Date : 19990623
Dossier : IMM-1326-98
ENTRE:
HELEN IYEKEORETIN OSAROGIAGBON,
demanderesse,
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,
défendeur.
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
LE JUGE REED
I. La demanderesse sollicite une ordonnance annulant une décision de la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (SSR) qui a refusé de lui reconnaître le statut de réfugié au sens de la Convention. L'avocat fait valoir que, compte tenu de l'effet cumulatif des erreurs et des inexactitudes de preuve que cette décision contient, il y a lieu de conclure qu'elle doit être annulée.
II. La revendication de la demanderesse est connexe à une autre. Elle prétend faire l'objet de persécution parce que son petit ami, un certain capitaine John Ojo, fait partie des personnes que le gouvernement militaire du Nigéria recherche pour complicité dans la tentative de coup d'État de 1995.
III. La Commission juge la demanderesse peu digne de foi parce qu'elle sait peu de choses au sujet du capitaine Ojo. En outre, elle doute de l'existence de ce capitaine parce qu'il n'a été mentionné dans aucune information de presse et, plus particulièrement, parce qu'il ne se trouve pas sur la liste dressée par Amnistie Internationale des personnes recherchées ou détenues par suite de cette prétendue tentative de coup d'État.
IV. Le défendeur admet que la Commission a commis une erreur en considérant que la preuve documentaire contenait une liste exhaustive des personnes recherchées ou détenues. Il ressort manifestement, à la lecture du document en question, que celui-ci ne se voulait pas exhaustif et, qui plus est, beaucoup de documents précisent qu'on ne connaît pas l'identité de toutes les personnes visées par les catégories décrites précédemment.
V. De plus, au moins un des éléments d'information qui a permis à la Commission de trouver que la demanderesse ignorait bien des choses au sujet du capitaine Ojo semble être une inexactitude de la preuve. En effet, la Commission déclare que la demanderesse ignore son âge. En fait, celle-ci a indiqué, dans son témoignage, qu'il a entre 38 et 40 ans, mais qu'elle ne sait pas son âge exact parce qu'au Nigéria, les hommes n'aiment pas dire leur âge ou être interrogés à ce sujet. Par ailleurs, la Commission a accordé beaucoup d'importance au fait que, bien qu'elle ait cherché le capitaine Ojo, après l'évasion de celui-ci, pendant qu'elle se trouvait au Nigéria, elle n'a pas poursuivi ses recherches une fois arrivée au Canada. Si elle a cessé de le chercher, c'est en partie parce qu'elle se trouvait au Canada et non au Nigéria. Cette explication ne semble pas déraisonnable.
VI. En revanche, le fait qu'elle ignore le nom du collège militaire dont ce capitaine est diplômé, le nom de son bataillon ou le type de travail militaire qu'il effectuait étaye la décision de la Commission, tout comme le témoignage contradictoire qu'elle a donné quant à savoir si elle le voyait « à l'occasion » ou « chaque jour » . De plus, sa première explication du fait qu'elle n'a pas continué de le chercher, une fois au Canada, à savoir par peur que l'on ne découvre où elle se trouvait, sonne faux.
VII. Personnellement, j'ai beaucoup de difficulté à croire que cette demanderesse serait arrêtée, incarcérée pendant une si longue période et victime de violence comme elle prétend l'avoir été parce que son petit ami (à qui elle n'est pas officiellement fiancée) ne peut être localisé et qu'on ignore où il se trouve. Il reste que la Commission a davantage d'expérience dans l'appréciation de ces affaires que je n'en ai et cette partie de son histoire n'a pas été jugée, en soi, contestable. Dans le cadre d'un contrôle judiciaire, un juge n'est pas autorisé à réécrire la décision rendue par la Commission.
VIII. La Cour doit décider si les erreurs contenues dans la décision de la Commission et, plus particulièrement, celles en matière d'appréciation de la preuve documentaire, commandent d'annuler cette décision.
IX. Le critère à appliquer est exposé au paragraphe 18.1(4) de la Loi sur la Cour fédérale. Il faut se demander si la SSR :
a rendu une décision [...] fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive et arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont [elle] dispose.
La SSR a résumé sa décision de la manière suivante :
[TRADUCTION] La Section du statut de réfugié estime qu'Helen Osarogiabon [sic] n'est pas une réfugiée au sens de la Convention pour les raisons qui suivent. Le tribunal a jugé le témoignage de la demanderesse du statut de réfugié non crédible parce qu'il contient des contradictions et des invraisemblances. Par ailleurs, la preuve documentaire ne permet pas de conclure à l'existence d'un capitaine Ojo qui aurait été détenu et qui se serait évadé.
X. Je dois conclure qu'il a été satisfait au critère du paragraphe 18.1(4) et qu'il y a lieu d'annuler la décision. Une ordonnance sera délivrée conformément aux présents motifs.
« B. Reed »
Juge
TORONTO (ONTARIO)
Le 23 juin 1999
Traduction certifiée conforme :
Richard Jacques, LL. L.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
Avocats et avocats inscrits au dossier
NUMÉRO DU GREFFE : IMM-1326-98
INTITULÉ DE LA CAUSE : HELEN IYEKEORETIN OSAROGIAGBON
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
DATE DE L'AUDIENCE : LE MARDI 22 JUIN 1999
LIEU DE L'AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR MADAME LE JUGE REED, LE MERCREDI 23 JUIN 1999
ONT COMPARU :
Munyonzwe Hamalengwa pour la demanderesse
Susan Nucci pour le défendeur
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Munyonzwe Hamalengwa
Avocat
2, avenue Sheppard est, pièce 900
North York (Ontario)
M2N 5Y7 pour la demanderesse
Morris Rosenberg
Sous-procureur général du Canada pour le défendeur
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
Date : 19990623
Dossier : IMM-1326-98
Entre :
HELEN IYEKEORETIN
OSAROGIAGBON
demanderesse
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE