Date : 20030828
Dossier : IMM-859-03
Référence : 2003 CF 1009
Ottawa (Ontario), le 28 août 2003
EN PRÉSENCE DE L'HONORABLE JOHANNE GAUTHIER
ENTRE :
IBRAHIM USTAOGLU
demandeur
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] M. Ustaoglu a revendiqué le statut de réfugié i) en raison de sa religion et de son appartenance au mouvement Fethullah Gulem, et ii) à titre d'objecteur de conscience qui refuse de servir dans l'armée turque à cause des atrocités commises à l'endroit des Kurdes dans le sud-est de la Turquie. Il invoque les articles 96 et 97 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, 2001 L.C., ch. 27 (la LIPR). La Section de la protection des réfugiés (la Commission) a rejeté sa revendication le 16 janvier 2003.
[2] Comme je conclus que la décision de la Commission quant au risque de conscription allégué est entachée d'une erreur révisable nécessitant un nouvel examen de la revendication par un tribunal différemment constitué, je ne formulerai pas de commentaires sur les conclusions relatives à la religion et à l'appartenance au mouvement Fethullah Gulem comme fondements de la revendication.
[3] J'ai eu recours pour mon analyse à la norme de contrôle judiciaire récemment énoncée dans Harb c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), _2003_ CAF 39, [2003] A.C.F. n ° 108 (Q.L.), au paragraphe 14.
[4] Dans sa brève décision, la Commission n'a tiré aucune conclusion en matière de crédibilité. Elle a simplement rejeté la revendication de M. Ustaoglu fondée sur la crainte de la conscription, ayant conclu qu'il n'avait pas démontré l'existence d'une crainte subjective d'être persécuté.
[5] Cette conclusion s'appuyait elle-même dans une large mesure sur la conclusion de la Commission selon laquelle le revendicateur avait voyagé en Malaisie, à Malte et en Russie[1] et était revenu en Turquie, malgré le risque allégué de conscription, sans demander la protection de ces pays ni se rendre dans d'autres encore où il aurait pu revendiquer en toute sécurité le statut de réfugié. On a conclu que ce comportement était incompatible avec une crainte subjective d'être persécuté.
[6] M. Ustaoglu avait toutefois donné des explications précises quant au motif pour lequel il était retourné en Turquie en ces trois occasions. Or, cet élément de preuve n'est nullement mentionné dans la décision de la Commission.
[7] La Cour partage l'avis du défendeur selon lequel la Commission est maître du jeu. Elle pouvait rejeter cet élément de preuve parce que jugé non crédible ou invraisemblable. Elle pouvait conclure en l'absence d'une crainte subjective malgré les explications données par le demandeur en raison, par exemple, de l'effet cumulatif de divers éléments de preuve ou du poids accordé à ceux-ci.
[8] Étant donné toutefois que cet élément de preuve était fondamental, tant pour ce qui est de la revendication que de la décision de la Commission, j'estime tout comme le demandeur que la Commission ne pouvait rejeter le témoignage de ce dernier ou en faire abstraction sans le mentionner dans ses motifs et en donner des explications.
[9] J'en arrive à cette conclusion tout en étant clairement d'accord avec le défendeur pour dire que la Commission n'a pas à faire état de chaque élément de preuve contraire à ses conclusions. Toutefois, tel que le juge Evans l'a mentionné dans Cepeda-Gutierrez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] A.C.F. n ° 1425 (Q.L.), au paragraphe 17, à un certain stade une cour sera disposée à inférer du silence de la Commission qu'elle a tiré une conclusion « sans tenir compte des éléments » dont elle disposait. Je conclus que tel est le cas en l'espèce.
[10] Parce que l'erreur a trait à un élément fondamental de la décision de la Commission, cette décision doit être annulée.
[11] Je signale que l'article 97 requiert de procéder à une analyse distincte lorsque la revendication fondée sur l'article 96 est rejetée uniquement parce qu'on n'a pas démontré l'existence d'une crainte subjective, étant donné qu'une telle crainte n'est pas essentielle aux fins d'une revendication fondée sur l'article 97.
[12] Les parties n'ont pas demandé la certification d'une question à l'audience et la Cour conclut qu'aucune question de portée générale n'est soulevée par la présente affaire.
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE :
1. La demande est accueillie. La décision du 16 janvier 2003 de la Commission est annulée et l'affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué pour qu'il rende une nouvelle décision.
2. Aucune question n'est certifiée.
« Johanne Gauthier »
Juge
Traduction certifiée conforme
Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-859-03
INTITULÉ : Ibrahim Ustaoglu c.
Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration
LIEU DE L'AUDIENCE : Toronto (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE : Le 26 août 2003
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
ET ORDONNANCE : L'honorable Johanne Gauthier
DATE DES MOTIFS
ET DE L'ORDONNANCE : Le 28 août 2003
COMPARUTIONS :
M. Mordechai Wasserman POUR LE DEMANDEUR
M. Tamrat Gebeyehu POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Mordechai Wasserman POUR LE DEMANDEUR
Avocat
31-489, rue College
Toronto (Ontario) M5H 2R3
Morris Rosenberg POUR LE DÉFENDEUR
Ministère de la Justice
Toronto (Ontario) M5X 1K6
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
Date : 20030828
Dossier : IMM-859-03
ENTRE :
IBRAHIM USTAOGLU
demandeur
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
ET ORDONNANCE
[1] Le seul autre élément de preuve mentionné par la Commission est le renouvellement d'un passeport perdu pendant que le demandeur courait prétendument un risque. Les autres voyages mentionnés dans la décision n'ont aucune pertinence quant au risque de conscription.