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Date: 20000705


Dossier: IMM-3931-99



ENTRE :

     REDEMPTA UMUNEZERO

     ARLETTE SABRINA UWERA

     MARIE LOUISE MUGABEKAZI

     CLEMENCE UMUGWANEZA

     CLEMENTINE UWASE

     Demanderesses


     - et -


     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE

     L'IMMIGRATION

     Défendeur



     MOTIFS D'ORDONNANCE


LE JUGE DENAULT

[1]      Les demanderesses, la mère et ses quatre filles toutes citoyennes du Rwanda, demandent le contrôle judiciaire d'une décision de la section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la "section du statut"), selon laquelle elles ne sont pas des réfugiées au sens de la Convention bien qu'elles aient allégué avoir une crainte bien fondée de persécution dans leur pays d'origine en raison de leur race.

[2]      Il appert du dossier que la demanderesse principale ("la demanderesse"), d'origine tutsi et hutu, son mari d'origine tutsi, et des membres de sa famille ont subi les horreurs de la guerre civile qui a opposé ces deux ethnies depuis 1990. Le mari de la demanderesse est même décédé en mai 1993 des suites des mauvais traitements qu'il avait reçus en prison.

[3]      L'histoire relatée par la demanderesse, tant dans son formulaire de renseignements personnels (FRP) que lors de son témoignage devant la section du statut rattache cependant les problèmes qu'elle a vécus entre 1995 et 1998 au fait qu'elle était propriétaire de la maison familiale que convoitait un militaire, membre de l'armée patriotique Rwandaise. Ce militaire aurait, selon la preuve, occupé la maison de la demanderesse durant une certaine période de temps en 1994 alors qu'elle l'avait louée avant d'aller se réfugier durant quelques mois chez son cousin au Burundi. La locataire qui avait entrepris des démarches en vue de récupérer ses effets personnels et la maison qu'occupait ce militaire réussit finalement à y vivre jusqu'en juillet 1995. La demanderesse apprit cependant en novembre 1996 qu'elle avait été tuée à son retour du travail.

[4]      Propriétaire d'un commerce de location et de vente de véhicules usagés, la demanderesse s'est rendue au Kenya par affaires durant une dizaine de jours en avril 1998. Elle a aussi, avec la plus jeune de ses filles, Sabrina, visité son frère réfugié aux États-Unis et des amis entre le 15 mai et le 10 juillet 1998. Elle n'a revendiqué le statut de réfugié dans aucun de ces pays. De retour au Rwanda, elle en est repartie le 15 septembre 1998 pour les États-Unis, ses enfants l'y ayant précédée le 15 août 1998. Elles sont arrivées au Canada le 21 septembre et ont aussitôt demandé le statut de réfugié.

[5]      La section du statut a rejeté les revendications des demanderesses. De l'avis du Tribunal, la demanderesse n'a pas démontré que les problèmes qu'elle avait vécus étaient rattachés à sa race mais plutôt à la propriété que convoitait un militaire qui avait été évincé par son ancienne locataire. Le Tribunal a estimé que ses problèmes n'étaient pas reliés à un des cinq motifs de la Convention. La section du statut lui a aussi reproché de ne pas avoir recherché la protection des autorités ni d'avoir cherché, à quelque moment que ce soit, une solution à son problème. Le Tribunal a enfin vu dans les deux voyages qu'elle a effectués au Kenya et aux États-Unis une absence de crainte subjective, dans la mesure où dans chaque cas, elle a laissé ses enfants sous la garde de leur tante, dans la maison même où elle prétendait avoir subi du harcèlement.

[6]      Au soutien de la demande de contrôle judiciaire, l'avocat de la demanderesse reproche d'abord à la section du statut d'avoir écarté la crainte alléguée de persécution en raison de la race sans avoir mis en doute sa crédibilité sur les faits qu'elle avait énoncés, et sans avoir tenu compte d'un second motif de crainte de persécution à savoir son état de femme seule avec enfants.

[7]      L'analyse de la preuve incombe à la section du statut et la Cour ne peut intervenir pour y substituer son opinion que si la conclusion de faits est erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont elle dispose.

[8]      En dépit des représentations fort habiles de l'avocat des demanderesses, la Cour estime qu'il n'y a pas, en l'espèce, matière à intervention. Après avoir lu la déclaration de la demanderesse dans son FRP et son témoignage à l'enquête, j'estime qu'il n'était pas déraisonnable pour la section du statut de conclure à l'absence de preuve de persécution en raison de sa race. Bien sûr, la demanderesse a subi, comme la plupart sinon tous les Rwandais, les affres de la guerre civile mais le Tribunal n'a pas erré en concluant que le harcèlement d'un militaire dont elle dit avoir été victime au sujet de sa maison ne relève pas des motifs prévus à la Convention. Quant à la crainte de persécution en raison de son état de femme seule avec enfants, j'estime que le dossier ne fait pas état d'une telle crainte si ce n'est la réponse de la demanderesse à la dernière question de la présidente du Tribunal (p. 462) avant les plaidoiries, qui constituait davantage un appel à la compassion du Tribunal qu'un argument. Bref, cette crainte n'a été ni alléguée, ni prouvée.

[9]      La Cour ne saurait davantage retenir l'argument de la demanderesse relativement à l'absence de recherche de protection auprès des autorités. Il est possible que la demanderesse ait douté de l'efficacité d'un appel aux forces militaires pour intervenir auprès d'un de ses membres avec qui elle éprouvait des difficultés, mais il n'était pas déraisonnable, pour le Tribunal, de conclure qu'elle aurait dû porter plainte contre ce militaire d'autant que les forces militaires ont le mandat de protéger, et qu'elle aurait pu s'adresser au Secrétaire général de Ibuka, un groupement de 19 associations de survivants du génocide qui sont sous la protection des forces militaires.

[10]      Dans un affidavit supplémentaire déposé après que la demande d'autorisation eût été accordée, la demanderesse s'est plainte de la pauvre qualité des services de l'avocate qui la représentait devant la section du statut, mais elle a abandonné cet argument devant la Cour. Dans cet affidavit et dans celui qu'elle a déposé au soutien de sa demande d'autorisation, la demanderesse a signalé que son voyage aux États-Unis avait eu lieu pour "affaires personnelles", à savoir assister sa cousine en phase terminale d'un cancer. Selon la demanderesse, ce fait aurait expliqué qu'elle aurait laissé trois de ses filles à la maison. La Cour est loin d'être convaincue que ce fait, eut-il été dénoncé en temps voulu, aurait changé la décision du Tribunal; par ailleurs, le défaut de le mentionner en temps utile n'a sûrement pas été la cause d'une erreur d'appréciation de la part de la section du statut.

[11]      Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire doit être rejetée. Il n'y a pas, en l'espèce, matière à certifier une question sérieuse de portée générale.





OTTAWA, Ontario

le 5 juillet 2000

    

     Juge

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