Date : 20030616
Dossier : T-679-02
Référence : 2003 CFPI 749
OTTAWA (Ontario), le lundi 16 juin 2003
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE KELEN
ENTRE :
DAVID F.J. YATES
demandeur
- et -
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA ET
LE REGISTRAIRE, TRIBUNAL DES ANCIENS COMBATTANTS
(RÉVISION ET APPEL) DU CANADA
défendeurs
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision, en date du 21 décembre 2001, par laquelle le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) (le TACRA) a refusé d'augmenter de 5 p. cent à 10 - 15 p. cent l'estimation de l'hypoparathyroïdisme du demandeur aux fins du calcul de sa pension. La question en litige dans la présente demande est de savoir si le TACRA a commis une erreur en concluant que le demandeur n'a présenté aucune preuve médicale objective à l'appui de sa demande.
[2] Le demandeur est un ancien membre de la Gendarmerie royale du Canada, qu'il a quittée pour prendre sa retraite en 1995 après 30 ans de service. En plus de sa pension régulière, il reçoit une pension d'invalidité pour les affections suivantes ouvrant droit à pension, dont il est atteint, selon les estimations, dans les pourcentages suivants aux fins du calcul de la pension :
(i) Ostéoarthrose au genou gauche - 2 p. cent;
(ii) Entorse chronique à la cheville - 10 p. cent;
(iii) Perte d'ouïe - 5 p. cent;
(iv) Dislocation de l'articulation acromio-claviculaire - 5 p. cent;
(v) Diabète sucré - 10 p. cent;
(vi) Neuropathie diabétique - 10 p. cent;
(vii) Rétinopathie diabétique - 5 p. cent;
(viii) Hypoparathyroïdisme - 5 p. cent.
[3] La Cour a déjà rendu une décision au sujet de la rétinopathie diabétique du demandeur, affection ouvrant droit à pension et pour laquelle il avait initialement obtenu une estimation nulle parce que le TACRA n'avait pas tenu compte d'éléments de preuve pertinents : Yates c. Canada (Procureur général), 2002 CFPI 111. La présente demande ne vise que le pourcentage attribué aux fins du calcul de la pension pour l'hypoparathyroïdisme du demandeur. Les estimations du degré d'invalidité ouvrant droit à pension sont faites conformément à l'article 35 de la Loi sur les pensions, L.R.C. 1985, ch. P-6 :
Montant conforme au degré d'invalidité
35. (1) Sous réserve de l'article 21, le montant des pensions pour invalidité est, sous réserve du paragraphe (3), calculé en fonction de l'estimation du degré d'invalidité résultant de la blessure ou de la maladie ou de leur aggravation, selon le cas, du demandeur ou du pensionné.
Estimation du degré d'invalidité
(2) Les estimations du degré d'invalidité sont basées sur les instructions du ministre et sur une table des invalidités qu'il établit pour aider quiconque les effectue.
Pension in accordance with extent of disability
35. (1) Subject to section 21, the amount of pensions for disabilities shall, except as provided in subsection (3), be determined in accordance with the assessment of the extent of the disability resulting from injury or disease or the aggravation thereof, as the case may be, of the applicant or pensioner.
How extent of disability assessed
(2) The assessment of the extent of a disability shall be based on the instructions and a table of disabilities to be made by the Minister for the guidance of persons making those assessments.
[4] En 1991, on a accordé une pension au demandeur pour sa thyroïdite de Hashimoto. Sept ans plus tard, il a subi une opération en raison de cette affection et sa glande thyroïde gauche a été irrémédiablement endommagée. Comme on lui avait enlevé la glande thyroïde droite en 1985, le demandeur n'a plus de glandes thyroïdes et on a diagnostiqué qu'il souffrait d'hypoparathyroïdisme, affection à l'origine de fatigue et de crampes musculaires. Son hypoparathyroïdisme empêche aussi son corps d'absorber le calcium, ce qui lui cause des problèmes d'équilibre et de coordination. Comme traitement, le demandeur prend le médicament appelé Rocaltrol, qui aide le corps à mieux absorber le calcium. Ce médicament comporte les effets secondaires suivants, que le demandeur a tous eus : faiblesse, constipation et douleurs musculaires.
[5] Le 14 mars 2000, le ministère des Anciens Combattants a accordé au demandeur une pension d'invalidité pour son hypoparathyroïdisme parce que celle-ci était une séquelle de son affection ouvrant droit à pension, la thyroïdite de Hashimoto. N'étant pas satisfait de l'estimation de son invalidité établie à 5 p. cent, le demandeur a demandé qu'un comité de révision l'augmente pour l'établir à 10 - 15 p. cent. Sa demande a été refusée le 17 mai 2000 au motif que la preuve médicale était insuffisante pour saisir un comité de révision. Pour résoudre ce problème, on a fait subir au demandeur un examen médical. Le Dr F.A. Hilderman a effectué cet examen et a rédigé un rapport, daté du 17 octobre 2000, dans lequel il a indiqué que le demandeur [TRADUCTION] « se sentait bien » et n'a pas recommandé de changer l'estimation. De plus, des analyses effectuées les 14 septembre 2000 et 14 mars 2001 ont montré que le niveau de calcium du demandeur se situait dans la norme.
[6] Le comité disposait aussi d'un autre élément de preuve médicale : un rapport, en date du 2 septembre 1999, de l'endocrinologiste du demandeur, le Dr Alun L. Edwards. Ce dernier a conclu dans son rapport :
[TRADUCTION] [L]e traitement et le dosage actuels de thyroxine, 250ug par jour, semblent être tout à fait appropriés puisque la valeur de la TSH [de Dave] est exactement ce qu'elle doit être selon les normes [...]
Il semble que le niveau de calcium commence aussi à avoir des valeurs acceptables; nous essayons de maintenir le niveau de calcium entre 2.0 et 2.2 mmol/l chez les patients souffrant d'hypoparathyroïdisme et la dernière valeur de Dave est 2.0, ce qui semble indiquer que nous avons le bon dosage pour lui.
Le rapport dit essentiellement que l'affection est contrôlée au moyen de médicaments.
[7] Le 17 mai 2001, un comité de révision a entendu la demande du demandeur, mais celle-ci a été rejetée le 12 juillet 2001. Le demandeur a interjeté appel de cette décision devant le TACRA, qui a tenu une audience le 20 novembre 2001. Le TACRA a confirmé la décision du comité de révision et a noté que le demandeur prenait des médicaments pour contrôler la fonction thyroïdienne et les niveaux de calcium, et que des analyses toutes récentes montrent que tant la fonction thyroïdienne que les niveaux de calcium sont correctement contrôlés, si bien que le demandeur a dit qu'il « se sentait bien » . Le TACRA a déclaré aux pages 2 et 3 de ses motifs :
[TRADUCTION] On n'a pas présenté au Tribunal une preuve médicale objective à l'appui des plaintes subjectives de l'appelant. En fait, la preuve semble indiquer que le médicament Rocaltrol est efficace et il n'y a pas de preuve documentaire au sujet de ses effets secondaires.
Le Tribunal note que l'appelant souffre actuellement d'autres maladies qui peuvent, en fait, être aussi à l'origine de ses symptômes et de ses plaintes subjectives. On n'a pas présenté au Tribunal d'éléments de preuve médicaux objectifs au sujet de l'affection en cause qui lui aurait permis de conclure que l'hypoparathyroïdisme [de l'appelant] justifie une estimation supérieure à 5 p. cent. Le Tribunal a pris en considération toute l'argumentation invoquée pour le compte de l'appelant, les éléments que l'appelant a fait valoir dans sa déclaration écrite et conclut qu'une augmentation de l'estimation n'est pas justifiée à l'heure actuelle. Le Tribunal confirme la décision en date du 17 mai 2001 du comité de révision.
[8] Le demandeur cherche maintenant à faire contrôler judiciairement la décision du TACRA. La Cour ne peut pas, dans le cadre d'une demande de contrôle judiciaire, substituer sa décision à celle du TACRA. Celui-ci a une compétence exclusive et ses décisions sont définitives et exécutoires en vertu d'une clause privative. La norme de contrôle applicable à l'égard des décisions du TACRA est celle de la décision manifestement déraisonnable : MacDonald c. Canada (P.G.) (1999), 164 F.T.R. 42, le juge Cullen, paragraphe 21 :
[L]a Cour ne peut intervenir que si la décision contestée est fondée sur une erreur de droit ou sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments soumis au Tribunal [...].
L'interprétation de la preuve médicale et l'estimation de l'invalidité du demandeur se situent au coeur même de la compétence spécialisée du TACRA et les décisions de ce dernier appellent la retenue judiciaire : McTague c. Canada (P.G.) (1999), 177 F.T.R. 5, aux paragraphes 46 et 47.
[9] Le demandeur n'a pas démontré que le TACRA a commis une erreur susceptible de justifier l'accueil de la présente demande. Je suis d'accord avec le TACRA pour dire qu'il n'y a pas de preuve médicale objective à l'appui de la demande du demandeur. Au contraire, l'endocrinologiste du demandeur, le Dr Edwards, a déclaré que l'affection est contrôlée au moyen de médicaments. Le demandeur prétend que le Rocaltrol lui cause des effets secondaires importants. Bien que ces effets secondaires puissent justifier une estimation supérieure à 5 p. cent, on n'a pas présenté au TACRA de preuve médicale à ce sujet. Si le demandeur doit recevoir une estimation supérieure, il faudra en premier qu'il fournisse au ministère une preuve médicale en bonne et due forme de ces effets secondaires. Il devra démontrer que les symptômes dont il se plaint ne sont liés à aucune des sept autres affections ouvrant droit à pension pour lesquelles il reçoit actuellement une pension d'invalidité.
[10] Les défendeurs ont plaidé que la demande du demandeur n'a pas été introduite conformément aux dispositions des Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106, et devrait être radiée. Vu ma conclusion sur le fond de la demande, il n'est pas nécessaire d'examiner cette prétention.
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE :
La présente demande est rejetée.
« Michael A. Kelen »
Juge
Traduction certifiée conforme
Sandra Douyon de Azevedo, LL.B.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : T-679-02
INTITULÉ : DAVID F.J. YATES c. LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA ET LE REGISTRAIRE, TRIBUNAL DES ANCIENS COMBATTANTS (RÉVISION ET APPEL) DU CANADA
LIEU DE L'AUDIENCE : Calgary (Alberta)
DATE DE L'AUDIENCE : le 10 juin 2003
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
ET ORDONNANCE : MONSIEUR LE JUGE KELEN
DATE DES MOTIFS ET
DE L'ORDONNANCE : le 16 juin 2003
COMPARUTIONS :
M. David F.J. Yates POUR LE DEMANDEUR
M. Ron Nichwolodoff POUR LES DÉFENDEURS
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
M. David F.J. Yates DEMANDEUR AGISSANT EN SON
PROPRE NOM
Morris Rosenberg POUR LES DÉFENDEURS
Sous-procureur général du Canada
Ottawa (Ontario)
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
Date : 20030616
Dossier : T-679-02
ENTRE :
DAVID F.J. YATES
demandeur
- et -
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA ET LE REGISTRAIRE, TRIBUNAL DES ANCIENS COMBATTANTS (RÉVISION ET APPEL) DU CANADA
défendeurs
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
ET ORDONNANCE