Date : 20001023
Dossiers : T-1894-99 et T-1895-99
Ottawa (Ontario), le 23 octobre 2000
En présence de Monsieur le juge Rouleau
Entre
DANIEL HARMS
demandeur
- et -
PIETER DEVINK, SOUS-COMMISSAIRE
POUR LA RÉGION PACIFIQUE DU
SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA
HEATHER BERGEN, SOUS-COMMISSAIRE ADJOINTE
POUR LA RÉGION PACIFIQUE DU
SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA
défendeurs
Et entre
MORGAN GVAPO PETROVIC
demandeur
- et -
PIETER DEVINK, SOUS-COMMISSAIRE
POUR LA RÉGION PACIFIQUE DU
SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA
HEATHER BERGEN, SOUS-COMMISSAIRE ADJOINTE
POUR LA RÉGION PACIFIQUE DU
SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA
défendeurs
ORDONNANCE
[1] La Cour déboute les demandeurs de leur recours en contrôle judiciaire respectif.
« P. Rouleau »
________________________________
Juge
Traduction certifiée conforme,
Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.
Date : 20001023
Dossiers : T-1894-99 et T-1895-99
Entre
DANIEL HARMS
demandeur
- et -
PIETER DEVINK, SOUS-COMMISSAIRE
POUR LA RÉGION PACIFIQUE DU
SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA
HEATHER BERGEN, SOUS-COMMISSAIRE ADJOINTE
POUR LA RÉGION PACIFIQUE DU
SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA
défendeurs
Et entre
MORGAN GVAPO PETROVIC
demandeur
- et -
PIETER DEVINK, SOUS-COMMISSAIRE
POUR LA RÉGION PACIFIQUE DU
SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA
HEATHER BERGEN, SOUS-COMMISSAIRE ADJOINTE
POUR LA RÉGION PACIFIQUE DU
SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA
défendeurs
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
Le juge ROULEAU
[1] Il y a en l'espèce recours en contrôle judiciaire contre deux décisions de Heather Bergen, sous-commissaire adjointe (la défenderesse Bergen), qui a approuvé le transfèrement imposé des détenus Daniel Harms et Morgan Gvapo Petrovic (les demandeurs) de l'établissement Kent à l'Unité spéciale de détention au Québec. La présente décision portera sur l'un et l'autre recours puisque les faits et les décisions contestées sont pratiquement identiques.
[2] Le demandeur Daniel Harms purge actuellement une peine de sept ans d'emprisonnement après avoir été convaincu en juin 1995 d'homicide involontaire coupable. Son mandat de dépôt expire le 15 juin 2002. Le demandeur Morgan Petrovic purge de son côté une peine d'emprisonnement à perpétuité après avoir été reconnu coupable en octobre 1997 de meurtre au deuxième degré. Au début d'avril 1999, les deux étaient incarcérés à l'établissement Mission, qui est un pénitencier fédéral à sécurité moyenne.
[3] Le 4 avril 1999, un nommé Corey Bertrand a été retrouvé mort, victime d'un meurtre, dans l'enceinte de l'établissement Mission où il était détenu. Au cours de son enquête à ce sujet, la GRC a identifié les deux demandeurs comme étant les suspects. Leur niveau de sécurité a été porté de sécurité moyenne à sécurité maximale et ils ont été transférés, de force et d'urgence, à l'établissement Kent, qui est un établissement fédéral à sécurité maximale. La décision définitive à cet effet a été prise le 26 avril 1999, portant approbation de la décision de les transférer de l'établissement Mission à l'établissement Kent. Les deux demandeurs ont contesté la validité de ce transfèrement par voie de recours de habeas corpus. Le juge Josephson, de la Cour suprême de la Colombie-Britannique, a conclu à l'illégalité du transfèrement et ordonné leur retour dans un établissement à sécurité moyenne. Voici ce qu'on peut lire dans sa décision :
[TRADUCTION]
« Il se peut fort bien que les autres facteurs prévus au paragraphe 27(3) s'opposent à la divulgation de quelque renseignement que ce soit sur les circonstances de l'infraction supposée, mais la simple assertion sans preuve qu'il en est ainsi me met dans l'impossibilité absolue d'apprécier si cette croyance était raisonnable, à l'instar de ce qui se passait dans la cause Demaria. |
Faute par les défendeurs d'administrer la preuve dont ils avaient la charge, les demandeurs ont gain de cause. Je dois cependant prendre note de l'observation faite par le juge Gow en page 11 de Fitzgerald que lors même que le transfèrement est invalidé, rien n'empêche le commissaire de procéder aux mesures de transfèrement par les mêmes motifs. J'ajouterais que rien ne l'empêche de le faire en s'appuyant sur ce qui se passait après l'incident en question, peu importe que celui-ci se fût produit dans l'enceinte de l'établissement à la suite du transfèrement que j'ai trouvé illégal. |
[4] Le 7 mai 1999, une émeute s'est produite à l'établissement Kent, pendant laquelle les deux demandeurs étaient enfermés dans leur cellule. On pouvait cependant voir qu'ils incitaient d'autres détenus à semer le désordre, qu'ils jetaient des objets en feu hors de leur cellule, qu'ils alimentaient les feux allumés en jetant dessus des articles appartenant à l'établissement, et qu'ils cherchaient à entraver les efforts des gardiens pour éteindre ces feux en répandant un liquide glissant sur le plancher.
[5] Les demandeurs se sont vu notifier l'intention du Service correctionnel du Canada de les transférer de l'établissement Kent à l'Unité spéciale de détention au Québec. Ils se sont vu donner la possibilité de répondre aux avis de transfèrement imposé, mais ne l'ont jamais fait. Le 30 août 1999, la défenderesse Brenda Marshall a recommandé leur transfèrement à l'Unité spéciale de détention au Québec. Ce qu'a approuvé la défenderesse Bergen le 24 septembre 1999. Les demandeurs ont été transférés le 7 octobre 1999.
[6] Il échet d'examiner si la décision de la défenderesse Bergen était manifestement déraisonnable, et si les défendeurs ont rempli leur obligation d'accorder aux demandeurs une audience équitable.
[7] Ceux-ci soutiennent que l'audience qui leur a été accordée au sujet de leur transfèrement était inique, en ce que les défendeurs n'ont pas satisfait aux principales obligations procédurales que leur impose la Loi sur le système correctionnel et la liberté sous condition, L.C. 1992, ch. 20, et aussi qu'ils ne respectaient pas les droits que la Constitution garantit aux demandeurs. Le déni d'audience équitable a toujours pour effet d'invalider la décision résultante. Les demandeurs soutiennent qu'il faut se demander si, avant de rendre sa décision, la défenderesse Bergen s'est assurée qu'on leur avait communiqué tous les éléments qui seraient pris en considération en vue de cette décision. Ils prétendent qu'elle ne l'a pas fait. Ils soutiennent que le transfèrement était motivé par l'allégation qu'ils étaient responsables du meurtre d'un codétenu à l'établissement Mission, et que les défendeurs ne divulguaient pratiquement rien des faits qui étaient à la base de cette allégation. Ceux-ci n'ont donc pas rempli l'obligation qui leur incombait de prouver qu'ils avaient communiqué suffisamment de renseignements aux demandeurs pour que ceux-ci pussent se défendre. Les défendeurs, disent-ils, n'ont produit aucun élément qui leur eût permis d'invoquer le paragraphe 27(3).
[8] Les demandeurs soutiennent que vu l'insuffisance des éléments communiqués en l'espèce, il était déraisonnable de la part de la défenderesse Bergen de confirmer le transfèrement sur la foi de l'allégation qu'ils avaient participé au meurtre du détenu en question. Que les défendeurs ne peuvent pas démontrer qu'il s'agissait là d'une décision équitable puisque les faits qui étaient à l'origine de l'allégation n'étaient pas divulgués. Et aussi qu'elle était déraisonnable en ce que le défendeur indiquait que le transfèrement était motivé par le comportement des demandeurs à l'établissement Kent; or, nombre de conclusions de la défenderesse Bergen sont soit dénuées de preuve soit inexactes. Et qu'à supposer que tous les faits relevés contre eux lors des incidents de mai 1999 soient avérés, ces faits ne justifient pas, eu égard au « code des détenus » , la décision de la défenderesse Bergen de confirmer le transfèrement. Les demandeurs craignaient pour leur sécurité durant l'émeute et pendant les jours qui suivirent. Pour éviter que les autres détenus ne leur fassent du mal, ils ont pris part aux troubles dans la limite de leurs moyens, de l'intérieur de leur cellule.
[9] La défenderesse soutient que la décision en question n'était pas déraisonnable. La sous-commissaire adjointe était saisie de preuves considérables contenues dans le Suivi du Plan correctionnel en date du 18 mai 1999 et l'évaluation pour décision en date du 21 mai 1999, au sujet du haut degré de risque présenté par les deux demandeurs. Ceux-ci ont choisi de ne rien dire au sujet du transfèrement envisagé. La défenderesse, se fondant sur les renseignements contenus dans les rapports ci-dessus, est arrivée à la conclusion que le comportement des demandeurs mettait en danger la sécurité des autres, et qu'ils ne pouvaient plus être contrôlés à l'établissement Kent. Sur recours en contrôle contre les décisions des responsables du Service correctionnel, la Cour doit avoir à l'esprit le contexte difficile dans lequel ces décisions sont prises, et la nécessité de trouver le juste milieu entre des intérêts opposés.
[10] Les demandeurs se sont vu communiquer suffisamment de renseignements sur les inquiétudes du Service correctionnel au sujet de leur participation à l'émeute dans l'enceinte de l'établissement Kent, sur les autres transgressions disciplinaires et criminelles reprochées à chacun d'eux, sur la crainte des responsables qu'ils pouvaient causer d'autres troubles à l'établissement Kent et, en général, sur la conviction que le risque présenté par eux ne pouvait être convenablement contrôlé à Kent. Il y avait ainsi amplement de détails suffisants qui leur eussent permis de contester le caractère raisonnable de la décision de les transférer.
[11] La décision contestée dans la procédure de habeas corpus est différente de celle qui est en cause en l'espèce. En l'espèce, il y a des motifs suffisants qui se sont fait jour après le transfèrement illégal à Kent pour justifier le transfèrement à l'Unité spéciale de détention au Québec. La communication des renseignements relatifs aux motifs de transfèrement était suffisante pour satisfaire aux obligations que le défendeur tient de l'article 27 de la Loi sur le système correctionnel et la liberté sous condition ainsi qu'à son obligation d'accorder aux demandeurs une audience équitable.
[12] La norme de contrôle judiciaire applicable aux décisions des responsables du Service correctionnel du Canada se réduit à la question de savoir si, compte tenu de la probabilité prépondérante, la décision contestée est manifestement déraisonnable (voir Fitzgerald v. Trono, numéro du greffe de Vancouver CC931084, 7 juillet 1994 (C.S.C.-B.)).
[13] L'article 27 de la Loi sur le système correctionnel et la liberté sous condition impose au Service correctionnel de communiquer les renseignements comme suit :
27.(1) When an offender is entitled by this Part or the regulations to make representations in relation to a decision to be taken by the Service about the offender, the person or body that is to take the decision shall, subject to subsection (3), give the offender, a reasonable period before the decision is taken, all the information to be considered in the taking of the decision or a summary of that information. |
27.(1) Sous réserve du paragraphe (3), la personne ou l'organisme chargé de rendre, au nom du Service, une décision au sujet d'un délinquant doit, lorsque celui-ci a le droit en vertu de la présente partie ou des règlements de présenter des observations, lui communiquer, dans un délai raisonnable avant la prise de décision, tous les renseignements entrant en ligne de compte dans celle-ci, ou un sommaire de ceux-ci. |
(2) Where an offender is entitled under this Part or the regulations to be given reasons for a decision taken by the Service about the offender, the person or body that takes the decision shall, subject to subsection (3), give the offender, forthwith after the decision is taken, all the information that was considered in the taking of the decision or a summary of that information. |
(3) Sous réserve du paragraphe (3), cette personne ou cet organisme doit, dès que sa décision est rendue, faire connaître au délinquant qui y a droit au titre de la présente partie ou des règlements les renseignements pris en compte dans la décision, ou un sommaire de ceux-ci. |
(3) Except in relation to decisions on disciplinary offences, where the Commissioner has reasonable grounds to believe that disclosure of information under subsection (1) or (2) would jeopardize
the Commissioner may authorize the withholding from the offender of as much information as is strictly necessary in order to protect the interest identified in paragraph (a), (b) or (c). |
(3) Sauf dans le cas des infractions disciplinaires, le commissaire peut autoriser, dans la mesure jugée strictement nécessaire toutefois, le refus de communiquer des renseignements au délinquant s'il a des motifs raisonnables de croire que cette communication mettrait en danger la sécurité d'une personne ou du pénitencier ou compromettrait la tenue d'une enquête licite. |
[14] Dans Gallant c. Canada (Sous-commissaire, Service correctionnel du Canada), [1989] 3 C.F. 329, le juge Marceau, J.C.A., a fait l'observation suivante au sujet d'une décision de transfèrement imposé :
Dans le cas d'une décision visant à imposer une sanction ou une punition à la suite d'une infraction, les règles d'équité exigent que la personne accusée dispose de tous les détails connus de l'infraction. Il n'en est pas de même dans le cas d'une décision de transfèrement rendue pour le bon fonctionnement de l'établissement et fondée sur la croyance que le détenu ne devrait pas rester où il est, compte tenu des questions que soulève son comportement. Dans un tel cas, il n'y a pas de raison d'exiger que le détenu dispose d'autant de détails relatifs aux actes répréhensibles dont on le soupçonne. En effet, dans le premier cas, ce qu'il faut vérifier c'est la commission même de l'infraction et la personne visée devrait avoir la possibilité d'établir son innocence; dans le second cas, c'est uniquement le caractère raisonnable et sérieux des motifs sur lesquels la décision est fondée, et la participation de la personne visée doit être rendue pleinement significative pour cela, mais rien de plus. |
[non souligné dans l'original]
[15] En l'espèce, le Service correctionnel du Canada a informé les demandeurs de son intention de les transférer à l'Unité spéciale de détention au Québec, en leur signifiant respectivement l'avis de recommandation de transfèrement imposé en date du 30 juillet 1999, le Suivi du Plan correctionnel en date du 18 mai 1999, et l'évaluation pour décision en date du 21 mai 1999. Ils avaient la possibilité de faire des observations au sujet de l'avis de transfèrement imposé, mais ne l'ont jamais fait. Ils n'ont jamais demandé communication d'autres détails sur les allégations à l'origine de la recommandation de transfèrement, et ne se sont jamais plaints de l'impossibilité de répondre faute de renseignements.
[16] Les demandeurs tablent sur le fait que leur transfèrement précédent (de l'établissement Mission à l'établissement Kent) avait été déclaré illégal. Dans ce dernier cas, la seule raison du transfèrement était visiblement qu'ils étaient les principaux suspects dans l'enquête de meurtre. Ils ont demandé des détails sur l'allégation qu'ils avaient pris part au meurtre d'un codétenu. Les responsables ont refusé de donner d'autres renseignements que ceux qui leur avaient été communiqués. Ils ont contesté la validité du transfèrement par un recours de habeas corpus. Le juge Josephson de la Cour suprême de la Colombie-Britannique a jugé le transfèrement illégal et ordonné leur retour dans un établissement à sécurité moyenne. Voici ce qu'on peut lire dans sa décision :
[TRADUCTION]
« En l'espèce, il y a une enquête en cours sur le meurtre d'un détenu. Les demandeurs sont des suspects dans cette enquête. Il est indubitable que la révélation d'un détail quelconque sur les renseignements recueillis dans le cours de l'enquête pourrait mettre en danger les informateurs et compromettre l'enquête. Cependant, le témoignage rendu par voie d'affidavit à ce sujet ne satisfait pas à l'obligation qui incombe aux défendeurs. Ceux-ci n'ont pas cherché à me soumettre des renseignements par affidavit sous pli scellé comme dans l'affaire Fitzgerald. Il n'y a par exemple aucune preuve que selon les enquêteurs de la police, la révélation de quelque renseignement que ce soit sur le meurtre supposé compromettrait l'enquête; le témoin ne dit pas non plus que telle était l'information qu'il a reçue. Les défendeurs ne disent pas comment le sous-commissaire est parvenu à cette conclusion. |
Il se peut fort bien que les autres facteurs prévus au paragraphe 27(3) s'opposent à la divulgation de quelque renseignement que ce soit sur les circonstances de l'infraction supposée, mais la simple assertion sans preuve qu'il en est ainsi me met dans l'impossibilité absolue d'apprécier si cette croyance était raisonnable, à l'instar de ce qui se passait dans la cause Demaria. |
Faute par les défendeurs d'administrer la preuve dont ils avaient la charge, les demandeurs ont gain de cause. Je dois cependant prendre note de l'observation faite par le juge Gow en page 11 de Fitzgerald que lors même que le transfèrement est invalidé, rien n'empêche le commissaire de procéder aux mesures de transfèrement par les mêmes motifs. J'ajouterais que rien ne l'empêche de le faire en s'appuyant sur ce qui se passait après l'incident en question, peu importe que celui-ci se fût produit dans l'enceinte de l'établissement à la suite du transfèrement que j'ai trouvé illégal. (Petrovic and Harms v. Marshall et al., 30 septembre 1999, numéros du greffe de New Westminster X055361/X055360) |
[17] À mon avis, les demandeurs ne peuvent invoquer la décision susmentionnée puisque les circonstances sont entièrement différentes. La décision contestée en l'espèce porte sur leur transfèrement de l'établissement Kent à l'Unité spéciale de détention au Québec en raison de faits et gestes qui n'ont rien à voir avec la suspicion de meurtre. Seules les circonstances à l'origine de ce transfèrement subséquent peuvent entrer en ligne de compte.
[18] Le principal motif d'adoption de la recommandation de transfèrement a été le comportement des demandeurs durant leur incarcération à l'établissement Kent. C'est ce qui ressort de la décision de la défenderesse Bergen :
[TRADUCTION]
« Les manifestations de comportement, à part celles rappelées ci-dessus [ce qui se passait durant l'émeute], ont fait l'objet d'accusations d'infraction mineure. Il y a à l'heure actuelle sept accusations d'infraction mineure pendantes pour refus de se tenir debout pour l'appel et une accusation d'infraction grave pour fomentation/participation le 99.05.11. M. Petrovic a été jugé coupable de 113 infractions mineures à l'établissement Kent pour refus de se tenir debout pour l'appel et désobéissance à un ordre direct. Le 99.06.30, M. Petrovic a été jugé coupable de Rixes/Voies de fait/Menaces contre des gardiens dans la rangée d'isolement. En l'espace de 13 mois à l'établissement Mission, durant 1998/1999, M. Petrovic a été jugé coupable de trois infractions disciplinaires mineures : désobéissance à un ordre le 99.02.05, qui lui a coûté une amende de 3,00 $; possession d'article non autorisé le 99.01.12, qui lui a coûté une amende de 2,00 $; non-observation du règlement le 98.11.19. qui lui a valu un avertissement et des conseils en la matière. M. Petrovic a également été jugé coupable d'infractions disciplinaires graves à l'établissement Mission pour possession et trafic d'articles de contrebande le 98.12.17 en ce que 5 gallons de bière ont été trouvés dans sa cellule, ce qui lui a valu un isolement de 10 jours et une amende de 10 $. M. Petrovic fait toujours l'objet d'une enquête pour meurtre à l'établissement Mission, et d'autres poursuites au pénal pour ses faits et gestes durant l'émeute. |
Le classement de M. Petrovic selon le niveau de sécurité a été revu et confirmé le 99.04.20 à la cote générale de sécurité maximale. Il n'a pas réagi à l'avis de transfèrement imposé en date du 1999.07.30. Bien qu'il se fût vu accorder amplement de temps à cet effet, l'établissement Kent n'a pas une réponse finale de sa part. Le 1999.09.10, la directrice de l'établissement Kent, B. Marshall, n'a trouvé aucun motif pour modifier la recommandation initiale de transfèrement imposé. |
Le Service correctionnel du Canada a pour responsabilité d'assurer la bonne santé et la sécurité des délinquants purgeant une peine fédérale et de prendre des mesures de précaution raisonnables si le comportement d'un détenu compromet la sécurité à l'intérieur de la prison. Les responsables de l'établissement Kent craignent avec raison que la présence continue de M. Petrovic dans un établissement à sécurité maximale ne menace la sécurité d'autrui et le fonctionnement sans danger de l'établissement. |
Je suis convaincue que la directrice de l'établissement Kent a pris en compte tous les facteurs avant de faire sa recommandation finale au sujet de M. Petrovic. Celui-ci n'y est plus contrôlable, étant donné : la menace potentielle qu'il représente pour créer d'autres troubles à son retour dans les cellules à sécurité maximale; son comportement perturbateur et violent en milieu collectif pendant qu'il était en isolement; les considérables dégâts matériels auxquels il a contribué à l'établissement Kent; les accusations pendantes de crimes graves rattachées à cet incident et à un autre incident; la tendance avérée aux actes imprévisibles et agressifs envers les gardiens; son rôle dans l'incitation d'autres détenus à prendre part à l'incident susmentionné. Je le juge dangereux puisque son comportement est tel qu'il a causé de graves préjudices et qu'il compromet sérieusement la sécurité d'autrui. |
J'approuve le transfèrement imposé pour évaluation à l'Unité spéciale de détention au Québec. » |
[19] La décision relative au demandeur Harms est pratiquement identique. Il ressort d'une lecture attentive de ces deux décisions que leur qualité de suspects dans une enquête de meurtre en cours n'était que l'un des multiples facteurs pris en compte par les défendeurs. En fait, on pourrait dire que le fait qu'ils étaient soupçonnés de meurtre n'était qu'un facteur périphérique de la décision, vu les événements survenus à l'établissement Kent.
[20] Je ne pense pas que les défendeurs fussent tenus de communiquer d'autres renseignements aux demandeurs. Les documents joints à l'avis de transfèrement imposé donnent clairement tous les détails du cas de l'un et l'autre. Le Suivi du Plan correctionnel donne des renseignements sur les progrès de chaque demandeur en matière d'orientation personnelle et affective, attitude, relations conjugales et familiales, relations interpersonnelles, fonctionnement en milieu social, toxicomanie. L'évaluation pour décision énumère les facteurs motivant le transfèrement imposé. Il s'agit essentiellement d'une liste de 26 différents incidents dans lesquels ils étaient impliqués et qui constituaient un comportement inadmissible. L'enquête pour meurtre n'est qu'un incident parmi d'autres. À mon avis, compte tenu des circonstances et des preuves flagrantes de conduite répréhensible, il serait tout à fait déraisonnable d'attendre des autorités qu'elles donnent des renseignements détaillés ou nombreux sur chacun de ces différents incidents.
[21] Pour reprendre les termes employés par le juge Marceau, J.C.A., ce qu'il faut contrôler en l'espèce, « c'est uniquement le caractère raisonnable et sérieux des motifs sur lesquels la décision est fondée, et la participation de la personne visée doit être rendue pleinement significative pour cela, mais rien de plus » . Les demandeurs se sont vu donner la possibilité de réfuter les faits relevés contre eux, mais ont choisi de n'en rien faire. Dans leur mémoire des faits et du droit, ils essaient maintenant d'expliquer les conclusions tirées par la défenderesse Bergen dans sa décision de confirmer la recommandation de transfèrement. À mon avis, la plupart de ces explications auraient pu être données bien plus tôt, avant que la décision en question n'eût été prise. Il ne faut pas qu'ils soient autorisés à « faire valoir leurs arguments » devant la Cour, sur recours en contrôle judiciaire, s'ils ont choisi de ne pas le faire en temps et lieu. Leur avocat soutient que la décision Gallant susmentionnée était antérieure à la modification du paragraphe 27(3). Il ressort d'un examen des documents soumis que ceux-ci excèdent les prescriptions de cette disposition.
[22] Je trouve aussi insoutenable l'argument qu'à la lumière du « code des détenus » , les demandeurs craignaient pour leur vie pendant l'émeute. Cette émeute s'est produite au gymnase. Les deux étaient enfermés dans leur cellule à ce moment-là et il est ridicule de dire qu'ils avaient l'obligation de faire ce qu'ils faisaient pour manifester leur soutien pour les autres détenus. Ainsi que l'indiquent les rapports, ils ont allumé des incendies dans le voisinage de leur cellule, ils ont arraché l'évier du mur, et déversé un liquide glissant dans les couloirs lorsque des responsables de la prison s'employaient à éteindre ces incendies, le tout pour entraver les efforts des autorités pour ramener l'ordre; on ne peut dire que ces faits et gestes justifiaient leur conduite par respect du soi-disant « code des détenus » . Durant l'émeute au gymnase, ils étaient loin, enfermés dans leur cellule, et ils pouvaient parfaitement justifier leur non-participation par les conditions de leur enfermement.
[23] La Cour les déboute de leur recours.
« P. Rouleau »
________________________________
Juge
Ottawa (Ontario),
le 23 octobre 2000
Traduction certifiée conforme,
Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER No : T-1894-99 |
INTITULÉ DE LA CAUSE : Daniel Harms c. Pieter Devink et al.
LIEU DE L'AUDIENCE : Vancouver (Colombie-Britannique)
DATE DE L'AUDIENCE : 11 octobre 2000
MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE ROULEAU
LE : 23 octobre 2000
ONT COMPARU :
M. Peter Benning pour le demandeur
M. Roger Thirkell
M. Rodney Yamanouchi pour le défendeur
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Derksen, Thirkell pour le demandeur
Abbotsford (Colombie-Britannique)
M. Morris Rosenberg pour le défendeur |
Sous-procureur général du Canada
Ottawa (Ontario)
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER No : T-1895-99 |
INTITULÉ DE LA CAUSE : Morgan Gvapo Petrovic c. Pieter Devink et al.
LIEU DE L'AUDIENCE : Vancouver (Colombie-Britannique)
DATE DE L'AUDIENCE : 11 octobre 2000
MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE ROULEAU
LE : 23 octobre 2000
ONT COMPARU :
M. Peter Benning pour le demandeur
M. Roger Thirkell
M. Rodney Yamanouchi pour le défendeur
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Derksen, Thirkell pour le demandeur
Abbotsford (Colombie-Britannique)
M. Morris Rosenberg pour le défendeur
Sous-procureur général du Canada
Ottawa (Ontario)