016, qui montre que la dénomination sociale « DUNN’S FAMOUS » a été enregistrée par 247 en date du 20 novembre 2015, en liaison avec un restaurant situé sur le chemin Merivale. La demanderesse a également fait parvenir une deuxième lettre de mise en demeure à 247, à nouveau à l’attention de M. Smith, le 30 septembre 2016.

[36] La demanderesse affirme que les défendeurs Smith ont mené des activités de contrefaçon de novembre 2015 à 2018. À l’appui de cela, Mme Kligman joint des copies des états financiers de 247 pour les années 2015 à 2018. Pendant toutes ces années, les états financiers arboraient le nom « Dunn’s Famous Deli and Steakhouse ».

[37] Il ne s’agit pas d’une preuve directe de l’emploi des marques de commerce DUNN’S par 247, au sens de l’article 4 de la Loi sur les marques de commerce. Toutefois, contrairement aux registres du tiers fournisseur offerts par la demanderesse comme preuve de la contrefaçon continue par les défendeurs Johnson, les états financiers sur lesquels la demanderesse s’appuie pour prouver son allégation contre 247 sont des registres commerciaux de la défenderesse elle‑même. Je suis disposé à conclure que 247 exerçaient ses activités sous le nom commercial reflété dans ces éléments de preuve, d’une manière qui constituait une contrefaçon des marques de commerce DUNN’S et constituait par ailleurs une activité ouvrant droit à action en vertu de la Loi sur les marques de commerce, pendant la période couverte par les états financiers de novembre 2015 à décembre 2018.

[38] En ce qui concerne les défendeurs Smith, étant donné qu’elle a l’avantage des états financiers de 247, la demanderesse calcule sa réclamation de dommages‑intérêts sur une base différente de celle décrite ci‑dessus en ce qui a trait aux défendeurs Johnson. L’affidavit de Mme Kligman explique que les redevances payées par un franchisé de la demanderesse, ainsi que la redevance de franchisage initiale de 50 000 $, représentent généralement 5 % des revenus nets du franchisé. L’application de cette formule aux états financiers de la demanderesse et l’ajout de la redevance initiale de 50 000 $ se traduisent par une réclamation de 163 894,33 $. Je suis disposé à accorder ce montant en dommages‑intérêts contre 247 en vertu de la Loi sur les marques de commerce.

[39] Je suis également convaincu que M. Smith devrait être personnellement responsable de ces dommages‑intérêts. Un profil de société daté du 20 décembre 2016 l’identifie comme étant l’unique administrateur et dirigeant de l’entreprise depuis juillet 2015. Il en est donc clairement l’âme dirigeante. M. Smith a également été avisé des allégations de la demanderesse en décembre 2015, moins d’un mois après le début des activités de 247, et on lui a rappelé ces allégations en septembre 2016. Toutefois, les activités de contrefaçon se sont poursuivies. À mon avis, le critère de l’arrêt Mentmore est satisfait. Mon jugement imposera une responsabilité conjointe du montant de 163 894,33 $ à 247 et à M. Smith relativement au restaurant du chemin Shefford.

(3) Défendeurs Chang

[40] Il faut se rappeler que les défendeurs Chang comprennent deux sociétés et quatre personnes, dont M. Chang, que la demanderesse désigne comme ayant participé d’une manière particulièrement active aux activités commerciales des défendeurs Devine. Selon la demanderesse, les défendeurs Chang s’occupent de trois restaurants.

[41] En ce qui concerne chacun de ces restaurants, la demanderesse se fonde de façon significative sur les renseignements contenus dans une soumission, datée du 22 février 2019, déposée au nom de M. Chang dans le cadre d’une instance relative aux Principes directeurs régissant le règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine [UDRP] intentée par la demanderesse en janvier 2019 [la soumission relative à l’UDRP]. Cette soumission indique qu’en décembre 2017, M. Chang, au nom de 052, a conclu un accord‑cadre de concessions commerciales avec Ina et Stanley Devine [l’accord‑cadre de concessions commerciales], qui sont décrits comme les propriétaires du droit exclusif d’exploiter les franchises du restaurant Dunn’s en Ontario. La soumission relative à l’UDRP identifie également les trois restaurants suivants ouverts ou sous‑franchisés par M. Chang en Ontario :

  1. le restaurant du chemin Trim, dans l’arrondissement d’Orléans, à Ottawa, qui a ouvert ses portes en mars 2018;

  2. le restaurant de l’avenue Danforth, à Toronto, qui a ouvert ses portes en octobre 2018;

  3. le restaurant de l’avenue Carling, à Ottawa, qui a ouvert ses portes en février 2019.

[42] Je structurerai cette partie de mon analyse en fonction de chacun des restaurants.

(4) Chemin Trim

[43] La preuve de la demanderesse comprend une entente de cession de bail datée d’août 2018, qui démontre la cession du bail des locaux du chemin Trim, de 052 à 087, à compter du 1er juillet 2018. La demanderesse a également fourni une photo non datée montrant l’extérieur de ce restaurant, sur laquelle figure une marque contrefaite, ainsi qu’une capture d’écran non datée d’une recherche Google sur ce restaurant, sur laquelle figure le nom « Dunn’s Express ».

[44] Le seul élément de preuve à l’appui de la durée de l’exploitation du restaurant du chemin Trim est la soumission relative à l’UDRP, datée du 22 février 2019, qui indique que ce restaurant a été ouvert en mars 2018. J’estime qu’il est raisonnable de déduire que ce restaurant était en activité à la date de la soumission relative à l’UDRP, ce qui représente environ un an d’activité ouvrant droit à action. La demanderesse réclame 150 000 $ en dommages‑intérêts en vertu de la Loi sur les marques de commerce, ce qui comprend la redevance de franchisage initiale de 50 000 $ (telle que décrite ci‑dessus dans la section relative à la réclamation de dommages‑intérêts contre les défendeurs Johnson), plus 50 000 $ en recettes de redevances annuelles habituelles pour chacune des deux années d’exploitation. Étant donné que j’ai conclu qu’il n’y a qu’une année d’activité ouvrant droit à action, je calcule un montant de 100 000 $ en dommages‑intérêts, en vertu de la Loi sur les marques de commerce, relativement au restaurant du chemin Trim.

[45] Il reste à savoir, en ce qui concerne le restaurant du chemin Trim, lequel des défendeurs Chang devrait être responsable de ce restaurant. Les éléments de preuve montrent que 087 a assumé l’exploitation de ce restaurant à compter du 1er juillet 2018. Elle est donc responsable de huit mois d’activité ouvrant droit à action (c.‑à‑d., 33 333,33 $ sur les 50 000,00 $ en recettes de redevances annuelles), plus la redevance initiale de 50 000 $, ce qui représente des dommages‑intérêts en vertu de la Loi sur les marques de commerce totalisant 83 333,33 $.

[46] Les mêmes éléments de preuve établissent que 052 a exploité le restaurant du chemin Trim pendant quatre mois avant que 087 n’assume l’exploitation de ce restaurant. Elle est donc responsable des quatre premiers mois d’activité ouvrant droit à action. Toutefois, j’accepte également la position de la demanderesse selon laquelle, en raison du rôle joué par 052 dans l’octroi de sous‑licences pour les activités de contrefaçon (comme en témoignent la soumission relative à l’UDRP et l’accord‑cadre de concessions commerciales), 052 devrait être tenue solidairement responsable, avec 087, pour les huit autres mois. Avant d’examiner la responsabilité des défendeurs Chang, cela signifie que 087 et 052 sont solidairement responsables d’un montant 83 333,33 $ et que 052 est responsable du montant restant de 16 666,67 $ à titre de dommages‑intérêts relativement au restaurant du chemin Trim.

[47] En ce qui concerne les défendeurs individuels Chang, j’accepte l’argument de la demanderesse selon lequel la participation de M. Chang aux activités de contrefaçon est attestée par la soumission relative à l’UDRP. D’autres éléments de preuve appuient cette conclusion, y compris la correspondance de mars 2018 à un représentant de la demanderesse, dans laquelle M. Chang se décrit comme le vendeur des franchises du restaurant Dunn’s. Les rapports des sociétés indiquent que M. Chang a été un administrateur de 052 d’août 2017 à février 2018 et un administrateur de 087 brièvement en octobre 2017, puis de nouveau brièvement en février 2018. Par la suite, en décembre 2018, M. Chang signait encore, en sa qualité, les formulaires d’enregistrement de la société au nom de 087.

[48] Selon la preuve, M. Chang n’était plus un administrateur, ni de 052 ni de 087, au moment où les actes de contrefaçon ont été commis par ces sociétés. Néanmoins, je suis convaincu, à la lumière de l’ensemble de la preuve et, en particulier, de la soumission relative à l’UDRP, qu’il a été complice des activités de contrefaçon au restaurant du chemin Trim et que, selon le critère de l’arrêt Mentmore, il devrait avoir une responsabilité personnelle à cet égard. Cette responsabilité s’étend à la totalité du montant de 100 000 $ en dommages‑intérêts applicables au restaurant du chemin Trim.

[49] Les dossiers des sociétés indiquent que M. Johnson était également un administrateur de 052 d’août 2017 à juin 2018 et un administrateur de 087 d’octobre 2017 à janvier 2018, brièvement en février 2018, puis de nouveau à compter de mars 2018. Il semble qu’il ait cessé d’être administrateur en juin 2018, car les dossiers indiquent que M. Ahmed était alors l’unique administrateur. J’ai déjà conclu que M. Johnson était impliqué, avec Ina Devine, dans des contrats de licence invalides depuis aussi tôt que 2007. Combiné à son rôle d’administrateur de 052 et de 087 au moins pendant certaines périodes pertinentes, je suis convaincu que le critère de l’arrêt Mentmore est satisfait, établissant la responsabilité personnelle de M. Johnson pour la totalité du montant de 100 000 $ en dommages‑intérêts relativement au restaurant du chemin Trim.

[50] Le nom de M. Gobuyan apparaît pour la première fois dans la preuve à titre d’administrateur de 087 à compter de mars 2018, ce qui, comme le fait remarquer la demanderesse, coïncide avec le début de l’exploitation du restaurant du chemin Trim par 087. Il ne semble pas avoir été un administrateur de 052, la société impliquée dans l’activité de sous‑franchisage non autorisée. À mon avis, ces faits ne suffiraient pas eux seuls à le rendre personnellement responsable. Toutefois, sont également joints à l’affidavit de M. Kligman des imprimés du 7 janvier 2019 provenant d’un site Web, décrit comme étant créé par Tim Chang sous le nom de domaine dunnsexpress.co, et dans lesquels il était question de vente de franchises du restaurant Dunn’s au Canada. Ces imprimés identifient non seulement M. Chang et M. Johnson, mais aussi M. Gobuyan, comme personnes‑ressources pour ces possibilités de franchise. À mon avis, ces éléments de preuve établissent la participation personnelle de M. Gobuyan, ce qui suffit pour satisfaire au critère de l’arrêt Mentmore et imposer une responsabilité personnelle, encore une fois, pour la totalité du montant de 100 000 $ en dommages‑intérêts relativement au restaurant du chemin Trim.

[51] Le dernier défendeur individuel est M. Ahmed, et il est indiqué dans les dossiers de la société qu’il est le seul administrateur de 052 en date de juin 2018. La demanderesse soutient que, puisque 052 est partie à l’accord‑cadre de concessions commerciales et qu’elle était le véhicule du sous‑franchisage non autorisé à 087, le rôle de M. Ahmed en tant qu’administrateur de 052 devrait suffire à établir sa responsabilité personnelle.

[52] Le rôle de M. Ahmed en tant qu’administrateur est postérieur au début de l’exploitation du restaurant du chemin Trim en mars 2018. D’autre part, la période pour laquelle j’ai conclu que 052 était solidairement responsable avec 087, en raison de son rôle dans la sous‑franchise de ce restaurant, s’étend à février 2019, et donc à la période où M. Ahmed était le seul administrateur. Toutefois, rien ne prouve exactement quand 052 a pris des mesures censément pour sous‑franchiser ce restaurant, et je ne vois aucun fondement qui me permette de conclure que de telles mesures ont été prises ou continuent d’être prises après que M. Ahmed a assumé son rôle. Il n’y a donc pas suffisamment d’éléments de preuve pour le lier à la sous‑franchise de ce restaurant, et je refuse de lui imputer une responsabilité personnelle relativement au restaurant du chemin Trim.

[53] En résumé, en ce qui concerne le restaurant du chemin Trim, mon jugement accordera : a) des dommages‑intérêts de 83 333,33 $, payables conjointement par 052, 087, M. Chang, M. Johnson et M. Gobuyan; plus b) des dommages‑intérêts de 16 666,67 $, payables conjointement par M. Chang, M. Johnson et M. Gobuyan.

(5) Avenue Danforth

[54] La soumission relative à l’UDRP indique que l’exploitation du restaurant de l’avenue Danforth, à Toronto, a commencé en octobre 2018 et que 052 est elle‑même l’exploitante de ce restaurant. Comme pour le restaurant du chemin Trim, le seul élément de preuve à l’appui de la durée de l’activité de contrefaçon est la date de dépôt de la soumission relative à l’UDRP, qui décrit cette activité. La Cour peut raisonnablement conclure que ce restaurant est demeuré en activité en février 2019, au moment de la rédaction de la soumission, mais il n’y a aucun élément de preuve à l’appui de son exploitation après cette date. J’estime donc qu’il y a eu contrefaçon pendant cinq mois à ce restaurant, duquel 052 est responsable.

[55] Comme pour le restaurant du chemin Trim, la demanderesse réclame 150 000 $ en dommages‑intérêts, en vertu de la Loi sur les marques de commerce, relativement au restaurant de l’avenue Danforth. Ce chiffre comprend la redevance de franchisage initiale de 50 000 $, plus 50 000,00 $ en recettes de redevances annuelles habituelles pour chacune des deux années d’exploitation. Étant donné que j’ai estimé qu’il n’y a eu que cinq mois d’activité ouvrant droit à action, je calcule que les dommages‑intérêts payables par 052 relativement au restaurant de l’avenue Danforth sont d’un montant de 20 833,33 $ (c.‑à‑d., 50 000,00 $ x 5/12), plus la redevance de franchisage de 50 000 $, pour un total de 70 833,33 $.

[56] Rien ne permet de conclure que 087 était impliquée dans le restaurant de l’avenue Danforth, et j’estime qu’il n’a aucune responsabilité à l’égard de ce restaurant.

[57] Mon analyse de la responsabilité personnelle de M. Chang à l’égard du restaurant de l’avenue Danforth est en grande partie la même que celle qui porte sur le restaurant du chemin Trim. Bien que la preuve indique qu’il n’était plus un administrateur de 052 au moment de l’activité de contrefaçon de cette société, je suis convaincu, compte tenu de l’ensemble de la preuve et, en particulier, de la soumission relative à l’UDRP, qu’il était complice du commencement des activités de contrefaçon au restaurant de l’avenue Danforth et, appliquant le critère de l’arrêt Mentmore, qu’il devrait être personnellement responsable à cet égard.

[58] En ce qui concerne M. Johnson, il semble qu’il avait cessé d’être un administrateur de 052 au moment de l’ouverture du restaurant de l’avenue Danforth. Toutefois, d’autres éléments de preuve appuient une conclusion selon laquelle il a continué de participer à l’activité de sous‑franchisage non autorisée au moins aussi récemment que le 7 janvier 2019, lorsque le site Web de M. Chang annonçait la vente des franchises du restaurant Dunn’s et identifiait M. Johnson comme l’une des personnes‑ressources pour ces possibilités de franchise. Combiné aux éléments de preuve à l’appui de sa participation antérieure, avec Ina Devine, à des contrats de licence non valides depuis aussi tôt que 2007, je suis convaincu que le critère de l’arrêt Mentmore est satisfait, et que la responsabilité personnelle de M. Johnson pour la contrefaçon au restaurant de l’avenue Danforth est ainsi établie.

[59] Comme je l’ai déjà mentionné, le site dunnsexpress.co identifie également M. Gobuyan comme personne‑ressource pour ces possibilités de franchise. Cet élément de preuve établit que M. Gobuyan a personnellement participé à l’activité de sous‑franchisage non autorisée, ce qui suffit pour satisfaire au critère de l’arrêt Mentmore et lui imposer une responsabilité personnelle pour la contrefaçon au restaurant de l’avenue Danforth.

[60] En ce qui concerne M. Ahmed, la demanderesse fait remarquer qu’il était le seul administrateur de 052 lorsque cette dernière a commencé l’activité de contrefaçon au restaurant de l’avenue Danforth, en octobre 2018. Toutefois, j’ai conclu que d’autres défendeurs individuels étaient personnellement responsables en me fondant sur plus que leur rôle d’administrateur des sociétés défenderesses. Ces conclusions sont fondées sur des éléments de preuve montrant leur participation personnelle dans l’activité ouvrant droit à action ou le fait qu’ils ont déjà été avisés par la demanderesse. Il n’existe aucun élément de preuve comparable concernant M. Ahmed.

[61] Je reconnais que M. Ahmed est devenu l’unique administrateur de 052, la société qui menait l’activité de sous‑franchisage. Toutefois, comme pour ma conclusion concernant le restaurant du chemin Trim, rien ne prouve exactement quand 052 a pris des mesures à l’égard de ses activités de sous‑franchisage, et je ne vois aucun fondement qui me permette de conclure que de telles mesures ont été prises ou continuent d’être prises après qu’il a assumé son rôle. L’accord‑cadre de concessions commerciales a été signé par 052 avant qu’il ne devienne administrateur et, bien que la soumission relative à l’UDRP soit postérieure au début de son rôle d’administrateur, elle ne précise pas quand les contrats de sous‑franchise des restaurants du chemin Trim, de l’avenue Danforth ou de l’avenue Carling ont été conclus.

[62] À mon avis, il n’y a pas suffisamment d’éléments de preuve pour satisfaire au critère de l’arrêt Mentmore et imputer une responsabilité personnelle à M. Ahmed à l’égard du restaurant de l’avenue Danforth.

[63] En résumé, en ce qui concerne le restaurant de l’avenue Danforth, mon jugement accordera des dommages‑intérêts de 70 833,33 $, payables conjointement par 052, M. Chang, M. Johnson et M. Gobuyan.

(6) Avenue Carling

[64] En ce qui concerne le restaurant de l’avenue Carling, la demanderesse offre des éléments de preuve supplémentaires, encore une fois en pièce jointe à l’affidavit de M. Kligman, sous la forme d’une déclaration solennelle établie sous serment par l’une des personnes participant aux activités à ce restaurant [la déclaration solennelle]. Mark Pio Fernandez, un dirigeant et administrateur de 11185845 Canada Inc. [845], a établi sous serment la déclaration solennelle le 19 mars 2020, déclarant que, du 8 janvier 2019 au 28 février 2020, 845 employait certaines des marques de commerce DUNN’S en liaison avec l’exploitation d’un restaurant situé sur l’avenue Carling.

[65] Compte tenu de cette activité d’une durée d’environ un an, la demanderesse réclame 100 000 $ en dommages‑intérêts, en vertu de la Loi sur les marques de commerce, relativement au restaurant de l’avenue Carling. Ce chiffre comprend la redevance de franchisage initiale de 50 000 $, plus 50 000 $ en recettes de redevances annuelles habituelles pour l’année d’exploitation. J’accepte ce chiffre relativement à ce restaurant.

[66] La déclaration solennelle indique également que 845 a employé les marques de commerce DUNN’S en liaison avec le restaurant de l’avenue Carling à la suite d’un contrat de sous‑franchise conclu le 8 janvier 2019 entre 845 et 087, représentée par M. Gobuyan et M. Chang. Cet élément de preuve implique directement 087, M. Gobuyan et M. Chang dans la responsabilité de ce restaurant, et implique indirectement 052 en raison de son rôle de franchiseur principal.

[67] M. Johnson n’est pas visé par les éléments de preuve contenus dans la déclaration solennelle. De plus, comme je l’ai déjà mentionné, il semble qu’il ait cessé d’être un administrateur de 052 au moment de l’ouverture du restaurant de l’avenue Carling. Toutefois, comme pour l’analyse relative au restaurant de l’avenue Danforth, d’autres éléments de preuve appuient une conclusion selon laquelle il a continué de participer à l’activité de sous‑franchisage non autorisée au moins aussi récemment que le 7 janvier 2019, lorsque le site Web de M. Chang annonçait la vente des franchises de Dunn’s et identifiait M. Johnson comme l’une des personnes‑ressources pour ces possibilités de franchise.

[68] Le contrat de sous‑franchise entre 845 et 087 a été conclu le 8 janvier 2019, soit le jour suivant la date où la demanderesse a pris la capture d’écran du site Web de M. Chang qui prouve la participation continue de M. Johnson aux activités de franchisage non autorisées. Combiné aux éléments de preuve à l’appui de sa participation antérieure, avec Ina Devine, à des contrats de licence non valides depuis aussi tôt que 2007, je suis d’avis que M. Johnson ne peut pas se dégager de sa responsabilité personnelle en raison de l’écart d’une journée dans la preuve. Je suis convaincu que le critère de l’arrêt Mentmore est satisfait, et que, donc, la responsabilité personnelle de M. Johnson pour la contrefaçon au restaurant de l’avenue Carling est établie.

[69] Enfin, en ce qui concerne M. Ahmed, mon analyse est similaire à mon évaluation de sa responsabilité à l’égard des autres restaurants où 052 est impliquée. Bien que M. Ahmed soit devenu le seul administrateur de la société (052) qui menait l’activité de sous‑franchisage, rien ne prouve exactement quand 052 a pris des mesures à l’égard de ses activités de sous‑franchisage, et je ne vois aucun fondement qui me permette de conclure que de telles mesures ont été prises ou continuent d’être prises après qu’il a assumé son rôle. Bien que la déclaration solennelle indique que 087 a conclu le contrat de sous‑franchise avec 845 le 8 janvier 2019, il n’y a aucun élément de preuve concernant le moment où 052 a conclu avec 087 le contrat autorisant cette sous‑franchise.

[70] À mon avis, comme pour les autres restaurants, il n’y a pas suffisamment d’éléments de preuve pour satisfaire au critère de l’arrêt Mentmore et imputer une responsabilité personnelle à M. Ahmed relativement au restaurant de l’avenue Carling.

[71] En résumé, en ce qui concerne le restaurant de l’avenue Carling, mon jugement accordera des dommages‑intérêts de 100 000 $, payables conjointement par 052, 087, M. Chang, M. Johnson et M. Gobuyan.

(7) Remise des enregistrements de noms de domaine

[72] Il reste une autre question à trancher, qui se rapporte à l’ensemble des questions actuellement examinées et à l’égard de laquelle j’ai exprimé des préoccupations pendant l’audition de la présente requête. La réparation demandée par la demanderesse comprend une ordonnance interdisant aux défendeurs en faute de poursuivre des activités ouvrant droit à action et exigeant qu’ils remettent à la défenderesse tous les articles visés par cette injonction. L’ébauche du paragraphe relatif à la « remise » proposée par la demanderesse se lit comme suit :

[traduction]

Les défendeurs en faute, ainsi que les dirigeants, administrateurs, employés, mandataires, entités commerciales liées et toutes les personnes qu’ils contrôlent, récupéreront et remettront immédiatement à la demanderesse tous les produits, emballages, étiquettes, documents et autres articles en la possession, sous la garde ou sous le contrôle des défendeurs en faute qui sont visés par l’injonction ci‑dessus et en fournir la preuve, y compris tout enregistrement de nom de domaine employant les termes « DUNN’S » « FAMOUS » ou « EXPRESS »;

[Non souligné dans l’original.]

[73] À l’audience, j’ai soulevé des préoccupations quant au fait que les deux dernières lignes (soulignées ci‑dessus), qui concernent la remise des enregistrements de noms de domaine, ne faisaient pas partie de la réparation demandée dans la deuxième déclaration modifiée. Le paragraphe pertinent de la deuxième déclaration modifiée demande à la Cour ce qui suit :

[traduction]

ORDONNER que les défendeurs récupèrent et remettre à la demanderesse tous les produits, emballages, étiquettes, documents et autres articles en leur possession, sous leur garde ou sous leur contrôle qui sont visés de quelle que façon que ce soit par toute ordonnance qui peut être rendue en l’espèce [...];

[74] Le libellé du paragraphe maintenant proposé par la demanderesse varie à plusieurs égards du libellé ci‑dessus qui figure dans la deuxième déclaration modifiée. Toutefois, je ne considère pas ces variations comme des éléments matériels, sauf peut‑être l’ajout du libellé qui exige expressément la remise des enregistrements de noms de domaine qui emploient certains termes. La préoccupation que j’ai soulevée auprès de l’avocat de la demanderesse était que les défendeurs en faute n’avaient pas été avisés que, dans le cadre de la présente instance, la demanderesse prendrait la position que les enregistrements de noms de domaine employant certains termes devraient être remis. Le dossier de requête de la demanderesse n’a pas été signifié aux défendeurs en faute. La demanderesse a présenté la présente requête ex parte, comme elle a le droit de le faire, mais ce processus a pour effet que les défendeurs en faute n’ont pas été avisés du libellé particulier proposé par la demanderesse pour son paragraphe relatif à la « remise ».

[75] En réponse à cette préoccupation, l’avocat de la demanderesse a fait valoir que les défendeurs Chang sont au courant de sa position, car la demanderesse a invoqué cette position dans le cadre de l’instance relative à l’UDRP. L’avocat de la demanderesse a expliqué que la remise des noms de domaine est un point important pour la demanderesse, car cette dernière craint que les défendeurs Chang utilisent ce mécanisme à l’avenir pour violer davantage ses droits. Bien que je respecte les préoccupations de la demanderesse, le fait que les défendeurs Chang puissent avoir été au courant de la position de la demanderesse à l’égard de cette question en raison de sa participation à une autre instance n’aide pas la demanderesse.

[76] Toutefois, l’avocat de la demanderesse fait également remarquer que la deuxième déclaration modifiée contient des allégations de contrefaçon des marques de commerce DUNN’S découlant de l’emploi du nom de domaine « dunnsexpress.co » par les défendeurs Chang. L’affidavit de M. Kligman fournit des éléments de preuve à l’appui de cette allégation, expliquant que M. Chang a créé un site Web, sous le nom de domaine « dunnsexpress.co », dans lequel était annoncée la vente des franchises du restaurant Dunn’s au Canada. L’affidavit de M. Kligman joint une capture d’écran de ce site Web. Il indique également que le site Web contenait des dessins, des logos et des reproductions mot pour mot des questions de la section « Questions et réponses » figurant sous l’onglet « Franchisage », du site Web de la demanderesse, Des extraits des deux sites Web, datant du 7 janvier 2019, sont joints à l’appui de ces éléments de preuve.

[77] Je ne suis toujours pas convaincu que mon jugement devrait ordonner la remise des formulations particulières et quelque peu arbitraires des enregistrements de noms de domaine, comme proposé dans le projet de libellé de la demanderesse. Toutefois, après avoir examiné l’intégralité de la deuxième déclaration modifiée, ainsi que les éléments de preuve de M. Kligman, je suis convaincu qu’il convient d’ordonner expressément la remise de l’enregistrement du nom de domaine dunnsexpress.co et de tout autre enregistrement de nom de domaine visé par l’injonction contenue dans mon jugement. L’enregistrement du nom de domaine est un exemple des types d’articles visés par la remise qui a été demandée en vertu du libellé plus général de la réparation demandée dans la deuxième déclaration modifiée, et la deuxième déclaration modifiée comprend des allégations de contrefaçon par l’enregistrement du nom de domaine. Je suis donc convaincu qu’il n’y a aucune préoccupation quant à l’équité procédurale et que, puisque les éléments de preuve appuient ces allégations, il convient d’accorde la réparation plus particulière.

H. Est‑ce que 087, 052, M. Chang, M. Ahmed et M. Gobuyan se sont livrés à une reproduction illégale de pages Web de la demanderesse, qui étaient hébergées sur le site dunnsfamous.com, sur leur propre site dunnsexpress.co?

[78] Pour la demanderesse, la question est de savoir si les défendeurs en faute ont reproduit certaines des pages Web de la demanderesse. Elle soulève cette question particulière à l’égard du logo de la demanderesse et de la structure du site Web de la demanderesse, y compris les questions de la section « Questions et réponses » figurant sous l’onglet « Franchisage » du site Web. La demanderesse allègue que les défendeurs en faute ont reproduit ce matériel sur leur propre site Web et que cette reproduction constitue une violation du droit d’auteur en vertu du paragraphe 27(1) de la Loi sur le droit d’auteur. La demanderesse réclame des dommages‑intérêts en vertu de la Loi sur le droit d’auteur, y compris des dommages‑intérêts exemplaires et punitifs.

[79] Lors de l’audition de la requête, j’ai informé les avocats que j’étais préoccupé par la question de savoir si la demanderesse avait produit suffisamment d’éléments de preuve pour établir qu’elle possédait le droit d’auteur sur le logo ou les parties pertinentes de son site Web. J’ai attiré l’attention des avocats sur la décision Milano Pizza Ltd c 6034799 Canada Inc, 2018 CF 1112 [Milano Pizza], qui portait sur une question similaire dans le contexte d’une requête en jugement sommaire (aux para 136 à 154). Dans la décision Milano Pizza, la juge Mactavish a rejeté l’action intentée par la demanderesse pour violation du droit d’auteur sur son logo et, dans la mesure où ils ont été invoqués, ses menus, car la demanderesse n’avait pas produit suffisamment d’éléments de preuve concernant la création et la paternité du logo et du menu pour établir qu’elle possédait le droit d’auteur sur ceux‑ci.

[80] En réponse, l’avocat de la demanderesse a renvoyé la Cour aux éléments de preuve de M. Kligman qui, comme je l’ai mentionné ci‑dessus, attestaient du fait que le site Web avait été créé par M. Chang et contenait des dessins, des logos et des reproductions mot pour mot de questions de la section « Questions et réponses » du site de la demanderesse. L’avocat a particulièrement insisté sur l’emploi par M. Kligman du mot [traduction] « nos » pour renvoyer aux dessins, aux logos et au site Web.

[81] À mon avis, ces éléments de preuve sont loin d’établir ce qui est nécessaire pour établir que la demanderesse est l’auteur de ce matériel et, par conséquent, la titulaire du droit d’auteur sur celui‑ci, soit la titulaire du droit d’auteur en vertu d’une cession par l’auteur. Dans le cadre d’une requête en jugement par défaut, le demandeur est tenu de produire les éléments de preuve nécessaires pour établir son allégation, et je conclus que la demanderesse en l’espèce ne l’a pas fait relativement à son allégation fondée sur la Loi sur le droit d’auteur.

I. La demanderesse a‑t‑elle le droit de demander que les dépens de la présente action soient adjugés contre les défendeurs en faute?

[82] La demanderesse demande que les dépens de la présente action, évalués conformément à la colonne V du tarif B, soient adjugés contre les défendeurs en faute. Étant donné que la responsabilité des défendeurs en faute découle d’une activité délibérée ouvrant droit à action, je suis convaincu que cette adjudication est appropriée. Mon jugement sera rendu en ce sens.

V. Conclusion

[83] La forme de mon jugement est inspirée du projet d’ordonnance proposé par la demanderesse, mais modifié pour tenir compte des présents motifs et de toute autre modification jugée nécessaire par la Cour.

[84] En ce qui concerne les intérêts avant et après jugement, le projet d’ordonnance ne propose aucun calcul particulier, si ce n’est que le calcul commence à la date à laquelle chaque défendeur en faute a été joint à la présente instance, et qu’il soit composé sur une base semestrielle. En l’absence d’observations de fond à l’appui du calcul de l’intérêt, j’accorde des intérêts avant jugement simples, calculés à un taux de 5 % par année. J’accepte la méthode de détermination du moment où le calcul des intérêts avant jugement doit commencer. Les intérêts après jugement commenceront bien sûr dès la date du jugement, également à un taux de 5 % par année.


JUGEMENT dans le dossier T‑1397‑16

LA COUR STATUE :

  1. La requête ex parte de la demanderesse en vue d’obtenir un jugement par défaut est accueillie en partie.

  2. La disjonction de la présente action, conformément à l’ordonnance du 13 septembre 2017, est annulée.

  3. La demanderesse a déclaré être la propriétaire unique et exclusive de ce qui suit :

    1. les marques de commerce déposées au Canada LMC724,615 pour DUNNS FAMOUS & DESIGN, LMC1,075,279 pour DUNN’S FAMOUS & DESIGN, LMC1,075,280 pour DUNN’S EST. 1927 & DESIGN, et LMC1,024,058 pour DUNN’S EXPRESS & DESIGN;

    2. les demandes d’enregistrement de marque de commerce no 1,945,271 pour DUNN’S et no 1,945,272 pour DUNN’S FAMOUS;

    3. les noms commerciaux « Dunn’s Famous Delicatessen », « Restaurant Dunn’s Famous » et « Dunn’s Famous Smoked Meat »;

    4. tous les droits conférés par la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T‑13, ainsi que tous les droits correspondants en common law, à l’égard des enregistrements radiés LMC357,531 pour DUNN’S FAMOUS SMOKED MEAT SHOPPES & DESIGN et LMC360,232 pour DUNN’S FAMOUS & DESIGN [collectivement, les marques de commerce DUNN’S].

  4. Il est définitivement interdit aux défendeurs, 9702938 Canada Inc., Gray Johnson, 2474234 Ontario Inc., Moishe Smith, Tim Long Chang, Ripon Ahmed, Vincent Gobuyan, 10199087 Canada Corporation et 10199052 Canada Ltd. [les défendeurs en faute], ainsi qu’aux dirigeants, administrateurs, employés et mandataires de 10199087 Canada Corporation, 10199052 Canada Ltd., 9702938 Canada Inc. et 2474234 Ontario Inc., des entités commerciales liées, et toutes les personnes qu’ils contrôlent, de commettre les actes suivants :

  1. tout emploi des marques de commerce DUNN’S ou de tout nom commercial ou marque de commerce similaire au point de créer de la confusion avec les marques de commerce DUNN’S, notamment comme marque de commerce ou nom commercial, en liaison avec leur entreprise, leurs marchandises ou leurs produits;

  2. appeler l’attention du public sur les marchandises, les services et l’entreprise des défendeurs en faute d’une manière qui crée de la confusion entre les marchandises, les services et l’entreprise des défendeurs en faute et les marchandises, les services et l’entreprise de la demanderesse, par l’emploi des marques de commerce DUNN’S;

  3. diminuer, de quelque façon que ce soit, la valeur de l’achalandage attachée aux marques de commerce DUNN’S;

  4. faire des déclarations fausses ou trompeuses, ou appeler l’attention du public sur les marques de commerce DUNN’S de quelque façon qui soit susceptible de suggérer un lien entre les produits et les services de la demanderesse et ceux des défendeurs en faute.

  1. Les défendeurs en faute, ainsi que les dirigeants, administrateurs, employés, mandataires, entités commerciales liées et toutes les personnes qu’ils contrôlent, récupéreront et remettront immédiatement à la demanderesse tous les produits, emballages, étiquettes, documents et autres articles en la possession, sous la garde ou sous le contrôle des défendeurs en faute qui sont visés par l’injonction énoncée ci‑dessus et en fournir la preuve, y compris l’enregistrement de nom de domaine pour « dunnsexpress.co » et tout autre enregistrement de nom de domaine visé par l’injonction;

  2. L’accord‑cadre de concessions commerciales, conclue entre, notamment, les défendeurs, Ina Devine et 10199052 Canada Ltd. en décembre 2017, ses modifications, ainsi que toute autre entente relative à l’emploi ou à la propriété des marques de commerce DUNN’S entre les défendeurs en faute et des tiers, est déclaré sans droit et invalide, car les marques de commerce DUNN’S sous licence n’appartenaient pas au propriétaire allégué au moment de la conclusion des ententes.

  3. Les défendeurs, 9702938 Canada Inc. et Gray Johnson, paieront conjointement le montant de 66 666,66 $ à la demanderesse pour la contrefaçon des marques de commerce DUNN’S, leur commercialisation trompeuse et la dépréciation de l’achalandage attachée à celles‑ci.

  4. Les défendeurs, 2474234 Ontario Inc. et Moishe Smith, paieront conjointement le montant de 163 894,33 $ à la demanderesse pour la contrefaçon des marques de commerce DUNN’S, leur commercialisation trompeuse et la dépréciation de l’achalandage attachée à celles‑ci.

  5. Les défendeurs, Tim Long Chang, Vincent Gobuyan, Gray Johnson, 10199087 Canada Corporation et 10199052 Canda Ltd., paieront conjointement le montant de 183 333,33 $ à la demanderesse pour la contrefaçon des marques de commerce DUNN’S, leur commercialisation trompeuse et la dépréciation de l’achalandage attachée à celles‑ci.

  6. Les défendeurs, Tim Long Chang, Vincent Gobuyan, Gray Johnson et 10199052 Canda Ltd., paieront conjointement le montant de 87 500,00 $ à la demanderesse pour la contrefaçon des marques de commerce DUNN’S, leur commercialisation trompeuse et la dépréciation de l’achalandage attachée à celles‑ci.

  7. Les allégations de la demanderesse fondées sur la Loi sur le droit d’auteur, LRC 1985, c C ‑42, sont rejetées.

  8. Les intérêts avant jugement sur les dommages‑intérêts susmentionnés seront calculés à partir de la date à laquelle chaque défendeur en faute a été joint à la présente instance, à un taux de 5 % par année. Les intérêts après jugement sont également calculés à un taux de 5 % par année.

  9. La demanderesse se voit accorder les dépens de la présente action, qui seront évalués conformément à la colonne V du tarif B, contre les défendeurs en faute.

 

« Richard F. Southcott »

 

Juge

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc



COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑1397‑16

INTITULÉ :

DUNN’S FAMOUS INTERNATIONAL HOLDINGS INC. c INA DEVINE, STANLEY DEVINE, 1222187 ONTARIO LIMITED, 1924599 ONTARIO INC., 2189944 ONTARIO INC., 9702938 CANADA INC., GRAY JOHNSON, 2474234 ONTARIO INC., MOISHE SMITH, TIM LONG CHANG, RIPON AHMED, VINCENT GOBUYAN, 10199087 CANADA CORPORATION, 10199052 CANADA LTD.

et

INA DEVINE, STANLEY DEVINE, 1222187 ONTARIO LIMITED, 1924599 ONTARIO INC., 2189944 ONTARIO INC. c DUNN’S FAMOUS INTERNATIONAL HOLDINGS INC., PLACEMENT ISB INC., ELLIOT KLIGMAN

LIEU DE L’AUDIENCE :

tenue par vidéoconférence À ottawa (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 20 décembre 2020

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE SOUTHCOTT

DATE DES MOTIFS :

Le 19 janvier 2021

COMPARUTIONS :

Michael Chevalier

POUR LA DEMANDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pinto Légal

Montréal (Québec)

POUR LA DEMANDERESSE

Jacob Rothman

Montréal (Québec)

pour les défendeurs

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.