Date : 20201022
Dossier : T-835-20
Référence : 2020 CF 994
[TRADUCTION FRANÇAISE]
Ottawa (Ontario), le 22 octobre 2020
En présence de monsieur le juge Phelan
ENTRE :
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LE CHEF EDWARD HALL
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demandeur
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et
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GEORGE CHAFFEE ET JOHN PETERS
(EN QUALITÉ DE CONSEILLERS DE LA PREMIÈRE NATION KWIKWETLEM)
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défendeurs
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JUGEMENT ET MOTIFS
I.
Introduction
[1]
Il s’agit du contrôle judiciaire d’une décision rendue le 22 juillet 2020 par les conseillers de la Première nation Kwikwetlem (PNK) George Chaffee (M. Chaffee) et John Peters (M. Peters). La décision (décision) consistait à congédier le chef Hall (M. Hall), le demandeur, de son poste de chef élu de la PNK pour la raison qu’il n’avait pas [traduction] « activement et manifestement participé aux activités mandatées par le Conseil »
au titre de l’alinéa 7.3e) du Kwikwetlem First Nation Custom Election Code (code électoral coutumier de la Première nation Kwikwetlem ou code électoral).
Le demandeur conteste la décision en avançant qu’elle est injuste sur le plan de la procédure et déraisonnable sur le fond.
[2]
En bref, le litige entre MM. Chaffee et Peters et le chef Hall se résume à un conflit au sujet de la divulgation de certaines affaires commerciales de la bande et à la question de savoir si les conseillers, individuellement ou collectivement, peuvent donner des directives au chef sur ce qu’il considère comme ses fonctions de chef. Ces thèmes sont à l’origine d’un différend politique au sujet de la transparence au sens de la Première nation.
[3]
La décision a pour conséquence non seulement de destituer un chef qui a été élu selon les règles, mais aussi de l’empêcher de se présenter à l’élection partielle qui suit à sa destitution. Grâce à cette décision, deux conseillers sont en mesure d’empêcher que les membres de la PNK choisissent comme chef une personne qu’ils avaient élue environ un an plus tôt.
[4]
La destitution de M. Hall est fondée sur la divulgation d’un rapport de vérification judiciaire (rapport sur la PNK) qui révèle la conduite douteuse de certains fonctionnaires et employés de la PNK, y compris ceux d’un ancien chef. Le rapport sur la PNK fait état de mauvaise gestion des ressources, de fraude et de manquement à l’obligation de fiduciaire. Les différentes étapes et contre-étapes, réclamations et contre-réclamations entre les parties s’inscrivent dans un litige en cours sur la divulgation du rapport sur la PNK.
[5]
Les conseillers, qui sont la partie défenderesse, avaient présenté une requête au titre de l’article 151 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, pour que le rapport sur la PNK soit considéré comme confidentiel dans le cadre de la présente instance. Cela aurait eu pour effet d’empêcher les membres de la PNK qui n’étaient pas encore au courant de son contenu de savoir ce qui est au cœur de ces délibérations. Pour d’autres motifs, la Cour a rejeté cette requête des défendeurs.
II.
Contexte
A.
Considérations préliminaires
[6]
La PNK est le gouvernement de bande d’un peuple appelé kʷikʷəƛ̓əməm qui se trouve à Coquitlam, en Colombie-Britannique. La PNK se compose de deux réserves couvrant environ sept (7) acres et comptant environ 110 membres, dont la moitié vivent dans les réserves.
[7]
En novembre 2013, le chef et le Conseil de la PNK ont adopté, par ratification, un code électoral coutumier et des principes de gouvernance. En plus de ce code électoral, il existe un document approuvé par le Conseil, mais pas encore ratifié, intitulé Kwikwetlem First Nation Chief and Council Code of Ethics (code déontologique du chef et du Conseil de la Première nation Kwikwetlem ou code déontologique). Des extraits du code électoral et du code déontologique sont joints à l’annexe A des présents motifs.
[8]
D’après le code électoral, le terme Conseil désigne les membres élus du Conseil et comprend le chef, c’est-à-dire trois membres. Par contre, le chef n’a pas le droit de vote aux réunions du Conseil, sauf en cas d’égalité des voix ou en l’absence d’un des conseillers.
[9]
Conformément aux articles 2.5 et 2.6 du code électoral, le chef doit mener les activités de la PNK conformément à un document portant sur sa mission, en plus d’être le porte-parole de la PNK pour toutes les fonctions intra et extracommunautaires.
[10]
Le chef ou tout conseiller peut être destitué de ses fonctions si deux membres du Conseil votent en faveur d’une telle résolution.
[11]
La Cour fait remarquer que ni le code électoral ni le code déontologique ne sont des modèles de clarté. Les codes utilisent souvent des termes comme chef et Conseil, alors que le chef est en réalité un membre du Conseil, ou interchangent d’autres termes comme chef et conseiller avec Conseil ou chef et Conseil. Les pouvoirs et règles de gouvernance ne sont pas clairs, ce qui mène en partie aux questions soulevées dans le présent contrôle judiciaire.
[12]
La juge McVeigh a rendu une ordonnance interlocutoire suspendant l’élection partielle qui était prévue pour le poste de chef en attendant l’issue du présent contrôle judiciaire.
III.
Les faits
[13]
Le demandeur, M. Hall, a été élu chef le 30 mars 2019. À la même occasion, les défendeurs, MM. Chaffee et Peters, ont été élus conseillers. M. Chaffee est l’oncle de M. Peters.
[14]
Auparavant, M. Hall était conseiller. Il a eu un différend avec l’ancien chef Giesbrecht (qui a fait l’objet de nombreuses critiques dans le rapport sur la PNK) au point où M. Giesbrecht avait fait congédier M. Hall en 2017. M. Peters a remplacé M. Hall au Conseil.
[15]
En 2019, M. Hall a mené une campagne pour le poste de chef en promettant une plus grande transparence et de la responsabilisation quant à la gouvernance et aux relations d’affaires de la PNK.
[16]
Un élément clé du mandat de M. Hall consistait à embaucher des vérificateurs judiciaires pour enquêter sur la possible mauvaise gestion par l’ancien chef Giesbrecht et son administration, dont M. Peters faisait partie.
[17]
Le 9 juin 2020, les vérificateurs judiciaires ont publié les résultats préliminaires de l’enquête. Celle-ci faisait état de préoccupations importantes au sujet des pratiques de gestion financière que l’ancien chef et le Conseil ont suivies à partir de 2017, après la destitution de M. Hall et l’attribution de ses fonctions à M. Peters.
[18]
En parallèle avec la vérification judiciaire, M. Hall a eu un différend avec MM. Chaffee et Peters au sujet de nombreuses questions touchant la bande, notamment celle de la transparence des résultats de la vérification. Les autres questions portaient, entre autres, sur les relations avec les fonctionnaires municipaux et provinciaux, les droits de pêche et les droits relatifs à l’eau, ainsi que sur la réalisation et la diffusion d’une vidéo sur une partie de la réserve appelée IR2.
[19]
Au cours de cette période, à partir du début d’avril 2020, M. Hall a reçu des instructions de M. Chaffee ou de M. Peters, ou des deux, lui ordonnant de ne pas divulguer certaines choses, comme la vidéo sur IR2, et de ne pas rencontrer les fonctionnaires. Les instructions portaient aussi sur d’autres questions connexes. Ce différend a abouti au congédiement de la directrice générale de la PNK, Mme Sidhu, qui était la petite amie de M. Hall. Ce fait était bien connu des conseillers et d’autres personnes qui ne s’y sont pas opposés auparavant.
[20]
Leur différend s’est empiré le 2 juin 2020, où, en réponse aux critiques de M. Chaffee et M. Peters, M. Hall a accepté de prendre une semaine de congé. Il n’est pas clair s’il s’agissait de vacances ou d’une suspension.
[21]
Entre cette date et le 9 juin 2020, les vérificateurs judiciaires ont dit qu’ils auraient fait une présentation sur la mauvaise gestion antérieure de la PNK portant notamment :
- sur les prêts considérables faits sans la bonne documentation et les bonnes modalités de remboursement;
- sur l’information trompeuse au sujet d’un prêt de 9 millions de dollars de la BMO;
- sur la transmission d’informations trompeuses aux vérificateurs;
- sur le travail fait deux fois par les consultants embauchés;
- sur la violation de l’entente de financement de SAC.
[22]
Le même jour, M. Hall a reçu une lettre de suspension sans salaire de la durée d’une semaine avançant comme motifs la malhonnêteté, la divulgation de renseignements confidentiels, les conflits d’intérêts et le traitement inapproprié du personnel. Il importe de préciser la nature du comportement offensif :
- avoir menti au Conseil au sujet de sa participation à la négociation des droits sur l’eau;
- avoir communiqué avec des personnes âgées au sujet d’une vidéo malgré avoir reçu l’instruction de ne pas le faire;
- avoir ordonné que des courriels soient transférés du gestionnaire des communications de la PNK au directeur général par intérim sans la permission de M. Chaffee et de M. Peters;
- avoir manqué de respect envers le gestionnaire des communications;
- avoir commis d’autres manquements auparavant, comme le fait d’entretenir une relation avec la directrice générale, de ne pas avoir pris des mesures appropriées contre la COVID et avoir fait preuve d’insubordination.
[23]
La lettre de suspension laissait cinq jours à M. Hall pour présenter des observations écrites en vue d’une annulation ou modification de la suspension. Ces cinq jours sont passés pendant que M. Hall respectait sa suspension.
[24]
Le 18 juin 2020, les conseillers ont confirmé la suspension et avisé M. Hall qu’il y aurait une audience disciplinaire au cours de laquelle il pourrait être sanctionné avec de nouvelles mesures allant jusqu’à sa destitution pour des motifs identiques à ceux de sa suspension.
[25]
M. Hall a demandé des précisions, qui lui ont été communiquées le 26 juin 2020. Le 29 juin 2020, une réunion a été organisée pour adopter une résolution du conseil de bande (RCB) en vue de la tenue d’une audience disciplinaire. M. Hall n’a pas assisté à la réunion.
[26]
Le 19 juin 2020, M. Hall a fait une présentation sur Zoom à certains membres de la PNK, qui portait sur les renseignements contenus dans le rapport sur la PNK, qui ont été divulgués. La présentation était enregistrée.
[27]
Le 4 juillet 2020, M. Hall a demandé qu’on lui donne les éléments de preuve sur lesquels se fondaient les allégations portées contre lui. Ces éléments de preuve lui ont été donnés le 6 juillet 2020. La date prévue pour l’audience était le 9 juillet 2020.
[28]
Il s’en est suivi un débat sur la date la plus juste pour la tenue de l’audience, compte tenu des restrictions liées à la COVID et des occupations de chacun. Le 9 juillet 2020, le Conseil, au moyen d’une RCB, a fixé l’audience au 16 juillet 2020, date à laquelle M. Hall s’est opposé en raison du temps insuffisant pour se préparer.
[29]
M. Hall s’est présenté à l’audience du 16 juillet 2020 en signe de protestation. Il a traité chacune des allégations dans un affidavit comportant des documents à l’appui, a répondu aux questions et a présenté des observations orales et écrites fondées sur les éléments de preuve présentés et les allégations formulées. M. Hall a nié les allégations en disant qu’elles étaient fausses, a soulevé des préoccupations quant à l’équité procédurale, en affirmant notamment que les conseillers avaient déjà pris une décision sur l’affaire et que la punition prévoyant la destitution était de toute façon injustifiée.
[30]
Il convient de préciser que la vidéo sur laquelle M. Hall a dû témoigner consistait en une prise de vue aérienne, faite avec un drone, d’une partie de la réserve de la PNK (R2) accompagnée par des commentaires sur les changements qu’il y avait eu quant au développement.
L’allégation de conflit d’intérêts à cause de la relation avec la directrice générale, quant à elle, était fondée sur le fait que, le 25 mai 2020, M. Hall lui avait transféré deux courriels, l’un du gouvernement provincial et l’autre de la ville, en dépit du fait que son congédiement était prévu pour le 26 mai 2020.
[31]
Après une pause dans l’audience, un avocat a posé des questions à M. Hall sur des éléments de preuve qui n’avaient pas été communiqués auparavant et pour lesquels il n’y avait pas eu d’avis ni d’allégations. M. Hall s’y est opposé et a refusé de répondre.
[32]
Il est ensuite apparu que pendant la pause, l’épouse de M. Chaffee, Mme Joe, a été contactée et qu’elle a remis aux conseillers un exemplaire de la présentation sur le rapport sur la PNK. Le demandeur n’a eu connaissance de cet événement qu’à partir du dépôt de l’affidavit de M. Peters, le 10 août 2020, à l’égard de la requête en injonction interlocutoire.
[33]
Le lendemain, à la conclusion de l’audience, M. Hall a reçu une lettre détaillée de l’avocat au sujet de sa divulgation du contenu du rapport sur la PNK aux anciens de la PNK. Une réponse était exigée avant la fin de la journée du 20 juillet. M. Hall a répondu en disant que la question du rapport sur la PNK n’avait rien à voir avec les questions soulevées à l’audience du 16 juillet et qu’il avait déjà répondu à toutes ces questions.
[34]
Le 22 juillet 2020, les conseillers ont rendu leur décision de destituer M. Hall de ses fonctions avec effet immédiat. Voici les motifs de la destitution :
- violation de la confidentialité à cause de la divulgation de l’information contenue dans le rapport sur la PNK
- conflit d’intérêts à cause de la transmission de deux lettres à la directrice générale en sachant qu’elle allait être congédiée.
La décision visait à annuler la suspension, bien que la suspension eût été confirmée le 18 juin 2020 et fût déjà terminée.
[35]
Le 24 juillet 2020, le bureau électoral de la PNK a émis un avis d’élection partielle pour le poste de chef. Cette élection partielle a été suspendue en attendant la décision relative au présent contrôle judiciaire.
IV.
Questions
[36]
Il y a deux questions en litige :
- La décision était-elle équitable sur le plan de la procédure?
- Le cas échéant, était-elle raisonnable?
V.
Analyse
A.
L’équité procédurale
[37]
Il est convenu que la norme de contrôle applicable à cette question est celle de la décision correcte (Girouard c Canada (Procureur général), 2020 CAF 129 au para 38). La nature et la portée de la norme de l’équité procédurale à suivre dépendent des circonstances et des facteurs énoncés dans l’arrêt Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817. Elles dépendent aussi des conséquences d’une décision sur la personne.
Une justice de haute qualité est exigée lorsque le droit d’une personne d’exercer sa profession ou de garder son emploi est en jeu. […]
Kane c Conseil d’administration de l’UCB, [1980] 1 RCS 1105, p. 1106.
[38]
Le code électoral ne porte pas sur cet aspect des dispositions sur la destitution, mais l’équité procédurale s’applique dans cette situation. Dans l’affaire Sparvier c Bande indienne Cowessess, [1993] 3 CF 142 (1re inst.), le juge Rothstein, à la page 47, s’est ainsi exprimé :
Bien que j’accepte l’importance d’un processus autonome pour l’élection des gouvernements de bandes, j’estime que des normes minimales de justice naturelle ou d’équité procédurale doivent être respectées. Je reconnais pleinement que les tribunaux doivent éviter de s’immiscer dans le mouvement politique des peuples autochtones en vue d’acquérir plus d’autonomie. Cependant, les membres des bandes sont des individus qui, à mon sens, ont le droit à ce que les tribunaux suivent une procédure équitable dans les instances qui les concernent. Dans la mesure où cette Cour a compétence, les principes de la justice naturelle et de l’équité procédurale doivent être appliqués.
[39]
La contestation pour une question d’équité procédurale comporte deux aspects : a) le défaut de donner un avis en bonne et due forme et de laisser la possibilité de se faire entendre; b) l’éventuelle prise de décision par le Conseil avant l’audience. Le Conseil lui-même avait pris acte de cet aspect de l’avis au cours de la présentation des allégations et des éléments de preuve à l’appui de l’audience du 16 juillet.
[40]
La procédure suivie jusqu’à l’audience du 16 juillet et la majeure partie de celle suivie au cours de cette audience ont respecté la norme de l’équité procédurale. M. Hall a reçu des allégations détaillées le 26 juin 2020 et les éléments de preuve à l’appui le 6 juillet 2020. Le différend quant à la date fait montre de l’intention des conseillers d’accélérer le processus, ce qui ne porte pas atteinte, à lui seul, à l’équité procédurale.
[41]
Le respect des normes de l’équité procédurale « a pris un mauvais tournant »
au moment où les conseillers ont pris une pause pendant l’audience, ont rencontré Mme Joe en secret et obtenu de nouveaux éléments de preuve (la vidéo de la présentation du 19 juin sur le rapport sur la PNK faite par M. Hull), puis ont tenté de transformer l’audience en une contestation du droit du chef de faire cette présentation.
[42]
Au début de l’audience, la seule vidéo constituant un élément de preuve était celle du drone qui survolait les terres de la réserve, vidéo qui était accompagnée de commentaires. Il se peut que les conseillers aient donné à M. Hall la mauvaise vidéo qui était contenue dans le dossier de la preuve du Conseil. Or, cette erreur ne permet pas aux conseillers de ne pas donner un avis approprié et la juste possibilité d’aborder la question.
[43]
Les défendeurs n’ont pas expliqué pour quelle raison ils ont jugé pouvoir — pour utiliser un terme familier — mettre M. Hall « dans le pétrin »
avec de nouvelles allégations et de nouveaux éléments de preuve à l’audience.
[44]
Rien dans les réponses ne laisse entendre que tout le monde dans la communauté était au courant du différend entre les deux conseillers et le chef au sujet de la divulgation des résultats de la vérification judiciaire. M. Hall avait le droit de répondre aux allégations (essentiellement une allégation d’insubordination) et aux éléments de preuve s’y rattachant. Il est évident, d’après l’historique de cette affaire, que M. Hall avait une défense, un argument sur son autorité par rapport à celle des conseillers et, compte tenu de son poste, il méritait une audience en bonne et due forme.
[45]
Le fait de poursuivre M. Hall tout de suite après l’audience avec une lettre comportant plusieurs questions et exigeant une réponse presque immédiate est arbitraire et n’est absolument pas équitable.
[46]
Le comportement des défenseurs au cours de l’audience et leur poursuite après celle-ci ne respectent pas la norme de l’équité procédurale. Ce motif suffit à faire droit au contrôle judiciaire.
[47]
La question de savoir si les défendeurs avaient déjà pris une décision quant à l’issue de l’affaire est plus complexe et nuancée. Il est vrai que le congédiement est assujetti à certaines considérations d’équité procédurale qui sont quasi judiciaire à certains égards. Cela dit, le pouvoir de prendre une telle mesure, en présumant que les raisons à la base de l’exercice de ce pouvoir soient valables, est de nature politique. Il suffit de prendre une RCB au cours d’une réunion où le chef ne peut pas voter. À cet égard, ce processus ressemble à une destitution.
[48]
S’agissant d’une petite communauté, le Conseil étant un petit organe, y ayant des dynamiques personnelles dans cette petite communauté, il n’est pas attendu de retrouver l’objectivité et l’impartialité qui caractérisent tout tribunal. Des opinions semblables sur une affaire de la part d’un conseiller ne constituent pas forcément une atteinte à l’équité procédurale, tant que celui-ci est disposé à changer d’avis et à examiner les questions de bonne foi.
[49]
Le demandeur n’a pas formulé d’allégations de mauvaise foi. Les défendeurs pourraient avoir des raisons pour vouloir garder les résultats de la vérification secrets jusqu’au moment où ils auront décidé de la façon de procéder. Quoiqu’il n’y ait presque aucun élément de preuve crédible en faveur de cette hypothèse, il s’agit d’une question qui ne doit pas forcément être tranchée en l’espèce.
[50]
Les défendeurs n’ont pas respecté le premier aspect de l’équité procédurale : l’avis et la possibilité d’être entendu.
B.
Le caractère raisonnable de la décision
[51]
Il est convenu avec les parties que la norme de contrôle du bien-fondé de la décision est celle de la décision raisonnable (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65).
[52]
Une partie du différend entre le chef et les conseillers tient au fait que les conseillers sont d’avis qu’ils peuvent dicter au chef, individuellement ou collectivement, en dehors d’une réunion du chef avec le Conseil et en dehors du processus de RCB, ce qu’il doit faire et comment il doit s’acquitter de ses fonctions.
[53]
Avec ce point de vue en tête, ils ont parlé avec le chef et lui ont écrit, ensemble ou individuellement, au sujet de beaucoup de questions qui faisaient l’objet de leurs différends, notamment la divulgation des résultats de la vérification judiciaire.
[54]
La façon avec laquelle les conseillers conçoivent leurs pouvoirs ne tient pas assez compte des responsabilités particulières conférées au chef en vertu des articles 2.5 et 2.6 du code électoral.
[traduction]
2.5 Le chef accomplira les activités de la PNK en suivant les directives énoncées dans la déclaration sur la mission « Créer un environnement qui permet une meilleure qualité de vie pour les membres de la PNK. En étant engagé à travailler avec transparence, pour le développement social, avec responsabilité financière, pour la croissance économique et la santé.
2.6 Le chef est le porte-parole de la PNK à tous les événements, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de la communauté, entre autres, pour les allocutions publiques et les entrevues avec les médias. Si le chef se trouve dans l’incapacité de s’acquitter de ces obligations, il ou elle délègue à un membre du Conseil ou un membre du personnel administratif à cet effet.
[55]
Ni le mandat du conseil de bande, ni le code électoral ne parlent de ce genre de contrôle sur le chef.
Voici certaines des responsabilités générales du Conseil :
a) Favoriser la croissance économique, l’éducation, la vie sociale et récréative de la PNK.
b) Encourager, promouvoir et favoriser les coutumes et les traditions de la PNK.
c) Faire respecter les droits ancestraux de la PNK, comme le droit inhérent à l’autonomie gouvernementale.
d) Concevoir des politiques, des procédures, des lois et des règlements, au besoin, pour régir adéquatement la communauté de la PNK et se familiariser avec les politiques, les procédures, les lois, les règlements administratifs existants et avec les autres pouvoirs du Conseil, et les utiliser pour améliorer la communauté de la PNK.
e) Collaborer et assurer la liaison avec les membres de la PNK afin de défendre les intérêts de la PNK auprès de tous les ordres de gouvernement.
f) Encourager la participation de la collectivité aux questions de gouvernance.
g) Veiller à ce que les besoins des membres soient satisfaits, notamment les besoins sociaux et éducatifs, grâce à une direction engagée et à l’administration efficace des programmes et de services au sein de la PNK, ainsi que l’administration de tous les budgets et de toutes les transactions financières.
h) Représenter la communauté de la PNK à des activités extracommunautaires, comme dans le cas d’allocutions publiques et d’entrevues avec les médias.
[…]
[56]
Les conseillers n’ont jamais adopté de RCB ordonnant au chef de faire ou de ne pas faire quoi que ce soit, et encore moins de garder les résultats de la vérification judiciaire confidentiels et de ne pas les divulguer à la communauté. Il est facile d’envisager les conséquences possibles pour la communauté d’une telle RCB ordonnant que des renseignements si importants ne soient pas divulgués.
[57]
Dans la décision, les conseillers ont conclu que la conduite de M. Hall aurait contrevenu à l’article 7.3 du code électoral. Cette disposition vise les cas d’inconduite grave, les pratiques de corruption dans le cadre des affaires du Conseil, l’appropriation illégale ou inappropriée des fonds de la PNK, les pratiques électorales frauduleuses et le cas où le chef [traduction] « ne participe pas activement et clairement à la réalisation des activités mandatées par le Conseil décrites à l’article 3 »
. Il s’agit donc d’un ensemble particulier de comportements qui sont invoqués.
[58]
À la lumière de ces faits, il est déraisonnable de conclure que M. Hall a commis un de ces actes. Aucun détail n’est donné sur l’omission de prendre part à l’exécution des activités mandatées par le Conseil.
[59]
Le Conseil s’est appuyé sur des principes tirés du manuel de la politique de gouvernance de la PNK. Or, ce manuel n’a pas force de loi puisqu’il n’a pas été ratifié par la communauté. Il ne peut pas constituer le fondement d’un congédiement. C’était une erreur d’inclure ce facteur non pertinent dans la décision.
[60]
En l’absence d’une RCB, il était déraisonnable de conclure que le chef n’avait pas au moins un mot à dire, à titre de porte-parole de la Première nation, dans le choix de divulguer ou pas, ou de quelle façon, les résultats de la vérification judiciaire. Les conseillers n’ont pas démontré que le rapport sur la PNK était de nature confidentielle ou qu’il avait été ordonné légalement au chef de le garder confidentiel.
[61]
Il appert de leur conclusion trouvant des [traduction] « conflits d’intérêts »
que les conseillers étaient disposés à tout faire pour trouver une raison de congédier le chef. La relation entre M. Hall et Mme Sidhu était connue et acceptée. La plainte portée contre M. Hall énonce que, le 25 mai 2020, il a transféré des courriels des gouvernements à Mme Sidhu, même s’il savait que le Conseil (après s’être récusé) avait décidé de la congédier.
[62]
Or, ces courriels ne contiennent pas de renseignements très confidentiels, semblent avoir été mal acheminés et ont simplement été transmis à Mme Sidhu du fait qu’elle était directrice générale et que normalement, ce type de correspondance est acheminée à ce bureau.
[63]
Une conclusion de conflit d’intérêts dans ces circonstances est déraisonnable. Ni M. Hall ni Mme Sidhu n’y ont gagné quoi que ce soit, et la PNK n’a été privée d’aucun avantage. La nature du soi-disant conflit n’est pas définie.
[64]
Le demandeur soutient également qu’il a fait l’objet d’un [traduction] « double châtiment »
, puisqu’il a été suspendu pour le même comportement pour lequel il a été congédié. Les motifs de la suspension et du congédiement sont essentiellement les mêmes, exception faite pour la vidéo de présentation de la vérification judiciaire.
[65]
M. Hall avait déjà purgé sa suspension au moment où il a été congédié. L’argument de la double peine consiste en réalité en un argument selon lequel les conseillers étaient functus officio. Le fait qu’ils aient tenté d’annuler la suspension pour pouvoir le congédier consiste en un aveu tacite qu’ils étaient functus officio, en plus de ne pas constituer un exercice approprié de mesures disciplinaires progressives. La seule façon pour les conseillers d’éviter le problème de functus officio était de soulever la question de la divulgation de la vérification judiciaire. Il a déjà été démontré que cette question a été soulevée de façon non équitable.
[66]
Enfin, le recours au congédiement est disproportionnellement sévère et déraisonnable. Le congédiement de M. Hall, dans ces circonstances, était injuste pour lui et pour la communauté qui l’a élu. En attaquant M. Hall, les conseillers n’ont pas protégé la communauté contre une personne qui était corrompue. Ils ont tout simplement attaqué le chef qui avait des opinions différentes des leurs quant à ce qui était dans l’intérêt supérieur de la communauté.
[67]
Par conséquent, la Cour conclut que la décision était déraisonnable.
VI.
Réparation
[68]
La décision doit être cassée. Il n’est pas opportun de renvoyer l’affaire aux conseillers, car cela serait une question de forme plutôt que de fond.
[69]
Pour ce qui est de la réparation, une partie du problème réside dans la structure de gouvernance de la PNK et le manque de clarté quant aux rôles de chacune des parties prenantes. La résolution des problèmes réside dans la communauté, avec ou sans aide provenant de l’extérieur.
[70]
Par conséquent, la décision est cassée et M. Hall reprend son poste de chef. M. Hall a droit à ses dépens.
JUGEMENT dans le dossier T-835-20
LA COUR STATUE que la décision rendue le 22 juillet 2020 par les conseillers de la Première nation Kwikwetlem, George Chaffee et John Peters, est cassée et que le demandeur reprend ses fonctions de chef. Le demandeur a droit à ses dépens.
« Michael L. Phelan »
Juge
Traduction certifiée conforme
Claude Leclerc
ANNEXE A
Code électoral coutumier de la Première nation Kwikwetlem (Kwikwetlem First Nation Custom Election Code) (ratifié le 27 novembre 2013)
[traduction]
3.0 MANDAT DU CONSEIL DE BANDE
Voici certaines des responsabilités générales du Conseil :
a) Favoriser la croissance économique, l’éducation, la vie sociale et récréative de la PNK.
b) Encourager, promouvoir et favoriser les coutumes et les traditions de la PNK.
c) Faire respecter les droits ancestraux de la PNK, comme le droit inhérent à l’autonomie gouvernementale.
d) Concevoir des politiques, des procédures, des lois et des règlements, au besoin, pour régir adéquatement la communauté de la PNK et se familiariser avec les politiques, les procédures, les lois, les règlements administratifs existants et avec les autres pouvoirs du Conseil, et les utiliser pour améliorer la communauté de la PNK.
e) Collaborer et assurer la liaison avec les membres de la PNK afin de défendre les intérêts de la PNK auprès de tous les ordres de gouvernement.
f) Encourager la participation de la collectivité aux questions de gouvernance.
g) Veiller à ce que les besoins des membres soient satisfaits, notamment les besoins sociaux et éducatifs, grâce à une direction engagée et à l’administration efficace des programmes et de services au sein de la PNK, ainsi que l’administration de tous les budgets et de toutes les transactions financières.
h) Représenter la communauté de la PNK à des activités extracommunautaires, comme dans le cas d’allocutions publiques et d’entrevues avec les médias.
(i) Le Conseil doit convoquer au moins deux assemblées générales de la bande par année. Ces assemblées se tiennent le premier samedi d’avril et le premier samedi d’octobre de chaque année. Des avis de ces assemblées de la bande sont envoyés à tous les membres de la bande. Le Conseil doit présenter un rapport complet de toutes les questions relatives au présent code aux membres lors des assemblées générales de la bande.
j) En cas de circonstances extraordinaires, comme la maladie ou le décès d’un membre immédiat de la famille ou le décès d’un membre de la PNK, l’assemblée sera reportée conformément à la politique et aux procédures respectées pour tout le personnel du bureau de la bande.
4.0 CRITÈRES D’ÉLIGIBILITÉ
4.1 Pour pouvoir occuper le poste de chef ou de conseiller de la PNK, une personne doit :
a) être membre de la PNK depuis les douze (12) mois précédant la mise en candidature;
b) avoir au moins 18 ans à la date de l’élection;
c) détenir la citoyenneté canadienne;
d) avoir été choisie et appuyée par des membres qui peuvent voter;
e) ne pas avoir été déclarée coupable d’une infraction dans les cinq (5) ans qui précèdent la date de l’élection, à moins que cette exigence soit levée par vote majoritaire au cours d’une assemblée générale par les membres qui peuvent voter;
f) ne pas avoir été déclarée coupable d’une infraction liée à la fraude dans les cinq (5) ans précédant la date de l’élection;
g) ne pas avoir été déclarée coupable d’une agression sexuelle dans les dix (10) ans précédant la date de l’élection;
h) ne pas avoir des arrérages sur le paiement d’une dette envers la PNK ou envers une entreprise avec laquelle la PNK a des liens;
(i) ne pas être en faillite au moment de la mise en candidature ou au cours d’un mandat électoral;
j) signer l’attestation de qualification de chef/conseiller à l’annexe 4 et rendre publique la dette envers la PNK;
k) signer l’acceptation de la mise en candidature à l’annexe 1;
l) signer l’autorisation de vérification de casier judiciaire qui se trouve à l’annexe 2.
4.2 Sauf indication contraire, le directeur ou la directrice des élections doit supposer qu’une personne qui a signé une attestation de qualification de chef/conseiller possède toutes les qualités requises pour se porter candidat conformément au présent code.
4.3 Le directeur ou la directrice des élections peut demander, s’il ou elle l’estime approprié, d’effectuer une vérification du casier judiciaire au Canada et aux États-Unis pour confirmer l’éligibilité des candidats.
4.4 Le directeur ou la directrice des élections disqualifie un candidat s’il est démontré qu’il n’était pas admissible à la mise en candidature au titre du présent code ou que le candidat ne soumet pas les formulaires requis avant la date requise.
4.5 Si un candidat est proposé à la fois comme chef et comme conseiller, il doit se retirer de l’un des postes au plus tard 37 jours avant l’élection.
[…]
7.0 POSTES VACANTS AU CONSEIL
7.1 Un poste au Conseil devient vacant lorsque la personne qui l’occupe :
a) démissionne;
b) n’est plus éligible conformément à l’article 4 du présent code électoral;
c) est déclaré coupable d’un acte criminel;
d) est atteint d’une incapacité au point où il ou elle ne peut plus exercer les fonctions demandées et que cette incapacité est attestée par une déclaration signée par un médecin qualifié pour pratiquer la médecine en Colombie-Britannique;
e) ne prête pas le serment exigé par l’article 25.3;
f) meurt.
7.2 Un poste du Conseil devient également vacant lorsque le comité d’appel, en vertu de l’article 27, fait droit à un appel et annule l’élection pour ce poste.
7.3 Le chef ou tout conseiller peut être destitué de ses fonctions si deux conseillers votent en faveur d’une résolution à cet effet, au motif que le chef ou le conseiller :
a) s’est rendu coupable d’inconduite grave ou de corruption dans des activités en lien avec Conseil;
b) s’est approprié illégalement ou de façon inappropriée des fonds de la PNK;
c) a été reconnu coupable de pratiques électorales frauduleuses;
d) a déclaré des renseignements faux dans l’attestation de qualification de chef/conseiller (annexe 4);
e) ne participe pas activement et clairement à la réalisation des activités mandatées par le Conseil décrites à l’article 3;
f) ne participe pas activement à tout comité créé par le Conseil qui est directement lié au portefeuille du conseiller;
g) s’est absenté à plus de trois (3) réunions consécutives du Conseil sur une période de 12 mois, sans l’approbation de ce dernier, comme en font état les procès-verbaux des réunions du Conseil.
[…]
Code déontologique du chef et du Conseil de la Première nation Kwikwetlem (Kwikwetlem First Nation Chief and Council Code of Ethics) (approuvé par le Conseil, mais pas ratifié)
[traduction]
FAUTE DE DÉONTOLOGIE
Le défaut des membres du chef et du Conseil de la Première nation Kwikwetlem de se conformer à la politique sur le code déontologique est considéré comme une faute à la déontologie convenable et, par conséquent, est passible de sanctions disciplinaires. Ces mesures disciplinaires, administrées par le chef et le Conseil de la Première nation Kwikwetlem, peuvent consister en un avertissement verbal, une lettre officielle de réprimande, une suspension avec ou sans salaire de chef ou de membre du Conseil de la Première nation Kwikwetlem, un congédiement involontaire de leur poste d’élus et la demande de démission.
La majorité du chef et du Conseil de la Première nation Kwikwetlem détermine la portée de ces mesures, sauf pour ce qui est de la suspension, du congédiement involontaire et de la demande de démission, pour lesquels il faut une décision unanime du chef et du Conseil de la Première nation Kwikwetlem.
Voici certains des motifs justifiés d’une mesure disciplinaire :
=> Comportement général et personnel au sein de la communauté de la Première nation Kwikwetlem et à l’extérieur de celle-ci (c.‑à‑d., langage obscène, bagarres, consommation excessive d’alcool et consommation de drogues).
=> Défaut de se présenter et de participer aux réunions.
=> Malhonnêteté (c.-à-d., vol et divulgation intentionnelle de renseignements faux)
=> Insubordination (refus de suivre les directives du chef et du Conseil de la Première nation Kwikwetlem)
=> Harcèlement personnel et sexuel des employés, des membres de la Première nation Kwikwetlem ou de toute autre personne.
=> Divulgation de renseignements confidentiels.
=> Condamnation pour acte criminel, motif valable de congédiement immédiat.
Si le chef et le Conseil de la Première nation Kwikwetlem jugent le processus disciplinaire approprié, celui-ci doit être progressif et doit toujours être administré de façon juste et raisonnable.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
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T-835-20
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INTITULÉ :
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CHEF EDWARD HALL c GEORGE CHAFFEE ET JOHN PETERS (EN QUALITÉ DE CONSEILLERS DE LA PREMIÈRE NATION KWIKWETLEM)
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LIEU DE L’AUDIENCE :
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Vancouver (Colombie-Britannique)
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DATE DE L’AUDIENCE :
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Les 15 et 16 septembre 2020
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JUGEMENT ET MOTIFS :
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LE JUGE PHELAN
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DATE DES MOTIFS :
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Le 22 octobre 2020
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COMPARUTIONS :
Maxime Faille
Keith Brown
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Pour le demandeur
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Nazeer T. Mitha
Joseph Ensom
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Pour les défendeurs
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Gowling WLG (Canada) LLP
Avocats
Vancouver (Colombie-Britannique)
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Pour le demandeur
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Harris & Company LLP
Avocats
Vancouver (Colombie-Britannique)
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Pour les défendeurs
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