Dossier : T‑1863‑18
Référence : 2021 CF 27
[TRADUCTION FRANÇAISE]
Ottawa (Ontario), le 8 janvier 2021
En présence de monsieur le juge McHaffie
ENTRE :
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JOSEPH F. SCHILLACI
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demandeur
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et
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LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
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défendeur
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JUGEMENT ET MOTIFS
I.
Aperçu
[1]
Le ministre du Revenu national a le pouvoir discrétionnaire de renoncer à certains intérêts et pénalités payables en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu, LRC 1985, c 1 (5e suppl). En 2017, Joseph Schillaci a demandé une renonciation aux intérêts et aux pénalités imputables aux années d’imposition 1989 et 1991. Il affirme qu’il n’était pas au courant des montants impayés, sur lesquels des intérêts continuaient de s’accumuler, même si l’Agence du revenu du Canada (ARC) avait cessé ses démarches actives de recouvrement en 1996. Le ministre a refusé l’allègement demandé dans le cadre d’un examen initial et d’un examen de deuxième palier. Le ministre a fait remarquer que les dossiers de l’ARC indiquaient de nombreuses communications et occasions où M. Schillaci ou son représentant a été informé du solde impayé, et a conclu qu’il n’avait pas été empêché de s’acquitter de ses obligations fiscales en raison de circonstances indépendantes de sa volonté.
[2]
Dans la présente demande de contrôle judiciaire de la décision au deuxième palier du ministre, communiquée dans une lettre du 17 septembre 2018, M. Schillaci fait valoir que le refus de sa demande d’allègement pour les contribuables était injuste et déraisonnable. Il soutient que le ministre n’a pas tenu compte comme il se doit du délai entre le cumul de la dette et les demandes de l’ARC, ou du fait que l’ARC elle‑même n’a pas donné avis à M. Schillaci ou pris des mesures d’exécution pour recouvrer la dette impayée après 1996, ce qui aurait eu pour effet de diminuer les intérêts courus. Il soutient également que le ministre aurait dû consulter les dossiers fiscaux de sa société, Cavana Corporation, qui a bénéficié d’un allègement fiscal après que M. Schillaci a relevé des événements tragiques survenus dans sa vie personnelle qui ont nui à sa capacité de produire des déclarations en temps opportun.
[3]
Je conclus que la décision du ministre n’était ni déraisonnable ni injuste. Le ministre a examiné comme il se doit les motifs d’allègement invoqués par M. Schillaci et les faits pertinents énoncés dans les dossiers de l’ARC. Le ministre n’était pas tenu de prendre des mesures d’exécution pour recouvrer la dette impayée, et il n’était pas déraisonnable dans les circonstances que le ministre conclue que la renonciation demandée n’était pas justifiée. Le ministre n’était pas non plus tenu de mener d’autres enquêtes sur les dossiers du contribuable à la recherche de motifs supplémentaires qui pourraient appuyer la demande d’allègement, comme M. Schillaci le soutient.
[4]
La demande de contrôle judiciaire est donc rejetée. Le cas échéant, si les parties sont incapables de s’entendre sur les dépens, elles peuvent présenter des observations sur les dépens conformément aux présents motifs.
II.
Cadre législatif et décision faisant l’objet du contrôle
[5]
De façon générale, l’article 161 de la Loi de l’impôt sur le revenu dispose que des intérêts sont payables sur les dettes fiscales impayées et les acomptes impayés des contribuables. En outre, en vertu des articles 162 et 163.1, des pénalités sont payables pour avoir omis de produire des déclarations ou de verser des acomptes provisionnels. Le paragraphe 220(3.1) de la Loi de l’impôt sur le revenu, l’une des dispositions connues sous le nom de « dispositions d’allègement pour les contribuables »,
confère au ministre le pouvoir discrétionnaire de renoncer à une partie ou à la totalité des intérêts et des pénalités, sous réserve d’un délai prescrit de dix ans. Cette disposition est ainsi libellée :
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Le pouvoir discrétionnaire du ministre est délégué aux fonctionnaires de l’ARC en vertu du paragraphe 220(2.01) de la Loi de l’impôt sur le revenu. En l’espèce, les décisions sur la demande d’allègement de M. Schillaci ont été rendues par des fonctionnaires du Centre d’expertise pour l’allègement pour les contribuables de la Direction générale des appels, à l’Île‑du‑Prince‑Édouard. Étant donné que la décision en cause a été rendue par un délégué du ministre au nom du ministre, je l’appellerai simplement la décision du ministre.
[traduction]
Mon comptable a rempli mes déclarations de revenus pour les périodes visées et nous avons mis fin à notre relation peu de temps après.
Mes cotisations indiquaient les sommes totales dues chaque année et j’ai payé ces sommes en entier. J’ai été surpris d’apprendre qu’apparemment, je devais des impôts qui ne figuraient pas sur les cotisations que je recevais. Naturellement, les pénalités et les intérêts étaient calculés sur les impôts dont je n’avais pas connaissance.
Si j’avais été au courant de cette dette, j’aurais pris des mesures pour la payer lentement, sans devoir m’endetter davantage (pénalité et intérêts). Les cotisations qui prêtent à confusion m’ont mis dans une situation de vulnérabilité. Par conséquent, je demande l’annulation ou la renonciation à la pénalité et aux intérêts sur mon compte.
[8]
La demande de M. Schillaci a d’abord été refusée dans une lettre du 16 avril 2018. Cette lettre indiquait que toutes les pénalités en cause avaient été imposées plus de dix ans avant la demande d’allègement, et ne pouvaient donc pas faire l’objet d’une renonciation. La même conclusion s’appliquait aux intérêts courus avant le 1er janvier 2007. Quant aux intérêts qui pourraient faire l’objet d’une renonciation, le ministre a conclu que l’ARC avait informé M. Schillaci des soldes impayés avant et après la cessation des mesures actives de recouvrement en 1996, et que, même si M. Schillaci avait mis fin à sa relation avec son comptable, il incombait à chaque contribuable d’examiner ses déclarations pour en vérifier l’exactitude.
[traduction]
La décision n’est pas juste ni raisonnable. Veuillez demander à un autre représentant délégué du Programme d’allègement pour les contribuables d’effectuer un deuxième examen indépendant. Notre demande du 21 août 2017 indiquait qu’aucun impôt n’était dû dans les avis.
[…]
Notre demande initiale était fondée sur le fait que si nous avions connaissance des impôts dus (aucune indication à ce sujet selon les avis), nous les aurions payés et n’aurions pas subi ces pénalités et intérêts, qui sont maintenant égaux, plus ou moins, aux impôts. Nous maintenons cette position et espérons que vous comprenez notre situation.
[10]
Janet Arsenault, agente d’allègement pour les contribuables au Centre d’expertise pour l’allègement pour les contribuables, Direction générale des appels, à l’Î.‑P.‑É., a été chargée d’examiner la demande de M. Schillaci et de rédiger un rapport. Ce rapport, du 7 septembre 2018, recommandait le refus de l’allègement. Le rapport a été transmis à la fondée de pouvoir, Amanda Desroches, chef d’équipe dans le même bureau. Mme Desroches a indiqué qu’elle souscrivait à la recommandation et a envoyé une lettre à M. Schillaci en date du 17 septembre 2018, refusant encore une fois sa demande d’allègement pour les contribuables. Cette décision fait l’objet de la présente demande de contrôle judiciaire. Les motifs de la décision sont résumés dans la lettre. Comme notre Cour l’a déjà conclu, le contenu du rapport de Mme Arsenault, auquel Mme Desroches a donné son assentiment, sert de justification et pourrait constituer une partie des motifs de la décision : Lambert c Canada (Procureur général), 2015 CF 1236 au para 35; Lalonde c Canada (Agence du revenu du Canada), 2008 CF 183 au para 59; voir aussi Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 aux para 94 à 98.
[TRADUCTION]
On a communiqué avec M. Schillaci à maintes reprises par téléphone et par la poste avant que l’ARC ne mette fin aux démarches actives de recouvrement en 1996;
On a appelé et informé son représentant légal du solde de la dette en septembre 2000;
En avril 2012, les détails du solde ont été débattus avec le représentant, qui a demandé un relevé;
M. Schillaci a reçu, entre août 2000 et janvier 2014, des lettres de recouvrement comprenant l’énoncé Remarque :
« Le solde impayé indiqué ci‑dessus n’inclut pas une somme impayée antérieurement »
;Les avis de cotisation pour les années d’imposition 1996 à 2013 comprenaient un relevé selon lequel l’ARC
« utilisait son remboursement pour diminuer un solde impayé antérieur qui ne figure pas dans la section « Sommaire ». »
[12]
Le ministre a souligné que les contribuables ont la responsabilité de veiller à ce que les déclarations et les paiements soient faits en temps opportun et correctement. Il a souligné également que l’on s’attend à ce que les contribuables connaissent leurs obligations et qu’ils s’y conformeront [traduction] « sans qu’on leur demande de le faire ».
Le ministre n’a donc pas conclu que M. Schillaci avait été empêché de s’acquitter de ses obligations fiscales en raison de circonstances indépendantes de sa volonté et a refusé sa demande d’allègement pour les contribuables.
[13]
Le rapport rédigé par Mme Arsenault qui sous‑tend cette décision comporte un contexte factuel plus précis sur les questions soulevées dans la lettre, mais il est conforme aux motifs donnés dans la lettre. En fait, la lettre correspond étroitement à la section [traduction] « Analyse de tous les faits et facteurs »
du rapport de Mme Arsenault, avec certains faits supplémentaires tirés d’autres parties du rapport.
[14]
M. Schillaci a déposé la présente demande de contrôle judiciaire le 22 octobre 2018. Il a déposé un bref affidavit à l’appui le 19 novembre 2018. Le ministre a répondu par un affidavit de Mme Arsenault. M. Schillaci a par la suite présenté une requête écrite visant à déposer des éléments de preuve supplémentaires concernant (i) une demande d’allègement pour les contribuables faite par sa société, Cavana Corporation; (ii) sa déclaration de revenus de 2017. Par ordonnance du protonotaire Milczynski en date du 8 avril 2019, la requête de M. Schillaci a été renvoyée au juge qui entend la demande.
[15]
Lorsque cette affaire a initialement été entendue en novembre 2019, M. Schillaci est demeuré non représenté et a cru à tort que seule sa requête devait être entendue. Malgré l’opposition du ministre, j’ai accueilli la demande de M. Schillaci de reporter l’affaire pour lui permettre de retenir les services d’un avocat et de se préparer à l’audience. Après une période considérable attribuable en partie à la pandémie de la COVID‑19, l’affaire a été reportée en vue de la tenue d’une audience en octobre 2020. À la veille de cette audience, M. Schillaci a retenu les services d’un avocat, qui a demandé l’autorisation de déposer un argument écrit supplémentaire à l’audience. Avec le consentement du ministre, j’ai permis que cet argument soit déposé et j’ai entendu les observations de l’avocat à l’appui de la demande.
III.
Questions en litige et norme de contrôle
[16]
Comme il est expliqué dans les observations supplémentaires de M. Schillaci et dans les arguments écrits et oraux des parties, la présente demande de contrôle judiciaire et la requête de M. Schillaci soulèvent les trois questions principales suivantes :
Quels sont les éléments de preuve dont la Cour est dûment saisie dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire?
Le ministre a‑t‑il commis une erreur en refusant la demande d’allègement pour les contribuables de M. Schillaci, notamment en :
(1) ne tenant pas compte adéquatement de la longue période qui s’est écoulée depuis que la dette initiale a été contractée et de l’absence de mesures d’exécution dans l’intervalle;
(2) omettant d’établir si l’ARC a donné un préavis suffisant de la dette ou, à l’inverse, si elle a induit M. Schillaci en erreur quant à l’existence de la dette;
(3) ne tenant pas compte de l’allègement pour les contribuables accordé à la société en propriété exclusive de M. Schillaci et des circonstances qui ont donné lieu à cet allègement?
Le refus du ministre a‑t‑il été prononcé en violation des exigences d’équité procédurale ou de justice naturelle?
[17]
La première de ces questions porte sur les éléments de preuve dont la Cour est saisie et ne comporte pas le contrôle d’une décision administrative. Par conséquent, aucune norme de contrôle ne s’applique.
[18]
En ce qui a trait à la deuxième question, les parties conviennent que le contrôle par la Cour du fond du refus du ministre d’exercer son pouvoir discrétionnaire devrait être effectué selon la norme de la décision raisonnable : Vavilov, aux para 16 et 17 et 23 à 25; Lanno c Canada (Agence des douanes et du revenu), 2005 CAF 153, au para 7; Agence du revenu du Canada c Telfer, 2009 CAF 23 aux para 2 et 24. Lorsqu’elle effectue un contrôle selon la norme de la décision raisonnable, la cour de révision doit tenir compte « du résultat de la décision administrative eu égard au raisonnement sous‑jacent à celle‑ci afin de s’assurer que la décision dans son ensemble est transparente, intelligible et justifiée »
: Vavilov, au para 15. Une décision raisonnable doit être « fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti »
: Vavilov, aux para 85, 90, 99, 105 à 107.
[19]
La troisième question en l’espèce porte sur l’équité procédurale. À cet égard, la Cour évalue si la procédure qui a mené à la décision était équitable dans toutes les circonstances : Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69 au para 54. À vrai dire, aucune norme de contrôle n’est appliquée, mais cet exercice d’examen est « particulièrement bien reflété dans la norme de la décision correcte »
: Canadien Pacifique, au para 54, citant Eagle’s Nest Youth Ranch Inc v Corman Park (Rural Municipality #344), 2016 SKCA 20 au para 20.
IV.
Analyse
A.
Le dossier à la disposition de la Cour sur la présente demande
[20]
Chacune des parties s’est opposée à des éléments figurant dans les affidavits déposés par l’autre, soulevant des questions concernant la portée pertinente de l’élément de la preuve dans une demande de contrôle judiciaire. Ces questions sont régies par les principes énoncés par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Association des universités et collèges du Canada c Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright (2012)), 2012 CAF 22 [Access Copyright], aux para 14 à 20.
[21]
Dans Access Copyright (2012), le juge Stratas a souligné les différents rôles que jouent les tribunaux administratifs et les cours saisies d’une demande de contrôle judiciaire. Cette différence guide les règles sur les éléments de preuve admissibles au contrôle judiciaire : Access Copyright (2012), aux para 14 à 19. Compte tenu du mandat restreint de la Cour en matière de contrôle judiciaire, le dossier de la preuve d’une demande de contrôle judiciaire est en général limité au dossier à la disposition du décideur administratif, tandis que les éléments de preuve qui ont trait au fond que le décideur n’avait pas à sa disposition ne sont pas admissibles : Access Copyright (2012), au para 19. Sans prétendre que la liste des exceptions à cette règle générale est restreinte, le juge Stratas a relevé trois exceptions reconnues : a) des éléments de preuve fournissant des informations générales qui aident à comprendre les questions en litige, à condition qu’ils n’aillent pas plus loin et qu’ils fournissent des éléments de preuve se rapportant au fond; b) des éléments de preuve concernant des vices en matière d’équité procédurale qu’on ne peut déceler dans le dossier de la preuve; c) des éléments de preuve qui font ressortir l’absence de preuve à la disposition du tribunal administratif à l’égard d’une conclusion déterminée : Access Copyright (2012), au para 20; voir aussi Bernard c Canada (Agence du revenu), 2015 CAF 263 aux para 19 à 25.
[22]
En appliquant ces principes, je conclus que les trois affidavits présentés à la Cour par les parties, à savoir l’affidavit initial de M. Schillaci signé en novembre 2018, l’affidavit de Mme Arsenault déposé par le ministre et l’affidavit supplémentaire qui font l’objet de la requête de M. Schillaci, contiennent chacun des éléments de preuve dont la Cour n’est pas dûment saisie.
(1)
Premier affidavit de M. Schillaci
[23]
L’affidavit initial de M. Schillaci comprend (i) une déclaration indiquant qu’il s’est fié à son comptable pour surveiller son obligation fiscale, mais que son comptable ne l’a pas fait; (ii) des éléments de preuve concernant un événement tragique découlant de la santé mentale d’un membre de sa famille, dont je n’ai pas besoin de répéter les détails ici. Ces faits, aussi sympathiques soient‑ils, n’ont pas été soulevés dans la demande d’allègement pour les contribuables de M. Schillaci, ni comme motifs d’allègement ni comme faits à l’appui, comme on peut le voir dans les motifs reproduits aux paragraphes
[7]
et
[9]
ci‑dessus. M. Schillaci ne peut pas maintenant présenter ces faits ou arguments supplémentaires et demander à la Cour d’exercer le pouvoir discrétionnaire conféré au ministre : Access Copyright (2012) aux para 15, 18 et 19; Alberta (Information and Privacy Commissioner) c Alberta Teachers’ Association, 2011 CSC 61 aux para 22 et 23.
[24]
L’affidavit de réponse de Mme Arsenault comprend une déclaration confirmant que les faits mentionnés précédemment ne lui avaient pas été présentés au moment où elle a effectué son examen. Contrairement aux arguments de M. Schillaci, cette déclaration figurant dans l’affidavit de Mme Arsenault est recevable. Les éléments de preuve sur « ce qui figure au dossier [et] ce qui n’y figure pas »
sont admissibles comme exception à la règle générale : Bernard, au para 24; Access Copyright (2012) aux para 20a) et c).
(2)
Affidavit de Mme Arsenault
[25]
L’affidavit de Mme Arsenault présente (i) des informations générales sur les procédures et les lignes directrices de l’ARC pour les demandes d’allègement pour les contribuables en général, notamment celles énoncées dans la Circulaire d’information en matière d’impôt sur le revenu IC07‑1R1, « Dispositions d’allègement pour les contribuables »
; (ii) une description du processus suivi à l’égard de la demande de M. Schillaci; (iii) des déclarations décrivant et joignant des documents dont l’ARC était saisie au moment de la décision; (iv) des déclarations sur ce que Mme Arsenault a considéré, constaté et conclu dans son analyse de la demande au deuxième palier de M. Schillaci. Les éléments de preuve dans les trois premières catégories sont admissibles, tandis que ceux dans la quatrième ne le sont pas.
[26]
Je suis d’accord avec le ministre pour dire que les informations de la catégorie (i) s’inscrivent dans la première exception décrite dans Access Copyright (2012), soit les informations générales qui aident la Cour. Ces questions, comme le raisonnement généralement suivi par le ministre et l’information figurant dans la circulaire d’information pertinente, fournissent simplement le contexte de la décision en cause et étaient connus du décideur : Bernard, au para 23; Vavilov, au para 94. De même, les informations de la catégorie (ii) s’inscrivent dans la première exception à titre d’information générale et dans la deuxième exception dans la mesure où elles concernent les questions d’équité procédurale : Access Copyright (2012), aux para 20a) à 20b).
[27]
La catégorie (iii) est admissible parce qu’elle énonce les documents qui ont constitué le dossier que le décideur avait à sa disposition, même s’ils ne sont pas expressément mentionnés dans la décision. La Cour d’appel a confirmé qu’un affidavit peut être utile pour décrire le dossier à la disposition du décideur administratif et transmettre ce dossier à la Cour : Canada (Procureur général) c Canadian North Inc, 2007 CAF 42 aux para 3 et 4; Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright) c Alberta, 2015 CAF 268 [Access Copyright (2015)] aux para 19 à 22; Bernard, au para 20. En l’espèce, M. Schillaci n’a pas demandé de documents en la possession du ministre en vertu de l’article 317 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106, et il n’y avait donc pas de dossier certifié. L’affidavit initial de M. Schillaci ne contenait que deux documents pertinents. L’affidavit de Mme Arsenault constituait donc une bonne façon pour le ministre de décrire et de joindre d’autres documents pertinents afin qu’ils soient à la disposition du décideur, y compris les résumés des dossiers de l’ARC, le rapport de Mme Arsenault et les documents du dossier de l’ARC de M. Schillaci : Canadian North, au para 4; Access Copyright (2015), aux para 21 et 22; Règles des Cours fédérales, article 307.
[28]
Toutefois, les éléments de preuve de la catégorie (iv) vont au‑delà de ce qui est admissible, et incluent des déclarations sur les faits et les documents dont Mme Arsenault a tenu compte dans la rédaction de son rapport, les faits particuliers qu’elle a relevés dans les antécédents d’observation de M. Schillaci, et ce qu’elle a conclu en se fondant sur ces points. Je suis d’accord avec M. Schillaci pour dire qu’un décideur, ou une personne dont le rapport faisait partie du processus décisionnel et qui faisait partie des motifs de la décision, ne peut pas compléter sa décision ou son rapport en renforçant son analyse ou en faisant d’autres déclarations au sujet de ses conclusions qui ne figurent pas au dossier : Sellathurai c Canada (Sécurité publique et de la Protection civile), 2008 CAF 255 aux para 45 à 47. Le rapport de Mme Arsenault n’exigeait pas d’éléments de preuve par affidavit pour le résumer; il comptait cinq pages et doit tenir de lui‑même : Bernard, au para 20. Je ne tiendrai donc pas compte de ces aspects de l’affidavit de Mme Arsenault.
(3)
Deuxième affidavit de M. Schillaci
[29]
La requête de M. Schillaci visait à obtenir l’autorisation de déposer son deuxième affidavit, qui décrit et joint dix pièces, de A à J. Les six premières portent sur une demande d’allègement pour les contribuables présentée par Cavana Corporation, société appartenant à M. Schillaci. M. Schillaci dépose ces documents à l’appui de son argument selon lequel le ministre aurait dû prendre en compte la demande de la Cavana Corporation et en arriver à la même conclusion à son égard, c’est‑à‑dire, accorder un allègement pour les contribuables. Deux des six documents de Cavana Corporation sont antérieurs à la décision du 17 septembre 2018 faisant l’objet du contrôle, soit la demande présentée par la société en juin 2018 (pièce A) et ses statuts constitutifs qui attestent que M. Schillaci en est le propriétaire (pièce F). Les quatre autres, à savoir la décision du ministre d’accorder un allègement à Cavana Corporation en novembre 2018 (pièce B) et trois documents de décembre 2018 se rapportant à cette décision, sont postérieurs à la décision faisant l’objet du contrôle.
[30]
Le ministre s’oppose à l’inclusion de ces documents. Il fait remarquer que le décideur ne disposait pas de ces documents et que la demande présentée par Cavana Corporation était fondée sur des motifs différents et comprenait des renseignements différents, à savoir notamment des renseignements sur l’événement tragique de nature personnelle survenu dans la famille de M. Schillaci. Le ministre soutient que M. Schillaci ne devrait pas être autorisé à déposer de nouveaux éléments de preuve pour soulever une nouvelle question dont le ministre n’avait pas été saisi à propos de la décision sous‑jacente, citant Access Copyright (2012) et Nametco Holdings Ltd c Canada (Ministre du Revenu national), 2002 CAF 149.
[31]
Comme on peut le constater d’après les arguments du ministre, la question de l’inclusion de ces documents est intrinsèquement liée au bien‑fondé de l’argument de M. Schillaci selon lequel l’ARC aurait dû examiner les dossiers de la Cavana Corporation pour en arriver à sa décision. Si cet argument l’emporte, et que le ministre aurait dû examiner les documents, ceux‑ci sont donc admissibles pour démontrer ce qui aurait dû figurer au dossier. Dans le cas contraire, les documents ne sont pas pertinents au caractère raisonnable de la décision du ministre. Quoi qu’il en soit, l’argument de M. Schillaci porte sur la portée pertinente du dossier, et la Cour ne peut l’examiner qu’en connaissant et en comprenant les documents qui, selon elle, auraient dû faire partie du dossier.
[32]
Je suis donc disposé à accepter les deux documents antérieurs à la décision faisant l’objet du contrôle comme éléments de preuve de qui était ou non à la disposition du ministre pour rendre sa décision, dans le seul but d’évaluer le caractère raisonnable et équitable du fait que le ministre n’avait pas tenu compte de ces documents : Access Copyright (2012), aux para 20b) –c); Bernard, aux para 24 et 25. En ce qui concerne les documents postérieurs à la décision faisant l’objet du contrôle, ils n’auraient pas pu être présentés au ministre au moment de la décision et ne peuvent pas faire partie du dossier. Toutefois, j’accepterai la pièce B, la décision du ministre à l’égard de la demande de la Cavana Corporation, dans le seul but d’examiner les répercussions possibles de l’omission présumée du ministre d’examiner les dossiers de la Cavana Corporation. Bien que cela puisse sembler incompatible avec ma conclusion selon laquelle les déclarations contenues dans le premier affidavit de M. Schillaci sont inadmissibles, à mon avis, il y a une différence entre le fait que M. Schillaci soulève de nouveaux faits sur sa situation personnelle dans un affidavit, et son argument selon lequel les documents révélant ces faits qui étaient en la possession du ministre à ce moment‑là auraient dû être examinés par lui.
[33]
La pièce suivante du deuxième affidavit de M. Schillaci (pièce G) est une copie de sa demande initiale d’allègement, qui est déjà une pièce de l’affidavit de Mme Arsenault. La simple inclusion d’une autre copie du document serait sans importance. Cependant, l’affidavit de M. Schillaci fait une déclaration qui revient à un argument sur la nature des motifs qu’il a soulevés, semblable à la déclaration inadmissible dans son premier affidavit. Comme dans le cas de l’affidavit de Mme Arsenault, M. Schillaci ne peut pas maintenant prétendre compléter les motifs de sa demande au moyen d’une déclaration qui ne figure pas dans la demande. L’argument sur ce qui peut être compris ou déduit de ces motifs est contenu adéquatement dans un mémoire des arguments, et non dans des éléments de preuve supplémentaires : Bernard, aux para 20 et 21; Access Copyright (2012), au para 26.
[34]
Les trois dernières pièces jointes à l’affidavit de M. Schillaci consistent en une page de l’affidavit de Mme Arsenault (pièce H) et deux documents qui visent à répondre à une déclaration contenue dans cet affidavit sur la déclaration de revenus de 2017 de M. Schillaci (pièces I et J). Mme Arsenault a déclaré au paragraphe 15 de son affidavit qu’en examinant les dossiers de l’ARC sur les antécédents d’observation du demandeur, elle a [traduction] « relevé »
treize faits concernant son dossier. L’un d’entre eux (à l’alinéa 15a)(v)) était qu’il [traduction] « n’a pas produit sa déclaration de revenus de 2017 ».
Au moment où l’affidavit a été signé en décembre 2018, M. Schillaci avait en fait déposé sa déclaration de 2017. Il soutient que la déclaration faite à l’alinéa 15a)(v) était donc fausse au moment où l’affidavit a été signé et il cherche à déposer les pièces I et J pour réfuter la déclaration.
[35]
Selon mon interprétation de l’affidavit de Mme Arsenault, le paragraphe 15 énonce les faits qu’elle a constatés au moment de son rapport de septembre 2018, et ne signifie pas qu’il traite de la situation en décembre 2018. En septembre 2018, la déclaration de 2017 de M. Schillaci n’était pas déposée. Compte tenu du contexte temporel dans lequel la déclaration de l’alinéa 15a)(v) a été faite, les éléments de preuve selon lesquels M. Schillaci a par la suite déposé sa déclaration de 2017 ne contredisent pas la déclaration. Elle n’est pas non plus pertinente quant au caractère raisonnable du refus de sa demande d’allègement pour les contribuables, puisqu’elle a eu lieu après cette décision. Je conclus donc que les pièces I et J ne sont pas admissibles. Je remarque que la préoccupation de M. Schillaci quant à la véracité de l’alinéa 15a)(v) souligne l’un des risques du dépôt d’affidavits qui expliquent les motifs d’une décision. Comme je l’ai mentionné précédemment, les déclarations dans l’affidavit de M. Arsenault au sujet de ce qu’elle [traduction] « a constaté »
dans le cadre de son examen (y compris le paragraphe 15) ne sont pas admissibles. L’inclusion de ces déclarations a entraîné des problèmes sur des éléments de preuve supplémentaires inutiles.
[36]
J’accueille donc en partie la requête de M. Schillaci, acceptant les pièces A, B et F de son deuxième affidavit, signé le 14 mars 2019, et les déclarations dans cet affidavit concernant ces pièces, pour les seules fins décrites ci‑dessus.
B.
Le refus du ministre d’accorder un allègement pour les contribuables était raisonnable
[37]
M. Schillaci soutient que le ministre a refusé d’exercer sa compétence, a commis une erreur de droit, a tiré des conclusions de fait erronées et a agi contrairement à la loi, citant les alinéas 18.1(4)a), c), d) et f) de la Loi sur les Cours fédérales, LRC (1985), c F‑7. Les arguments de M. Schillaci sur ces motifs de contrôle se chevauchent. J’estime donc qu’il est plus efficace de traiter des trois principaux arguments qu’il soulève quant au caractère raisonnable de la décision du ministre, à savoir que le ministre : 1) a omis de tenir compte adéquatement du fait que la dette initiale avait été contractée quelque 29 ans avant la décision, au cours desquels l’ARC n’avait pas pris de mesures d’exécution; 2) a omis de tenir compte de l’absence de préavis suffisant de la dette, dans la mesure où il a induit M. Schillaci en erreur au sujet de son existence; 3) a omis de tenir compte des circonstances sous‑jacentes à la demande d’allègement pour les contribuables présentée par Cavana Corporation et de l’allègement pour les contribuables accordé à la société. Pour les motifs suivants, je ne peux accepter qu’aucun de ces arguments n’établisse que la décision du ministre était déraisonnable.
[38]
Je tiens à souligner que le refus du ministre de renoncer aux pénalités ou aux intérêts courus avant le 1er janvier 2007 était fondé sur le délai prescrit de dix ans prévu au paragraphe 220(3.1) de la Loi de l’impôt sur le revenu. Autrement dit, la loi n’accorde pas au ministre le pouvoir discrétionnaire de renoncer à ces montants. M. Schillaci n’a soulevé aucun argument pour faire valoir que l’interprétation ou l’application par le ministre du délai prescrit de dix ans était déraisonnable ou même erronée. Par conséquent, je concentrerai le reste des présents motifs sur la question des intérêts courus à partir de 2007, auxquels le ministre avait le pouvoir discrétionnaire de renoncer en vertu de la loi.
(1)
Moment de la dette et absence d’exécution
[39]
M. Schillaci soutient que les 29 années écoulées entre l’obligation sous‑jacente et la date actuelle constituent une circonstance particulière. Il affirme que le ministre aurait dû tenir compte de cette longue période, de l’importance de l’obligation à l’égard des intérêts par rapport à l’obligation sous‑jacente et du fait que l’ARC n’a pas pris de mesures pour recouvrer la dette entre‑temps. Ces arguments ne peuvent pas être retenus.
[40]
Comme le ministre le fait remarquer, l’imposition d’intérêts se fait par l’application des dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu relatives aux intérêts, et en particulier de l’article 161. Le taux d’intérêt est précisé dans le Règlement de l’impôt sur le revenu, CRC, c 945. Le fait que la composante des intérêts représente maintenant une partie importante de la dette de M. Schillaci découle de l’application de ces dispositions et de la période pendant laquelle les sommes sont demeurées impayées. Le rapport de Mme Arsenault démontre que le ministre avait connaissance des sommes en cause. Je ne peux pas conclure qu’il était déraisonnable de la part du ministre de ne pas se concentrer sur les montants des intérêts connexes comme motif justifiant le refus d’accorder un allègement.
[41]
Cela est d’autant plus vrai que M. Schillaci n’a pas soulevé cette question comme motif justifiant un allègement. Bien qu’il ait mentionné dans sa demande de deuxième examen le fait que les pénalités et les intérêts « équivalent (plus ou moins) aux impôts »,
cette déclaration a été faite dans le contexte de son affirmation selon laquelle s’il avait su que les impôts étaient dus, il les aurait payés et n’aurait donc pas accumulé les intérêts. Le montant des intérêts connexes et de la dette fiscale initiale n’a pas été lui‑même invoqué comme motif d’allègement. Les motifs du ministre doivent être évalués à la lumière des observations formulées par M. Schillaci, de sorte qu’on peut difficilement reprocher au ministre de ne pas tenir compte d’un motif qu’il n’a pas soulevé : Vavilov, aux para 127 et 128. Les propos du juge Evans, de la Cour d’appel fédérale, au paragraphe 31 de l’arrêt Telfer, qui portait également sur le refus d’accorder un allègement pour les contribuables en vertu du paragraphe 220(3.1), s’appliquent également en l’espèce :
Lorsqu’une question n’a pas été présentée de manière précise au décideur, comme c’est le cas en l’espèce, il est difficile de démontrer, pour les besoins d’une demande de contrôle judiciaire, que l’omission de traiter de la question dans les motifs de la décision a pour résultat de priver le processus décisionnel « de justification, de transparence et d’intelligibilité » et que cela a entraîné une décision déraisonnable.
[42]
À cet égard, il est pertinent de souligner que le formulaire fourni par l’ARC pour présenter une demande d’allègement pour les contribuables (RC4288 – Demande d’allègement pour les contribuables – Annuler des pénalités ou des intérêts ou y renoncer) comprend une remarque indiquant ce qui suit : « Il est important de fournir à [l’ARC] une description complète et exacte de vos circonstances afin d’expliquer pourquoi votre situation vous donne droit à un allègement »
et demande en outre au contribuable de« [d]écrire toutes les circonstances et tous les faits à l’appui de [sa] demande d’allègement des pénalités ou des intérêts ».
Il ne fait aucun doute qu’il incombe au contribuable qui demande un allègement de démontrer les motifs à l’appui de la demande.
[43]
M. Schillaci souligne également que l’ARC n’a pas pris de mesures d’exécution après 1996. Il fait remarquer que si l’ARC avait fait des démarches pour recouvrer la dette plus tôt, la dette aurait été réglée et il aurait payé beaucoup moins d’intérêts. Il va jusqu’à dire que l’ARC aurait dû prendre d’autres mesures de saisie‑arrêt pour éliminer la dette et diminuer les intérêts afférents. Ces arguments sont indéfendables.
[44]
Bien que le ministre ait l’obligation générale d’appliquer et d’exécuter la Loi de l’impôt sur le revenu, il n’a aucune obligation particulière envers un contribuable de prendre des mesures de recouvrement afin de réduire sa responsabilité à l’égard des intérêts : Loi de l’impôt sur le revenu, para 220(1). Au contraire, le processus de perception des impôts repose principalement sur l’autocotisation et l’autodéclaration des contribuables, les contribuables sont tenus d’estimer le montant de leur impôt payable, de divulguer cette estimation et de payer les montants dus : Loi de l’impôt sur le revenu, art 150(1), 151, 156.1(4); R c Jarvis, 2002 CSC 73, au para 49; Northview Apartments Ltd c Canada (Procureur général), 2009 CF 74, au para 11.
[45]
À l’inverse, les pouvoirs du ministre de prendre des mesures de recouvrement, comme la saisie‑arrêt, sont énoncés de façon permissive (« le ministre peut »
) plutôt qu’impérative (« le ministre doit »
) : Loi de l’impôt sur le revenu, art 224; Loi d’interprétation, LRC (1985), c I‑21, art 11. M. Schillaci a fait remarquer qu’aucune disposition législative ou jurisprudence n’appuie l’argument selon lequel le ministre doit prendre les mesures d’application qu’offre la loi, ou selon lequel un contribuable peut se fier au ministre qui ne l’a pas fait pour éviter une responsabilité fiscale ou justifier une renonciation. Il n’a pas non plus fait état d’éléments de preuve indiquant qu’il avait des fonds ou des dettes à saisir si le ministre avait pris d’autres mesures d’exécution entre 1996 et 2017. Quoi qu’il en soit, M. Schillaci n’a pas de nouveau invoqué l’absence d’exécution du ministre comme motif à l’appui de sa demande d’allègement pour les contribuables. Il s’est plutôt appuyé sur le fait qu’il n’était pas au courant de la dette et sur sa déclaration selon laquelle il aurait lui‑même payé cette dette s’il avait su qu’elle était impayée.
[46]
Je suis d’accord avec le ministre pour affirmer qu’il n’y a pas d’éléments de preuve ou de renseignements à l’appui de l’allégation de M. Schillaci selon laquelle l’absence d’exécution de la loi montre que l’ARC a « oublié »
la dette ou qu’elle ne connaissait pas les sommes dues. Au contraire, comme je l’explique plus amplement ci‑dessous, les dossiers de l’ARC indiquent que la dette a continué d’exister et a été mentionnée par l’ARC dans les documents et les discussions.
[47]
M. Schillaci souligne également son dossier de contribuable au cours des années qui se sont écoulées depuis, et il soutient que le ministre n’en a pas suffisamment tenu compte. Il fait valoir qu’il a produit 12 années de déclaration de revenus à temps et que même si son dossier n’était pas parfait, il n’était pas [traduction] « accablant »
. Dans son rapport, Mme Arsenault a mentionné les antécédents d’observation de M. Schillaci, faisant remarquer qu’il avait produit 19 déclarations en retard depuis 1987 (dont six ont donné lieu à des crédits ou à des soldes nuls), qu’il avait payé 24 années d’imposition en retard et qu’il avait accumulé des intérêts sur les acomptes provisionnels sur 11 années d’imposition et une pénalité sur les acomptes provisionnels. D’autres précisions sur les pénalités, les intérêts et le revenu omis sont également fournies dans le rapport. Bien que ces antécédents d’observation n’aient pas été un facteur important dans l’analyse globale du ministre, je ne peux pas être d’accord avec M. Schillaci pour affirmer que son profil au cours des années qui se sont écoulées entre‑temps était tellement favorable qu’il était déraisonnable de la part du ministre de ne pas lui accorder de poids positif dans son examen. Cela est particulièrement vrai lorsqu’il ne s’agit pas d’un facteur sur lequel M. Schillaci s’est fondé pour présenter sa demande.
[48]
Par conséquent, je conclus que les arguments de M. Schillaci à propos de l’écoulement du temps entre les années d’imposition en cause et la demande d’allègement pour les contribuables, et les mesures d’exécution de l’ARC dans l’intervalle, ne démontrent pas que la décision du ministre est déraisonnable.
(2)
Préavis de la dette
[49]
M. Schillaci soutient que le ministre n’a pas tenu compte de façon adéquate du fait que l’ARC ne lui a pas donné un préavis suffisant de ses dettes impayées. Il affirme que le ministre n’a pas tenu compte de la question de savoir si le silence de l’ARC sur la dette impayée équivalait à l’induire explicitement ou implicitement en erreur au sujet de l’existence d’une ancienne dette sur laquelle des intérêts couraient. À l’appui de cet argument, il se fonde principalement sur le fait que les relevés et les cotisations envoyés par l’ARC n’indiquaient pas les montants qu’il devait ni les intérêts courus.
[50]
Le ministre a tenu compte de cette affirmation dans la décision, en faisant remarquer les nombreuses occasions où M. Schillaci a été informé de la dette, directement ou indirectement par l’entremise de son représentant. En particulier, le ministre mentionne des communications de 2000 et 2012 avec le représentant de M. Schillaci, ainsi qu’aux notes contenues dans les lettres de recouvrement envoyées entre 2000 et 2014, et dans les avis de cotisation pour les années 1996 à 2013, comme il est indiqué au paragraphe
[11]
ci‑dessus. À mon avis, compte tenu du dossier dont le ministre disposait, il s’agissait d’une réponse tout à fait raisonnable à l’argument de M. Schillaci.
[51]
M. Schillaci s’appuie sur la déclaration dans son premier affidavit selon laquelle [traduction] « ses cotisations annuelles indiquaient que [ses] dettes fiscales était nulles ».
Toutefois, même en l’absence de contre‑interrogatoire, cette déclaration ne concorde pas avec le relevé de compte que M. Schillaci a joint à son affidavit, qui comprend la remarque suivante : [traduction] « Le montant dû indiqué sur ce relevé n’inclut pas un solde impayé »
[non souligné dans l’original]. Un tel relevé n’indique pas que la dette fiscale de M. Schillaci est nulle. M. Schillaci concède que cette remarque équivaut à un certain préavis de la dette impayée, mais il soutient qu’il s’agissait d’un préavis insuffisant et que le ministre a donné indûment un [traduction] « laissez‑passer »
à l’ARC en se fondant sur ce seul relevé. Contrairement aux observations de M. Schillaci, toutefois, le ministre n’a pas donné de « laissez‑passer »
à l’ARC et n’a pas évalué la demande d’allègement pour les contribuables de M. Schillaci en fonction de la seule remarque sur les soldes impayés antérieurement. Le ministre a plutôt examiné l’ensemble des circonstances pour déterminer si le motif invoqué par M. Schillaci pour demander un allègement, c’est‑à‑dire qu’il n’était pas au courant de la dette en souffrance, justifiait l’exercice du pouvoir discrétionnaire.
[52]
M. Schillaci conteste le fait que le ministre s’appuie sur des relevés consignés au dossier de l’ARC. Il souligne en particulier que le représentant de M. Schillaci a été informé du solde de la dette pour les années d’imposition 1989 et 1991 en 2000, et que ces soldes ont fait l’objet de discussions en 2012 avec son représentant qui a demandé un relevé des soldes de la dette afin de l’examiner avec lui. M. Schillaci soutient que ces relevés constituent de multiples ouï‑dire, sur lesquels le ministre ne devrait pas pouvoir s’appuyer. Je ne suis pas de ce avis. À mon avis, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire en vertu du paragraphe 220(3.1), le ministre peut s’appuyer sur les faits relatifs aux antécédents du contribuable en matière d’observation et d’application de la loi tels qu’ils sont énoncés dans les dossiers de l’ARC, en particulier lorsque ces faits ne sont pas contestés. Le ministre exerce une fonction discrétionnaire dans l’application de la Loi de l’impôt sur le revenu et il ne se limite pas à l’examen d’éléments de preuve qui répondraient aux exigences d’admissibilité devant la Cour. M. Schillaci n’a déposé aucun élément de preuve pour mettre en doute la véracité ou la fiabilité des déclarations au dossier de l’ARC à propos des communications avec son représentant.
[53]
M. Schillaci affirme également que l’on peut déduire des déclarations dans les dossiers de l’ARC que son représentant n’a pas reçu de relevé de compte lorsqu’il en a fait la demande en 2012. Il soutient que puisque le rapport de Mme Arsenault et la lettre de décision du ministre indiquent que le représentant a demandé un relevé, sans mentionner qu’il a été envoyé, cela suppose qu’il n’a pas été envoyé. Je ne suis pas de cet avis. À mon avis, en l’absence d’autres communications de la part du représentant, la conclusion appropriée serait que le relevé de compte a été reçu. Encore une fois, si M. Schillaci cherchait à contredire cet élément ou à établir que son représentant n’a pas reçu le relevé demandé, il aurait pu le faire, mais il ne l’a pas fait. Quoi qu’il en soit, le problème qui se posait était que M. Schillaci était au courant de la dette active, ce qui a été confirmé lors de la conversation avec son représentant. Il était raisonnable que le ministre s’appuie sur ces faits pour déterminer si l’ignorance de la dette alléguée par M. Schillaci justifiait l’allègement pour les contribuables.
[54]
Pour ce qui est de l’argument de M. Schillaci selon lequel le ministre n’a pas évalué si l’ARC est allée au‑delà du silence pour induire M. Schillaci en erreur, cela suppose encore une fois que M. Schillaci cherche à reprocher au ministre de ne pas avoir répondu à un argument qu’il n’a jamais soulevé : Telfer, au para 31. Quoi qu’il en soit, étant donné les nombreuses occasions où la dette a été mentionnée dans des communications avec M. Schillaci ou son représentant, je n’estime pas qu’il soit fondé de faire valoir que l’ARC l’a induit en erreur à propos de l’existence d’une dette.
[55]
Je tire la même conclusion de l’argument de M. Schillaci selon lequel la conduite de l’ARC a mené à une forme de préclusion empêchant l’exécution de la dette. Mis à part l’absence de faits apparents pour fonder un argument de préclusion découlant soit de la cessation des démarches actives de recouvrement de l’ARC, soit du contenu des avis et des relevés qu’elle a envoyés, la capacité de l’ARC de recouvrer la dette n’est pas en cause dans la présente demande. Ce qui est en cause, c’est l’exercice par le ministre de son pouvoir discrétionnaire de renoncer aux intérêts. Je ne vois rien dans les communications de l’ARC avec M. Schillaci ou son représentant qui démontre que le refus du ministre de renoncer aux intérêts était déraisonnable.
(3)
Cavana Corporation
[56]
En juin 2018, peu après avoir déposé sa demande d’examen au deuxième palier de sa demande d’allègement pour les contribuables, M. Schillaci a déposé une demande d’allègement pour les contribuables à l’égard de son entreprise, Cavana Corporation. Cette demande visait à obtenir un allègement des pénalités et des intérêts pour l’année d’imposition 2011. Les motifs de la demande étaient fondés exclusivement sur un événement tragique découlant de la santé mentale d’un membre de la famille de M. Schillaci, qui a fait en sorte qu’il a perdu [traduction] « tout intérêt dans l’entreprise, et a passé outre aux responsabilités liées à l’entreprise, y compris la production de déclarations de revenus à temps, etc. ».
La demande de la Cavana Corporation a été examinée par les fonctionnaires du Centre d’expertise pour l’allègement pour les contribuables, de la Direction générale des appels, à Shawinigan, au Québec. Le ministre a approuvé en partie la demande, annulant la pénalité et une partie des intérêts, tout en concluant que les intérêts imposés après le dépôt de la déclaration de 2011 en 2014 seraient maintenus.
[57]
Comme je l’ai mentionné précédemment, M. Schillaci n’a pas soulevé ces circonstances dans sa demande d’allègement de sa dette fiscale personnelle, que ce soit dans sa première demande ou dans sa demande d’examen au deuxième palier. Compte tenu des circonstances déterminées et de l’issue de la demande de la Cavana Corporation, j’accepte que, si les circonstances avaient été présentées au ministre, celui‑ci aurait peut‑être tiré une conclusion différente de la demande personnelle de M. Schillaci. Toutefois, contrairement à l’argument de M. Schillaci, la décision du ministre sur sa demande personnelle n’a pas été prise [traduction] « [e]n fonction des mêmes faits »
que la décision concernant la Cavana Corporation. Au contraire, on a invoqué des motifs et des faits à l’appui très différents. Comme je l’ai conclu auparavant, M. Schillaci ne peut, dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire, déposer de nouveaux éléments de preuve et soulever de nouveaux motifs qui n’ont pas été présentés au ministre pour faire valoir que l’exercice du pouvoir discrétionnaire du ministre était déraisonnable : Access Copyright (2012), aux para 15, 18 et 19; Alberta Teachers’ Association, aux para 22 et 23.
[58]
M. Schillaci fait valoir qu’au moment de la décision au deuxième palier, les faits énoncés dans la demande de Cavana Corporation figuraient dans les dossiers du ministre à l’égard d’un contribuable ayant des liens avec celle‑ci, et qu’il incombait au ministre d’examiner ces faits et de les prendre en compte dans sa décision. Il fait valoir en outre que l’affidavit de Mme Arsenault confirme qu’elle a examiné les dossiers de l’ARC et qu’elle aurait eu accès aux dossiers de la Cavana Corporation. Il souligne en particulier qu’en plus d’être une société en propriété exclusive, la lettre de décision de Cavana Corporation a été adressée à M. Schillaci.
[59]
Je ne peux pas souscrire à ces arguments. Je partage l’avis du ministre qu’il n’est pas tenu d’examiner tous les dossiers de l’ARC, même à l’égard d’un contribuable lié, à la recherche de motifs supplémentaires qui pourraient justifier un allègement des pénalités ou des intérêts. Un contribuable qui présente une demande d’allègement doit exposer les motifs de cette demande et ne peut pas compter sur le ministre pour soulever de nouveaux motifs, même s’ils se trouvent quelque part dans les dossiers de l’ARC.
[60]
Bien que cela soit suffisant pour écarter les arguments de M. Schillaci sur ce point, je remarque que Mme Arsenault n’a pas prétendu avoir examiné tous les dossiers de l’ARC, ni même tous les dossiers du Centre d’expertise pour l’allègement pour les contribuables à l’Î.‑P.‑É., sans parler de ceux qui se trouvent à d’autres endroits. Elle a plutôt indiqué que son affidavit découlait de son examen du [traduction] « dossier de l’ARC pour le demandeur »
et que, dans la rédaction de son rapport, elle a examiné les documents [TRADUCTION] « se rapportant au demandeur ».
[61]
Bien que les circonstances décrites par M. Schillaci soient certainement malheureuses, je ne peux pas conclure que le refus du ministre était déraisonnable parce que le ministre n’a pas pris en compte ces circonstances.
C.
La décision du ministre était raisonnable.
[62]
M. Schillaci présente un certain nombre d’arguments au chapitre de la justice naturelle ou de l’équité procédurale. Toutefois, la plupart d’entre eux n’ont pas trait à la procédure qui a mené à la décision et ne constituent donc pas vraiment des arguments en matière d’équité procédurale. Ils portent plutôt sur le bien‑fondé de la décision. Certains de ces arguments sont examinés ci‑dessus.
[63]
M. Schillaci fait valoir que le fait qu’on lui impose 29 ans de pénalités et d’intérêts pour ne pas avoir payé l’ancienne dette [traduction] « sans qu’on lui demande de le faire »
, constitue un manquement à l’équité procédurale, d’autant plus que l’ARC aurait apparemment oublié la dette. Qu’il s’agisse d’un argument fondé sur l’équité ou sur le bien‑fondé de la décision, il ne peut être retenu. Comme il est indiqué ci‑dessus, l’imposition de pénalités et d’intérêts, ainsi que l’obligation de payer ces pénalités et intérêts, se font par application de la Loi de l’impôt sur le revenu sans égard au pouvoir discrétionnaire du ministre d’y renoncer. Quoi qu’il en soit, l’ARC a « demandé »
à M. Schillaci de payer la dette active, les pénalités et les intérêts, dans la mesure où il faisait l’objet de mesures de saisie‑arrêt au cours de la période de 1996. Le fait que l’ARC n’ait pas continué les procédures d’exécution ou envoyé d’autres relevés ou avis au‑delà de ceux décrits ci‑dessus ne crée pas une injustice. Comme je l’ai conclu auparavant, l’absence de mesures d’exécution ne suppose pas non plus que l’ARC a « oublié »
la dette.
[64]
M. Schillaci soutient également qu’il y a eu manquement à la justice naturelle et à l’équité procédurale de la part du ministre lorsqu’il a pris sa décision comme [traduction] « la contrepartie d’un cadeau ou d’une courtoisie discrétionnaire »
et qu’il n’a pas tenu compte adéquatement de l’incidence de la conduite, des actions, des omissions ou des malentendus de l’ARC sur sa capacité de demander les intérêts pour toute la période. Encore une fois, il ne s’agit pas vraiment d’un argument en matière d’équité procédurale, car il s’agit du bien‑fondé de la décision du ministre et d’un présumé manque de considération de la part du ministre des facteurs pertinents. Pour les raisons mentionnées ci‑dessus, les arguments qui portent sur la communication de l’ARC et le défaut d’application de la loi ne peuvent être acceptés.
[65]
Le ministre a rendu sa décision après avoir donné à M. Schillaci l’occasion de présenter les motifs et les arguments sur lesquels il a fondé sa demande d’allègement pour les contribuables. Le ministre a examiné ces motifs et a conclu que l’allègement n’était pas justifié. Il n’y a pas eu de manquement à l’équité procédurale ni aux exigences de justice naturelle.
V.
Conclusion
[66]
M. Schillaci n’a pas démontré que la décision du ministre était injuste ou qu’elle « souffr[ait] de lacunes graves à un point tel qu’on ne peut pas dire qu’elle satisfait aux exigences de justification, d’intelligibilité et de transparence »
: Vavilov, au para 100. La demande de contrôle judiciaire est donc rejetée.
[67]
Les parties ont demandé la possibilité de présenter des observations au sujet des dépens. Vu les circonstances, en particulier de l’engagement tardif de l’avocat, je suis disposé à leur accorder cette possibilité, même si je m’attends à ce que les parties à une demande de contrôle judiciaire soient prêtes à discuter des dépens à l’audience : Avis aux parties et à la communauté juridique : Dépens devant la Cour fédérale, 30 avril 2010. J’invite les parties à s’entendre sur la question des dépens. Si elles n’y parviennent pas, elles peuvent déposer des observations écrites de la façon suivante :
Le ministre doit déposer des observations écrites sur les dépens, dans une lettre qui ne dépasse pas trois pages, à interligne simple, dans un délai de trois semaines. Le ministre peut joindre en annexe un mémoire des frais.
M. Schillaci peut déposer des observations écrites sur les dépens, dans une lettre qui ne dépasse pas trois pages, à interligne simple, dans les trois semaines suivant la réception des observations du ministre ou, s’il n’y en a pas, à l’expiration du délai pour le faire. M. Schillaci peut joindre en annexe un mémoire des frais ou des observations, qui ne dépassent pas une page, concernant des points particuliers du mémoire des frais du ministre (si celui‑ci en a déposé un).
Le ministre peut déposer des observations en réponse, dans une lettre qui ne dépasse pas une page, à interligne simple, dans les sept jours suivant la réception des observations en réponse de M. Schillaci. Le ministère peut joindre en annexe une observation, qui ne dépasse pas une page, concernant des points du mémoire des frais de M. Schillaci (s’il en a déposé un).
Les parties peuvent consentir à prolonger les dates susmentionnées, à condition que tous les documents soient déposés au plus tard le 15 mars 2021, ou elles peuvent s’adresser à la Cour.
[68]
Enfin, comme l’a demandé le ministre et avec le consentement de M. Schillaci, l’intitulé de la cause sera modifié pour désigner le Procureur général du Canada à titre de défendeur légitime.
JUGEMENT rendu dans le dossier T‑1863‑18
LA COUR STATUE que :
L’intitulé est modifié pour désigner le Procureur général du Canada à titre de défendeur.
La demande de contrôle judiciaire est rejetée.
Si les parties ne parviennent pas à s’entendre sur les dépens, elles peuvent déposer des observations écrites sur les dépens selon la démarche indiquée.
« Nicholas McHaffie »
Juge
Traduction certifiée conforme
Claude Leclerc, traducteur
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
|
T‑1863‑18
|
INTITULÉ DE LA CAUSE :
|
JOSEPH F. SCHILLACI c LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
|
AUDIENCE TENUE PAR TÉLÉCONFÉRENCE LE 29 OCTOBRE 2020, À OTTAWA (ONTARIO) (LA COUR) ET À TORONTO (ONTARIO) (LES PARTIES)
JUGEMENT ET MOTIFS :
|
Le juge MCHAFFIE
|
DATE DES MOTIFS :
|
LE 8 JANVIER 2021
|
COMPARUTIONS :
Roberto Cucci
|
POUR LE DEMANDEUR
|
Kevin Hong
|
POUR LE DÉFENDEUR
|
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Roberto Cucci
Avocat
Toronto (Ontario)
|
POUR LE DEMANDEUR
|
Procureur général du Canada
Toronto (Ontario)
|
POUR LE DÉFENDEUR
|