Date : 20201106
Dossier : IMM‑1663‑19
Référence : 2020 CF 1036
[TRADUCTION FRANÇAISE]
Ottawa (Ontario), le 6 novembre 2020
En présence de monsieur le juge McHaffie
ENTRE :
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MAHAMAT ZAKARIA MAHADJIR DJIBRINE
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demandeur
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et
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LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
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défendeur
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JUGEMENT ET MOTIFS
I.
Aperçu
[1]
La Section d’appel des réfugiés (la SAR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a refusé de rouvrir l’appel du demandeur à l’égard de sa demande d’asile. La SAR a rejeté l’argument du demandeur selon lequel l’incompétence de son ancien conseil a causé un manquement à un principe de justice naturelle. Pour les motifs exposés dans les présents motifs, je conclus que le refus par la SAR de rouvrir l’appel était déraisonnable, parce que la SAR n’a pas examiné les arguments et les éléments de preuve que le demandeur avait présentés au sujet de la compétence du conseil, préférant plutôt se pencher sur d’autres aspects de la représentation offerte par ce dernier. La SAR s’est également fondée de façon déraisonnable sur de nouvelles conclusions relatives à la crédibilité qui n’étaient pas appuyées par la preuve au dossier.
[2]
Par conséquent, la présente demande de contrôle judiciaire est accueillie. En suivant l’approche que le juge Barnes a énoncée dans la décision Etik c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 762, au para 1, je mettrai en suspens la demande de contrôle judiciaire du demandeur à l’égard de la décision initiale de la SAR, déposée dans le dossier de la Cour no IMM‑4927‑18, qui a été instruite en même temps que la demande en l’espèce.
II.
La question en litige et norme de contrôle
[3]
La seule question en litige dans la présente demande de contrôle judiciaire est celle de savoir si la décision par laquelle la SAR a rejeté la demande de réouverture de l’appel du demandeur l’appel était raisonnable. La demande de réouverture a été présentée au titre de l’article 49 des Règles de la Section d’appel des réfugiés, DORS/2012‑257 [les Règles de la SAR]. Selon cette disposition, la SAR ne peut accueillir la demande « que si un manquement à un principe de justice naturelle a été établi »
: art 49(6) des Règles de la SAR.
[4]
La demande de réouverture nécessite donc une évaluation de la question de savoir s’il y a eu manquement à un principe de justice naturelle. Néanmoins, la présente demande porte non pas sur l’existence d’un manquement à un principe de justice naturelle au cours de l’audience initiale devant la SAR (cette question est soulevée dans le dossier de la Cour no IMM‑4927‑18), mais plutôt sur la décision de la SAR qui a conclu, à l’issue de la demande de réouverture, qu’aucun manquement de cette nature n’avait été établi. Notre Cour a conclu dans plusieurs affaires que cette dernière décision est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable : Brown c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 1103, aux para 24‑26 [Brown (2018)]; Khakpour c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 25, au para 20. Les parties conviennent que la norme de la décision raisonnable s’applique. Je souligne que la présente affaire ne porte pas sur une allégation selon laquelle la SAR n’a pas respecté un principe de justice naturelle dans le cadre de la demande de réouverture elle‑même : Brown (2018), au para 26.
[5]
La Cour suprême du Canada a récemment décrit la nature du contrôle en fonction de la norme de la décision raisonnable dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65, notamment aux para 81‑87, 91, 96, 99‑102, 105 et 125‑128. Le concept de « motifs adaptés aux questions et préoccupations soulevées »
, à savoir des motifs qui tiennent valablement compte des questions et préoccupations centrales soulevées par les parties, et la nécessité que la décision s’appuie sur un raisonnement rationnel qui se justifie au regard de la preuve, est particulièrement important en l’espèce : arrêt Vavilov, aux para 86‑87, 125‑128.
III.
Analyse
[6]
Je formule deux remarques préliminaires sur la nomenclature. D’abord, dans l’affidavit qu’il a déposé au soutien de la présente demande, le demandeur affirme que son prénom est Djibrine et son nom de famille, Mahadjir. C’est également ce qui est écrit dans l’exposé circonstancié de son formulaire Fondement de la demande d’asile (FDA), dans lequel le demandeur se présente sous le nom de Djibrine Mahamat Zakaria Mahadjir. Cependant, l’intitulé dans la présente affaire et la décision de la SAR donnent à penser que le nom de famille du demandeur est Djibrine, et certains des documents renvoient au demandeur sous le nom de « M. Djibrine »
. À l’audience, cette question a été débattue et il a été demandé aux parties s’il était nécessaire d’apporter une modification à l’intitulé. L’avocat du demandeur a subséquemment écrit à la Cour pour l’informer qu’aucun changement à l’intitulé n’était demandé. Aucune modification ne sera donc apportée; cependant, afin d’éviter toute erreur qui pourrait compliquer les choses, je le désignerai simplement par les mots « le demandeur »
dans les présents motifs.
[7]
En deuxième lieu, le demandeur a été représenté par trois conseils différents à l’égard de sa demande d’asile. Comme je l’explique plus loin, le premier a aidé le demandeur à préparer la demande d’asile, mais s’est retiré le premier jour de l’audience relative à celle‑ci. Le deuxième a représenté le demandeur au cours de l’audience tenue devant la Section de la protection des réfugiés (la SPR) et de son appel devant la SAR. Le troisième a représenté le demandeur dans le cadre de sa demande de réouverture et de ses deux demandes de contrôle judiciaire. Afin d’éviter les risques de confusion et de ne pas utiliser les noms des premier et deuxième conseils, contre lesquels des allégations d’incompétence ont été formulées, j’utiliserai simplement les expressions « premier conseil »
, « deuxième conseil »
et « troisième conseil »
.
A.
Le refus de la demande d’asile du demandeur
[8]
Le demandeur est un citoyen du Tchad qui est né en Arabie saoudite. Il a grandi en Arabie saoudite, mais a été expulsé en 2016 alors qu’il était un jeune adulte, après l’expiration de son permis de séjour là‑bas. Il soutient qu’à son retour, les autorités tchadiennes l’ont détenu et interrogé pendant cinq jours, puis l’ont transféré dans une prison où il a été détenu pendant 20 jours. Son oncle maternel a réussi à le faire sortir de prison en soudoyant les geôliers. Il est resté au Tchad tout en continuant de se cacher pendant cinq mois, jusqu’à ce que son oncle réussisse à coordonner son départ du pays. Il s’est rendu aux États‑Unis et est resté là‑bas pendant environ trois mois avant de venir au Canada, où il a demandé l’asile. Il craint d’être à nouveau persécuté, arrêté ou torturé, ou même de se faire tuer, s’il est renvoyé au Tchad.
[9]
Le formulaire FDA que le demandeur avait déposé au soutien de sa demande comportait en pièce jointe un exposé circonstancié dans lequel figuraient les renseignements susmentionnés, notamment le fait que la personne chez laquelle il s’était caché au Tchad était sa « grand‑mère »
. Cependant, l’exposé n’indiquait pas la raison pour laquelle il a été détenu au Tchad; le demandeur explique qu’il a été détenu parce que son père avait déjà été un opposant politique actif du gouvernement tchadien. Le demandeur a également déposé une courte lettre dans laquelle son père a confirmé que le demandeur avait été expulsé de l’Arabie saoudite, puis arrêté et détenu au Tchad jusqu’à ce que son oncle réussisse à obtenir sa libération, et que le même oncle était récemment décédé. À l’instar de l’exposé circonstancié joint au formulaire FDA, la lettre ne comportait aucune mention des activités politiques du père ou du fait qu’elles constituaient la raison de l’arrestation et la détention.
[10]
À l’époque où l’exposé circonstancié joint au formulaire FDA a été préparé et où la lettre a été obtenue, le demandeur était représenté par le premier conseil. Dans un affidavit déposé devant la SAR à l’égard de la demande de réouverture, le demandeur affirme que le formulaire FDA et l’exposé circonstancié ont été préparés après une rencontre avec un traducteur organisée par le premier conseil. Le demandeur affirme que son premier conseil n’a pas passé en revue l’exposé circonstancié avec lui, et qu’il a eu des problèmes avec le traducteur, qui lui a déconseillé d’inclure dans la lettre des renseignements concernant les activités politiques de son père.
[11]
Le premier conseil a cessé de représenter le demandeur le premier jour de l’audience relative à la demande d’asile de celui‑ci. Cette audience a été ajournée, parce qu’il était difficile de comprendre l’interprète, qui était la même personne qui avait interprété le formulaire FDA. Le demandeur a alors retenu les services de son deuxième conseil, qui l’a représenté lors de son audience devant la SPR et de son appel devant la SAR.
[12]
À la nouvelle audience relative à sa demande d’asile, le demandeur a témoigné notamment au sujet des raisons expliquant sa détention, en l’occurrence, l’opposition politique de son père. Il a expliqué qu’il avait été informé de ce fait par son oncle après sa détention. Son père lui a plus tard confirmé, au cours d’une conversation tenue quelques semaines avant l’audience, qu’il avait été un sympathisant du parti de l’opposition. Le demandeur a également expliqué qu’il n’avait pas de famille au Tchad, que son oncle était décédé et que la « grand‑mère »
mentionnée sur son formulaire FDA était en réalité la sœur du père de son oncle. Après l’audience, le demandeur a déposé trois autres documents par l’entremise de son deuxième conseil, soit une copie traduite de son permis de séjour saoudien, un certificat médical concernant le décès de son oncle et une copie de son ancien passeport.
[13]
La SPR a rejeté la demande d’asile du demandeur pour des motifs liés à la crédibilité. La conclusion défavorable quant à la crédibilité était fondée principalement sur trois motifs : le fait que le motif de la détention du demandeur n’a pas été mentionné dans l’exposé circonstancié de son formulaire FDA ou dans la lettre de son père, même après que le formulaire en question eut été modifié pour corriger certaines dates; le constat selon lequel le demandeur a soutenu avoir été informé des motifs de sa détention par son oncle à une date qui était postérieure au décès de celui‑ci, et le témoignage du demandeur selon lequel il n’avait pas de « famille »
au Tchad, alors qu’il a dit qu’il s’était caché chez sa grand‑mère.
[14]
Le demandeur, encore représenté par le deuxième conseil, a interjeté appel de la décision de la SPR devant la SAR conformément à l’article 110 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR]. Dans les observations écrites qu’il a déposées dans le cadre de cet appel, et qui tenaient à un peu moins de deux pages, le conseil a relevé sept erreurs que la SPR aurait commises. Certaines de ces erreurs étaient plus spécifiques, notamment en ce qui a trait à « la manière dont le demandeur se réfère aux personnes aînées »
(ce que la SAR a perçu comme un renvoi à la question de la « grand‑mère »
). D’autres allégations étaient formulées de manière plus générale, notamment l’allégation selon laquelle les conclusions relatives à la crédibilité reposaient sur des [traduction] « contradictions mineures ou probablement des traductions inexactes »
, et l’allégation selon laquelle la décision était [traduction] « abusive, arbitraire et contraire à la jurisprudence »
. Les observations renvoyaient à quatre paragraphes de la décision où se trouvaient les erreurs reprochées. L’argument concernant les motifs était exposé dans cinq points vignettes, qui peuvent être traduits ainsi :
● le demandeur a présenté des documents au soutien de ses allégations;
● la conclusion de fausseté ou d’omission que la SPR a tirée est déraisonnable et constitue un manquement à l’obligation d’agir équitablement;
● le demandeur est un jeune homme peu instruit issu d’une famille africaine et a reçu très peu de renseignements ou de directives sur les formalités applicables;
● le demandeur a présenté les documents qui se trouvaient en sa possession et qui ne donnent nullement à entendre qu’ils ont été falsifiés;
● les documents présentés au soutien de la demande d’asile du demandeur montrent que celui‑ci a été détenu de façon arbitraire et que son oncle est décédé.
[15]
La SAR a rejeté l’appel et confirmé les conclusions de la SPR quant à la crédibilité. La SAR a confirmé la conclusion de la SPR selon laquelle le demandeur avait dit qu’il avait obtenu les renseignements de son oncle à une date qui était postérieure au décès de celui‑ci, et la conclusion selon laquelle l’ajout de nouveaux renseignements à l’audience au sujet du motif de sa détention a grandement miné la crédibilité du demandeur, tout comme son omission de mentionner sa « grand‑mère »
lorsqu’il a été interrogé au sujet de sa famille. La SAR a également souligné que les réponses données par le demandeur pour expliquer les motifs de sa détention étaient courtes et évasives.
[16]
Le demandeur a déposé une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire à l’égard de la décision de la SAR dans le dossier de la Cour no IMM‑4927‑18. Dans une ordonnance datée du 7 novembre 2018, le protonotaire Aalto a mis cette demande en suspens jusqu’à ce que la SAR tranche la demande de réouverture de l’appel du demandeur devant celle‑ci.
B.
La demande de réouverture fondée sur des allégations d’incompétence du conseil
[17]
Représenté par un nouveau conseil, que j’appellerai le « troisième conseil »
, le demandeur a présenté une demande de réouverture de l’appel au titre de l’article 49 des Règles de la SAR et invoqué l’incompétence du deuxième conseil en ce qui a trait à la façon dont il l’a représenté tant devant la SPR que devant la SAR.
[18]
Comme les parties en conviennent, l’incompétence d’un conseil qui représente un demandeur d’asile peut constituer, dans des circonstances extraordinaires, un manquement aux principes de justice naturelle ou d’équité procédurale : Brown c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1305, aux para 30, 55‑56, 59 [Brown (2012)]; Galyas c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 250, aux para 83‑84; Règles de la SAR, art 49(1), (4). Pour établir ce manquement, le demandeur doit démontrer que les actes ou les omissions du conseil relevaient de l’incompétence et qu’une erreur judiciaire en a résulté : R c GDB, 2000 CSC 22, au para 26; Brown (2012), au para 55; Galyas, aux para 31, 84. Le demandeur doit également donner à l’ancien conseil la possibilité de répondre aux allégations : Brown (2012), au para 57; Galyas, au para 84; Règles de la SAR, art 49(4).
[19]
En ce qui concerne la représentation devant la SPR, le demandeur affirme que son deuxième conseil ne lui a pas fourni de conseils adéquats au sujet de l’exposé circonstancié de son formulaire FDA et de la préparation d’éléments de preuve à l’appui de sa demande aux fins de l’audience devant la SPR. Bien que l’exposé en question et la lettre de son père aient été préparés alors qu’il était représenté par son premier conseil, le demandeur affirme que son deuxième conseil aurait dû reconnaître immédiatement les failles de ces documents, surtout en ce qui concerne l’absence de motif au sujet de la détention. Le demandeur fait valoir que le deuxième conseil aurait dû passer en revue avec lui l’exposé circonstancié du formulaire FDA, ce qui aurait donné lieu à des renseignements supplémentaires au sujet des motifs de la détention et aurait permis de clarifier la préoccupation concernant l’utilisation du mot « grand‑mère »
. Le demandeur ajoute qu’un conseil compétent lui aurait demandé s’il avait subi des blessures physiques ou des préjudices psychologiques par suite de sa détention et aurait obtenu des éléments de preuve médicale à ce sujet.
[20]
Quant à l’appel devant la SAR, le demandeur critique tant la préparation en vue de l’appel que les observations déposées. Il soutient que le conseil n’a pas préparé l’appel de manière compétente, parce qu’il n’a pas discuté avec lui des conclusions défavorables de la SPR quant à la crédibilité, qui étaient fondées sur la situation des membres de sa famille. Si le conseil l’avait fait, le demandeur aurait pu expliquer les préoccupations apparentes au sujet de sa famille en présentant de nouveaux éléments de preuve ou de nouveaux arguments en appel.
[21]
Quant aux observations déposées, le demandeur affirme, de manière générale, qu’elles étaient courtes et insuffisantes et, plus précisément, que le conseil a agi de façon incompétente en ne présentant pas à la SAR des arguments selon lesquels : (i) son témoignage au sujet des membres de sa famille n’était pas contradictoire, contrairement à ce que la SPR avait conclu; (ii) la SPR avait manifestement commis une erreur en concluant que le demandeur avait soutenu avoir eu une discussion avec son oncle à un moment où celui‑ci était décédé, alors que le témoignage en question portait indéniablement sur une conversation avec son père et (iii) la SPR a commis une erreur en rejetant le certificat de décès de l’oncle au motif qu’il comportait une erreur typographique.
[22]
À l’appui de la demande de réouverture, le demandeur a déposé un affidavit dans lequel il a affirmé, notamment, qu’il avait expliqué la compréhension qu’il avait des motifs de sa détention à son deuxième conseil avant l’audience devant la SPR, et le conseil a alors dit qu’il ajouterait cette explication au récit du demandeur. Il a également fourni une explication au sujet du mot « grand‑mère »
, indiquant qu’il s’agissait d’une description inexacte de la personne concernée, qui était la veuve (et non la sœur) du père de son oncle, plutôt que la mère de son oncle. Le demandeur a ajouté qu’il n’avait pas compris les raisons pour lesquelles la SPR avait refusé sa demande que lorsque son troisième conseil qui le représente actuellement les lui a résumées, et que la conversation qu’il a eue avec son deuxième conseil après la décision de la SPR a porté uniquement sur la possibilité d’interjeter appel, et sur la mention du fait que la demande avait été refusée, parce qu’il y avait [traduction] « des problèmes de dates et ils ne m’ont pas cru »
.
[23]
En plus de son affidavit, le demandeur a déposé au soutien de la demande de réouverture une lettre beaucoup plus longue et beaucoup plus détaillée de son père, une lettre d’un organisme de services sociaux (PRAIDA) qui confirmait qu’il avait soulevé des préoccupations au sujet de son premier conseil, de l’interprète et de la préparation de son formulaire FDA la veille de l’audience initiale relative à sa demande d’asile, des éléments de preuve médicale portant sur les blessures subies pendant sa détention, qui cadraient avec ses allégations selon lesquelles il avait été battu, ainsi qu’un rapport psychologique indiquant qu’il satisfaisait aux critères diagnostiques du trouble dépressif majeur de gravité modérée avec caractéristiques psychotiques congruentes à l’humeur.
[24]
Bien que les arguments du demandeur aient porté principalement sur la compétence de son deuxième conseil, il a informé ses deux conseils précédents de ses allégations de représentation inadéquate, conformément aux exigences du paragraphe 49(4) des Règles de la SAR. Le premier conseil du demandeur n’a donné aucune réponse. Son deuxième conseil a donné une réponse dans laquelle il a nié les allégations et fourni des renseignements au sujet de la façon dont il avait représenté le demandeur.
[25]
Plus précisément, le deuxième conseil a souligné que l’entrevue préparatoire à l’audience devant la SPR a duré plus d’une heure. Au cours de cette entrevue, il a dû demander à maintes reprises au demandeur de raconter sa version et d’expliquer des détails. Le deuxième conseil affirme qu’il a posé plusieurs questions au sujet de la détention, de l’emprisonnement et de la libération du demandeur et de la façon dont il a pu obtenir un visa s’il était recherché par les autorités. Le conseil affirme également qu’il a insisté pour obtenir une explication au sujet de la relation entre l’oncle du demandeur et les parents de celui‑ci ainsi qu’au sujet de la femme appelée sa grand‑mère. Le deuxième conseil a souligné que le demandeur [traduction] « avait très peu de renseignements concernant la situation politique au Tchad et les activités politiques auxquelles son père se serait livré »
. Le deuxième conseil n’a pas commenté dans sa réponse la préparation en vue de l’appel devant la SAR ou les observations connexes.
[26]
Dans sa réponse, le deuxième conseil affirme également qu’il a pris plus de quatre pages de notes lors de la rencontre qui a précédé l’audience devant la SPR et qu’il avait joint ces notes à la réponse. Cependant, la pièce jointe fournie à la SAR ne comportait qu’une seule page de notes, copiée deux fois. Le troisième conseil du demandeur a souligné cette divergence dans une réponse déposée auprès de la SAR, dont une copie a été envoyée au deuxième conseil. Celui‑ci n’a fourni aucune autre réponse ou correction.
[27]
Je souligne que le deuxième conseil a déposé un affidavit à l’égard d’une requête en intervention dans la demande de contrôle judiciaire du demandeur portant sur la décision initiale de la SAR (IMM‑4927‑18). Dans une ordonnance rendue le 14 mai 2019, la protonotaire Furlanetto a rejeté la requête en intervention au motif qu’elle était prématurée, sans porter atteinte au droit du deuxième conseil de solliciter l’autorisation d’intervenir si l’autorisation était accordée dans la demande de contrôle judiciaire. Cependant, l’affidavit déposé au soutien de la requête a été accepté à titre de réponse de deuxième conseil à l’avis supplémentaire qu’il a reçu conformément au protocole de la Cour fédérale daté du 7 mars 2014 et intitulé Protocole procédural concernant les allégations formulées contre les avocats ou contre d’autres représentants autorisés au cours des instances de la Cour fédérale en matière de citoyenneté, d’immigration et de personnes à protéger. L’affidavit a été présenté devant la Cour dans le cadre de la présente demande, et les deux demandes ont été débattues ensemble devant moi et mises en délibéré.
[28]
Étant donné que cet affidavit du deuxième conseil n’a pas été porté à l’attention de la SAR, il ne peut avoir d’incidence sur le caractère raisonnable de la décision de celle‑ci lors de l’examen de la demande de réouverture : Association des universités et collèges du Canada c Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright), 2012 CAF 22, aux para 19–20. Je n’y ferai donc pas allusion pour évaluer le caractère raisonnable de la décision de la SAR. Dans la même veine, je ne ferai pas allusion au nouvel affidavit que le demandeur a déposé au soutien de la présente demande, même si cet affidavit reprend simplement en bonne partie celui que le demandeur avait déposé devant la SAR.
C.
La décision de la SAR au sujet de la demande de réouverture était déraisonnable
[29]
La SAR a conclu que le demandeur n’avait pas démontré l’incompétence de son deuxième conseil. Elle a invoqué quatre grands motifs au soutien de cette conclusion : (i) le demandeur lui‑même a juré que l’exposé circonstancié du formulaire FDA, préparé par son premier conseil, était complet et véridique et il ne peut donc blâmer son deuxième conseil à cet égard; (ii) la preuve a révélé de nouveaux motifs à l’appui d’une conclusion relative à la crédibilité qui n’avaient pas été soulevés précédemment par la SPR ou la SAR, notamment une case cochée sur un formulaire d’immigration (IMM 5669), une contradiction dans la preuve du demandeur au sujet du rôle que lui‑même et son oncle ont joué pour l’obtention d’un visa américain, et son retard à quitter les États‑Unis pour venir au Canada; (iii) le deuxième conseil a agi de manière professionnelle en posant des questions et en formulant des observations à l’audience devant la SPR, ainsi qu’en déposant d’autres documents après l’audience et (iv) le demandeur a continué à utiliser les services de son deuxième conseil pour l’appel devant la SAR, ce qui était difficile à comprendre si le conseil l’avait si mal représenté devant la SAR.
[30]
Je conviens avec le demandeur que la SAR n’a pas commenté dans sa décision les arguments précis qu’il a soulevés dans la demande de réouverture au sujet de la compétence du deuxième conseil. La SAR n’a pas commenté l’allégation selon laquelle le deuxième conseil avait été incompétent en ne s’assurant pas que le formulaire FDA du demandeur était complet, notamment en ce qui a trait aux motifs de sa détention. Le demandeur avait mentionné au cours de son témoignage que le formulaire FDA n’avait pas été traduit pour lui et qu’il avait compris que son deuxième conseil réviserait le formulaire. Dans ces circonstances, il était insuffisant de la part de la SAR de simplement souligner que le fait que le demandeur avait signé le formulaire FDA et reconnu, au début de son témoignage, que celui‑ci était « véridique et complet »
permettait d’écarter toute allégation d’incompétence du conseil. Comme le demandeur le souligne, notre Cour a conclu à l’incompétence du conseil dans plusieurs décisions au motif que celui‑ci ne s’était pas assuré qu’un formulaire FDA adéquat avait été déposé, malgré le fait que le formulaire avait nécessairement été signé par le demandeur : Guadron c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 1092, aux para 18–19; Galyas, aux para 86–88; Memari c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 1196, aux para 38–39, 45.
[31]
La SAR n’a pas commenté ou examiné non plus l’allégation selon laquelle le conseil n’avait pas posé les questions ni obtenu les éléments de preuve nécessaires au soutien de la demande du demandeur. À titre d’exemple, le demandeur souligne l’absence d’éléments de preuve médicale visant à corroborer son allégation selon laquelle il a été battu lorsqu’il a été emprisonné au Tchad. Le demandeur a obtenu un rapport médical après l’appel et a soutenu que l’absence de cet élément de preuve corroborant était imputable au mauvais conseil donné par le deuxième conseil. La SAR n’a pas évalué cette allégation, mentionnant simplement le professionnalisme dont le conseil avait fait preuve en posant des questions à l’audience, en présentant des observations et en déposant des documents. Je conviens avec le demandeur que cette mention ne répond pas à une allégation selon laquelle des documents pertinents à l’appui de la demande auraient pu et auraient dû être obtenus par un conseil compétent. Le professionnalisme à l’audience ne permet pas toujours de compenser un manque de diligence lors de la préparation connexe. La SAR n’a pas commenté non plus les différences entre les versions des événements données par le demandeur et son deuxième conseil, dans la mesure où elle n’a pas souligné que le quart seulement des notes de l’entrevue préparatoire à l’audience devant la SPR étaient jointes à la réponse du deuxième conseil.
[32]
De plus, la SAR n’a pas mentionné les allégations du demandeur selon lesquelles son deuxième conseil ne l’avait pas préparé adéquatement pour l’appel devant la SAR et avait fait preuve d’incompétence relativement aux documents déposés devant celle‑ci. Ainsi, dans sa réponse aux allégations, le deuxième conseil n’a pas commenté sa préparation en vue de l’appel et le déroulement de celui‑ci, malgré les allégations qui portaient directement sur ce sujet. La seule observation que la SAR a formulée au sujet de l’appel concernait le fait que le demandeur avait continué à utiliser les services du deuxième conseil pour l’appel, ce qui était difficile à comprendre, si le conseil l’avait aussi mal représenté devant la SPR que l’avait soutenu le demandeur. En plus de ne pas être adaptée aux arguments du demandeur, cette observation ne tient pas compte du témoignage de celui‑ci selon lequel il n’a su qu’il était mal représenté que lorsqu’il avait retenu les services de son troisième conseil, et qu’il n’a même pas tout à fait compris les motifs à l’appui de la décision de la SPR.
[33]
Dans l’arrêt Vavilov, la Cour suprême du Canada a souligné l’importance de « motifs adaptés aux questions et préoccupations soulevées »
qui montrent que le décideur « a effectivement écouté les parties »
[en italique dans l’original] : Vavilov, au para 127. Même si les décideurs administratifs ne peuvent répondre à tous les arguments possibles, les principes de la justification et de la transparence exigent que les motifs du décideur administratif « tiennent valablement compte des questions et préoccupations centrales soulevées par les parties »
: Vavilov, aux para 127–128. Les motifs de la SAR ne répondent pas à cette exigence, parce qu’ils ne traitent pas des principales allégations d’incompétence soulevées par le demandeur.
[34]
Je conviens également avec le demandeur que les motifs que la SAR a fournis ne font pas ressortir un « raisonnement intelligible et rationnel »
sur lequel doit s’appuyer une décision raisonnable : arrêt Vavilov, aux para 86‑88. Comme je l’ai souligné plus haut, le fait de s’appuyer sur les aspects du travail du conseil qui font ressortir sa compétence ne permet pas de répondre de façon rationnelle ou logique aux allégations relatives aux aspects de son travail qui montrent le contraire. Comme le demandeur l’a soutenu, il n’a pas affirmé que le deuxième conseil avait tout fait de manière incompétente, mais plutôt qu’il ne l’avait pas représenté de manière compétente relativement à un certain nombre d’aspects importants et qu’il avait été lésé par cette incompétence.
[35]
Dans la même veine, le fait que la SAR se soit appuyée sur de nouveaux motifs pouvant permettre de tirer une conclusion défavorable quant à la crédibilité n’est pas justifiable. Je doute qu’une demande de réouverture d’un appel fondée sur l’incompétence du conseil puisse être refusée sur le fondement de nouvelles questions relatives à la crédibilité que ni la SPR ni la SAR n’avait relevées précédemment et au sujet desquels aucune des parties n’a présenté d’observations. En tout état de cause, le raisonnement de la SAR sur ces trois points était douteux.
[36]
En ce qui concerne la case cochée sur le formulaire IMM 5669, la question posée sur celui‑ci était de savoir si le demandeur avait déjà été « détenu, incarcéré ou mis en prison »
. Cette question est posée dans le contexte d’une série de questions portant sur des aspects comme les antécédents criminels du demandeur, le refus précédent de son admission au Canada et le rôle qu’il aurait joué dans un génocide. Ce sont là des aspects qui concernent, de manière générale, des motifs d’interdiction de territoire ou d’exclusion de la protection accordée aux réfugiés. Même si le demandeur a compris que la question de savoir s’il avait déjà été « détenu, incarcéré ou mis en prison »
dans ce contexte couvrait les détentions illégales qui constituaient le fondement de sa demande d’asile, notre Cour a déjà souligné qu’il fallait prendre soin de ne pas trop s’appuyer sur les déclarations remplies au point d’entrée : Wu c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 1102, au para 16. Cela est d’autant plus vrai que, d’après le formulaire, le demandeur ne pouvait communiquer ni en français ni en anglais, que l’entrevue s’est déroulée en arabe avec l’aide d’un interprète et que la SPR n’avait pas montré le formulaire au demandeur. La SAR n’a nullement tenu compte de ces éléments.
[37]
Quant à la contradiction possible au sujet des mesures que le demandeur aurait prises pour obtenir des documents, la SAR semble avoir mal compris ou mal décrit la preuve. Elle tente de juxtaposer la déclaration du demandeur selon laquelle son oncle avait fait toutes les démarches pour obtenir les documents pour lui au fait que le demandeur s’est rendu à l’ambassade américaine deux fois pour faire prélever ses empreintes digitales afin d’obtenir son visa. Cependant, le demandeur n’a pas affirmé que son oncle avait fait toutes les démarches relativement à l’obtention de son visa des États‑Unis. Il a dit que son oncle avait tout fait, et que lui n’avait rien fait, en réponse aux questions concernant son certificat de nationalité, sa carte d’identité et son passeport tchadiens. Lorsqu’il a été interrogé au sujet du visa américain, il a dit qu’il s’était rendu à l’ambassade américaine, comme la SAR elle‑même l’a reconnu. De plus, la mention par celle‑ci du fait que le demandeur s’était rendu à l’ambassade dans la voiture de son oncle munie de vitres teintées semble résumer le témoignage qu’il a présenté au sujet de sa visite à l’ambassade et de son trajet vers l’aéroport. Après avoir relu la transcription de la preuve, je conviens avec le demandeur que [traduction] « la SAR allègue l’existence d’une contradiction alors qu’il n’y en a pas »
.
[38]
Enfin, en ce qui concerne le fait que le demandeur n’a pas présenté de demande d’asile aux États‑Unis, la SAR a mentionné que la SPR n’avait pas commenté cette question. Cependant, la SAR a formulé les commentaires suivants : « [à] mon avis, [le demandeur] ne peut certainement pas reprocher à son conseil de l’avoir mal représenté sur cette question »
, ce que le demandeur n’a pas tenté de faire.
[39]
Le ministre soutient que les observations de la SAR sur ces motifs constituaient une conclusion raisonnable selon laquelle, indépendamment des préoccupations pouvant exister au sujet du formulaire FDA, le résultat aurait été le même. En d’autres mots, indépendamment de toute incompétence, il n’y a eu aucun préjudice et, par conséquent, aucune erreur judiciaire, de sorte que la deuxième condition préalable à l’établissement de l’incompétence du conseil n’a pas été remplie : Brown (2012), au para 30; GDB, au para 26. Je ne puis souscrire à cet argument, pour deux raisons. D’abord, la SAR n’a pas fait la moindre allusion à la question du préjudice ou de l’erreur judiciaire. Au contraire, elle a cité ces exemples de façon explicite en se demandant s’il y avait eu un manque de compétence, plutôt qu’en cherchant à savoir si cette incompétence, le cas échéant, avait de l’importance. Comme la Cour suprême du Canada l’a souligné, tout en interprétant les motifs d’une décision de façon globale et contextuelle en cherchant à comprendre le fondement sur lequel repose la décision, la cour de révision ne devrait pas élaborer ses propres motifs en remplacement de ceux qui ont effectivement été fournis : Vavilov, aux para 84–86, 96‑97.
[40]
En deuxième lieu, si la SAR a cherché à savoir la mesure dans laquelle l’incompétence du conseil a entraîné une erreur judiciaire, elle aurait dû se demander si le travail de celui‑ci a compromis l’équité procédurale ou la fiabilité de l’issue du procès, ou encore influencé l’issue de celui‑ci : GDB, aux para 28, 35. Elle ne pouvait faire cette évaluation simplement en relevant d’autres questions de crédibilité possibles sans chercher à savoir si ces questions étaient susceptibles d’être touchées par l’examen d’autres éléments de preuve corroborants, ou l’ont été effectivement, comme ceux que le demandeur a présentés au soutien de la demande de réouverture. La SAR n’a fait aucune évaluation de cette nature.
[41]
En conséquence, j’en arrive à la conclusion que le refus par la SAR de faire droit à la demande de réouverture était déraisonnable, parce que la SAR n’a pas examiné adéquatement les principales allégations d’incompétence formulées par le demandeur et les éléments de preuve importants concernant ces allégations. Elle en est plutôt arrivée à sa décision sur le fondement de l’évaluation non pertinente de la compétence dont le conseil avait fait preuve relativement à certains aspects de son travail, ainsi que sur le fondement de conclusions supplémentaires douteuses quant à la crédibilité n’ayant pas été tirées par la SAR ou la SPR.
[42]
Par souci de clarté, je souligne que, pour en arriver à cette conclusion, je ne tranche aucune question relative au bien‑fondé des allégations d’incompétence du deuxième conseil ou à l’existence d’un manquement aux principes de justice naturelle. Il appartiendra à la SAR de répondre à ces questions lors d’une nouvelle décision, qu’elle prendra après avoir examiné comme il se doit les arguments et les éléments de preuve du demandeur.
IV.
Conclusion
[43]
En conséquence, la demande de contrôle judiciaire est accueillie. Le refus de la demande de réouverture de l’appel du demandeur est annulé et cette demande sera renvoyée à un autre commissaire de la SAR pour réexamen.
[44]
Comme je l’ai mentionné plus haut, la présente demande a été débattue en même temps que la demande de contrôle judiciaire du demandeur à l’égard de la décision initiale de la SAR, dans le dossier de la Cour no IMM‑4927‑18. Selon le résultat du réexamen de la demande de réouverture par la SAR, la contestation de la décision sous‑jacente pourrait devenir théorique. À l’inverse, si je devais rendre un jugement dans l’autre affaire, l’application de l’article 171.1 de la LIPR pourrait être déclenchée, ce qui pourrait entraver le réexamen. En conséquence, je suspendrai la demande dans le dossier de la Cour no IMM‑4927‑18 jusqu’à ce que la demande de réouverture soit tranchée : Etik, au para 1. Si la SAR ne rouvre pas l’appel, sous réserve de toute contestation de cette décision qui pourrait être portée devant notre Cour, j’examinerai l’autre affaire sur le fond.
[45]
Aucune des parties n’a proposé de question à certifier et je conviens que l’affaire n’en soulève aucune.
JUGEMENT dans le dossier IMM‑1663‑19
LA COUR STATUE que :
La demande de contrôle judiciaire est accueillie et la demande de réouverture de l’appel du demandeur devant la Section d’appel des réfugiés est renvoyée à un autre commissaire de la Section d’appel des réfugiés pour nouvelle décision.
« Nicholas McHaffie »
Juge
Traduction certifiée conforme
M. Deslippes
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
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IMM‑1663‑19
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INTITULÉ :
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MAHAMAT ZAKARIA MAHADJIR DJIBRINE c le ministre de la Citoyenneté et de l’IMMIGRATION
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LIEU DE L’AUDIENCE :
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Toronto (Ontario)
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DATE DE L’AUDIENCE :
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Le 22 janvier 2020
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JUGEMENT ET MOTIFS :
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le juge MCHAFFIE
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DATE DES MOTIFS :
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Le 6 novembre 2020
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COMPARUTIONS :
Aishah Nofal
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pour le demandeur
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Nadine Silverman
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pour le défendeur
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
WazanaLaw
Toronto (Ontario)
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pour le demandeur
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Procureur général du Canada
Toronto (Ontario)
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pour le défendeur
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