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Date : 20020111

Dossier : IMM-1232-01

Référence neutre : 2002 CFPI 30

ENTRE :

                                                 ANAR IBRAHIM OGLI ISMAYLOV

AYSHAN FAIG KUZI NURIYEVA

FAIG FIRUDIN OGLI NURIYEV

RANA KULI KUZI NURIYEVA

demandeurs

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE GIBSON

[1]                 Les présents motifs font suite à une demande de contrôle judiciaire d'une décision de la Section du statut de réfugié (la SSR) de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié par laquelle la SSR a, le 7 février 2001, conclu que les demandeurs n'étaient pas des réfugiés au sens de la Convention au sens que le paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration[1] donne à cette expression.


[2]                 Les demandeurs sont des citoyens de l'Azerbaïdjan. Rana Kuli Kuzi Nuriyeva (la revendicatrice principale) affirme être d'origine ethnique arménienne. C'est directement et indirectement sur le fondement de l'origine ethnique présumée de la revendicatrice principale que les demandeurs affirment avoir été persécutés en Azerbaïdjan. C'est également le motif qu'ils invoquent, outre les opinions politiques qui leur sont imputées, pour justifier leur crainte d'être persécutés de nouveau s'ils devaient retourner en Azerbaïdjan. La SSR a conclu que la revendicatrice principale n'avait tout simplement pas réussi à faire la preuve de ses origines ethniques arméniennes et qu'en conséquence, les demandeurs n'avaient pas été mesure d'établir un fondement objectif à leur présumée crainte justifiée de persécution s'ils étaient forcés de retourner en Azerbaïdjan. La décision de la SSR comportait essentiellement deux volets : en premier lieu, la SSR a conclu que la revendicatrice principale ne parlait pas l'arménien et qu'elle n'avait pas été en mesure de soumettre des éléments de preuve suffisamment crédibles ou dignes de foi au sujet des coutumes et des traditions arméniennes. En second lieu, la SSR a conclu que les demandeurs n'avaient pas produit de pièces d'identité originales fiables qui auraient permis d'identifier la revendicatrice principale ou sa mère comme étant des Arméniennes.


[3]                 La SSR a signalé le rapport d'un psychologue portant sur la revendicatrice principale qui lui avait été soumis et a ajouté qu'il y était précisé que la revendicatrice principale souffrait d'un syndrome de stress post-traumatique chronique et d'un trouble dépressif majeur. La SSR n'a pas remis en question les symptômes diagnostiqués. Néanmoins, il n'y a absolument rien qui permette de penser que la SSR a tenu compte du diagnostic lorsqu'elle a qualifié de laconique et d'incomplet le témoignage donné par la revendicatrice principale au sujet des coutumes et des traditions arméniennes.

[4]                 La SSR disposait d'une abondante documentation au sujet des origines ethniques arméniennes de la revendicatrice principale : trois documents présumément officiels remontaient à 1990 et un quatrième à 1988. Une lettre censément officielle écrite en l'an 2000 confirmait l'authenticité d'un des documents de 1990. Voici ce que la SSR a écrit à ce sujet :

[TRADUCTION] Avant de trancher les présentes affaires, le tribunal a reçu un document rédigé après l'audience par l'avocat qui se composait d'une lettre émanant du ministère de la Jurisprudence de l'Azerbaïdjan confirmant l'authenticité du certificat de naissance de la revendicatrice principale [un des documents de 1990]. Ce document provient du bureau de ce ministère. Cependant, vu le peu de fiabilité des nouveaux documents officiels émanant des anciennes républiques soviétiques, la lettre en question ne répond pas aux préoccupations formulées par le tribunal au sujet du double du certificat de naissance de la revendicatrice principale.

[5]                 La seule source que la SSR a citée pour justifier ses préoccupations au sujet des éléments de preuve documentaires qui lui avaient été soumis était un article publié en 1999 dans un journal des États-Unis où il était question de [Traduction] « [...] la florissante industrie de la fabrication de faux documents dans l'ancienne Union soviétique [...] » . La SSR a également jugé invraisemblables les explications fournies par les demandeurs pour expliquer pourquoi des documents avaient été détruits puis remplacés par les documents de 1988 et de 1990.


[6]                 Je conclus qu'il n'était tout simplement pas loisible à la SSR de conclure, d'après l'ensemble de la preuve qui lui avait été soumise, que les origines ethniques arméniennes de la revendicatrice principale n'avaient pas été démontrées selon la prépondérance des probabilités. Un examen approfondi du procès-verbal de l'audience qui s'est déroulée devant la SSR m'amène à conclure que la conclusion de la SSR était tout simplement abusive[2]. En conséquence, la présente demande de contrôle judiciaire sera accueillie.

[7]                 Il vaut la peine de signaler une autre question. Le fils de la revendicatrice principale est décédé au cours de son service militaire en Azerbaïdjan dans des circonstances troublantes alors que les demandeurs vivaient encore en Azerbaïdjan. Le mari de la revendicatrice principale, qui fait lui aussi partie des demandeurs, a demandé la tenue d'une enquête au sujet de ce décès. Sa demande a été rejetée. Il a dénoncé les autorités et a reçu des menaces. Deux mois plus tard, en janvier 1999, il a été enlevé puis battu et menacé par des inconnus. Il a demandé des soins médicaux et la police est intervenue. Il a subi un examen médical ordonné par le tribunal et a fait une déposition dans laquelle il déclarait qu'il croyait que ses ravisseurs faisaient partie des militaires qui cherchaient à le dissuader de chercher à connaître la vérité.

[8]                 Dans son plaidoyer final devant la SSR, l'avocat des demandeurs a déclaré :


[TRADUCTION] Je tiens à signaler que les motifs invoqués ne tiennent pas seulement à la nationalité et à l'origine ethnique. Il y a également la question de leurs opinions politiques réelles ou imputées en fonction ou non de leur origine ethnique [...][3]

  

[9]                 La SSR a complètement négligé d'aborder la question des opinions politiques imputées aux demandeurs en tant que motif justifiant leur revendication. Je suis convaincu que cette omission de la part de la SSR constitue une autre erreur qui justifie le contrôle judiciaire de sa décision.

[10]            En conséquence, la présente demande de contrôle judiciaire sera accueillie. La décision de la SSR qui fait l'objet de la présente instance sera annulée et la revendication du statut de réfugié au sens de la Convention présentée par les demandeurs sera renvoyée à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié pour qu'un tribunal différemment constitué l'examine et rende une nouvelle décision.

[11]            Aucun des deux avocats n'a recommandé la certification d'une question. Aucune question ne sera donc certifiée.

                                                                            « Frederick E. Gibson »        

                                                                                                             Juge                          

Ottawa (Ontario)

Le 11 janvier 2002

  

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.


                          COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                    IMM-1232-01

INTITULÉ :                              Anar Ibrahim Ogli Ismaylov et al. c. M.C.I.

  

LIEU DE L'AUDIENCE :      Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :    Le 8 janvier 2002

MOTIFS ET DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE : Monsieur le juge Gibson

DATE DES MOTIFS :           Le 11 janvier 2002

   

COMPARUTIONS :

Daniel M. Fine                                                                  POUR LE DEMANDEUR

Mary Matthews                                                                              POUR LE DÉFENDEUR

   

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Daniel M. Fine                                                                  POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg                                                                           POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


                                                                                       Date : 20020111

                                                                         Dossier : IMM-1232-01

Ottawa (Ontario), le 11 janvier 2002

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE GIBSON

ENTRE :

                       ANAR IBRAHIM OGLI ISMAYLOV

AYSHAN FAIG KUZI NURIYEVA

FAIG FIRUDIN OGLI NURIYEV

RANA KULI KUZI NURIYEVA

demandeurs

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

                                           ORDONNANCE

  

La présente demande de contrôle judiciaire est accueillie.

La décision à l'examen est annulée. La revendication du statut de réfugié au sens de la Convention présentée par les demandeurs est renvoyée à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié pour qu'un tribunal différemment constitué l'examine et rende une nouvelle décision.


  

Aucune question n'est certifiée.

   

                                                                             « Frederick E. Gibson »    

                                                                                                             Juge                    

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.



1. L.R.C. (1985), ch. I-2.

[2]         Pour des conclusions analogues, voir les décisions suivantes : Reyes c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) [1993] A.C.F. no 282, (en ligne : QL) (C.A.); Sanghera c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) [1994] A.C.F. no 87 (en ligne : QL) (C.F. 1re inst.); Zapata c. Canada (Solliciteur général), [1994] A.C.F. no 1303 (en ligne : QL) (C.F. 1re inst.) et Sivayoganathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) [1994] A.C.F. no 1653 (en ligne : QL) (C.F. 1re inst.).

[3]         Dossier du tribunal, à la page 366.

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