Date : 19990125
Dossier : IMM-852-98
ENTRE :
ALICE YING-YING CHONG,
demanderesse,
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,
défendeur.
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
LE JUGE TEITELBAUM
INTRODUCTION
[1] La demanderesse sollicite le contrôle judiciaire de la décision par laquelle l'agente des visas a, le 21 janvier 1998, refusé la demande de résidence permanente au Canada qu'elle avait présentée. Elle sollicite également une ordonnance enjoignant au défendeur de procéder de nouveau à l'examen de la demande de résidence permanente au Canada qu'elle avait présentée.
LES FAITS
[2] Le 11 septembre 1996, la demanderesse, Mme Alice Ying-Ying Wong, et son fils ont présenté une demande de résidence permanente conformément au paragraphe 11(3) du Règlement sur l'immigration et réclamé que l'agente des visas exerce positivement son pouvoir discrétionnaire parce que l'avocat de la demanderesse croyait qu'il y avait de bonnes raisons de prévoir que le nombre de points qui seraient accordés ne refléterait pas les chances qu'elle avait de s'établir avec succès au Canada.
[3] La demanderesse n'a jamais passé d'entrevue, car elle n'a pas obtenu le minimum de 60 points d'évaluation dans la première partie du traitement de la demande. Par lettre en date du 21 janvier 1998, la demanderesse a été informée du refus de sa demande. Voici l'extrait pertinent de la lettre de refus :
[traduction] " Veuillez trouver ci-joint une évaluation détaillée de chacun des emplois relativement auxquels vous avez été évaluée. Remarquez que vous n'avez obtenu aucun point en ce qui concerne le facteur de la personnalité, car un agent ne peut accorder de points relativement à ce facteur que durant une entrevue personnelle. Pour la tenue d'une entrevue, le minimum de points requis est de 70. Même si vous obteniez le maximum de 10 points en ce qui a trait à la personnalité, vous n'atteindriez pas encore le nombre minimum de points requis. |
J'ai également décidé que la mesure prévue au paragraphe 11(3) du Règlement n'est pas justifiée, car, à mon avis, les points qui vous ont été accordés reflètent exactement vos chances de pouvoir vous établir avec succès au Canada. " |
LA POSITION DES PARTIES
La position de la demanderesse
[4] La demanderesse soutient que, dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, l'agente des visas doit tenir compte des possibilités d'emploi au Canada, de la faculté d'adaptation et de la capacité de gagner sa vie au Canada ainsi que des possibilités de s'établir avec succès.
[5] Il est allégué que l'agente n'a pas tenu compte des antécédents positifs de six années de la demanderesse à titre de secrétaire pour la multinationale Dow Chemical Pacific Ltd. et de ses possibilités d'emploi au sein de la même compagnie au Canada. L'agente n'a pas tenu compte du fait que l'actif de la demanderesse s'élevait à environ 400 000 $ et que celle-ci ne risquait pas d'avoir besoin d'aide sociale ou d'assistance publique au Canada. De plus, l'agente des visas n'a pas tenu compte du nombre d'amis de la demanderesse au Canada qui seraient disposés à la soutenir; de sa capacité à utiliser les qualités personnelles et aptitudes qui lui ont permis d'échapper à la violence psychologique d'un conjoint et à l'adversité pour s'établir avec succès au Canada; de sa stabilité remarquable, de ses ambitions sur les plans professionnel et financier, de sa santé et de son civisme irréprochable; de ses efforts en vue de parfaire son instruction et d'améliorer ses aptitudes professionnelles en passant un examen de formation des adultes en langue japonaise en 1978, en obtenant un certificat en gestion du tourisme, de l'hôtellerie et de la restauration en 1982 et en complétant des cours portant sur Excel 7 et Word pour Windows 7 en 1996.
[6] En outre, la demanderesse prétend que l'agente aurait dû la soumettre à une entrevue pour évaluer ses qualités en ce qui concerne le facteur 9 " personnalité ". Elle a soutenu également ne pas avoir eu la possibilité de présenter une vérification écrite d'une offre d'emploi au Canada provenant de la compagnie Dow. L'avocat de la demanderesse a expliqué dans une lettre que la vérification écrite n'avait pas été obtenue avant que la demanderesse ne soit informée qu'elle passerait une entrevue, car la demande annulerait ses chances d'avancement dans son bureau actuel.
La position du défendeur
[7] Le défendeur allègue que la demande présentée par la demanderesse a été examinée et jugée par l'agente des visas Claire Wittenberg, qui a exercé son pouvoir discrétionnaire de bonne foi, conformément aux principes de justice naturelle, et s'est appuyée sur des considérations pertinentes. Le défendeur invoque l'arrêt Chiu Chee To c. M.E.I. (C.A.F., 22 mai 1996, A-172-93) pour souligner qu'un tribunal ne devrait pas intervenir dans l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire pour la simple raison que le tribunal aurait pu exercer ce pouvoir discrétionnaire d'une autre façon.
[8] Le défendeur soutient que la demanderesse a obtenu 54 points, soit 16 points sous le seuil fixé à 70 points pour la délivrance d'un visa d'immigrant. La demanderesse n'a pas été évaluée relativement à sa personnalité, car ce facteur est évalué seulement sur la base d'une entrevue personnelle; et elle n'a pas passé d'entrevue parce qu'elle n'avait pas amassé les 60 points requis conformément au sous-alinéa 11.1a)(i) du Règlement sur l'immigration. Cependant, même si la demanderesse avait obtenu le nombre maximum de points en ce qui a trait au facteur de la personnalité, elle n'aurait pas eu suffisamment de points pour atteindre le minimum requis de 70 points.
LES QUESTIONS EN LITIGE
[9] La demanderesse soulève deux questions :
1) L'agente des visas a-t-elle commis une erreur en ne tenant pas compte de considérations pertinentes et en examinant des considérations non pertinentes de telle sorte qu'elle n'a pas exercé correctement le pouvoir discrétionnaire conféré par le paragraphe 11(3) du Règlement sur l'immigration? |
2) L'agente des visas a-t-elle commis une erreur susceptible de révision en ne faisant pas passer d'entrevue à la demanderesse afin d'évaluer les qualités mentionnées au facteur 9 du Règlement sur l'immigration et la capacité de la demanderesse à s'établir avec succès au Canada. |
ANALYSE
Les considérations pertinentes
[1] Il est de droit constant qu'un pouvoir discrétionnaire conféré par une loi doit être exercé selon la bonne foi et les principes de justice naturelle et doit être fondé sur des considérations pertinentes. La prise en compte de considérations non pertinentes ou le fait de ne pas tenir compte de considérations pertinentes justifierait l'intervention de la Cour. C'est précisément ce que la demanderesse soutient, que l'agente n'a pas tenu compte de considérations pertinentes dans l'examen de sa demande, car il est évident, pour l'avocat de la demanderesse, que cette dernière pourrait facilement s'établir avec succès au Canada.
[2] Le défendeur se fonde sur un extrait de l'affidavit de l'agente des visas pour prouver que le pouvoir discrétionnaire de l'agente a été exercé positivement et correctement et que l'agente des visas a tenu compte de toutes les considérations pertinentes. Le défendeur allègue que l'agente a tenu compte des arguments de la demanderesse selon lesquels le pouvoir discrétionnaire doit être exercé positivement pour le motif qu'[traduction]" il y a de bonnes raisons pour lesquelles le nombre envisagé de points d'évaluation ne reflète pas exactement les chances de Mme Chong et de son fils de s'établir avec succès au Canada ". L'agente a dit dans son affidavit qu'elle avait tenu compte de toutes les considérations pertinentes dans l'exercice positif de son pouvoir discrétionnaire :
[traduction] " À la suite de l'examen de toutes les circonstances de la demande de la demanderesse, j'ai décidé que la mesure prévue au paragraphe 11(3) du Règlement , et mentionnée dans les observations de M. Mak comme étant l'exercice positif du pouvoir discrétionnaire, n'était pas justifiée, car j'ai considéré que le nombre de points accordés reflète exactement les chances de la demanderesse de s'établir avec succès au Canada. Bien que M. Mak avance que la demanderesse s'attend avec raison à recevoir une offre d'emploi à titre de secrétaire dans les bureaux de Vancouver ou de Toronto de la compagnie Dow, il déclare également que la demanderesse n'a même pas informé la compagnie à Hong Kong de son projet d'émigrer au Canada, car cela annulerait effectivement ses chances d'avancement dans son bureau actuel. Donc, il n'y a pas eu d'offre d'emploi pour le poste envisagé, soit informelle soit en termes d'emploi réservé, au nom de la demanderesse. M. Mak déclare en outre que la demanderesse possède presque l'équivalent de 400 000 $ en actif et que, par conséquent, il est peu probable qu'elle ait besoin d'aide sociale ou d'assistance publique. M. Mak a de plus soutenu que la demanderesse possède une personnalité brillante, est très appréciée, a des amis au Canada, a eu une résidence et un emploi stables durant plusieurs années et est en bonne santé. Tout en tenant compte de tous ces arguments, y compris la déclaration selon laquelle Mme Chong a échappé à la violence psychologique qui aurait été exercée par son ex-conjoint, j'ai conclu qu'ils ne suffisaient pas à l'emporter sur le fait que la demanderesse avait obtenu un nombre insuffisant de points pour être sélectionnée. La demanderesse n'a pas de liens importants avec le Canada, sur le plan de la famille, des biens ou de l'emploi. Sa mère ainsi que ses fýères et soeurs résident tous à Hong Kong ou à Taïwan. Hormis les deux jours de cours consacrés à une introduction à Word pour Windows et à Excel 7 en 1996, la demanderesse n'a pas essayé d'accroître sa compétence pour le poste envisagé. Le fait que la demanderesse possède un actif suffisant pour lui permettre de s'établir au Canada et le fait qu'elle soit en bonne santé sont pertinents, en ce sens qu'ils sembleraient indiquer que la demanderesse risque peu de ne pas être admissible au Canada pour des raisons de santé conformément à l'alinéa 19(1)a) ou de ne pas pouvoir ou de ne pas vouloir subvenir à ses besoins ou à ceux des personnes à sa charge conformément à l'alinéa 19(1)b) du Règlement sur l'immigration . Cependant, en me fondant sur les faits et les arguments présentés, je n'ai pas considéré que la demanderesse avait prouvé l'existence de motifs suffisants pour justifier la recommandation de l'exercice positif du pouvoir discrétionnaire, en ce sens que le nombre de points accordés reflète exactement ses chances de pouvoir s'établir avec succès au Canada. " |
[3] À la lumière de la preuve par affidavit produite par le défendeur, je ne suis pas convaincu que l'agente n'ait pas tenu compte de considérations pertinentes en se demandant si elle devait exercer positivement son pouvoir discrétionnaire. L'agente a examiné la situation d'emploi de la demanderesse au sein de la compagnie Dow. Toutefois, il semblerait que ses possibilités d'emploi au sein de la compagnie Dow au Canada n'étaient pas confirmées, car elle n'avait pas informé cette dernière de son intention d'émigrer au Canada. L'affidavit de l'agente révèle également qu'elle a tenu compte de l'actif de la demanderesse, de la présence d'amis au Canada, des qualités qui lui ont permis d'échapper à la violence psychologique exercée par son conjoint, de ses efforts en vue d'améliorer ses aptitudes professionnelles en se familiarisant avec Word pour Windows et Excel 7.
[4] Je suis convaincu que, ce faisant, l'agente a exercé son pouvoir discrétionnaire conformément aux lignes directrices émises par la Cour dans Ting, précité, et invoquées par la demanderesse : capacité d'adaptation, possibilités d'emploi, capacité de gagner sa vie au Canada et possibilités de s'établir avec succès. De plus, je ne suis pas convaincu que la décision de l'agente était déraisonnable en fonction des faits et circonstances de l'espèce.
[5] La demanderesse soutient que l'agente ne lui a pas fait passer d'entrevue afin d'évaluer correctement les qualités mentionnées au facteur 9 " personnalité ". Le défendeur allègue que, même si la demanderesse avait passé une entrevue et obtenu le nombre maximum de points relatifs à ce facteur, elle n'aurait pas encore atteint le seuil prévu par la Loi.
[6] La demanderesse dit en outre qu'elle n'a pas eu la possibilité de présenter des renseignements relatifs aux possibilités d'emploi au Canada au sein de la compagnie Dow Chemical, ainsi que son avocat a expliqué dans une lettre que les renseignements seraient obtenus et présentés lorsqu'elle serait informée de la tenue de l'entrevue, car l'obtention de ces renseignements pourrait nuire à ses chances d'avancement.
[7] Dans la décision Shum c. Canada (M.C.I.), (C.F. 1re inst.)(IMM-3877-94, 4 août 1995), le juge McKeown a examiné l'exercice positif du pouvoir discrétionnaire d'un agent et il a statué que, bien que l'absence d'entrevue puisse en général nuire aux chances de succès d'une personne, un agent n'est pas obligé de tenir une entrevue pour prendre une décision en ce qui concerne l'exercice positif de son pouvoir discrétionnaire.
[8] À la lumière de ce qui précède, je ne suis pas convaincu que l'agente ait commis une erreur de droit susceptible de révision. Elle a effectivement tenu compte de considérations pertinentes en décidant si elle devait exercer positivement son pouvoir discrétionnaire, ce qui peut se faire sans la tenue d'une entrevue. En outre, il est manifeste qu'il incombe à la demanderesse de fournir tous les renseignements nécessaires à l'appui de sa demande. La demanderesse a informé l'agente par lettre qu'elle fournirait la confirmation de son emploi au Canada lorsqu'elle serait avisée de sa convocation à une entrevue. L'agente n'a jamais accordé d'entrevue à la demanderesse, car celle-ci ne satisfaisait pas au seuil requis de 60 points. L'avocat de la demanderesse était au courant des exigences relatives au seuil fixé pour la tenue d'une entrevue et aurait dû prendre sur lui d'obtenir et de présenter les renseignements à un moment opportun. Je ne peux pas conclure que l'agente a commis une erreur en ne donnant pas à la demanderesse la possibilité de fournir une confirmation d'emploi au sein de la compagnie Dow Chemical au Canada, une fois rendue sa décision selon laquelle la demanderesse ne passerait pas d'entrevue.
CONCLUSION
[9] La demande de contrôle judiciaire est rejetée.
[10] Aucune des parties n'a présenté de question à certifier.
" Max M. Teitelbaum "
J.C.F.C.
Ottawa (Ontario)
Le 25 janvier 1999
Traduction certifiée conforme
Yvan Tardif, B.A.,LL.L.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
NO DU GREFFE : IMM-852-98 |
INTITULÉ DE LA CAUSE : Alice Ying-Ying Chong c. M.C.I. |
LIEU DE L'AUDIENCE : Toronto (Ontario) |
DATE DE L'AUDIENCE : le 21 janvier 1999 |
MOTIFS DE L'ORDONNANCE : MONSIEUR LE JUGE TEITELBAUM |
DATE DES MOTIFS : le 25 janvier 1999 |
ONT COMPARU :
David Bruner POUR LA DEMANDERESSE |
Stephen Gold POUR LE DÉFENDEUR |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
David Bruner POUR LA DEMANDERESSE |
Toronto (Ontario)
Morris Rosenberg POUR LE DÉFENDEUR |
Sous-procureur général du Canada
Date : 19990125
Dossier : IMM-852-98
OTTAWA (ONTARIO), LE LUNDI 25 JANVIER 1999
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE TEILTELBAUM
ENTRE :
ALICE YING-YING CHONG,
demanderesse,
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,
défendeur.
ORDONNANCE
La demande de contrôle judiciaire est rejetée pour les motifs que j'ai exposés.
" Max M. Teitelbaum "
J.C.F.C.
Traduction certifiée conforme
Yvan Tardif, B.A.,LL.L.