Date : 20201027
Dossier : T-1412-19
Référence : 2020 CF 1010
Ottawa (Ontario), le 27 octobre 2020
En présence de l’honorable madame la juge Roussel
ENTRE :
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OUASSIM MEGUELLATI
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demandeur
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et
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LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
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défendeur
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JUGEMENT ET MOTIFS
I.
Introduction
[1]
Le demandeur, Ouassim Meguellati, sollicite le contrôle judiciaire d’une décision rendue le 30 juillet 2019 par le sous-ministre délégué du ministère de l’Emploi et Développement social Canada [EDSC]. Dans cette décision, le sous-ministre délégué rejette au palier final le grief de M. Meguellati contestant la décision d’EDSC de doter son poste de façon permanente alors qu’il était en congé sans solde pour s’occuper de sa famille.
[2]
Pour les motifs qui suivent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.
II.
Contexte
[3]
M. Meguellati est un employé de la fonction publique fédérale. Depuis 2014, il occupe le poste de directeur général de la planification ministérielle et de la gestion de la performance au sein d’EDSC. Son poste est classifié aux groupe et niveau EX-03.
[4]
En 2017, des ennuis de santé contraignent M. Meguellati à prendre un congé de maladie. Il prend d’abord un congé de maladie payé du 17 juillet 2017 au 30 avril 2018. Ayant épuisé le solde de ses journées de congé de maladie accumulées et n’étant toujours pas apte à reprendre le travail, M. Meguellati obtient l’autorisation d’utiliser le solde de ses congés annuels. Ainsi, du 1er mai 2018 au 15 juin 2018, il utilise le solde de ses journées de vacances accumulées. Le 4 juin 2018, M. Meguellati demande un congé sans solde commençant le 16 juin 2018. La chef du cabinet de la sous-ministre adjointe principale, Caroline Fradette, lui répond qu’à compter du 18 juin 2018, il serait considéré en congé sans solde pour raison de maladie.
[5]
Le 7 juin 2018, M. Meguellati informe Mme Fradette qu’il aimerait plutôt prendre un congé sans solde pour s’occuper d’un membre de sa famille qui requiert son soutien. Il demande s’il peut interrompre le congé si la situation s’améliore et s’il existe « un congé sans solde que les exécutifs peuvent prendre une fois dans leur carrière »
. Le 13 juin 2018, Mme Fradette lui répond qu’il est permis d’interrompre un congé sans solde et que le congé sans solde disponible une fois dans la carrière ne s’applique pas aux cadres supérieurs. Il peut cependant bénéficier d’un congé sans solde pour s’occuper de sa famille pour une période d’une durée minimale de trois (3) semaines et maximale de cinq (5) ans. Mme Fradette invite M. Meguellati à confirmer sa demande de congé en remplissant le formulaire de congé qui lui a été envoyé.
[6]
Le 17 juin 2018, M. Meguellati soumet sa demande de congé sans solde pour s’occuper de sa famille du 18 juin 2018 au 21 juin 2018.
[7]
Le 13 juillet 2018, la sous-ministre adjointe principale, Catherine Adam, écrit à M. Meguellati pour lui demander de clarifier la raison de son absence. Il avait soumis un formulaire de justification de congé de maladie le 9 juillet 2018 alors qu’il avait demandé le 17 juin 2018 un congé sans solde pour s’occuper de sa famille. Elle lui demande également si les dates indiquées sur sa demande de congé, soit le 18 juin au 21 juin 2018, étaient exactes considérant que la période demandée était de quatre (4) jours seulement.
[8]
Le 25 juillet 2018, M. Meguellati renvoie un nouveau formulaire précisant que sa demande de congé sans solde pour des raisons familiales vise la période du 18 juin 2018 au 21 juin 2019, une période d’un an et quatre (4) jours. M. Meguellati indique sur ce même formulaire que le congé pourrait être interrompu si sa situation familiale s’améliore.
[9]
Le 16 août 2018, Mme Adam signe la demande de congé sans solde.
[10]
Le 25 août 2018, M. Meguellati reçoit une lettre intitulée « Congé sans solde pour s’occuper de la famille »
dans laquelle Mme Adam l’informe que son congé est approuvé conformément à la Directive sur la rémunération des cadres supérieurs et qu’il entrera en vigueur le 18 juin 2018 et prendra fin le 21 juin 2019. Elle explique également que selon la politique du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada [SCT] un employé en congé sans solde peut être remplacé par une personne nommée pour une période indéterminée si la durée du congé ou les périodes consécutives du même congé dépassent un (1) an. Mme Adam avise M. Meguellati qu’elle a l’intention de doter son poste de façon indéterminée puisque le congé dépassera un (1) an.
[11]
Le poste de M. Meguellati est doté le 11 janvier 2019.
[12]
Le 8 février 2019, M. Meguellati avise EDSC que sa situation familiale s’est améliorée et qu’il compte revenir au travail à la mi-mars.
[13]
Dans une lettre datée du 22 février 2019, Mme Adam informe M. Meguellati que son poste a été pourvu pour une durée indéterminée à partir du 11 janvier 2019 et qu’il est admissible à la priorité de fonctionnaire en congé en vertu de l’alinéa 41(1)a) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, LC 2003, c 22 jusqu’au 21 juin 2020.
[14]
Le 8 avril 2019, M. Meguellati informe la Direction générale des Services de Ressources humaines à EDSC qu’il a reçu une interprétation du SCT qui confirme qu’EDSC n’aurait pas dû pourvoir son poste. Il l’avise de son intention de présenter un grief formel et de demander sa réintégration à partir de la date où il a demandé de raccourcir son congé sans solde et de retourner au travail.
[15]
Le 16 avril 2019, M. Meguellati fait parvenir une lettre par courriel à l’intention du sous-ministre d’EDSC demandant de le rencontrer pour discuter de sa situation qu’il considère injuste. Suite à la réception de cette lettre, EDSC déclenche la procédure de grief formel.
[16]
Le 21 mai 2019, une audience est tenue au deuxième palier du grief devant Mme Adam ainsi que la Directrice adjointe aux relations de travail à EDSC. Accompagné de son représentant, M. Meguellati réclame : (1) des explications quant à la décision de pourvoir à son poste; (2) la conversion de son congé pour obligations familiales en congé spécial d’une durée maximale de 130 jours, tel que prévue par l’article 6.3 de l’Annexe C de la Directive sur la rémunération des cadres supérieurs; et (3) sa réintégration dans son poste.
[17]
Le 20 juin 2019, Mme Adam informe M. Meguellati que son grief est rejeté. Elle indique que la décision de pourvoir le poste a été prise en raison d’exigences opérationnelles et qu’aucune information présentée ne lui permettait de conclure qu’un autre type de congé aurait dû lui être accordé. Selon Mme Adam, l’employeur lui a octroyé le congé qui s’adaptait à sa situation en vertu de la Directive sur la rémunération des cadres supérieurs du SCT. Elle conclut que M. Meguellati a été traité conformément aux dispositions de cette directive.
[18]
Dans une lettre adressée à Mme Adam en date du 27 juin 2019, M. Meguellati manifeste son désaccord avec la décision et demande s’il peut contourner le dernier palier du processus de grief pour accélérer le processus. Le 4 juillet 2019, la directrice adjointe des relations de travail à EDSC refuse la demande de M. Meguellati. Elle l’informe que sa demande sera traitée comme une demande de procéder au dernier palier de la procédure de règlement des griefs et lui présente trois (3) options pour accélérer le processus : (1) demander une audience devant le sous-ministre délégué; (2) fournir des représentations écrites pour considération par le sous-ministre délégué; et (3) procéder sur la base des informations disponibles au dossier, y incluant les représentations faites au deuxième palier de grief. Voulant accélérer le processus, M. Meguellati choisit la troisième option.
[19]
Le 22 juillet 2019, la conseillère principale en ressources humaines de travail à EDSC prépare un document intitulé « Aperçu du grief au palier final »
[Aperçu], dans lequel elle expose le contexte du grief ainsi que la position de M. Meguellati, fait une analyse du grief et recommande ensuite le rejet de celui-ci et des mesures correctives demandées.
[20]
Le 30 juillet 2019, le sous-ministre délégué d’EDSC rejette le grief de M. Meguellati. Il conclut que : (1) le poste de M. Meguellati a été pourvu en raison des exigences opérationnelles, en respectant les dispositions de la Directive sur les congés et les modalités de travail spéciales du SCT; (2) des efforts ont été déployés pour appuyer M. Meguellati dans sa recherche d’emploi conformément à cette même directive; et (3) EDSC a octroyé le congé que M. Meguellati avait demandé et qui s’adaptait le mieux à sa situation personnelle.
[21]
M. Meguellati soutient devant cette Cour que la décision du sous-ministre délégué est déraisonnable parce que : (1) la Directive sur les congés et les modalités de travail spéciales ne permettait pas de doter le poste de M. Meguellati avant l’expiration d’un an; et (2) elle ne tient pas compte de son argument selon lequel EDSC a manqué à son obligation de bonne foi et d’agir équitablement.
III.
Analyse
A.
Norme de contrôle
[22]
Les parties conviennent que la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 aux para 10, 16-17 [Vavilov]).
[23]
Lorsque la norme du caractère raisonnable s’applique, la Cour s’intéresse « à la décision effectivement rendue par le décideur, notamment au raisonnement suivi et au résultat de la décision »
(Vavilov au para 83). Elle doit se demander si « la décision possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité, et si la décision est justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur celle‑ci »
(Vavilov au para 99). Elle ne se demande pas « quelle décision elle aurait rendue à la place du décideur administratif, ne tente pas de prendre en compte l’‘éventail’ des conclusions qu’aurait pu tirer le décideur, ne se livre pas à une analyse de novo, et ne cherche pas à déterminer la solution ‘correcte’ au problème »
(Vavilov au para 83). Il « incombe à la partie qui conteste la décision d’en démontrer le caractère déraisonnable »
(Vavilov au para 100).
[24]
Enfin, bien que le contrôle judiciaire porte sur la décision du sous-ministre délégué, il est important de rappeler qu’il est permis d’examiner les motifs exposés aux paliers précédents de la procédure de griefs pour bien comprendre le fondement de la décision contestée. De plus, il est reconnu que les précis ou mémoires internes contenant des recommandations à l’attention du décideur peuvent constituer des motifs (Veillette c Canada (Agence du revenu), 2020 CF 544 au para 27; Wilkinson c Canada (Procureur général), 2016 CF 1062 au para 15; Wanis c Agence canadienne d'inspection des aliments, 2013 CF 963 au para 21). En l’instance, le contenu de l’Aperçu peut donc être considéré comme faisant partie des motifs de la décision.
B.
Pouvoir de remplacer un employé lors d’un congé de longue durée
[25]
L’article 1.4 de l’Annexe B de la Directive sur les congés et les modalités de travail spéciales du SCT se lit ainsi :
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[26]
M. Meguellati soutient que la décision du sous-ministre délégué est déraisonnable puisqu’EDSC n’avait ni la discrétion ni l’autorité nécessaire pour le remplacer avant qu’une période d’un an de congé sans solde ne se soit écoulée.
[27]
Il allègue d’abord que EDSC aurait dû amorcer la comptabilisation du congé pour prendre soin de la famille qu’à compter du 1er août 2018, ayant reconnu dans une lettre du 13 juillet 2018 qu’il était en congé de maladie sans solde jusqu’à cette date. Or, selon l’article 1.4 de l’Annexe B de la Directive sur les congés et les modalités de travail spéciales, EDSC ne pouvait comptabiliser deux (2) types de congés distincts dans son calcul du délai d’un an.
[28]
Cet argument est mal fondé. Dans son formulaire intitulé « Demande de congé et rapport d’absence »
fourni à EDSC, M. Meguellati indique clairement qu’il serait en congé sans solde pour des raisons familiales à partir du 18 juin 2018. Cette date a par la suite été confirmée par Mme Adam lorsqu’elle a approuvé le congé. Il ne peut aujourd’hui reprocher à l’employeur d’avoir mal comptabilisé la période de congé applicable pour les fins de l’application de l’article 1.4 de l’Annexe B de la Directive sur les congés et les modalités de travail spéciales.
[29]
M. Meguellati soutient ensuite qu’EDSC aurait dû conclure à une interprétation différente de l’article 1.4 en tenant compte du sens littéral des mots utilisés. Selon lui, l’interprétation appropriée est qu’EDSC ne peut pourvoir au poste d’un employé absent avant qu’une période de plus d’un an d’un congé ne se soit écoulée. Il soumet que si le SCT avait voulu qu’un poste puisse être pourvu avant même que la période de congé ne soit utilisée, il aurait utilisé les termes « congé prévu pour une période de plus d’un an »
ou « congé d’une durée fixée à plus d’un an »
plutôt que « congé […] constitué d’une période […] de plus d’un an »
. Il est également d’avis qu’une lecture de la version anglaise de l’article 1.4 appuie son interprétation proposée. Les termes « period of leave »
se traduisent selon lui à « période d’absence »
et il s’agit donc d’un intervalle de temps où l’employé est effectivement absent.
[30]
Pour appuyer son argument, il cite la décision Malhi c Conseil du Trésor (ministère de l’Emploi et du Développement social), 2016 CRTEFP 2, où EDSC aurait déjà entériné cette interprétation dans le passé.
[31]
La Cour rappelle que son rôle consiste à réviser la décision qui fait l’objet du contrôle judiciaire. Le fait que M. Meguellati puisse avancer une interprétation raisonnable différente ne signifie pas forcément que l’interprétation du sous-ministre délégué est déraisonnable. Que ce soit dans la version française ou anglaise du texte, le langage utilisé dans la disposition ne précise pas que la période d’un an doit être écoulée avant que l’employeur puisse procéder à un remplacement par voie de nomination. Elle indique seulement que le congé doit être constitué d’une période ou de périodes consécutives de congé de même type de plus d’un an. Or, une période de congé peut être prospective, comme c’était le cas en l’espèce. L’on peut comprendre qu’un employeur, une fois informé de l’absence d’un employé pour une période de plus d’un an, veuille s’assurer de pouvoir remplir les exigences opérationnelles du ministère et puisse, s’il le considère nécessaire, pourvoir au poste de l’employé absent.
[32]
Lors de l’audience, M. Meguellati a avancé l’argument selon lequel le sous-ministre délégué n’a pas élaboré son raisonnement quant à son interprétation de l’article 1.4 dans les motifs de sa décision. Il ne fait que conclure que le poste a été pourvu en respectant les dispositions de la Directive sur les congés et les modalités de travail spéciales.
[33]
La Cour reconnaît qu’il aurait été souhaitable que les motifs du sous-ministre délégué soient plus élaborés. Toutefois, comme il est mentionné plus haut, la Cour peut considérer, afin de déterminer si la décision est raisonnable, non seulement les motifs qu’il a livrés au soutien de sa décision, mais également l’Aperçu préparé en marge de cette décision par la conseillère principale en ressources humaines.
[34]
En l’instance, la conseillère fait état des arguments invoqués par M. Meguellati selon lesquels l’employeur ne pouvait doter un poste qu’au moment où l’employé avait été en congé de plus de douze (12) mois et que l’employeur savait depuis le début qu’il y avait une possibilité que le congé soit écourté.
[35]
La conseillère indique avoir reçu une interprétation du SCT confirmant qu’EDSC pouvait pourvoir le poste si la demande initiale du congé non payé était d’une durée de plus d’un an. Elle reconnaît que M. Meguellati a indiqué à deux (2) reprises qu’il y avait une possibilité que son congé soit écourté. Elle indique toutefois que lorsque M. Meguellati a appris le 25 août 2018 qu’EDSC avait l’intention de pourvoir à son poste, il n’a pas communiqué avec l’employeur. Ce n’est que le 8 février 2019 qu’il a manifesté son intention de réintégrer son poste. À ce moment, le poste avait déjà été pourvu. Elle souligne que M. Meguellati avait la responsabilité de communiquer avec l’employeur immédiatement afin de prendre les mesures pour éviter que son poste soit pourvu.
[36]
Compte tenu du libellé de la disposition qui se prête à différentes interprétations, et considérant que le sous-ministre délégué avait devant lui une confirmation du SCT que l’interprétation du ministère était conforme à ses politiques, la Cour ne peut conclure que l’interprétation du sous-ministre délégué est déraisonnable.
C.
Obligation de bonne foi et d’agir équitablement
[37]
M. Meguellati allègue avoir reçu de l’information erronée concernant la disponibilité du congé de maladie discrétionnaire prévue par l’article 6.3 de l’Annexe C de la Directive sur la rémunération des cadres supérieurs. Il est d’avis qu’il avait le droit à une réponse correcte lorsqu’il s’est informé des différents types de congés qui pourraient s’appliquer à sa situation, dont celui de six (6) mois offerts aux cadres supérieurs une seule fois dans leur carrière. Il estime également qu’en plus de fournir des réponses erronées à ses questions, EDSC a omis de l’informer des conséquences de faire une demande pour un congé d’une période de plus d’un an.
[38]
Selon M. Meguellati, EDSC avait l’obligation, conformément aux directives et politiques du SCT, de lui fournir des renseignements exacts, uniformes et en temps opportun concernant ses conditions d’emploi. Le défaut de respecter les normes d’équité prévues constitue un manquement à l’obligation de bonne foi et d’agir équitablement de l’employeur. Il soutient que le sous-ministre délégué a rendu une décision déraisonnable en ayant omis de justifier pourquoi ses arguments en lien avec ces obligations n’ont pas été retenus.
[39]
La Cour ne peut souscrire aux arguments de M. Meguellati.
[40]
Dans sa décision, le sous-ministre délégué conclut que le poste de M. Meguellati a été pourvu en raison des exigences opérationnelles, en respectant les dispositions de la Directive sur les congés et les modalités de travail spéciales du SCT. Il conclut également que l’employeur a octroyé à M. Meguellati le congé qu’il avait demandé et qui s’adaptait à sa situation personnelle en vertu de la Directive sur la rémunération des cadres supérieurs du SCT.
[41]
Dans l’Aperçu, la conseillère mentionne l’argument de M. Meguellati contenu dans la lettre du 27 juin 2019 voulant que l’employeur a fait défaut de l’informer de la possibilité d’obtenir un congé payé de six (6) mois auquel les cadres supérieurs ont droit.
[42]
La conseillère répond à cet argument dans son analyse. Elle souligne d’abord que l’employeur a accordé à M. Meguellati le congé qui s’adaptait le mieux à sa situation et que les autres types de congés payés et non payés ne pouvaient s’appliquer dans le contexte particulier de M. Meguellati. Elle explique que M. Meguellati n’a pas fait une demande pour un congé de maladie spécial pouvant être accordé aux cadres supérieurs et que pour l’obtenir, il aurait fallu que M. Meguellati appuie sa demande d’un certificat médical valide. Or, le médecin traitant de M. Meguellati avait indiqué que M. Meguellati était apte à retourner au travail au plus tard le 1er août 2018. Considérant que ce type de congé est discrétionnaire, rien n’indique que M. Meguellati ne l’aurait obtenu. Elle mentionne également que le 24 avril et le 6 juin 2018, M. Meguellati a été informé qu’il devait fournir une justification pour appuyer sa demande de congé sans solde. Malgré ces informations, M. Meguellati n’a pas fait la demande pour obtenir ce congé spécial. De plus, elle souligne que la situation personnelle de M. Meguellati ne répondait pas aux exigences pour obtenir un tel congé, ce dernier ayant indiqué à plusieurs reprises qu’il désirait obtenir un congé sans solde pour prendre soin d’un membre de sa famille.
[43]
Enfin, en réponse à l’argument de M. Meguellati qu’il n’a pas eu le soutien de l’employeur avant ni après sa demande de congé et qu’il ne connaissait pas la Directive, la conseillère souligne qu’il a reçu de nombreuses correspondances lui expliquant les démarches requises pour gérer ses absences. Elle souligne également qu’avant son départ, M. Meguellati occupait un poste de Directeur général (EX-03) et qu’il avait quatre (4) employés au niveau EX‑01 sous sa supervision directe. En tant que EX-03, il avait l’autorité nécessaire pour approuver les demandes de congé sous la Directive sur la rémunération des cadres supérieurs et il aurait dû être au courant de celle-ci.
[44]
Un examen des motifs de la décision du sous-ministre délégué, lus de concert avec l’Aperçu, démontre que l’ensemble des reproches de M. Meguellati ont été considérés et que les conclusions qui en découlent sont fondées sur un raisonnement qui satisfait aux critères de raisonnabilité.
[45]
Par ailleurs, la Cour note que lorsqu’il s’est informé des congés disponibles, M. Meguellati a présenté son interrogation comme suit :
Q2. J’ai entendu parler d’un congé sans solde que les exécutifs peuvent prendre une fois dans leur carrière. Mais je ne vois pas ce type de congé dans la directive?
[Soulignement ajouté.]
[46]
C’est dans le même courriel que M. Meguellati indique qu’il souhaite prendre un congé pour s’occuper d’un membre de sa famille.
[47]
Tenant compte de l’information reçue, Mme Fradette a répondu comme suit :
R2. Le congé sans solde une fois dans la carrière ne s’applique pas aux cadres supérieurs. La directive indique que : les Exs peuvent bénéficier d’un congé non payé pour s’occuper de sa proche famille pour une période entre 3 semaines et 5 ans. Le congé devrait être accordé si l’employé désire prendre un tel congé pour s’occuper d’un membre de sa proche famille, plus spécifiquement pour : […]
[Soulignement ajouté.]
[48]
Le congé prévu à l’article 6.3 de l’Annexe C de la Directive sur la rémunération des cadres supérieurs prévoit un congé de maladie payé et non un congé sans solde pour s’occuper de sa famille. Compte tenu de la question posée et du contexte, la Cour estime que M. Meguellati ne peut reprocher à EDSC de lui avoir fourni de l’information incorrecte. De plus, étant lui-même un gestionnaire responsable d’approuver les congés des cadres supérieurs sous sa direction, il n’était pas déraisonnable de croire que M. Meguellati était au courant de l’existence de cette directive.
[49]
Dans ses soumissions écrites devant cette Cour, M. Meguellati fait référence à certaines dispositions de la Directive sur la rémunération des cadres supérieurs, de la Directive sur les congés et les modalités de travail spéciales, de la Politique sur les conditions d’emploi et de la Directive sur les conditions d’emploi du SCT pour appuyer son argument que EDSC ne s’est pas acquitté de son obligation de lui fournir des renseignements exacts, uniformes et transparents. Or, il appert du dossier que les arguments de M. Meguellati portant sur ces dispositions n’ont pas été soulevés dans le cadre de la procédure de règlement des griefs. La Cour ne peut donc reprocher au sous-ministre délégué de ne pas s’être prononcé sur leur application.
[50]
Enfin, même si elle reconnaît que les circonstances de M. Meguellati puissent paraître injustes considérant que le congé demandé excédait la période d’un an de quelques jours seulement, la Cour estime que M. Meguellati est en quelque sorte l’auteur de son propre malheur. La lettre que M. Meguellati a reçue le 25 août 2018 fournissait les informations pertinentes concernant l’intention d’EDSC de pourvoir au poste de M. Meguellati. Cette information lui a été communiquée en temps opportun avant qu’EDSC ne passe à l’action. M. Meguellati a eu le temps de poser des questions et il aurait pu demander de modifier la période de congé avant que le poste ne soit doté. Malheureusement, il a omis de répondre à la lettre.
[51]
Compte tenu de ce qui précède, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.
[52]
En ce qui a trait aux dépens, le Procureur général du Canada a indiqué qu’il ne réclamait aucuns dépens. Aucuns dépens ne seront adjugés.
JUGEMENT au dossier T-1412-19
LA COUR STATUE que :
La demande de contrôle judiciaire est rejetée; et
Aucuns dépens ne sont adjugés.
« Sylvie E. Roussel »
Juge
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
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T-1412-19
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INTITULÉ :
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OUASSIM MEGUELLATI c LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
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LIEU DE L’AUDIENCE :
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TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE ENTRE OTTAWA (ONTARIO) ET GATINEAU (QUÉBEC)
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DATE DE L’AUDIENCE :
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LE 15 OCTOBRE 2020
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JUGEMENT ET motifs :
|
LA JUGE ROUSSEL
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DATE DES MOTIFS :
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LE 27 OCTOBRE 2020
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COMPARUTIONS :
Benoit Duclos
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Pour le demandeur
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Kétia Calix
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Pour le défendeur
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Duclos Blais Avocats
Gatineau (Québec)
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Pour le demandeur
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Procureur général du Canada
Ottawa (Ontario)
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Pour le défendeur
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