Dossier : IMM-5111-02
Ottawa (Ontario), le 12 novembre 2003
En présence de l'honorable Simon Noël, juge
ENTRE :
BERNADINE MARIA MOSS
demanderesse
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire visant la décision du 1er octobre 2002 par laquelle Sandra Kim Brady, agente des visas au Consulat général du Canada à Detroit, a rejeté une demande de résidence permanente au Canada - Indépendants.
[2] La demanderesse, Mme Bernadine Maria Moss, est une citoyenne de l'Inde qui vit aux États-Unis. Elle a présenté une demande de résidence permanente où elle a mentionné la profession envisagée de cuisinière (Classification nationale des professions (CNP), n ° 6242). On lui a fait passer une entrevue le 30 septembre 2002. Le même jour, l'agente des visas a entré les notes prises à l'entrevue dans le Système de traitement informatisé des dossiers d'immigration (STIDI). Par lettre datée du 1er octobre 2002, l'agente a informé Mme Moss du rejet de sa demande.
[3] L'agente des visas a évalué la demanderesse en regard de chacun des facteurs énumérés à la colonne I de l'annexe I du Règlement sur l'immigration. La demanderesse a obtenu 48 points au total, alors que le nombre requis pour être admissible à un visa est de 70 points. L'agente des visas a, par conséquent, rejeté la demande.
[4] La demanderesse a obtenu le nombre de points d'évaluation suivant pour les divers critères d'évaluation :
Âge (39) 10
Demande professionnelle 00
Études et formation /
Expérience 00
Emploi réservé ou profession désignée 00
Facteur démographique 08
Études 15
Connaissance de l'anglais 09
Connaissance du français 00
Personnalité 06
Total 48
[5] Dans sa demande d'autorisation et demande de contrôle judiciaire, la demanderesse a essentiellement avancé les trois arguments suivants :
1. l'agente des visas a enfreint un principe de justice naturelle en manquant à son endroit à l'équité en matière de procédure;
2. l'agente des visas a agi de manière « [traduction] arrogante et sans compassion » et n'a pas tenu compte des éléments dont elle disposait, comme le démontre l'absence de points attribués à la demanderesse pour son expérience professionnelle, alors qu'elle a travaillé pendant 14 ans à titre de cuisinière/chef/gérante de restaurant;
3. l'agente des visas n'a pas fourni de motifs qui résisteraient à un « [traduction] examen quelque peu poussé lorsqu'elle a affirmé que les réponses verbales de la demanderesse en matière de cuisine étaient élémentaires ou de commune renommée » .
[6] Comme le défendeur, j'estime que la norme de contrôle judiciaire applicable aux décisions discrétionnaires des agents des visas relativement aux demandes en matière d'immigration demeure celle énoncée par la Cour suprême dans Maple Lodge Farms Ltd. c. Canada, [1982] 2 R.C.S. 2, aux pages 7 et 8 :
Lorsque le pouvoir discrétionnaire accordé par la loi a été exercé de bonne foi et, si nécessaire, conformément aux principes de justice naturelle, si on ne s'est pas fondé sur des considérations inappropriées ou étrangères à l'objet de la loi, les cours ne devraient pas modifier la décision.
[7] J'examinerai d'abord les deuxième et troisième arguments de la demanderesse. La question de savoir si l'agente des visas n'a pas tenu compte d'éléments dont elle disposait en n'attribuant aucun point à la demanderesse pour son expérience professionnelle, alors qu'elle a travaillé pendant 14 ans comme cuisinière, est une question de fait qui relève des pouvoirs discrétionnaires de l'agente. À moins que la conclusion ne soit manifestement erronée ou déraisonnable, par conséquent, la Cour n'interviendra pas à cet égard.
[8] Les notes du STIDI, la décision et l'affidavit de l'agente des visas font voir que la conclusion de celle-ci, portant que la demanderesse ne satisfait pas aux exigences professionnelles attendues d'une cuisinière selon la CNP n ° 6242, se fondait sur les réponses données lors de l'entrevue du 30 septembre 2002. Les réponses données par la demanderesse lorsqu'on lui a posé des questions liées à la profession envisagée de cuisinière sont manifestement à la portée de tout le monde. Cela étaye la conclusion de l'agente des visas selon laquelle, alors que les documents présentés par la demanderesse laissent voir qu'elle a de l'expérience en préparation des aliments, ses réponses étaient élémentaires et ne correspondaient pas aux connaissances normalement attendues d'une personne ayant travaillé 14 ans comme cuisinière.
[9] L'analyse de l'agente des visas n'a pas porté que sur un domaine particulier de la préparation des aliments mais plutôt sur des aspects divers, comme le stockage et la préparation des aliments, la bonne manipulation des aliments et la prévention de la contamination. D'après les notes du STIDI prises le jour de l'entrevue, la demanderesse n'a « [traduction] donné spontanément aucune réponse détaillée » et ses « [traduction] réponses sont élémentaires et peu instructives » . L'ordre général des questions consignées et l'enchaînement des soucis exprimés concordent avec l'explication donnée, selon laquelle on a tenté à plusieurs reprises de faire divulguer par la demanderesse suffisamment d'information pour pouvoir évaluer son expérience de travail. Il ressort également des notes du STIDI de l'agente qu'on a adéquatement examiné les documents de la demanderesse relatifs à sa formation et à son expérience de travail. Tant la demanderesse que le défendeur conviennent qu'au cours de l'entrevue, l'agente des visas s'est expressément dit inquiète du fait que les réponses fournies ne dénotaient pas un niveau de connaissances compatible avec la formation et l'expérience de la demanderesse. Les parties conviennent aussi du fait qu'on a fourni à la demanderesse plusieurs occasions de donner davantage d'information.
[10] Selon la preuve au dossier, l'agente des visas a pris en compte l'ensemble des renseignements fournis par la demanderesse, y compris la preuve documentaire concernant sa formation et ses antécédents professionnels. En outre, on a clairement expliqué dans les notes le raisonnement sous-tendant la conclusion selon laquelle la demanderesse ne satisfaisait pas aux critères de sélection. Je suis d'avis, par conséquent, qu'il était raisonnable de n'attribuer en l'espèce aucun point à la demanderesse pour le facteur expérience.
[11] Pour ce qui est de la question de l'équité procédurale, je me réfère à la décision de la Cour suprême Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) [1999], 2 R.C.S. 817, à la page 819 :
L'obligation d'équité procédurale est souple et variable et repose sur une appréciation du contexte de la loi et des droits visés. Les droits de participation qui en font partie visent à garantir que les décisions administratives sont prises au moyen d'une procédure équitable et ouverte, adaptée au type de décision et à son contexte légal, institutionnel et social, comprenant la possibilité donnée aux personnes visées de présenter leur point de vue et des éléments de preuve qui seront dûment pris en considération par le décideur. Plusieurs facteurs sont pertinents pour déterminer le contenu de l'obligation d'équité procédurale : (1) la nature de la décision recherchée et le processus suivi pour y parvenir; (2) la nature du régime législatif et les termes de la loi régissant l'organisme; (3) l'importance de la décision pour les personnes visées; (4) les attentes légitimes de la personne qui conteste la décision; (5) les choix de procédure que l'organisme fait lui-même. Cette liste de facteurs n'est pas exhaustive.
[12] L'obligation d'équité dans des circonstances comme celles en l'espèce est plus que minimale. La demanderesse doit « avoir une possibilité valable de présenter les divers types de preuves qui se rapportent à leur affaire et de les voir évalués de façon complète et équitable » . Il ressort des faits d'espèce non contestés que cette exigence a été respectée. La demanderesse a obtenu une juste possibilité de présenter sa cause et de répondre aux inquiétudes exprimées. La demande a été valablement examinée et les sujets d'inquiétude de l'agente des visas ont été clairement énoncés, tant pendant l'entrevue que dans les notes du STIDI précisant les motifs de sa décision.
[13] Pour ces motifs, j'estime qu'étaient raisonnables la conclusion de l'agente des visas portant que la demanderesse n'avait pas satisfait aux exigences prévues dans le Règlement sur l'immigration de 1978 ainsi que sa décision de rejeter la demande.
[14] Les avocats n'ont proposé la certification d'aucune question.
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE :
La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée et aucune question n'est certifiée.
« Simon Noël »
Juge
Traduction certifiée conforme
Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-5111-02
INTITULÉ : BERNADETTE MARIA MOSS c. MCI
DATE DE L'AUDIENCE : LE 4 NOVEMBRE 2003
LIEU DE L'AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LE JUGE SIMON NOËL
DATE DES MOTIFS : LE 12 NOVEMBRE 2003
COMPARUTIONS :
Max Chaudhary POUR LA DEMANDERESSE
Jamie Todd POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Chaudhary Law Office POUR LA DEMANDERESSE
18, promenade Wynford, bureau 707
North York (Ontario) M3C 3S2
Morris Rosenberg POUR LE DÉFENDEUR
Sous-procureur général du Canada
Ministère de la Justice
Bureau régional de l'Ontario
Tour de la Bourse
130, rue King Ouest
Bureau 3400, C.P. 36
Toronto (Ontario) M5X 1K6