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Date : 19981020


Dossier : T-2747-97

ENTRE :


JING (JAMES) ZHOU,


appelant,


et


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L"IMMIGRATION,


intimé.


MOTIFS D"ORDONNANCE

LE JUGE ROULEAU

[1]      Il s"agit de l"appel de la décision d"un juge de la citoyenneté qui, le 30 octobre 1997, a refusé d"accorder à l"appelant la citoyenneté canadienne. Il a été déterminé que M. Zhou ne satisfaisait pas à l"exigence en matière de résidence prévue à l"alinéa 5(1)c ) de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. (1985), ch. C-29, selon laquelle la personne qui demande la citoyenneté canadienne doit, dans les quatre ans qui ont précédé la date de sa demande, avoir résidé au Canada pendant au moins trois ans en tout. Le juge de la citoyenneté a conclu qu"il manquait 336 jours de résidence à l"appelant pour satisfaire à cette exigence.

[2]      M. Zhou a déposé son appel le 19 décembre 1997. Il prétend avoir entretenu des liens suffisants avec le Canada, de sorte qu"il satisfait à l"exigence en matière de résidence.

[3]      Les appels interjetés devant la Cour fédérale en vertu du paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté avant l"entrée en vigueur des Règles de la Cour fédérale (1998) , le 25 avril 1998, sont des instances de novo1. La Cour pouvait donc examiner toute la preuve comme s"il s"agissait d"une instance complètement nouvelle.

[4]      M. Zhou est né en Chine le 4 mars 1968. Il a 11 années de scolarité. Le 17 décembre 1989, il est arrivé au Canada avec un visa d"étudiant. Il a étudié l"administration des affaires au BCIT pendant deux ans. Par la suite, il est devenu résident permanent du Canada, le 27 juin 1992. Pendant ses études, M. Zhou travaillait à l"hôtel Sheraton Hotel Plaza 500; il a également exploité un restaurant pendant environ six mois. Il s"est ensuite trouvé un poste de directeur du marketing au sein de la société Delco International Trading Corporation. Cette société importe et exporte des ascenseurs et des escaliers mécaniques de même que des pièces. Aux fins de son travail, M. Zhou s"est absenté du Canada pour aller en Chine pendant les périodes suivantes : du 22 novembre 1994 au 22 mai 1995 (184 jours), du 30 mai 1995 au 24 juillet 1995 (55 jours), et du 2 septembre 1995 jusqu"au jour où il a déposé sa demande, soit le 16 décembre 1996 (462 jours). En tout, il a été absent du Canada pendant 701 jours : il lui manque donc 336 jours de résidence pour satisfaire à l"exigence prévue à la Loi sur la citoyenneté , soit 1 095 jours. Il a été soutenu que ce calcul était erroné.

[5]      Après avoir examiné les faits, le juge de la citoyenneté n"était pas convaincu que M. Zhou avait entretenu des liens suffisants avec le Canada pendant ses absences pour qu"il soit tenu compte de ces dernières dans le calcul de la période de résidence en vertu de la Loi sur la citoyenneté .

[6]      L"avis d"appel ne contient aucun renseignement en ce qui concerne la raison, alléguée par l"appelant, pour laquelle il est erroné de dire qu"il a été absent du Canada pendant 701 jours. C"est lui-même qui a avancé ce nombre de journées d"absence dans sa demande de citoyenneté canadienne. Il a été suggéré que l"entrevue que M. Zhou a eue avec le juge de la citoyenneté a été très brève et qu"il se pouvait qu"il n"ait pas été apprécié convenablement.

[7]      Dans In re Papadogiorgakis, [1978] 2 C.F. 208, le juge en chef Thurlow a établi le principe selon lequel la présence physique au Canada n"est pas une exigence essentielle en matière de résidence. La personne qui a établi sa propre résidence permanente au Canada ne cesse pas d"y résider lorsqu"elle quitte le pays à des fins temporaires, que ce soit pour travailler, prendre des vacances, ou étudier. Dans In re Ronaasen (16 septembre 1982), Calgary, T-708-82 (C.F. 1re inst.), Monsieur le juge Mahoney a dit :

         [...] il est également constant (dans la jurisprudence) que l"intention de revenir au Canada, si ferme soit-elle, ne suffit pas pour établir une résidence permanente. La personne doit en outre avoir entretenu des signes suffisants de résidence au Canada qui permettent de déduire dans les circonstances que la résidence a été conservée et non simplement que la personne avait l"intention de reprendre sa résidence canadienne.         

Dans la décisionKoo (Re), [1993] 1 C.F. 286, à la page 293 (C.F. 1re inst.), Madame le juge Reed a analysé la jurisprudence concernant la résidence et résumé les diverses façons de tourner la question de savoir si l"appelant résidait au Canada, malgré son absence physique :

         La conclusion que je tire de la jurisprudence est la suivante : le critère est celui de savoir si l"on peut dire que le Canada est le lieu où le requérant " vit régulièrement, normalement ou habituellement ". Le critère peut être tourné autrement : le Canada est-il le pays où le requérant a centralisé son mode d"existence?         

Il y a six questions que l"on peut se poser pour tirer une conclusion en matière de résidence :

1.      Présence physique au Canada :

     Environ cinq ans après être arrivé au Canada, l"appelant s"est rendu pour la première fois en Chine (il s"y rendra trois fois en tout). Ses périodes d"absence ont varié de 55 à 462 jours. En tout, il s"est trouvé au Canada pendant 759 jours au cours de la période pertinente en ce qui concerne sa demande.

2.      Lieu de résidence de la famille proche de l"appelant :

     M. Zhou est célibataire et ses parents résident aux États-Unis d"Amérique.

3.      Forme de présence physique :

     M. Zhou loue une chambre dans un sous-sol à Vancouver et un appartement à Shan-Ghai (Chine), aux frais de son employeur. Il ressort du dossier qu"il a maintenu sa résidence au Canada pendant ses absences. Dans une lettre en date du 29 juin 1995, Delco soutient avoir payé les frais de déplacement et d"hébergement de M. Zhou en Chine. M. Zhou est revenu plusieurs fois au Canada entre le 22 mai 1995 et le 17 août 1997. Il s"est trouvé au Canada du 22 au 30 mai 1995 pour présenter un rapport de travail; il s"y est trouvé du 24 juillet au 29 août 1995 pour prendre des vacances et présenter de nouveau un rapport de travail, du 9 au 22 juin 1997 pour présenter un autre rapport de travail, et du 13 juillet au 17 août 1997 pour suivre un cours de formation.

4.      Quelle est l"étendue des absences physiques? :

     M. Zhou s"est trouvé au Canada pendant 759 jours au cours des quatre dernières années. Il lui manque 336 jours de résidence pour satisfaire à l"exigence selon laquelle il doit avoir été présent au Canada pendant 1 095 jours.

5.      L"absence est-elle imputable à une situation temporaire? :

     Il est clair que M. Zhou se rendait en Chine pour le compte de son employeur. Il occupe le poste de directeur du marketing pour l"Asie et commercialise les produits de Delco en Chine, Corée du Sud, aux Philippines, et dans d"autres pays asiatiques. Il a travaillé à l"établissement d"un bureau de Delco en Chine. Il soutient qu"il lui faut beaucoup de temps pour accomplir ses activités professionnelles et commercialiser les produits.
6.      Les attaches du requérant avec le Canada sont-elles plus importantes que celles qu"il a avec la Chine?
     Depuis 1989, M. Zhou loue un logis à Vancouver (C.-B.). Il ressort de son dossier qu"il continuait de louer sa chambre même lorsqu"il se rendait en Chine. M. Zhou possède un numéro d"assurance sociale, un permis de conduire provincial, un compte dans une banque canadienne et une carte de crédit de la BCIC.

[8]      Je suis préoccupé par la question de savoir si le travail que doit accomplir M. Zhou en Chine, soit y établir un bureau, est de nature temporaire. La lettre de Delco, datée du 29 juin 1995, selon laquelle la société paye ses frais de déplacement et d"hébergement en Chine laisse entendre qu"il s"agit d"une tâche de nature temporaire. Cependant, l"appelant a dit avoir quitté la Chine pour le Canada à l"été 1997 pour suivre une formation et présenter un rapport de travail.

[9]      L"appelant a témoigné qu"il était un enfant unique et qu"il était né à Shan-Ghai, où il a grandi. Il a également témoigné n"avoir tiré aucun revenu de son emploi au cours des trois dernières années et n"avoir payé aucun impôt sur le revenu au Canada. Le seul élément de son mode de vie établissant un lien entre lui et le Canada est la chambre qu"il loue à Vancouver dans le sous-sol d"une résidence, où il a accès à la cuisine et à la salle de bain. Je ne suis pas convaincu que le Canada est le lieu où il vit habituellement ou normalement, ni qu"il y a centralisé son mode d"existence.

[10]      L"appel est rejeté.

                     (Signé) " P. Rouleau "

                         JUGE

Traduction certifiée conforme

Bernard Olivier, LL.B.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU GREFFE :              T-2747-97

INTITULÉ DE LA CAUSE :      Jing (James) Zhou

                     c.

                     Le ministre de la Citoyenneté et de l"Immigration

LIEU DE L"AUDIENCE :          Vancouver (C.-B.)

MOTIFS DE L"ORDONNANCE EXPOSÉS PAR MONSIEUR LE JUGE ROULEAU

en date du 20 octobre 1998

ONT COMPARU :

     M. G.G. Goldstein                              pour l"appelant

     Evans and Goldstein

    

     Mme Emilia Péch                              pour l"intimé

     Ministère de la Justice

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

     M. G.G. Goldstein                              pour l"appelant

     M. Morris Rosenberg                          pour l"intimé

     Sous-procureur général du Canada

__________________

1      Canada (MCI) c. Chan (1998), F.C.J. no. 742, le juge Rothstein.

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