Date : 20050317
Dossier : IMM-9169-03
Référence : 2005 CF 367
ENTRE :
GERARDO ELFIDIO NARANJO OCAMPO
ARGERY MENDOZA CASTILLO
BRANDON STEVEN MENDOZA CASTILLO
demandeurs
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
LE JUGE PINARD
[1] Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) a conclu, le 21 octobre 2003, que les demandeurs ne sont pas des réfugiés au sens de la Convention ni des « personnes à protéger » au sens des articles 96 et 97 respectivement de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27.
[2] Argery Mendoza Castillo (la demanderesse principale), Gerardo Elfidio Naranjo Ocampo et Brandon Steven Mendoza Castillo sont citoyens du Costa Rica. Ils prétendent craindre avec raison d'être persécutés du fait des menaces de mort qu'a proférées contre eux Manuel Castillo, l'individu qui est accusé d'avoir violé, en septembre 1995, la soeur de la demanderesse principale, qui était atteinte de déficience mentale.
[3] Par suite du viol, la soeur de la demanderesse est devenue enceinte et a donné naissance à un garçon le 31 mai 1996. L'enfant s'appelle Brandon Steven Mendoza Castillo et il fait partie des demandeurs en l'espèce. Les deux autres demandeurs en ont la garde légale, mais ils ne l'ont pas adopté. Un mandat d'arrêt a été décerné le 17 janvier 1997 en vue de l'arrestation du violeur; toutefois, on ne l'a jamais retrouvé.
[4] La Commission a fondé sa décision sur une conclusion défavorable quant à la crédibilité. À cet égard, notre Cour ne peut substituer son opinion à celle de la Commission à moins que le demandeur puisse démontrer que la Commission a rendu une décision fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont elle dispose (paragraphe 18.1(4) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7). La Commission est un tribunal spécialisé qui est en mesure d'apprécier la plausibilité et la crédibilité d'un témoignage, dans la mesure où les inférences qu'il en tire ne sont pas déraisonnables (Aguebor c. Canada (M.E.I.) (1993), 160 N.R. 315 (C.A.F.)) et dans la mesure où ses motifs sont exprimés en termes clairs et explicites ((Hilo c. Canada (M.E.I.) (1991), 130 N.R. 236 (C.A.F.)).
[5] En l'espèce, la Commission a expressément tenu compte du comportement de la demanderesse à l'audience. La transcription confirme dans une certaine mesure l'impression qu'avait eue la Commission que le témoignage de la demanderesse était laborieux et hésitant. Notre Cour n'est pas en mesure d'examiner les aspects touchant le comportement de la demanderesse que la Commission était la mieux placée pour évaluer (Anwar c. Canada (M.C.I.), [2002] A.C.F. no 1434 (QL) (1re inst.)).
[6] Il est loisible à la Commission de préférer la preuve documentaire au témoignage d'un demandeur d'asile (Zhou c. Canada (M.E.I.), [1994] A.C.F. no 1087 (QL) (C.A.)) et de choisir la preuve documentaire qu'elle préfère (Victorov c. Canada (M.C.I.), [1995] A.C.F. no 900 (QL) (1re inst.)). Il était du ressort de la Commission de n'accorder aucune valeur probante au document du « Patronato Nacional de la Infancia » , le document obtenu par la demanderesse qui l'aurait autorisée à emmener Brandon à l'étranger. Aucune explication satisfaisante n'a été donnée à la Commission pour expliquer comment la soeur de la demanderesse, qui selon d'autres documents est atteinte de maladie mentale et ne peut même pas faire de simples additions, aurait pu signer un tel document. Cette conclusion n'est pas déraisonnable.
[7] La raison pour laquelle, selon la demanderesse, ils n'ont pas complété la procédure d'adoption était qu'ils craignaient pour leur vie et qu'ils ont dû quitter le pays; pourtant, ils n'ont pas fait de plainte à la police après avoir reçu le deuxième appel téléphonique au cours duquel Manuel aurait proféré des menaces. Peu importe s'ils pensaient que la police ne pouvait rien faire, s'ils croyaient vraiment que leur vie était en danger, ils auraient tenté d'obtenir la protection de l'État. Il n'était pas injustifié pour la Commission de tirer une conclusion défavorable à partir du manque de diligence des demandeurs à poursuivre leur plainte.
[8] De plus, lorsqu'on lui a demandé s'il avait des frères et soeurs, Brandon a répondu par l'affirmative, mais il ne pouvait pas se souvenir de leurs noms parce qu'il ne les avait pas vus depuis longtemps. Pour expliquer la réponse de Brandon, la demanderesse a dit qu'il était chrétien et qu'on lui avait donc appris que tout le monde est frère et soeur. La Commission a jugé que cette explication n'était pas convaincante. Il n'était pas injustifié pour elle de douter de cette explication puisqu'elle remet en question le lien entre Brandon et les deux autres demandeurs.
[9] On peut comprendre que la demanderesse ait été nerveuse pendant son témoignage et qu'elle ait hésité dans ses réponses à certaines questions; toutefois, son témoignage n'est pas corroboré par la preuve produite pour appuyer celui-ci. Il y avait de trop nombreuses incohérences dans le récit de la demanderesse pour que celui-ci soit crédible et, à mon avis, la Commission n'a pas commis d'erreur en concluant comme elle l'a fait.
[10] Pour tous ces motifs, l'intervention de notre Cour n'est pas justifiée et la demande de contrôle judiciaire est rejetée.
« Yvon Pinard »
JUGE
OTTAWA (ONTARIO)
17 MARS 2005
Traduction certifiée conforme
Suzanne Bolduc, LL.B.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-9169-03
INTITULÉ : GERARDO ELFIDIO NARANJO OCAMPO, ARGERY MENDOZA CASTILLO, BRANDON STEVEN MENDOZA CASTILLO c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
LIEU DE L'AUDIENCE : MONTRÉAL (QUÉBEC)
DATE DE L'AUDIENCE : LE 8 FÉVRIER 2005
MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LE JUGE PINARD
DATE DES MOTIFS : LE 17 MARS 2005
COMPARUTIONS :
Michael Goldstein POUR LES DEMANDEURS
Simone Truong POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Michael Goldstein POUR LES DEMANDEURS
Montréal (Québec)
John H. Sims, c.r. POUR LE DÉFENDEUR
Sous-procureur général du Canada