Date : 20041018
Dossier : IMM-9955-03
Référence : 2004 CF 1433
Ottawa (Ontario), le 18 octobre 2004
EN PRÉSENCE DE L'HONORABLE JUGE BEAUDRY
ENTRE :
MUKUTA PICHOUX NYEMBA
demanderesse
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
défenderesse
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] La présente demande de contrôle judiciaire, en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, c. 27 (Loi), concerne la décision de la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (tribunal), rendue le 18 novembre 2003. Dans cette décision, le tribunal a conclu que le demandeur ne satisfaisait pas à la définition de « réfugié au sens de la Convention » à l'article 96 ni à celle de personne à protéger à l'article 97.
QUESTION EN LITIGE
[2] Est-ce que le tribunal a commis une erreur manifestement déraisonnable en concluant au manque de crédibilité de la demanderesse?
[3] Pour les motifs suivants, je réponds par la négative à cette question et je rejetterai donc la présente demande de contrôle judiciaire.
MISE EN CONTEXTE
[4] La demanderesse, âgée de 29 ans, allègue être citoyenne de la République Démocratique du Congo (RDC). Elle affirme avoir une crainte fondée de persécution du fait de ses opinions politiques imputées. Elle déclare craindre pour sa vie et risquer des traitements ou peines cruels et inusités si elle devait retourner dans son pays.
[5] La demanderesse indique avoir été arrêtée le 24 mars 2003, elle et son amie Biticha Sasa, alors qu'elles faisaient des achats au Beach Ngobila de Kinshasa. Puisque son amie collaborait avec les gens de la « Rébellion » installés à Brazzaville, les autorités congolaises ont assumé que la demanderesse était également en contact avec la « Rébellion » .
[6] La demanderesse allègue avoir été détenue pendant 35 jours et avoir été violée dans la nuit du 13 au 14 avril 2003. Elle déclare que ce viol aurait nécessité son hospitalisation. Elle indique avoir réussi à s'évader le 30 avril 2003 lors d'une visite de contrôle à l'hôpital grâce à la participation de sa famille qui aurait soudoyé les gardiens.
[7] La demanderesse déclare avoir quitté son pays le jour de son évasion pour arriver au Canada le 3 mai 2003 et faire une demande d'asile le 9 mai 2003.
DÉCISION CONTESTÉE
[8] Le tribunal a conclu que la demanderesse n'avait pas réussi à établir son identité. La demanderesse a présenté deux pièces d'identité : un acte de naissance non authentifié par le timbre sec tel que requis par la RDC et un permis de conduire qui n'est pas valide dans son pays. Puisque le tribunal n'avait aucune preuve tangible établissant l'identité de la demanderesse, il est arrivé à une conclusion négative concernant sa crédibilité, et a rejeté sa demande d'asile.
ANALYSE
[9] La norme de contrôle appropriée relativement aux questions portant sur l'évaluation de la preuve d'identité est la norme de la décision manifestement déraisonnable (Gasparyan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration ), [2003] A.C.F. no 1103 (1ère inst.) (QL) au paragraphe 6 et Umba c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2004] A.C.F. no 17 (1ère inst.) (QL) au paragraphe 55) :
The appropriate standard for reviewing the Refugee Division's assessment of identity documents is patent unreasonableness : Adar v. Canada (Minister of Citizenship and Immigration) (1997), 132 F.T.R. 35 at para.15; and Mbabazi v. Canada (Minister of Citizenship and Immigration), [2002] F.C.J. No. 1623, 2002 FCT 1191 at para. 7. The panel had first-hand access to the identity documents and the testimony of the applicants, and also possesses a high level of expertise in this area.
Par conséquent, en autant que les conclusions du tribunal ne sont pas déraisonnables, elles sont à l'abri du contrôle judiciaire. En d'autres mots, la Cour doit faire preuve d'une grande retenue.
[10] En l'espèce, l'acte de naissance déposé par la demanderesse ne possède pas le timbre sec. Toutefois, la preuve documentaire démontre clairement que tous les documents émis par les autorités congolaises sont munis d'un timbre. Les timbres sont une preuve de paiements des frais administratifs exigibles pour obtenir un document (pièce 2.2 du cartable régional de Montréal sur la RDC, « RDC40199F » daté du 2 octobre 2002). La preuve établit que cette pratique est en vigueur depuis le 30 juin 1998 (pièce 2.4 du cartable régional de Montréal sur la RDC, « RDC38431F » ). Étant donné que l'acte de naissance de la demanderesse a été émis en août 2002, soit plus de deux ans après la mise sur pied de ce système, il est raisonnable de croire que ce document aurait dû porter le timbre sec. Le tribunal avait donc raison de se poser des questions sur l'authenticité du document.
[11] Quant au permis de conduire international déposé par la demanderesse afin de prouver son identité, le tribunal n'y a pas accordé de valeur probante. Les raisons pour arriver à cette conclusion ne sont pas manifestement déraisonnables. Ce permis de conduire n'était pas valide dans le pays d'origine de la demanderesse et ceci était inscrit sur le permis même.
[12] Les deux seuls documents pour établir l'identité de la réclamante n'ont pas été jugés suffisants. Par ailleurs, le tribunal a cherché à savoir si la demanderesse avait en sa possession d'autres preuves documentaires qui auraient pu corroborer son histoire ou du moins établir son trajet de la RDC au Canada. Malheureusement, elle n'en a pas déposé d'autres.
[13] L'article 106 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés prévoit :
106.Crédibilité - La Section de la protection des réfugiés prend en compte, s'agissant de crédibilité, le fait que, n'étant pas muni de papiers d'identité acceptables, le demandeur ne peut raisonnablement en justifier la raison et n'a pas pris les mesures voulues pour s'en procurer.
106.Credibility - The Refugee Protection Division must take into account, with respect to the credibility of a claimant, whether the claimant possesses acceptable documentation establishing identity, and if not, whether they have provided a reasonable explanation for the lack of documentation or have taken reasonable steps to obtain the documentation.
[14] Les inférences négatives retenues par le tribunal concernant la crédibilité de la demanderesse au sujet de ses documents ne méritent pas l'intervention de cette Cour.
[15] La procureur de la demanderesse a soutenu devant la Cour que l'agente de protection des réfugiés lors de l'audience devant le tribunal avait à deux reprises déclaré au président qu'elle ne mettait pas en doute que la demanderesse était originaire du Congo. Cependant, après avoir lu les notes sténographiques, j'ai constaté que la demanderesse avait été confrontée au sujet du timbre sec qui devait apparaître sur l'extrait de son acte de naissance. J'ai noté aussi que l'avocat qui représentait la demanderesse lors de cette audition a eu l'occasion de plaider sur cette question. Il n'y a donc pas à mon sens une brèche à l'équité procédurale. Le décideur pouvait quant à moi, lors de son délibéré, examiner la documentation pertinente, l'extrait de l'acte de naissance, et en tirer les conclusions qu'il jugeait approprié.
[16] Les parties ont décliné de soumettre des questions sérieuses de portée générale. Aucune question ne sera certifiée.
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE que la demande contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question n'est certifiée.
« Michel Beaudry »
Juge
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-9955-03
INTITULÉ : MUKUTA PICHOUX NYEMBA
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
LIEU DE L'AUDIENCE : Montréal (Québec)
DATE DE L'AUDIENCE : le 6 octobre 2004
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
ET ORDONNANCE: L'HONORABLE JUGE BEAUDRY
DATE DES MOTIFS : le 18 octobre 2004
COMPARUTIONS :
Éveline Fiset POUR LE DEMANDEUR
Simone Truong POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Éveline Fiset POUR LE DEMANDEUR
Montréal (Québec)
Morris Rosenberg POUR LE DÉFENDEUR
Sous-procureur général du Canada
Montréal (Québec)