Dossier: T‑2196‑18
Référence: 2021 CF 52
[TRADUCTION FRANÇAISE]
Ottawa (Ontario), le 14 janvier 2021
En présence de monsieur le juge Ahmed
ENTRE:
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ALLSTAFF INC.
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demanderesse
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et
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PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
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défendeur
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JUGEMENT ET MOTIFS
I.
Aperçu
[1]
La présente demande de contrôle judiciaire porte sur la décision du ministre du Revenu national (le ministre) de rejeter la demande d’allègement des dettes, des intérêts et des pénalités présentée par la demanderesse en vertu des paragraphes 153(1.1) et 220(3.1) de la Loi de l’impôt sur le revenu, LRC 1985, c 1 (5e supp) (la LIR).
[2]
La demanderesse soutient que la décision du ministre est déraisonnable, car la demanderesse a contracté les dettes en question en raison du fait que l’Agence du revenu du Canada (l’ARC) a omis de tenir compte du paragraphe 152(1) de la Loi sur la taxe d’accise, LRC 1985, c E‑15 (la LTA), et qu’elle a mal interprété le paragraphe 168(1) de cette loi.
[3]
À mon avis, la décision du ministre est raisonnable. Le ministre a raisonnablement conclu que l’ARC n’a pas mal interprété les paragraphes 152(1) et 168(1) de la LTA et que la situation de la demanderesse ne justifiait pas un allègement en vertu des paragraphes 153(1.1) ou 220(3.1) de la LIR. La présente demande de contrôle judiciaire est donc rejetée.
II.
Faits
A.
Demanderesse
[4]
La demanderesse est une agence de placement temporaire qui emploie ses propres travailleurs et les confie en sous‑traitance à des clients au besoin. À titre d’employeur, la demanderesse est tenue d’effectuer les retenues à la source, de remettre ces montants à l’ARC et de payer à l’ARC la part de l’employeur de ces retenues. La demanderesse est également tenue de facturer et de remettre la taxe sur les produits et services et la taxe de vente harmonisée (TPS/TVH) sur la main‑d’œuvre qu’elle fournit à ses clients.
[5]
En date du 27 octobre 2020, la demanderesse devait environ 1 745 126 $ en arriérés de versements de TPS/TVH et de retenues à la source, y compris les intérêts et les pénalités. Elle a récemment payé 739 895 $ de ce montant. Selon la demanderesse, elle a constamment effectué ses versements de retenues à la source en retard (ce qui lui a valu des intérêts et des pénalités) parce qu’elle a plutôt accordé la priorité au versement de la TPS/TVH.
[6]
La demanderesse soutient que l’ARC a adopté à tort la position selon laquelle les versements de TPS/TVH sont exigibles lorsqu’une facture est délivrée à un client. Selon cette interprétation, la demanderesse doit remettre la TPS/TVH qu’elle facture aux clients avant de recevoir leur paiement, car les clients disposent souvent de 30 à 120 jours à partir de la date de facturation pour payer l’agence de placement temporaire. Par conséquent, la demanderesse soutient que ses paiements de TPS/TVH devraient être perçus une fois qu’elle reçoit le paiement de ses clients et non au moment de la délivrance de la facture. La demanderesse affirme que cela lui permettrait d’effectuer ses versements de retenues à la source à temps, puisqu’elle n’aurait plus à payer la TPS/TVH de façon anticipée.
[7]
La demanderesse a présenté de nombreuses demandes d’allègement sur le fondement de l’argument qui précède; certaines s’appuient sur la LTA (relatives à son compte de TPS/TVH) et d’autres sur la LIR (relatives à son compte de retenues à la source). Voici un résumé des demandes présentées par la demanderesse. Toutefois, la Cour n’est saisie que du nouvel examen de la deuxième demande d’allègement.
B.
Première demande d’allègement
[8]
Le 14 avril 2014, la demanderesse a demandé, au titre de l’article 281.1 de la LTA, un allègement de toutes les pénalités et de tous les intérêts sur les arriérés accumulés à l’égard de son compte de TPS/TVH relativement à toutes les périodes d’imposition se terminant du 31 décembre 2011 au 31 décembre 2014 (la première demande d’allègement).
[9]
Le 10 mars 2015, un chef d’équipe du Centre d’expertise d’allègement pour les contribuables de la Division des appels de l’ARC du bureau de Summerside, à l’Île‑du‑Prince‑Édouard (le chef d’équipe de l’Î.‑P.‑É.), a refusé la première demande d’allègement. En paraphrasant les paragraphes 152(1) et 168(1) de la LTA, le chef d’équipe de l’Î.‑P.‑É. a expliqué que la demanderesse est tenue de payer la TPS/TVH qu’elle facture sur les biens et services à la première des dates suivantes : (i) le jour où la demanderesse reçoit le paiement de la fourniture; (ii) le jour où le paiement est dû, ce dernier étant interprété comme étant le premier en date du jour de la délivrance d’une facture et du jour précisé dans une convention. Bien que le chef d’équipe de l’Î.‑P.‑É. ait reconnu que la demanderesse n’a pas nécessairement reçu le paiement des services à la date à laquelle le paiement de la TPS/TVH est dû, il a affirmé qu’elle demeure néanmoins tenue de payer la TPS/TVH à partir du moment où elle a facturé ses clients.
[10]
Le chef d’équipe de l’Î.‑P.‑É. a ensuite expliqué que l’ARC exerce habituellement son pouvoir discrétionnaire d’annuler les intérêts ou les pénalités ou d’y renoncer aux termes du paragraphe 281.1(1) de la LTA lorsque les pénalités ou les intérêts découlent : (i) de circonstances indépendantes de la volonté du contribuable; (ii) des actions de l’ARC; (iii) de l’incapacité confirmée du contribuable de payer; (iv) de difficultés financières, ou (v) d’autres circonstances. Le chef d’équipe de l’Î.‑P.‑É. a expliqué que l’ARC examine également si le contribuable a respecté volontairement, par le passé, ses obligations fiscales; s’il a, en connaissance de cause, laissé subsister un solde; s’il a fait preuve d’une diligence raisonnable, et s’il a remédié rapidement à tout retard ou à tout défaut. Le chef d’équipe de l’Î.‑P.‑É. a estimé que la demanderesse ne satisfaisait à aucun de ces critères discrétionnaires.
[11]
Le chef d’équipe de l’Î.‑P.‑É. a estimé que la demanderesse ne répondait pas à la définition de difficultés financières pour une société, qui existent, selon l’ARC, lorsque la continuité des activités commerciales et le maintien en poste des employés d’une entreprise sont compromis. Le chef d’équipe de l’Î.‑P.‑É. a souligné qu’entre 2008 et 2013, les dépenses, les salaires et les traitements de la demanderesse étaient demeurés essentiellement les mêmes, avec des différences notables pendant les années d’imposition 2012 (une diminution attribuable aux besoins opérationnels) et 2011 (un total à payer plus élevé, que le chef d’équipe de l’Î.‑P.‑É. a attribué au fait que la demanderesse a privilégié d’autres dettes par rapport à celles de l’ARC). De plus, le chef d’équipe de l’Î.‑P.‑É. a estimé que la demanderesse n’avait pas été empêchée de respecter ses obligations de production en raison de circonstances indépendantes de sa volonté. Par conséquent, le chef d’équipe de l’Î.‑P.‑É. a refusé la demande d’allègement.
C.
Nouvel examen de la première demande d’allègement
[12]
Le 4 mars 2015, la demanderesse a présenté une autre demande d’allègement. Bien que cette demande ait été présentée un peu avant que la décision relative à la première demande d’allègement ne soit rendue, le ministre a traité cette demande comme un nouvel examen de la première demande d’allègement.
[13]
Dans une lettre qui accompagnait la demande, la demanderesse a affirmé que la concurrence interindustrielle l’avait empêchée de modifier sa structure d’entreprise et que, par conséquent, il lui était financièrement impossible de payer sa TPS/TVH et d’effectuer ses versements de retenues à la source avant de recevoir le paiement de ses clients. Les préoccupations de la demanderesse sont bien résumées dans deux paragraphes tirés de ses observations:
[traduction]
Comme vous pouvez le constater, ce n’est pas possible de payer 510 069,54 $ [salaires directs] plus les frais généraux, les primes de la CSPAAT, les retenues à la source et la TVH à partir de 266 953,80 $ [montant effectivement reçu des factures totalisant 670 061,52 $]. La Loi de l’impôt sur le revenu et la Loi sur la taxe d’accise sont clairement injustes en exigeant qu’AllStaff paie 100 % de la TVH et des retenues à la source facturées au cours d’un trimestre, alors qu’une partie seulement de la TVH et des retenues à la source ont été perçues.
À mon avis, le bon sens et l’équité, « un principe en fiscalité canadienne », mèneraient à la conclusion que la contribuable devrait bénéficier d’un allègement fiscal.
[14]
La demanderesse a évoqué les circonstances atténuantes suivantes qui, selon elle, ont également aggravé son incapacité d’effectuer en temps opportun tous ses versements de TPS/TVH et de retenues à la source, notamment:
des frais juridiques de 68 000 $ pour s’opposer à la syndicalisation (2011);
des paiements annuels de frais d’affacturage pour financer les comptes débiteurs, permettre à la société de payer ses retenues à la source de façon accélérée et payer la TVH et les retenues à la source non perçues (214 000 $ en 2010, 213 000 $ en 2011, 107 000 $ en 2012 et 65 000 $ en 2013);
un montant de 40 000 $ pour organiser les livres comptables de la société après que l’ancien dirigeant principal des finances de la demanderesse a laissé les livres comptables de 2009 à 2012 en désordre (2012-2013);
un montant de 70 000 $ pour déménager les bureaux (2012);
un paiement de 8 000 $ pour la cessation d’emploi d’un employé (sans date).
[15]
La demanderesse a fait remarquer que, pour faciliter les paiements, sa propriétaire a réduit son salaire de 60 %, a retiré de l’argent de ses régimes enregistrés d’épargne‑retraite et a refinancé sa maison. La demanderesse a ajouté qu’elle n’a pas réussi à obtenir de financement de la Banque fédérale de développement et de la Banque TD.
[16]
Enfin, la demanderesse a demandé à l’ARC de tenir compte de sa propre Charte des droits du contribuable et de son « Engagement envers les petites entreprises »
, invoquant son droit de faire prendre en compte les coûts liés à l’observation de la loi et l’engagement pris par l’ARC de réduire au minimum ces coûts.
[17]
Le 4 janvier 2016, le chef d’équipe de l’Î.‑P.‑É. a rejeté la demande de la demanderesse visant le nouvel examen de la décision relative à la première demande d’allègement. Le chef d’équipe de l’Î.‑P.‑É. a une fois de plus résumé la démarche de l’ARC pour exercer son pouvoir discrétionnaire aux termes du paragraphe 281.1(1) de la LTA et a expliqué qu’il [traduction] « incombe aux entreprises de déterminer leurs obligations potentielles et existantes en matière de production et de paiement »
. Le chef d’équipe de l’Î.‑P.‑É. a conclu que la demanderesse n’avait pas réussi à établir qu’elle ne pouvait pas se conformer à ses obligations de production et de remise en raison d’une incapacité de payer ou d’un préjudice indu. Par conséquent, le chef d’équipe de l’Î.‑P.‑É. a de nouveau refusé la demande d’allègement de la demanderesse.
D.
Deuxième demande d’allègement
[18]
Le 13 juin 2017, la demanderesse a déposé une opposition à ses avis de cotisation de 2016 et de 2017 pour le compte de retenues à la source en vertu de la LIR. Cette demande a été jugée comme une véritable demande d’allègement pour les contribuables et a été renvoyée à la Division des appels de l’ARC pour qu’elle prenne une décision.
[19]
Dans une lettre accompagnant la demande, la demanderesse a réitéré sa position selon laquelle son modèle d’affaires n’est pas propice à la structure de paiement actuelle et a demandé à l’ARC d’examiner et d’adopter son interprétation de la Charte des droits du contribuable. S’appuyant sur les articles 10 et 12 de la Charte des droits du contribuable, la demanderesse a soutenu que l’ARC savait qu’il lui était impossible de se conformer aux exigences de l’ARC et aux lois fiscales et a affirmé qu’elle avait dépensé plus de 1 000 000 $ en frais d’affacturage pour tenter d’y arriver.
[20]
La demanderesse a de nouveau affirmé que l’ARC n’avait pas respecté son « engagement envers les petites entreprises »
en exigeant, entre autres, que la demanderesse verse les retenues à la source des jours précis, malgré le fait qu’elle ne recevait pas les sommes en question selon ce calendrier; en imposant continuellement des pénalités et des frais d’intérêt élevés; en refusant d’accorder un allègement à la demanderesse aux termes du paragraphe 153(1) de la LIR; en conservant la capacité d’imposer des super privilèges, l’empêchant ainsi d’obtenir un prêt auprès de prêteurs traditionnels.
[21]
Le 14 février 2018, un chef d’équipe de la Division des appels de l’ARC du bureau de Winnipeg, au Manitoba (le chef d’équipe de Winnipeg) a refusé la deuxième demande d’allègement. En ce qui concerne le modèle d’affaires de la demanderesse, le chef d’équipe de Winnipeg a expliqué que la demanderesse, à titre d’entreprise constituée en société, devait prendre des dispositions pour veiller à ce que les versements et les déclarations soient reçus à leurs dates d’échéance respectives, comme l’exige la LIR.
[22]
Le chef d’équipe de Winnipeg a constaté que des privilèges avaient été inscrits sur les éléments d’actif de la demanderesse conformément aux lois en vigueur en raison du retard de paiements. En ce qui concerne les difficultés financières alléguées par la demanderesse, le chef d’équipe de Winnipeg a estimé que la demanderesse n’avait pas réussi à corroborer cette affirmation. Le chef d’équipe de Winnipeg a conclu que la demanderesse avait des bénéfices nets pour les années d’imposition 2013 à 2016, des capitaux propres positifs après avoir tenu compte des éléments de passif de fin d’exercice pour l’année 2016, ainsi que des revenus constants et un nombre constant d’employés de 2012 à 2016. Enfin, le chef d’équipe de Winnipeg a souligné que l’ARC s’attend à ce que les contribuables empruntent sur leurs éléments d’actif ou vendent des éléments d’actif non essentiels pour payer leurs dettes fiscales.
E.
Nouvel examen de la deuxième demande d’allègement
[23]
Le 4 mai 2018, la demanderesse a demandé un nouvel examen de la décision relative à la deuxième demande d’allègement. La demanderesse a soutenu qu’un allègement était justifié en raison de la mauvaise interprétation par l’ARC du paragraphe 168(1) de la LTA, disposition que l’ARC aurait dû, selon elle, porter à son attention plus tôt.
[24]
La demanderesse a fait valoir que, tout comme le paragraphe 21.32(1) de la LTA établit une distinction entre les termes « perçu »
et « percevable »,
il y a une distinction entre le sens des termes « payé »
et « devient dû »
au paragraphe 168(1) de la LTA, le premier faisant référence au paiement déjà reçu et le second, au paiement dû, mais non encore reçu. La demanderesse a affirmé que, si aucune TPS/TVH n’avait été payée ou n’était encore due, elle n’était pas tenue de verser la TPS/TVH selon le paragraphe 168(1) de la LTA. Par conséquent, la demanderesse a soutenu que l’interprétation de l’ARC selon laquelle un paiement est considéré comme étant dû le jour de la délivrance de la facture, plutôt que le jour où la facture est payable, était donc erronée et que les mesures prises à la suite de cette interprétation, à savoir l’imposition de pénalités et d’intérêts, étaient également erronées.
[25]
La demanderesse a fait valoir que sa situation justifiait que le ministre rende une ordonnance rétroactive au 1er juin 2013, confirmant que l’interprétation que la demanderesse privilégie s’applique et que les intérêts et les pénalités doivent être annulés. La demanderesse, déclarant que [traduction] « [l]a plupart des emplois ne sont pas perdus jusqu’à ce que l’ARC place le contribuable en situation de faillite »
, a fait valoir que le fait qu’elle avait employé un nombre constant d’employés et déclaré des revenus constants n’avait aucune incidence sur sa capacité de verser les retenues à la source.
[26]
La demanderesse a conclu en maintenant qu’elle s’appuyait sur les articles 10 et 12 de la Charte des droits des contribuables et sur l’« Engagement envers les petites entreprises »
qui y figure et en fournissant une annexe énumérant tous les intérêts courus et les pénalités.
[27]
Le 15 novembre 2018, un agent du Centre fiscal de Winnipeg de l’ARC (l’agent) a recommandé de refuser la deuxième demande d’allègement. L’agent a procédé à une analyse approfondie de tous les facteurs pertinents, notamment:
les antécédents de conformité ou de non-conformité de la demanderesse depuis 2013;
le fait que la demanderesse savait qu’il y avait un solde qui engendrait des arriérés d’intérêts;
le fait que la demanderesse n’a pas fait preuve d’une diligence raisonnable dans le cadre du régime d’autocotisation chaque année depuis 2013 (l’agent a souligné que les fonds prélevés à la source des employés doivent être conservés en fiducie, ils ne doivent pas être utilisés pour des activités commerciales, et qu’une lettre de défense de diligence raisonnable a été envoyée à la demanderesse en 2014 pour l’en avertir);
le défaut de la demanderesse d’agir rapidement pour corriger ses erreurs;
l’absence de circonstances indépendantes de la volonté de la demanderesse qui l’auraient empêchée de respecter ses obligations fiscales (l’agent a souligné que les versements sont dus après les périodes de paie et non au moment du paiement des factures);
il s’agit d’un problème persistant;
l’argument de la demanderesse selon lequel l’ARC a mal interprété la législation applicable, notamment la Charte des droits du contribuable;
l’absence d’indication de difficultés financières de la demanderesse (l’agent a souligné que le revenu brut de la demanderesse avait augmenté de plus de trois millions de dollars au cours des deux dernières années, que la demanderesse avait réalisé un bénéfice net au cours de chacune des quatre années examinées après l’ajout de l’amortissement, et que les propriétaires ont continué de percevoir des salaires annuels de plus de 200 000 $ par année — tous ces éléments indiquent que la demanderesse pouvait effectuer une restructuration pour se conformer à ses obligations).
[28]
Par conséquent, l’agent a conclu ainsi:
[traduction]
Le compte de retenues à la source est conforme à la Loi de l’impôt sur le revenu et les dates d’échéance de ces fonds en fiducie sont précises. Dans le cas des auteurs de versements du seuil 1, les jours de paye du 1er au 15e jour du mois sont dus au plus tard le 25 du même mois; les jours de paye du 16 à la fin du mois sont dus au plus tard le 10 du mois suivant. La contribuable prélève des retenues des employés et ne s’assure pas que les obligations fiscales sont respectées.
[… ] La société a été informée à plus d’une occasion par la section des recouvrements de l’ARC des exigences et des lois à respecter. […] Le problème perdure depuis 2004 et a maintenant une incidence sur la conformité du compte de retenues à la source depuis 2013. La société a eu suffisamment de temps pour restructurer et réorganiser ses obligations au cours de cette période afin de veiller à ce que toutes les obligations fiscales soient respectées aux dates d’échéance requises.
L’annulation des pénalités visées par le présent examen et les frais d’intérêt sur les arriérés ne sont pas justifiés. L’ARC n’a commis aucune erreur et aucune situation n’a empêché la société de respecter ses obligations envers l’ARC.
[29]
L’agent a en outre constaté qu’il n’y avait pas de risque économique pour les employés de la demanderesse compte tenu de l’augmentation de ses revenus, et il a souligné que la demanderesse n’avait pas indiqué que la fin de ses activités aurait des répercussions sur la collectivité locale où elle est située. Par conséquent, l’agent a recommandé de rejeter la demande.
F.
Décision faisant l’objet du contrôle
[30]
Dans une décision du 23 novembre 2018, un chef d’équipe de l’ARC du Centre d’expertise pour l’allègement pour les contribuables de la Direction générale des appels (le chef d’équipe des appels de l’ARC) a confirmé l’évaluation de l’agent et rejeté la demande d’allègement de la demanderesse. Le chef d’équipe des appels de l’ARC est investi du pouvoir délégué du ministre afin de prendre de telles décisions de façon indépendante.
[31]
Reprenant des parties de l’analyse de l’agent, le chef d’équipe des appels de l’ARC a confirmé que, en date du 4 octobre 2018, la demanderesse devait 773 802 $ en versements et 176 476 $ en pénalités connexes et que ces sommes impayées démontraient que la demanderesse n’avait pas fait preuve de diligence raisonnable à l’égard de son compte en fiducie. Faisant remarquer que les comptes de retenues à la source sont régis par la LIR, le chef d’équipe des appels de l’ARC a confirmé que l’ARC avait correctement interprété les dispositions législatives concernant les retenues à la source, en soulignant ce qui suit:
[traduction]
Les sommes versées à votre compte de retenues à la source sont considérées comme des fonds détenus par l’employeur en fiducie pour le receveur général. Par conséquent, les retenues prélevées sur les salaires des employés ne doivent pas servir à financer les activités quotidiennes de l’entreprise.
[32]
Le chef d’équipe des appels de l’ARC a également confirmé que la demanderesse ne satisfait pas à la définition de difficultés financières de l’ARC, car l’augmentation de ses ventes n’indiquait aucun risque pour les activités commerciales ou les postes des employés. Enfin, le chef d’équipe des appels de l’ARC a confirmé que l’ARC n’avait pas commis d’erreur dans son interprétation du paragraphe 168(1) de la LTA et a invité la demanderesse à communiquer avec une section distincte de l’ARC si elle avait besoin de plus de précisions sur l’interprétation appropriée de ces dispositions.
III.
Dispositions législatives applicables
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IV.
Questions en litige et norme de contrôle
[33]
La seule question en litige dans la présente demande de contrôle judiciaire consiste à savoir si la décision du ministre est raisonnable.
[34]
Je fais remarquer que la demanderesse soutient dans ses observations écrites que les pénalités imposées en vertu de la LIR constituent un traitement ou une peine cruel et inusité contrairement à l’article 12 de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.‑U.), 1982, c 11 (la Charte). Toutefois, la demanderesse n’a pas signifié au défendeur un avis de question constitutionnelle conformément à l’article 57 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F‑7, et n’a pas présenté d’observations de vive voix sur son argument fondé sur la Charte. Je n’en tiendrai donc pas compte, et je me concentrerai uniquement sur le caractère raisonnable de la décision contestée.
[35]
Les parties s’entendent pour reconnaître que la norme de contrôle applicable à la décision du ministre d’accorder ou non un allègement en vertu de la LIR est celle de la décision raisonnable. Je suis d’accord (Building Products of Canada Corp c Canada (Procureur général), 2020 CF 784 au para 16, citant Canada Agence du revenu c Telfer, 2009 CAF 23 [Telfer] aux para 24-25; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov]).
[36]
Le contrôle selon la norme de la décision raisonnable s’intéresse tant au résultat de la décision qu’au raisonnement à l’origine de ce résultat (Vavilov, au para 87). Une décision raisonnable est une décision qui est justifiée, transparente et intelligible — elle doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles (Vavilov, aux para 85 et 99). En règle générale, une décision est déraisonnable lorsque le décideur omet de justifier, dans ses motifs, un élément essentiel de sa décision, et que cette justification ne saurait être déduite du dossier de l’instance (Vavilov, au para 98).
[37]
Cela dit, le contrôle selon la norme de la décision raisonnable n’est pas « une chasse au trésor, phrase par phrase, à la recherche d’une erreur »
(Vavilov, au para 102). La partie qui conteste une décision doit établir que celle‑ci souffre de lacunes qui ne doivent pas être simplement superficielles ou accessoires par rapport au fond de la décision; les lacunes d’une décision doivent être suffisamment capitales ou importantes pour rendre cette dernière déraisonnable (Vavilov, au para 100). La cour de révision doit s’abstenir d’apprécier à nouveau la preuve examinée par le décideur, et elle ne devrait pas modifier ses conclusions de fait, à moins de circonstances exceptionnelles (Vavilov, au para 125).
V.
Analyse
A.
Observations de la demanderesse
[38]
Les observations que la demanderesse a présentées à la Cour correspondent en grande partie à celles qu’elle a présentées à la suite de la deuxième demande d’allègement et du nouvel examen subséquent, que j’ai décrites ci‑dessus.
[39]
En outre, la demanderesse souligne que la circulaire d’information 07‑1R1 de l’ARC (la circulaire d’information) énonce que le ministre peut renoncer aux pénalités et aux intérêts ou les annuler en vertu du paragraphe 220(3.1) de la LIR lorsque l’allègement est justifié en raison : a) de circonstances exceptionnelles; b) des actions de l’ARC; c) de l’incapacité de payer ou des difficultés financières de l’employeur. La demanderesse soutient qu’elle satisfait aux trois critères ou, subsidiairement, que les circonstances exceptionnelles dans lesquelles elle se trouve justifient à elles seules l’allègement.
[40]
La demanderesse soutient que l’ARC a mal interprété le paragraphe 168(1) de la LTA et qu’elle n’a pas tenu compte du paragraphe 152(1) de cette loi. Rappelant son modèle d’affaires, la demanderesse soutient qu’il est injuste que l’ARC l’oblige à effectuer les versements au moment de la délivrance des factures aux clients. De l’avis de la demanderesse, une simple lecture du paragraphe 152(1) de la LTA donne à penser que les paiements de TPS/TVH ne sont exigibles qu’à la date à laquelle le client de la demanderesse est tenu de payer tout ou partie de la contrepartie au fournisseur conformément à une convention écrite. En raison de la mauvaise interprétation de cette disposition par l’ARC, la demanderesse affirme avoir payé des centaines de milliers de dollars en frais d’affacturage et avoir été contrainte de céder ses comptes débiteurs à une société d’affacturage, car les prêteurs traditionnels refusent de lui accorder des prêts en raison des super privilèges de l’ARC.
[41]
La demanderesse soutient aussi qu’elle est aux prises avec des difficultés financières qui méritent que le ministre exerce son pouvoir discrétionnaire. Se fondant sur les paragraphes 27 et 28 de la circulaire d’information, la demanderesse souligne qu’elle ne peut pas verser des sommes qui ne sont pas encore dues à partir de sommes qu’elle n’a pas encore perçues, et que l’exigence de l’ARC quant à ce versement, ainsi que les pénalités et les intérêts imposés en raison du défaut de paiement, l’ont empêchée de respecter ses obligations fiscales. La demanderesse affirme que l’ARC sait que la demanderesse n’a pas les moyens financiers de satisfaire à ses exigences, et souligne que la directrice de la demanderesse a dû hypothéquer à nouveau sa maison et payer personnellement 128 000 $. La demanderesse soutient qu’elle est incapable de se restructurer pour se conformer à la LIR et que l’ARC a l’obligation d’informer la demanderesse sur la façon de le faire.
B.
Observations du défendeur
[42]
Le défendeur répète que la loi qui s’applique à la question soulevée est la LIR, et non la LTA, puisque la deuxième demande d’allègement concernait le compte de retenues à la source de la demanderesse. Le défendeur reconnaît que le paragraphe 220(3.1) de la LIR accorde au ministre le pouvoir discrétionnaire de renoncer aux intérêts et aux pénalités autrement payables selon la LIR dans les circonstances énoncées dans la circulaire d’information. Toutefois, le défendeur fait remarquer que les contribuables ne devraient pas utiliser le paragraphe 220(3.1) de la LIR « comme un moyen de réduire ou de régler de façon arbitraire leur impôt à payer »
, comme l’énonce la circulaire d’information.
[43]
Le défendeur soutient que la décision du ministre d’adopter les recommandations de l’agent et de refuser la demande d’allègement de la demanderesse est raisonnable. Le défendeur affirme que l’agent a examiné attentivement les observations de la demanderesse et ses documents justificatifs concernant tous les facteurs pertinents avant de confirmer la décision relative à la deuxième demande d’allègement. De même, l’agent a examiné la circulaire d’information et a constaté qu’aucune des circonstances justifiant un allègement ne s’appliquait : la demanderesse a de mauvais antécédents de conformité (y compris cinq examens de fiducie); elle a sciemment laissé subsister un solde d’arriérés; elle n’a pas fait preuve de diligence raisonnable, et elle n’a pas pris de mesures pour remédier aux retards et aux défauts. Le défendeur soutient que le chef d’équipe des appels de l’ARC, qui était habilité à agir au nom du ministre, a adopté ces conclusions de façon raisonnable.
[44]
Le défendeur soutient que l’ARC n’a pas l’obligation de conseiller la demanderesse sur la façon de se restructurer. L’ARC est une agence gouvernementale et il ne serait pas indiqué qu’elle donne des directives aux entreprises sur la façon de se structurer.
C.
Discussion
[45]
La décision en cause dans la présente demande de contrôle judiciaire est celle du chef d’équipe des appels de l’ARC qui, au nom du ministre, a examiné de façon indépendante la demande de nouvel examen de la deuxième demande d’allègement présentée par la demanderesse (qui concernait la demande d’allègement des paiements, intérêts et pénalités du 13 juin 2017 afférente à ses deux avis de cotisation du 5 avril 2017). Comme ces avis de cotisation portaient sur les versements de retenues à la source tardifs ou inexistants et non sur la TPS/TVH, je conviens que la décision discrétionnaire du ministre relève de la LIR, et non de la LTA.
[46]
En bref, l’argument de la demanderesse semble être qu’elle n’a pas payé en temps opportun les sommes retenues sur la paye des employés à partir du compte de retenues à la source parce que cet argent a plutôt été utilisé pour payer en priorité ses versements de TPS/TVH impayés, que l’ARC a selon elle perçus prématurément en raison d’une mauvaise interprétation de la LTA. La demanderesse affirme qu’il s’agit d’un préjudice indu justifiant un allègement aux termes du paragraphe 153(1.1) de la LIR, et qu’elle est visée par les circonstances décrites dans la circulaire d’information et le paragraphe 220(3.1) de la LIR. Le défendeur n’est pas de cet avis et demande à la Cour de confirmer le refus du ministre d’accorder l’allègement.
[47]
Le paragraphe 153(1.1) de la LIR permet au ministre de diminuer le montant des retenues à la source à verser lorsque ces versements causeraient un préjudice indu à l’employeur. En date du 27 octobre 2020, la demanderesse devait 589 677 $ en versements de retenues à la source impayés. En confirmant qu’il n’y avait aucun préjudice indu et qu’un tel allègement n’était pas justifié, le chef d’équipe des appels de l’ARC a souligné que la demanderesse a déclaré une augmentation de plus de trois millions de dollars de ses ventes entre les années d’imposition 2016 et 2017, et il a expliqué que ces revenus étaient raisonnablement suffisants pour restructurer les activités commerciales afin d’assurer la conformité.
[48]
Ce qui constitue un préjudice indu dans ce contexte n’est pas défini par la loi et n’a pas été examiné par les tribunaux. Cette ambiguïté suppose que la Cour devrait faire preuve de retenue à l’égard de la décision du ministre, qui est habilité par la loi à prendre une telle décision (Vavilov, au para 30).
[49]
Mis à part les renvois au fait que ses concurrentes utilisent un modèle d’affaires similaire, la demanderesse n’a jamais expliqué pourquoi elle ne pouvait pas restructurer ses activités commerciales pour se conformer à ses obligations fiscales et s’est plutôt fiée à son choix d’accorder la priorité aux paiements de TPS/TVH comme justification de sa non-conformité. Je fais remarquer que le chef d’équipe des appels de l’ARC a rejeté cette explication, concluant que, en qualité d’entreprise constituée en société, la demanderesse demeurait responsable de détenir les retenues à la source en fiducie pour le receveur général et qu’il n’était pas approprié d’utiliser ces déductions pour financer les activités quotidiennes de l’entreprise. Je conviens que l’utilisation des fonds par la demanderesse à une fin autre que celle prévue et sans lien avec celle-ci, c.-à-d. la priorisation de ses paiements de TPS/TVH, ne justifie pas le non‑respect de ses obligations fiscales. Par conséquent, le refus du chef d’équipe des appels de l’ARC d’accorder un allègement en vertu du paragraphe 153(1.1) de la LIR est raisonnable. Cette conclusion s’ajoute à la confirmation du chef d’équipe des appels de l’ARC selon laquelle l’ARC n’a pas mal interprété le paragraphe 168(1) de la LTA, comme je l’ai mentionné ci‑dessous.
[50]
La demanderesse a aussi demandé un allègement en vertu du paragraphe 220(3.1) de la LIR qui permet au ministre de renoncer à tout ou partie d’un montant de pénalité ou d’intérêts payable par ailleurs ou de l’annuler en tout ou en partie. En date du 27 octobre 2020, la demanderesse devait 371 884 $ en pénalités et intérêts découlant de ses versements de retenues à la source en souffrance. Bien que le pouvoir discrétionnaire du ministre ne soit pas limité par la loi en vertu du paragraphe 220(3.1) de la LIR, l’ARC a élaboré des lignes directrices administratives dans la circulaire d’information, qui indiquent que l’allègement discrétionnaire en vertu de cette disposition peut être justifié en raison : a) de circonstances exceptionnelles, b) des actions de l’ARC, c) de l’incapacité de payer ou des difficultés financières de l’employeur.
[51]
Le chef d’équipe des appels de l’ARC a jugé de façon raisonnable que la demanderesse n’était pas visée par ces catégories et a conclu qu’aucun autre facteur pertinent ne justifiait l’exercice du pouvoir discrétionnaire. Premièrement, il a rejeté la notion selon laquelle la situation de la demanderesse constituait des « circonstances exceptionnelles »,
soulignant que ses collègues de l’ARC dans d’autres cas (plus précisément, dans la première demande d’allègement et son nouvel examen) n’avaient pas mal interprété le paragraphe 168(1) de la LTA et que les versements de TPS/TVH étaient dus au moment de la délivrance de la facture (plutôt qu’au moment du paiement). Par conséquent, le chef d’équipe des appels de l’ARC a estimé que la demanderesse pouvait restructurer son entreprise pour être en mesure d’effectuer les versements de retenues à la source et de TPS/TVH en temps opportun. Deuxièmement, le chef d’équipe des appels de l’ARC a confirmé que les actions de l’ARC (comme l’imposition de privilèges) étaient toutes dûment justifiées par les lois qui s’appliquent. Troisièmement, le chef d’équipe des appels de l’ARC a répété que l’augmentation des revenus de vente de la demanderesse et les salaires cumulatifs de la propriétaire et de son conjoint, qui s’élèvent à plus de 200 000 $, laissaient entendre que l’entreprise avait les moyens financiers de se conformer à ses obligations fiscales. Le chef d’équipe des appels de l’ARC a également estimé qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve pour conclure que la conformité compromettrait la capacité continue de la demanderesse d’exercer ses activités ou qu’elle aurait une incidence négative sur l’emploi des employés.
[52]
À mon avis, les conclusions du chef d’équipe des appels de l’ARC qui précèdent sont justifiées, transparentes et intelligibles (Vavilov, au para 99). L’agent et le chef d’équipe des appels de l’ARC ont examiné tous les facteurs pertinents, comme en témoigne le feuillet de renseignements de l’agent sur l’allègement pour les contribuables.
[53]
Le chef d’équipe des appels de l’ARC a également traité directement de l’explication de la demanderesse sur les raisons pour lesquelles elle ne pouvait pas se conformer. Étant donné que les paiements de TPS/TVH n’étaient pas visées par la deuxième demande d’allègement, la question dans ce contexte est de savoir s’il était raisonnable pour le chef d’équipe des appels de l’ARC (i) de s’appuyer sur les conclusions de l’ARC tirées dans le contexte de la première demande d’allègement selon lesquelles le paragraphe 168(1) de la LTA a été correctement interprété, en ce sens que les versements de TPS/TVH étaient dus au moment où la demanderesse a délivré les factures à ses clients; (ii) de considérer que le fait d’accorder la priorité aux paiements de TPS/TVH n’était pas une justification suffisante pour l’omission de se conformer à la LIR.
[54]
À mon avis, il était raisonnable pour le chef d’équipe des appels de l’ARC de le faire. Contrairement aux observations de la demanderesse, l’alinéa 152(1)a) et le paragraphe 168(1) de la LTA indiquent clairement que les paiements de TPS/TVH de la demanderesse sont exigibles à la date à laquelle elle délivre ses factures. La conclusion en ce sens du chef d’équipe des appels de l’ARC est fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des faits et du droit pertinents (Vavilov, au para 85). Par conséquent, j’estime qu’il était raisonnable pour le chef d’équipe des appels de l’ARC de conclure que la demanderesse n’a aucune excuse légitime de ne pas verser la TPS/TVH au moment de délivrer une facture, ou d’utiliser les versements de retenues à la source pour compenser ces paiements.
[55]
Bien que je reconnaisse que le chef d’équipe des appels de l’ARC n’a pas traité directement de l’argument de la demanderesse selon lequel l’industrie du travail temporaire ne pouvait pas soutenir un tel modèle, à mon avis, cette omission ne justifie pas une intervention judiciaire. En mettant l’accent sur la capacité de la demanderesse de se restructurer, je peux déduire que le chef d’équipe des appels de l’ARC a raisonnablement rejeté la pratique de l’industrie comme justification suffisante de la non-conformité à la loi (Vavilov, au para 98).
[56]
Enfin, je rejette l’argument de la demanderesse selon lequel l’ARC était tenue de fournir des conseils sur la façon de se restructurer. Contrairement aux observations de la demanderesse, l’ARC n’est pas tenue de donner des directives aux entreprises sur la façon d’organiser leurs affaires pour assurer le respect de leurs obligations fiscales.
VI.
Dépens
[57]
Dans l’exercice de mon pouvoir discrétionnaire, je conclus que 1 500 $ est un montant raisonnable pour les dépens, débours compris. La demanderesse est tenue de payer sans délai au défendeur la somme de 1 500 $ au titre des dépens.
VII.
Conclusion
[58]
Je conclus que la décision du ministre est raisonnable. La présente demande de contrôle judiciaire est par conséquent rejetée, avec dépens.
JUGEMENT DANS LE DOSSIER T‑2196‑18
LA COUR ORDONNE:
La demande de contrôle judiciaire est rejetée.
Les dépens sont adjugés au défendeur.
« Shirzad A. »
Juge
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER:
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T‑2196‑18
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INTITULÉ:
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ALLSTAFF INC. c PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
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LIEU DE L’AUDIENCE:
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AUDIENCE TENUE PAR TÉLÉCONFÉRENCE ENTRE OTTAWA, LONDON ET TORONTO (ONTARIO)
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DATE DE L’AUDIENCE:
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Le 29 OCTOBRE 2020
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JUGEMENT ET MOTIFS:
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LE JUGE AHMED
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DATE DES MOTIFS:
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LE 14 JANVIER 2021
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COMPARUTIONS :
M. Paul Downs
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POUR LA DEMANDERESSE
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Surksha Nayar Sarin
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POUR LE DÉFENDEUR
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:
Downs Barristers & Solicitors
London (Ontario)
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POUR LA DEMANDERESSE
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Procureur général du Canada
Toronto (Ontario)
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POUR LE DÉFENDEUR
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