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     Date : 19971118

     Dossier : IMM-259-97

ENTRE

     NADARAJAH NANTHARAJ,

     requérant,

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     intimé.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE SUPPLÉANT HEALD

[1]          Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision en date du 20 décembre 1996 de la section du statut de réfugié, de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission). Dans cette décision, la Commission a conclu que le requérant n'était pas un réfugié au sens de la Convention.

Les faits

[2]          Le requérant est un citoyen tamoul du Sri-Lanka. Il prétend avoir raison de craindre d'être persécuté du fait de son appartenance à un groupe social. Il a déclaré ne pouvoir vivre à Jaffna en raison de la persécution constante de la part des LTTE. Il a déménagé à Colombo en 1993. En juillet 1993 et décembre 1994, il a été détenu et malmené par la police. Le cousin du requérant, qui vivait également à Colombo, a disparu en mai 1995. Son corps a été trouvé en juillet 1995. Le requérant ne connaissait pas l'identité de l'assassin de son cousin. Toutefois, il a signalé l'affaire à un organisme connu sous le nom de "Home for Human Rights", ce qui a fait intervenir la Croix-Rouge et Amnistie internationale. La police a demandé qu'il soit présent en vue d'interrogatoires concernant son cousin. Au début, il était disposé à coopérer avec la police. Toutefois, des individus dont il croyait être des membres des forces de sécurité du gouvernement ont pris contact avec lui. Ils l'ont averti que s'il continuait à participer à l'enquête, il serait lui-même tué.

[3]          Le requérant a déménagé à Vavuniya où il a été détenu et torturé par une milice tamoule appelée Plote. Plote s'associait avec les forces armées sri-lankaises. À ce moment, le requérant a décidé de s'enfuir du Sri Lanka. Il a dit qu'il louait un agent pour l'aider et que pendant qu'il attendait de rencontrer cet agent, il avait été détenu et torturé encore une fois. Il a témoigné en outre qu'il devait payer continuellement des pots-de-vin à l'armée qui l'a souvent malmené.

[4]          En mai 1995, il a obtenu un passeport sri-lankais. Le 16 juin 1996, il a quitté le Sri Lanka, prenant l'avion de Colombo à Hong Kong. Il a remis son passeport valable à l'agent de là-bas, et s'est rendu au Canada à l'aide d'un faux passeport.

La décision de la Commission

[5]          La Commission a conclu que la crainte de persécution du requérant ne reposait pas sur un fondement objectif valable dans l'éventualité de son retour au Sri Lanka. La Commission a fait remarquer que le requérant avait été détenu et libéré par la suite après une enquête. On ne l'a accusé d'aucune infraction. La Commission a fait état de la preuve documentaire qui indiquait que le Président du Sri Lanka avait institué des enquêtes approfondies sur la mort de citoyens sri-lankais, avec l'assistance tout entière des autorités de Colombo. La Commission a conclu que les autorités de Colombo ne s'intéressaient nullement au cas du requérant. Elle a fait état de la preuve documentaire selon laquelle la torture par la police avait eu lieu seulement dans des cas isolés. La Commission en a conclu que le requérant ne s'exposerait qu'à une simple possibilité de persécution dans l'éventualité de son retour à Colombo.

Les points litigieux

1.      La Commission a-t-elle eu tort de conclure que la revendication du requérant était dépourvue d'un fondement objectif?
2.      La Commission a-t-elle commis une erreur en examinant la question de savoir si le requérant serait accusé d'une infraction prévue par la loi et détenu alors qu'il craignait réellement une persécution extrajudiciaire et non une poursuite légale?
3.      La Commission a-t-elle commis une erreur en [TRADUCTION] "ne tenant pas compte de la totalité des éléments de preuve, en ne reconnaissant pas que, selon la preuve objective, le cousin du requérant avait été assassiné par les forces de sécurité gouvernementales ou par une milice associée à celles-ci - et non dans une tragédie inconnue dont les forces de sécurité se préoccupaient sincèrement"1?

Analyse

1.      Motif objectif de crainte

[6]          Le requérant soutient que la Commission n'a pas tenu compte des éléments de preuve dont elle disposait et qui indiquaient que le Président du Sri Lanka avait annulé deux commissions d'enquête avant qu'on eût pleinement examiné quelque 20 000 plaintes. D'autre part, la Commission disposait de la preuve documentaire qui lui permettrait de conclure comme elle l'a fait. Je fais état de la preuve que bien que les contrôles de sécurité soient courants, la torture n'est pas généralement pratiquée par la police et les autorités de sécurité de Colombo. Bien qu'elle ait reconnu le fait que le cousin du requérant avait disparu, la Commission a conclu, après avoir soupesé les éléments de preuve, que les autorités sri-lankaises ne s'intéressaient particulièrement pas au requérant. Dans l'affaire Brar c. M.E.I.2, la Cour d'appel fédérale a conclu que les questions relatives au poids des éléments de preuve relevaient de la compétence de la section du statut, en sa qualité de juge des faits. En conséquence, le requérant n'a pas démontré l'existence, à cet égard, d'une erreur susceptible de contrôle.

2. Persécution extrajudiciaire

[7]          Le requérant soutient que la Commission a évalué sa revendication en examinant la question de savoir s'il risquait de faire l'objet d'une poursuite légale et que, ce faisant, elle a commis une erreur de droit. La Commission a examiné la possibilité qu'on fasse du tort au requérant, et elle a conclu que la possibilité d'un tel tort provenait de la police et des autorités de sécurité. La Commission a effectivement fait remarquer que le requérant n'avait été accusé d'aucune infraction. Toutefois, la prétention du requérant n'a pas été caractérisée uniquement comme la prétention qu'il y avait une crainte de persécution par la police. La Commission a également examiné la disparition du cousin, mais elle a conclu que les autorités ne s'intéressaient nullement au requérant. À mon avis, une telle conclusion était celle qu'il était raisonnablement loisible à la Commission de tirer.

3. La totalité des éléments de preuve

[8]          Le requérant soutient que la Commission n'a pas tenu compte de la totalité des éléments de preuve. Il craint d'être tué par des gens qui l'ont particulièrement menacé. À son avis, la preuve documentaire contredit le point de vue de la Commission selon lequel les Tamouls ne sont nécessairement pas en danger lorsqu'ils sont détenus. D'autre part, la récente preuve documentaire provenant du HCR établit que l'idée d'un harcèlement constant et général des Tamouls exagère la véritable situation. Les contrôles de sécurité et d'identité ont lieu, mais les détentions qui en découlent sont peu nombreuses et la durée de la détention est brève dans la plupart des cas.

[9] À mon avis, compte tenu de la totalité des éléments de preuve, la Commission pouvait raisonnablement tirer la conclusion qu'elle a formulée.


Conclusion

[10]      Par ces motifs, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

Certification

[11]          Ni l'un ni l'autre des avocats n'a proposé que soit certifiée une question grave de portée générale en application de l'article 83 de la Loi sur l'immigration. Je conviens qu'il n'y a pas lieu à certification.

                             "Darrel V. Heald"

                                     J.S.

Toronto (Ontario)

le 18 novembre 1997

Traduction certifiée conforme

                         Tan Trinh-viet

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     Avocats et procureurs inscrits au dossier

DOSSIER :                          IMM-259-97
INTITULÉ DE LA CAUSE :              Nadarajah Nantharaj

                             et

                             Le ministre de la Citoyenneté et                              de l'Immigration

DATE DE L'AUDIENCE :              Le 17 novembre 1997
LIEU DE L'AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :              le juge suppléant Heald

EN DATE DU                      18 novembre 1997

ONT COMPARU :

    Raoul S. Boulakia                  pour le requérant
    Stephen Gold                      pour l'intimé
                        

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

    Raoul S. Boulakia
    45, rue Saint-Nicholas
    Toronto (Ontario)
    M4Y 1W6                          pour le requérant
    George Thomson
    Sous-procureur général du Canada
                                 pour l'intimé

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     Date : 19971118

     Dossier : IMM-259-97

ENTRE

     NADARAJAH NANTHARAJ,

     requérant,

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     intimé.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

__________________

     1      Voir le paragraphe 26 - Mémoire du requérant - Dossier de demande du requérant, page 91.

     2      C.A.F., 29 mai 1986, A-987-84, le juge en chef Thurlow.

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