Date : 20040630
Dossier : IMM-7076-03
Référence : 2004 CF 947
Vancouver (Colombie-Britannique), le 30 juin 2004
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE MICHAEL KELEN
ENTRE :
PATKUNARASA PUVENTHIRARASA
demandeur
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision que l'agente d'immigration Emina Tudakovic (l'agente) a rendue le 10 juillet 2003. L'agente a décidé que le demandeur ne satisfaisait pas aux exigences et qu'elle ne pouvait pas lui délivrer un visa de résident permanent au Canada au motif qu'il ne fait partie ni de la catégorie des « réfugiés au sens de la Convention outre-frontières » ni de l'une des catégories de « personnes protégées à titre humanitaire outre-frontières » .
[2] Le demandeur est un Tamoul. Il est né au Sri Lanka, dans la région de Jaffna, le 25 février 1978. Il allègue qu'il craint d'être persécuté tant par l'armée du Sri Lanka (ASL) que par les Tigres de libération de l'Eelam tamoul (TLET). Il affirme qu'il a été arrêté et détenu par l'ASL pendant 28 jours en 1995. Après sa libération, l'ASL s'est rendue chez lui plusieurs fois par semaine et habituellement elle le rouait de coups et le harcelait au cours de ces visites. Ses agents l'abordaient aussi au marché. Le demandeur ajoute qu'il sera enrôlé par les TLET s'il retourne au Sri Lanka. Il est parti du Sri Lanka le 21 février 2002 et réside en Inde depuis.
[3] Après l'avoir rencontré en entrevue, l'agente a conclu que le demandeur ne satisfaisait pas aux exigences de l'immigration au Canada. Elle a conclu que le demandeur n'était pas crédible et qu'il ne courait pas le risque d'être persécuté du fait de l'un des motifs de persécution énoncés dans la Convention et qu'il n'avait pas été et qu'il n'était pas sérieusement et personnellement affecté par la guerre civile, un conflit armé ou la violation des droits de la personne sur une grande échelle dans son pays d'origine.
[4] Le demandeur a soulevé trois questions : 1) une erreur manifestement déraisonnable en ce qui concerne la conclusion sur la crédibilité; 2) un manquement à l'obligation d'agir équitablement de la part de l'agente, qui a omis de communiquer au demandeur sa propre preuve extrinsèque au sujet de la situation au Sri Lanka, preuve sur laquelle elle s'est appuyée pour conclure que le récit du demandeur n'était pas crédible; 3) l'omission d'évaluer le risque que courrait le demandeur s'il retournait au Sri Lanka dans les conditions qui ont cours actuellement au Sri Lanka.
[5] Pour rendre une décision sur la présente demande, il suffit que j'examine la troisième question. Après avoir examiné la décision du 10 juillet 2003 et les notes de l'agente versées au dossier, je conclus que l'agente n'a pas correctement évalué le risque que courrait le demandeur s'il retournait au Sri Lanka dans les conditions qui y ont cours actuellement. La Cour a à maintes reprises statué que la Commission (en l'espèce l'agente) a l'obligation légale, conformément aux articles 96 et 97 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, d'évaluer le risque que courrait un jeune Tamoul venant du Nord du Sri Lanka s'il retournait au Sri Lanka, quelle que soit la conclusion tirée sur sa crédibilité.
[6] L'agente n'a pas fait d'analyse ni exposé les motifs ou les raisons qui lui permettaient de conclure que le demandeur ne courrait pas de risques d'un préjudice personnel s'il retournait au Sri Lanka dans les conditions qui y avaient alors cours. Le demandeur correspond au profil d'une personne à risque dans le cas d'un retour dans la région de Jaffna et l'agente se devait de justifier sa conclusion.
[7] Compte tenu de la conclusion que je viens de tirer, la Cour n'a pas à examiner l'argument du demandeur selon lequel la conclusion de l'agente quant à sa crédibilité était manifestement déraisonnable ou que l'agente a manqué à l'obligation d'équité en ne lui communiquant pas les renseignements qu'elle avait personnellement sur les conditions qui avaient cours au Sri Lanka.
[8] Pour ces motifs, la présente demande de contrôle judiciaire sera accueillie et l'affaire sera renvoyée pour être examinée à nouveau par un autre agent d'immigration.
[9] Le demandeur a proposé une question à certifier en ce qui concerne l'obligation de l'agent d'immigration de communiquer les renseignements qu'il détient personnellement sur les conditions dans le pays avant de tirer une conclusion sur la crédibilité du récit d'un demandeur. J'ai invité les parties à présenter des observations sur ce projet de question avant le 23 juillet 2004. Cependant, il est clair que cette question ne serait pas une question déterminante s'il fallait statuer sur un appel et, donc, la Cour ne peut pas certifier une telle question. Par conséquent, les parties n'ont pas à présenter d'observations sur le projet d'une question à certifier.
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE : La demande de contrôle judiciaire est accueillie et l'affaire est renvoyée à un autre agent d'immigration pour qu'il procède à une autre entrevue avec le demandeur et rende une nouvelle décision.
« Michael A. Kelen »
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Juge
Traduction certifiée conforme
Jacques Deschênes
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-7076-03
INTITULÉ : PATKUNARASA PUVENTHIRARASA
c.
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
LIEU DE L'AUDIENCE : VANCOUVER (C.-B.)
DATE DE L'AUDIENCE : LE 29 JUIN 2004
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
ET ORDONNANCE : LE JUGE KELEN
DATE DES MOTIFS : LE 30 JUIN 2004
COMPARUTIONS :
Bruce Clark POUR LE DEMANDEUR
Daniel K. McLeod
R. Keith Reimer POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
McKitrick Clark McLeod POUR LE DEMANDEUR
Vancouver (C.-B.)
Morris Rosenberg POUR LE DÉFENDEUR
Sous-procureur général du Canada
Ottawa (Ontario)