Date : 20010712
Dossier : IMM-4561-00
Ottawa (Ontario), le 12 juillet 2001
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE PINARD
Entre :
SOKMIMDAH SINGH
MAHINDER JEET KAUR
RISHMINDER SINGH
SHAMINDER SINGH
demandeurs
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉET DE L'IMMIGRATION
défendeur
ORDONNANCE
La demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision rendue le 7 août 2000 par la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, par laquelle cette dernière a statué que les demandeurs n'étaient pas des réfugiés au sens de la Convention et que leurs revendications étaient dénuées d'un minimum de fondement suivant la définition prévue au paragraphe 69.1(9.1) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, est annulée et l'affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué pour une nouvelle audience.
« Yvon Pinard »
JUGE
Traduction certifiée conforme
Jacques Deschênes
Date : 20010712
Dossier : IMM-4561-00
Référence neutre : 2001 CFPI 755
Entre :
SOKMIMDAH SINGH
MAHINDER JEET KAUR
RISHMINDER SINGH
SHAMINDER SINGH
demandeurs
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
LE JUGE PINARD
[1] Les demandeurs sollicitent le contrôle judiciaire de la décision rendue le 7 août 2000 par la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission), par laquelle cette dernière a statué que les demandeurs n'étaient pas des réfugiés au sens de la Convention suivant la définition prévue au paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, (la Loi), et que leurs revendications étaient dénuées d'un minimum de fondement au sens du paragraphe 69.1(9.1) de cette loi.
[2] Le demandeur principal, M. Sokmimdah Singh a 45 ans. Il est un sikh originaire du Punjab. Mme Mahinder Jeet Kaur, sa conjointe, et les enfants, Rishminder et Shaminder Singh, fondent leurs revendications sur la sienne. Tous les demandeurs sont citoyens de la Malaisie. Le demandeur principal prétend craindre avec raison d'être persécuté du fait de ses opinions politiques et religieuses et de son origine ethnique.
[3] Selon la Commission, rien ne permettait de conclure que le demandeur craignait avec raison d'être persécuté étant donné son manque de crédibilité et son incapacité d'établir son identité.
[4] Pour parvenir à sa conclusion concernant l'absence de crédibilité, la Commission a mentionné en particulier le moment de l'adhésion du demandeur au Parti de la justice nationale (PJN).
[5] Dans son formulaire de renseignements personnels (FRP), le demandeur écrit ce qui suit au sujet de son adhésion au parti KeADILan :
[TRADUCTION] Le 2 septembre 1998, Mahathir Mohammed, le premier ministre de la Malaisie, a destitué Anwar Ibrahim, son vice-premier ministre parce qu'il était de mauvaises moeurs [¼] Un mouvement réformiste connu sous le nom de KeADILan (que j'ai joint et dont je suis devenu membre très actif) a été créé par Anwar Ibrahim afin de contester les politiques dictatoriales, la corruption, les violations flagrantes des droits de la personne qui existent au sein du gouvernement de Mahathir Mohammed [¼] En décembre 1998, mon mouvement réformiste, le KeADILan, a été officiellement accrédité sous la direction de la femme d'Anwar Ibrahim, la Dre Wan Azizah. En avril 1999, ce mouvement s'est transformé en un parti politique appelé Parti de la justice nationale ou le Parti KeADILan national.
[¼]
Le 3 mai 1999, après avoir été présenté par mon ami intime Zahari Ahmad, je suis devenu membre de ce nouveau parti de l'opposition appelé Parti de la justice nationale (KeADILan)[¼]
[6] Sur le seul fondement de cet extrait, on ne peut pas dire si le demandeur s'est joint au mouvement réformiste KeADILan en septembre 1998 ou en mai 1999. Cependant, au cours de l'audience, la Commission a examiné la question avec le demandeur et a obtenu les réponses suivantes :
[TRADUCTION]
Commission [¼] Qu'est-ce qui vous a amené à vous intéresser à la situation politique? Comment est-ce que vous y êtes-vous intéressé?
[¼]
Demandeur [¼] J'avais un ami, Zahari Ahmat (phonétique); il m'a fait découvrir son parti. [¼] Il m'a dit : « Si tu veux adhérer (inaudible) au Parti de la justice nationale et que tu connais ce parti, je t'en ferai membre. »
Commission Maintenant, quand vous a-t-il encouragé à adhérer au parti?
Demandeur Je suis devenu membre du parti le 3 mai 1999. Et comme j'en deviens membre, il me connaît, il sait ce que je pense de toute cette question du gouvernement.
Commission D'accord. Monsieur, étiez-vous actif ou engagé au sein du parti avant le 3 mai 1999?
Demandeur J'étais tout juste comme, par exemple, je savais ce qui ce passait au sein du Parti de la justice nationale.
Commission Monsieur, étiez-vous engagé? Vous êtes un homme instruit et je choisis mes mots soigneusement, ainsi le mot « engagé » ne veut pas dire que vous connaissiez le parti. Je dis : Étiez-vous engagé, activement engagé au sein du parti avant d'y adhérer le 3 mai 1999?
Demandeur Non, je ne l'étais pas.
[7] Cet échange montre très clairement ce que le FRP ne montrait pas, c'est-à -dire que le demandeur a effectivement adhéré au parti KeADILan, ou au PJN, le 3 mai 1999. Il devient évident que la mention antérieure du parti « qu'[il avait] joint et dont [il était] devenu membre très actif » n'était qu'une façon de présenter ce qui était à ses tout débuts le parti auquel il s'est joint par la suite. À mon avis, c'est là la seule interprétation raisonnable et logique du témoignage du demandeur.
[8] Par conséquent, je suis d'avis que la Commission a très mal énoncé ou, à tout le moins, mal compris les explications du demandeur lorsqu'elle a écrit :
On a demandé au revendicateur principal s'il avait été actif sur le plan politique avant de se joindre au PJN en mai 1999. Il a répondu « non » . Cette réponse est contradictoire à ce qu'il a mentionné dans son FRP, à savoir qu'en septembre 1998, après la destitution du vice-président Anwar Ibrahim, il s'était joint à un mouvement réformiste connu sous le nom de KeADILan. Il est mentionné dans son FRP qu'il s'est joint à ce mouvement et qu'il en est devenu un membre très actif. Toujours selon le FRP du revendicateur, ce mouvement a été accrédité en décembre 1998 et a obtenu le statut de PJN en avril 1999. Le tribunal conclut, selon ce témoignage, que le revendicateur n'est pas crédible.
En se fondant sur le témoignage du revendicateur, qu'il considère non crédible, le tribunal a du mal à croire que le revendicateur a été politiquement actif au sein du PJN. De plus, le revendicateur principal n'a produit aucune preuve à cet effet [¼]
[9] Cette erreur était d'une importance fondamentale par rapport à la revendication du demandeur, car la Commission a fini par conclure :
[¼] Il [le tribunal] ne croit pas que le revendicateur principal était un membre de ce parti ni qu'il était actif au plan politique comme il le prétend. Le tribunal ne croit pas aux allégations du revendicateur à l'effet qu'il craint d'être persécuté en raison de ses prétendues activités politiques
[10] Cette erreur a également amené la Commission à n'accorder aucune valeur probante au rapport de police corroborant que le demandeur a présenté. Voici les propos mêmes de la Commission à cet égard :
Le tribunal n'accorde non plus aucune valeur probante au rapport de police [Note de bas de page omise]. Premièrement, il ne croit pas aux allégations du revendicateur à l'effet qu'il était actif au plan politique. Deuxièmement, il a constaté certaines contradictions entre le témoignage du revendicateur et l'information contenue dans le rapport.
[11] Je crois que cette erreur était à ce point grossière et a eu une si grave portée sur la revendication du demandeur qu'elle justifie l'intervention de la Cour.
[12] Pour tous ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision de la Commission est annulée et l'affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué pour une nouvelle audience.
« Yvon Pinard » JUGE
OTTAWA (ONTARIO)
Le 12 juillet 2001
Traduction certifiée conforme
Jacques Deschênes
COUR FÉDÉ RALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-4561-00
INTITULÉ : SOKMIMDAH SINGH et autres c. MCI
LIEU DE L'AUDIENCE : MONTRÉAL (QUÉBEC)
DATE DE L'AUDIENCE : LE 19 JUIN 2001
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE : MONSIEUR LE JUGE PINARD
DATE DES MOTIFS : LE 12 JUILLET 2001
COMPARUTIONS :
JACK B. ROSENFIELD POUR LE DEMANDEUR
SHERRY RAFAI FAR POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
JACK B. ROSENFIELD POUR LE DEMANDEUR
MONTRÉAL (QUÉBEC)
Morris Rosenberg POUR LE DÉFENDEUR
Sous-procureur général
du Canada