Date : 19991117
Dossier : IMM-255-99
Ottawa (Ontario), le 17 novembre 1999
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE PINARD
ENTRE :
ABDILLAHI HAJI HUSSEIN
demandeur
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L"IMMIGRATION
défendeur
ORDONNANCE
La demande de contrôle judiciaire de la décision, rendue le 15 décembre 1998, dans laquelle la Section d"arbitrage de la Commission de l"immigration et du statut de réfugié a conclu que le demandeur faisait l"objet d"une mesure d"expulsion conditionnelle, est rejetée.
YVON PINARD
JUGE
Traduction certifiée conforme
Bernard Olivier, B.A., LL.B.
Date : 19991117
Dossier : IMM-255-99
ENTRE :
ABDILLAHI HAJI HUSSEIN
demandeur
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L"IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS D"ORDONNANCE
LE JUGE PINARD
[1] Il s"agit d"une demande de contrôle judiciaire de la décision, rendue le 15 décembre 1998, dans laquelle la Section d"arbitrage de la Commission de l"immigration et du statut de réfugié (la Section d"arbitrage) a conclu que le demandeur faisait l"objet d"une mesure d"expulsion conditionnelle.
Les faits
[2] Le demandeur, Abdillahi Haji Hussein, est un citoyen de la Somalie. Il a été convoqué à une enquête de la Commission de l"immigration et du statut de réfugié, qui a été complétée le 16 septembre 1997. Les résultats de l"enquête ont été publiés au début de 1999. À l"audition, des éléments de preuve ont été produits afin d"établir que le demandeur avait eu des démêlés avec la justice américaine alors qu"il vivait aux États-Unis, ce que le demandeur a lui-même reconnu. Le demandeur paraît avoir été reconnu coupable, le 2 décembre 1985, d"avoir pris part à un crime qui consistait à ordonner à plusieurs banques américaines de transférer dans des comptes ouverts par sa belle-soeur des fonds appartenant à d"autres personnes. En particulier, le demandeur reconnaît qu"il a été reconnu coupable, en vertu de l"article 2314 du Titre 18 , United States Code (le Title 18), d"avoir causé le transfert de ces fonds dans le cadre du commerce interétatique. En fait, toutes les parties conviennent de ce que le demandeur a, pendant son séjour aux États-Unis, causé le transfert électronique de centaines de milliers de dollars aux comptes de sa belle-soeur et transporté un chèque de banque d"une valeur de 123 000 $, et qu"il a été reconnu coupable d"avoir enfreint à l"article 2314 du Title 18 . Le demandeur a purgé les trois premières années de sa peine d"emprisonnement de dix ans, puis il est venu au Canada.
La décision du tribunal
[3] La Section d"arbitrage a tenu une enquête pour déterminer si le demandeur était visé par l"alinéa 27(2)a ) et le sous-alinéa 19(1)c.1)(ii) de la Loi sur l"immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2. Voici ce que prévoit l"alinéa 27(2)a ) :
27. (2) An immigration officer or a peace officer shall, unless the person has been arrested pursuant to subsection 103(2), forward a written report to the Deputy Minister setting out the details of any information in the possession of the immigration officer or peace officer indicating that a person in Canada, other than a Canadian citizen or permanent resident, is a person who
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27. (2) L'agent d'immigration ou l'agent de la paix doit, sauf si la personne en cause a été arrêtée en vertu du paragraphe 103(2), faire un rapport écrit et circonstancié au sous-ministre de renseignements concernant une personne se trouvant au Canada autrement qu'à titre de citoyen canadien ou de résident permanent et indiquant que celle-ci, selon le cas:
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La catégorie non admissible à laquelle renvoie l"alinéa 27(2)a ) est décrite au sous-alinéa 19(1)c.1)(ii) :
19. (1) No person shall be granted admission who is a member of any of the following classes:
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19. (1) Les personnes suivantes appartiennent à une catégorie non admissible:
|
[4] La Section d"arbitrage a estimé qu"il y avait des motifs raisonnables de croire que le demandeur avait commis, pendant son séjour aux États-Unis, des actes qui constituaient une infraction en vertu de l"article 2314 du Title 18 , qui prévoit :
[TRADUCTION] |
Quiconque transporte, dans le cadre du commerce interétatique ou du commerce extérieur, des marchandises, valeurs mobilières ou sommes d"argent d"une valeur d"au moins 5 000 $, sachant que celles-ci ont été volées, converties ou obtenues par fraude; ou |
[...] |
Se verra imposé une amende d"au plus 10 000 $ ou une peine d"emprisonnement d"au plus dix ans, ou ces deux peines. |
[...] |
[5] Se fondant sur l"alinéa 354(1)b ), l"article 355 et le paragraphe 4(3) du Code criminel , la Section d"arbitrage a conclu que les actes qui constituaient une infraction en vertu de l"article 2314 du Title 18 constitueraient également, s"ils étaient commis au Canada, une infraction qui pourrait être punissable d"un emprisonnement maximal égal ou supérieur à dix ans. Voici ce que ces dispositions du Code criminel prévoient :
4. (3) For the purposes of this Act,
354. (1) Every one commits an offence who has in his possession any property or thing or any proceeds of any property or thing knowing that all or part of the property or thing or of the proceeds was obtained by or derived directly or indirectly from
355. Every one who commits an offence under section 354
|
4. (3) Pour l'application de la présente loi:
354. (1) Commet une infraction quiconque a en sa possession un bien, une chose ou leur produit sachant que tout ou partie d'entre eux ont été obtenus ou proviennent directement ou indirectement:
355. Quiconque commet une infraction visée à l'article 354:
|
Les prétentions du demandeurs
[6] L"avocat du demandeur a soutenu que la Section d"arbitrage a commis des erreurs de fait. Il a également fait valoir que la portée de l"article 2314 du Title 18 était beaucoup plus grande que celle de l"alinéa 354(1)b ) du Code criminel et qu"en conséquence, ces deux dispositions n"étaient pas équivalentes. Il a également avancé que le demandeur n"avait jamais été en possession des fonds en cause, au sens du paragraphe 4(3) du Code criminel .
L"analyse
[7] J"estime que les conclusions de fait de la Section d"arbitrage sont bien étayées par la preuve et que le demandeur n"est absolument pas parvenu à établir que le tribunal a rendu une décision fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont elle disposait (alinéa 18.1(4)d ) de la Loi sur la Cour fédérale).
[8] Avec égards pour ce qui est des autres arguments du demandeur, j"estime que le critère qu"il convient d"appliquer pour déterminer si le sous-alinéa 19(1)c .1)(ii) de la Loi sur l"immigration s"applique est celui que la Cour d"appel fédérale a énoncé dans l"arrêt Hill c. Ministre de l"Emploi et de l"Immigration (1987), 73 N.R. 315. Dans cet arrêt, M. le juge Urie a décrit le critère de la façon suivante, à la p. 320 :
Il me semble que, étant donné la présence des termes " qui constitue ... une infraction ... au Canada ", l"équivalence peut être établie de trois manières : tout d"abord, en comparant le libellé précis des dispositions de chacune des lois par un examen documentaire et, s"il s"en trouve de disponible, par le témoignage d"un expert ou d"experts du droit étranger pour dégager, à partir de cette preuve, les éléments essentiels des infractions respectives; en second lieu, par l"examen de la preuve présentée devant l"arbitre, aussi bien orale que documentaire, afin d"établir si elle démontrait de façon suffisante que les éléments essentiels de l"infraction au Canada avaient été établis dans le cadre des procédures étrangères, que les mêmes termes soient ou non utilisés pour énoncer ces éléments dans les actes introductifs d"instance ou dans les dispositions légales; en troisième lieu, au moyen d"une combinaison de cette première et de cette seconde démarches. |
[9] En l"espèce, il semble qu"en raison de la définition du terme " possession " au paragraphe 4(3) du Code criminel , l"alinéa 354(1)b ) du Code criminel a une portée plus grande que l"article 2314 du Title 18 . L"alinéa 354(1)b ) du Code criminel et l"article 2314 du Title 18 sont des dispositions équivalentes, car elles contiennent un élément essentiel similaire, soit le fait de posséder, au sens où l"entend la loi, des fonds volés. Vu les circonstances particulières de la présente affaire, dont le fait que le demandeur contrôlait les fonds en cause par l"entremise de sa belle-soeur et des banques, il est clair selon moi que la preuve démontrait de façon suffisante que les éléments essentiels de l"infraction au Canada avaient été établis dans le cadre des procédures étrangères. Une comparaison du libellé des deux dispositions, jointe à de tels éléments de preuve, mène à la conclusion que les dispositions sont équivalentes et que le demandeur est donc visé par le sous-alinéa 19(1)c .1)(ii) de la Loi sur l"immigration, étant donné que l"infraction qui a été commise aux États-Unis constituerait, si elle était commise au Canada, une infraction qui pourrait être punissable d"un emprisonnement maximal égal ou supérieur à dix ans.
[10] En conséquence, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Le demandeur a proposé que la question suivante soit certifiée :
[TRADUCTION] La condamnation du demandeur pour " avoir causé le transfert interétatique de fonds ", infraction prévue à l"article 2314, Title 18 USCA dont le demandeur a été reconnu coupable d"avoir commise aux États-Unis, est-elle équivalente à la " possession de marchandises volées ", infraction prévue à l"art. 354 du Code criminel du Canada? En particulier, une personne peut-elle être en " possession ", au sens du par. 4(3) du Code criminel du Canada, de fonds qui se trouvent dans le compte bancaire d"une autre personne à l"égard duquel elle n"a pas de droit accès? |
[11] Je suis d"accord avec l"avocat du défendeur qu"il ne s"agit pas d"une question de portée générale. Premièrement, l"interprétation du paragraphe 4(3) du Code criminel doit être considérée dans le contexte de l"application de la Loi sur l"immigration. Deuxièmement, le critère qu"il convient d"appliquer pour déterminer si le sous-alinéa 19(1)c .1)(ii) de la Loi sur l"immigration s"applique a été clairement énoncé par la Cour d"appel fédérale dans l"arrêt Hill , précité. Enfin, troisièmement, l"avocat du demandeur a reconnu qu"à sa connaissance, il n"est jamais arrivé qu"une personne revendiquant le statut de réfugié au Canada ait été auparavant reconnue coupable aux États-Unis, en vertu de l"article 2314 du Title 18 , alors qu"elle n"avait pas été en possession de " marchandises, valeurs mobilières ou sommes d"argent d"une valeur d"au moins 5 000 $, sachant que celles-ci ont été volées, converties ou obtenues par fraude ". Dans de telles circonstances, la question proposée ne satisfait pas aux normes de pertinence et de portée générale. En conséquence, elle ne sera pas certifiée.
YVON PINARD
JUGE
OTTAWA (ONTARIO)
Le 17 novembre 1999.
Traduction certifiée conforme
Bernard Olivier, B.A., LL.B.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
NO DU GREFFE : IMM-255-99
INTITULÉ DE LA CAUSE : Abdillahi Haji Hussein c. MCI
LIEU DE L"AUDIENCE : Toronto (Ontario)
DATE DE L"AUDIENCE : le 14 octobre 1999
MOTIFS D"ORDONNANCE EXPOSÉS PAR MONSIEUR LE JUGE PINARD
EN DATE DU : 17 novembre 1999
ONT COMPARU :
Michael Crane POUR LE DEMANDEUR
Marcel R. Larouche POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Michael Crane POUR LE DEMANDEUR
Toronto (Ontario)
Morris Rosenberg POUR LE DÉFENDEUR
Sous-procureur général du Canada