Référence neutre : 2002 CFPI 1141
Ottawa (Ontario), le 5 novembre 2002
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE SIMON NOËL
ENTRE :
KRASIMIR ALEXANDROV NESHEV
demandeur
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
- [1] La Cour est saisie d'une demande de contrôle judiciaire, fondée sur l'article 82.1 de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, visant la décision par laquelle la Section du statut de réfugié (SSR) de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a refusé, en date du 17 novembre 2001, de reconnaître au demandeur le statut de réfugié au sens de la Convention.
CONTEXTE FACTUEL
- [2] Le demandeur, M. Krasimir Alexandrov Neshev (alias Krasimir Aleksa Neshev), un citoyen bulgare âgé de 33 ans, revendique le statut de réfugié en raison de son origine ethnique macédonienne et de la crainte qu'il éprouve à l'égard des autorités bulgares.
- [3] Le demandeur affirme qu'il était membre de la section de Plodiv d'une organisation macédonienne appelée OMO Illiden. Les premiers affrontements avec la police bulgare ont commencé au moment d'une fête familiale en 1997 alors qu'il a été interrogé concernant ses activités au sein de cette organisation.
- [4] Le 29 avril 2000, alors qu'il assistait à une réunion de l'OMO Illiden, la police a fait irruption. Il a été emmené, avec d'autres militants, au poste de police à Plodiv où il a été détenu durant la nuit et le matin suivant, interrogé et battu. Il a ensuite été emmené au poste de police de sa ville, Pazardjik, où il a passé la nuit suivante.
- [5] Le demandeur a quitté la Bulgarie le 14 juin 2000 après avoir été avisé par son oncle et son père que la police ne le laisserait jamais tranquille parce qu'elle avait lancé une enquête à son sujet.
DÉCISION DE LA SSR
- [6] La SSR a reconnu que le demandeur est Macédonien. Toutefois, elle a apprécié sa crédibilité au regard de la version des faits qu'il a donnée. Elle a notamment conclu qu'il était peu plausible que le revendicateur ne se soit pas renseigné au sujet de l'OMO Illiden avant d'en devenir membre et que les éléments de preuve présentés comportaient des impossibilités et des omissions.
- [7] La SSR n'a pas tiré de conclusion explicite défavorable quant à la crédibilité du demandeur.
QUESTIONS EN LITIGE
2. La SSR a-t-elle commis une erreur en concluant que le demandeur n'avait pas établi de fondement objectif à sa crainte de persécution?
PRÉTENTIONS ET ANALYSE
[10] Le demandeur allègue que la SSR n'a pas établi ni fourni de motifs à ses conclusions d'invraisemblance, d'impossibilité et d'omission.
[11] Il est bien établi en droit que la SSR est tenue de justifier, en des termes clairs et explicites, les conclusions défavorables qu'elle tire relativement à la crédibilité des revendicateurs [Hilo c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1991), 130 N.R. 236 (C.A.)]. Cette obligation devient particulièrement importante lorsque ces conclusions défavorables sont fondées sur des « invraisemblances » présumées dans la version des faits du demandeur [Leung c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1994), 81 F.T.R. 303 (1re inst.)].
[12] Dans la décision Leung précitée, le juge en chef adjoint Jerome a expliqué au paragraphe 15 que « [l]es conclusions d'invraisemblance sont en soi des évaluations subjectives qui dépendent largement de l'idée que les membres individuels de la Commission se font de ce qui constitue un comportement sensé » . Je suis d'avis que, dans la présente affaire, la SSR n'a pas fondé sa décision sur une question de crédibilité, mais plutôt sur le fondement objectif de la revendication. Étant donné que la question de crédibilité n'était pas déterminante dans la décision prise, la Cour ne peut pas intervenir sur ce point.
[13] En outre, la SSR aurait dû être plus vigilante dans la rédaction de sa décision, particulièrement en ce qui a trait aux faits. La décision comportait un certain nombre d'erreurs factuelles mineures mais, encore une fois, celles-ci n'étaient pas déterminantes dans la conclusion finale de la SSR. Par conséquent, il ne serait pas convenable pour la Cour d'intervenir sur cette question.
[14] J'aborde maintenant la question à savoir si la SSR a commis une erreur en concluant que la revendication du demandeur est sans fondement objectif. À la différence de la conclusion de crédibilité ambiguë et des erreurs factuelles mineures, cette conclusion est bien étayée et repose sur le témoignage du demandeur, les faits et la preuve documentaire.
[15] La preuve testimoniale et documentaire soutient la conclusion selon laquelle le demandeur participait très peu aux activités de l'OMO Illiden.
[16] Le demandeur n'a pas réussi à établir qu'il existait des preuves que les membres de l'organisation étaient victimes de persécution et de préjudice. À l'opposé, la preuve documentaire démontre que les autorités bulgares se montrent nettement plus indulgentes à l'égard des assemblées non violentes, même si l'OMO Illiden est considérée comme une organisation illégale en Bulgarie.
[17] Qui plus est, tel qu'il a été allégué par le défendeur, les faits établis par le demandeur ne peuvent servir de fondement à une conclusion de discrimination équivalant à la persécution.
[18] Finalement, la SSR n'a pas écarté la preuve documentaire concernant la discrimination faite aux Macédoniens, bien au contraire, elle a souligné la preuve démontrant l'existence d'une discrimination, quoiqu'en baisse, envers les Macédoniens en Bulgarie. La SSR n'est pas tenue de faire état de chacun des éléments de la preuve et elle a le droit de privilégier une certaine preuve documentaire au détriment d'une autre [Tawfik c. Canada (Ministère de l'Emploi et de l'Immigration) (1993), 26 Imm. L.R. (2d) 148 (1re inst.), Hassan c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1992), 147 N.R. 317 (C.A.F.)].
[19] Considérant que la SSR a essentiellement fondé sa décision sur la conclusion selon laquelle la revendication du demandeur n'avait pas de fondement objectif, et non sur une conclusion ambiguë quant à sa crédibilité, et considérant que cette décision est jugée plutôt raisonnable à la lumière des faits et de la preuve, je conclus qu'il n'existe aucune erreur manifestement déraisonnable pouvant justifier un nouvel examen.
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE :
La demande de contrôle judiciaire est rejetée.
« Simon Noël »
Juge
Traduction certifiée conforme
Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-5832-01
INTITULÉ : KRASIMIR ALEXANDROV NESHEV et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
LIEU DE L'AUDIENCE : Toronto (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE : Le 31 octobre 2002
MOTIFS DE L'ORDONNANCE : MONSIEUR LE JUGE SIMON NOËL
DATE DES MOTIFS : Le 5 novembre 2002
COMPARUTIONS :
Mme Helen Turner POUR LE DEMANDEUR
Mme MacPhee POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Mme Helen Turner POUR LE DEMANDEUR
Toronto (Ontario)
Mme MacPhee POUR LE DÉFENDEUR
Ministère de la Justice
Toronto (Ontario)