Date : 20050603
Dossier : IMM-4953-04
Référence : 2005 CF 803
ENTRE :
ABDULHAKIM HAMALIPOOR
demandeur
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
LE JUGE PHELAN
[1] Le demandeur a demandé, en vertu de l'alinéa 18.1(3)a) de la Loi sur la Cour fédérale, une ordonnance enjoignant au ministre de compléter le traitement de la demande de résidence permanente au Canada déposée en octobre 2002 par M. Hamalipoor.
[2] À l'audition du contrôle judiciaire, le défendeur a demandé un ajournement afin de pouvoir examiner des documents qui, soutient-il, avaient été [traduction] « redécouverts » . Un tel ajournement aurait entraîné des délais additionnels, dont nous avons plus d'exemples qu'il nous en faut. Selon la preuve déposée, la Cour n'était pas convaincue que ces documents nouvellement découverts constituaient une preuve suffisamment forte pour justifier un ajournement. Ces éléments ont été jugés trop conjecturaux pour justifier tout délai supplémentaire. La requête a donc été rejetée.
LES FAITS PRINCIPAUX
[3] M. Hamalipoor est un ressortissant iranien qui a obtenu le statut de réfugié en septembre 2000. En novembre 2000, il a demandé le statut de résident permanent pour lui-même, son épouse et ses enfants qui vivent au Pakistan sans statut juridique.
[4] Le 1er février 2001, le Centre de traitement des demandes a accusé réception de sa demande de résidence permanente et a énuméré dans une lettre les documents génériques qui devaient être déposés.
[5] En l'espèce, il importe de noter que la vérification du SCRS était terminée en mars 2001. Cette vérification était valide pour 18 mois.
[6] Dans une lettre datée du 19 novembre 2001, le demandeur a été informé que, aux fins du traitement de sa demande, il devait fournir une traduction certifiée conforme de sa carte d'identité. La traduction soumise n'était apparemment pas certifiée, contrairement à la demande faite dans l'accusé de réception envoyé par le défendeur le 1er février 2001. Le défendeur a pris neuf mois et demi pour aviser le demandeur de cette lacune dans sa demande. La traduction certifiée conforme fut produite dans les semaines qui ont suivi.
[7] À la fin de l'année 2001, tous les documents avaient été déposés et une autorisation de sécurité du SCRS avait été délivrée. Ce n'est qu'en mars 2004, et seulement après des demandes répétées de la part de son avocat, que le demandeur a été informé que le défendeur attendait une mise à jour de l'autorisation de sécurité du SCRS, la précédente ayant expiré en raison de l'écoulement du temps.
[8] Dans l'intervalle, entre le dépôt de la demande de résidence permanente en 2001 et l'avis que le défendeur attendait du SCRS, le fils du demandeur est décédé alors qu'il attendait au Pakistan.
[9] Le demandeur a attendu quatre ans et demi pour en arriver là. Au cours de cette période, il n'a pas vu sa famille, laquelle vit dans des conditions difficiles et dangereuses au Pakistan.
[10] En février 2005, le demandeur a été interrogé par le SCRS, et l'on ignore toujours quand le SCRS rendra son rapport sur le demandeur.
[11] Selon une chronologie des événements préparée par le défendeur, celui-ci soutient que la demande a toujours été en cours de traitement. En réalité, les entrées au dossier foisonnent de renvois au dossier à l'étude et à l'attente d'une chose ou de l'autre, mais il n'y a rien ou à peu près rien de substantiel qui fasse progresser la décision sur la demande de résidence permanente.
ANALYSE
[12] La seule question en litige consiste à déterminer si le demandeur a droit a une ordonnance de mandamus enjoignant au défendeur de rendre une décision en raison du délai excessif dont le traitement de la demande de résidence permanente a fait l'objet.
[13] Le défendeur a l'obligation légale, en vertu du paragraphe 21(2) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (LIPR) de traiter les demandes de statut de résident permanent et de rendre une décision. Voici le texte de cette disposition :
21(2) Sous réserve d'un accord fédéro-provincial visé au paragraphe 9(1), devient résident permanent la personne à laquelle la qualité de réfugié ou celle de personne à protéger a été reconnue en dernier ressort par la Commission ou celle dont la demande a été acceptée par le ministre - sauf dans le cas d'une personne visée au paragraphe 112(3) ou qui fait partie d'une catégorie réglementaire - dont l'agent constate qu'elle a présenté sa demande en conformité avec les règlements et qu'elle n'est pas interdite de territoire pour l'un des motifs visés aux articles 34 ou 35, au paragraphe 36(1) ou aux articles 37 ou 38. |
|
21(2) Except in the case of a person described in subsection 112(3) or a person who is a member of a prescribed class of persons, a person whose application for protection has been finally determined by the Board to be a Convention refugee or to be a person in need of protection, or a person whose application for protection has been allowed by the Minister, becomes, subject to any federal-provincial agreement referred to in subsection 9(1), a permanent resident if the officer is satisfied that they have made their application in accordance with the regulations and that they are not inadmissible on any ground referred to in section 34 or 35, subsection 36(1) or section 37 or 38.
|
|
|
|
[14] Le paragraphe 46.04 (6) de l'ancienne Loi sur l'immigration, disposition comparable, prévoyait que l'agent d'immigration « rend sa décision le plus tôt possible » . Bien que ces mots ne figurent pas dans la nouvelle loi, l'obligation de décider « sans délai déraisonnable » a été confirmée par la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Khalil c. Canada (Secrétaire d'État) (C.A.), [1999] 4 C.F. 661.
[15] Le défendeur soutient qu'en raison de l'importance des questions de sécurité, un délai de trois ans dans la mise à jour de l'autorisation de sécurité du SCRS n'est pas déraisonnable.
[16] Dans la décision Conille c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1re inst.), [1999] 2 C.F. 33, le juge Tremblay-Lamer énonce trois facteurs à prendre en considération lorsqu'il s'agit de déterminer si un délai est déraisonnable :
1) le délai en question a été plus long que ce que la nature du processus exige de façon prima facie;
2) le demandeur et son conseiller juridique n'en sont pas responsables; et
3) l'autorité responsable du délai ne l'a pas justifié de façon satisfaisante.
[17] Dès février 2001, dans la lettre accusant réception de la demande, le défendeur a donné un délai approximatif de 18 mois à compter de la date à laquelle le demandeur (et sa famille) devaient répondre à toutes les exigences en matière de production de documents. Le délai, bien qu'estimatif, donne une idée du temps que peut prendre le processus. Le défendeur n'a produit aucune preuve pour réfuter cette preuve prima facie relative au temps nécessaire au déroulement du processus.
[18] Le défendeur soutient que le demandeur était responsable relativement à 11 mois du délai parce qu'il n'avait pas produit une traduction certifiée conforme de ses pièces d'identité, mais seulement une version traduite. Ce délai est en partie attribuable au retard pris par le défendeur pour aviser le demandeur du défaut. Au mieux, la responsabilité est partagée, mais même si l'entière responsabilité était imputée au demandeur, cela ne justifie pas un délai de quatre ans et demi, à ce jour, en l'absence d'indication quant à la date à laquelle la décision finale sera rendue.
[19] Le défendeur affirme qu'il a un motif convaincant justifiant le délai, il attend la mise à jour du SCRS. L'examen du dossier révèle toutefois un va-et-vient considérable du dossier, ou de parties de celui-ci, entre les nombreux services de l'organisme du défendeur de même qu'entre ce dernier et d'autres organismes gouvernementaux.
[20] Ce remue-ménage interne, en l'absence de véritables progrès, n'est pas une justification convaincante du délai.
[21] En outre, il ne convient pas de se renvoyer la balle afin de se soustraire à ses responsabilités en imputant les délais à un autre organisme gouvernemental. Le droit d'un demandeur à une décision est une obligation du Gouvernement du Canada agissant par l'intermédiaire du ministre responsable. Le défendeur a l'obligation de prendre les mesures nécessaires au sein du gouvernement afin que les obligations imposées par la loi soient respectées.
[22] En l'espèce, le noeud du problème se trouve dans l'obtention d'une mise à jour de l'autorisation de sécurité du SCRS. Il importe de se rappeler que le demandeur a obtenu une autorisation de sécurité du SCRS et qu'elle a expiré en raison de l'inaction du défendeur.
[23] À la fin des plaidoiries, la Cour a demandé à l'avocat du défendeur de s'enquérir de la date à laquelle une décision pourrait être rendue. L'avocat a affirmé qu'un délai de six mois était raisonnable. Toutefois il a répondu par des échappatoires, en apportant des réserves, en se reportant au guide du CIC (comme s'il s'agissait de la loi du pays) et en tentant (mes excuses à la version originale) de [traduction] « prendre un engagement au besoin, mais pas nécessairement un engagement » .
[24] En résumé, il y a eu un délai excessif, qui n'est pas attribuable au demandeur, allant au-delà de ce que la nature du processus exige et pour lequel il n'y a pas de justification appropriée. Le demandeur a droit à une ordonnance de mandamus.
[25] Afin que l'ordonnance ait des effets pratiques pour les deux parties, pour assurer la continuité et rendre toute autre ordonnance qui puisse être nécessaire à l'égard d'un autre organisme gouvernemental dont le défendeur peut dépendre, je resterai saisi de ce dossier. Le défendeur aura six mois pour rendre sa décision, dans un sens ou dans l'autre. S'il devait demander une prolongation, il devra le faire avant l'expiration du délai, et la charge de la justification de la prolongation sera lourde.
[26] Pour ces motifs, une ordonnance de mandamus assortie de conditions sera rendue. Il n'y a pas de question à certifier.
« Michael L. Phelan »
Juge
Traduction certifiée conforme
Michèle ali
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-4953-04
INTITULÉ : ABDULHAKIM HAMALIPOOR c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
LIEU DE L'AUDIENCE : Toronto (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE : Le 24 mai 2005
MOTIFS DE L'ORDONNANCE : Le juge Phelan
DATE : Le 3 juin 2005
COMPARUTIONS :
M. Paul VanderVennen POUR LE DEMANDEUR
Mme A. Leena Jaakkimainen POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
VanderVennen Lehrer
Toronto (Ontario) POUR LE DEMANDEUR
M. John H. Sims, c.r.
Sous-procureur général du Canada
Ottawa (Ontario) POUR LE DÉFENDEUR
Dossier : IMM-4953-04
OTTAWA (ONTARIO), LE 3 JUIN 2005
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE PHELAN
ENTRE :
ABDULHAKIM HAMALIPOOR
demandeur
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE :
1. que le défendeur rende sa décision relativement à la demande de résidence permanente du demandeur avant le 1er décembre 2005;
2. que la Cour demeure saisie du dossier et que les parties puissent lui demander de rendre toute ordonnance ou directive qu'elle juge nécessaire à l'exécution de la principale mesure de réparation accordée;
3. que le défendeur puisse présenter une demande de prolongation de délai à la condition que cette demande, accompagnée de tous les documents à l'appui, soit déposée et signifiée au plus tard le 1er novembre 2005.
« Michael L. Phelan »
Juge
Traduction certifiée conforme
Michèle Ali