Ottawa (Ontario), le 15 décembre 2005
EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE TREMBLAY‑LAMER
ENTRE :
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] Il s'agit d'un appel interjeté sous le régime de l'alinéa 300c) des Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98‑106, contre la décision par laquelle un juge de la citoyenneté a rejeté la demande de citoyenneté canadienne de la demanderesse au motif qu'elle ne remplissait pas les conditions de résidence prévues à l'alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. 1985, ch. C‑29 (la Loi).
[2] Comme je l'écrivais dans la décision Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration c. Fu, [2004] A.C.F. no 88 (C.F.), la norme de contrôle applicable à la question de savoir si un juge de la citoyenneté a appliqué correctement le critère de résidence aux faits de l'espèce est celle de la décision raisonnable simpliciter.
[3] La demanderesse soutient que le juge de la citoyenneté s'est trompé en concluant qu'elle ne remplissait pas les conditions de résidence, premièrement en mettant l'accent sur l'obligation de la présence physique au sens le plus strict, et deuxièmement en insistant sur la production de son passeport pour confirmer ses dires touchant sa présence physique au Canada.
[4] Le juge de la citoyenneté a conclu dans l'exposé de ses motifs que la demanderesse n'avait pas produit d'éléments crédibles prouvant son admissibilité à la citoyenneté canadienne. Il était difficile, expliquait‑il, d'établir le nombre de jours qu'elle avait passés au Canada avant sa demande de citoyenneté, étant donné qu'elle ne voulait pas et/ou ne pouvait pas produire son passeport expiré qui avait été en vigueur pendant les quatre années ayant précédé la présentation de ladite demande. Le juge de la citoyenneté a constaté que le passeport en vigueur de la demanderesse indiquait qu'elle avait fait de longs et fréquents séjours dans son pays d'origine, où elle déclarait se sentir mieux du point de vue de sa santé.
[5] Le juge de la citoyenneté a aussi conclu que la demanderesse n'avait pas produit d'autres éléments convaincants qui auraient contribué à établir qu'elle avait centralisé son mode de vie au Canada. Pour les motifs dont l'exposé suit, je dois m'inscrire en faux contre cette conclusion.
[6] Quelle qu'ait été la preuve produite devant lui touchant le nombre de jours que la demanderesse avait passés au Canada, j'estime que le juge de la citoyenneté a commis une erreur dans l'application du critère Re Koo. À mon sens, il a accordé une importance indue aussi bien à la non-production du passeport expiré de la demanderesse qu'au fait que son passeport en vigueur montrait qu'elle avait séjourné souvent et longtemps en Pologne. Si le juge a reconnu que le mari et l'enfant de la demanderesse étaient des résidents du Canada, il a omis de prendre en considération d'autres éléments convaincants de preuve de fond à l'appui de la thèse qu'elle remplissait les conditions de résidence.
[7] Après examen du dossier authentique du tribunal, je constate que, vu la preuve dont il disposait, il n'était pas raisonnable de la part du juge de la citoyenneté de conclure que la demanderesse n'avait pas centralisé son mode de vie au Canada. Premièrement, elle est mariée à un immigrant ayant obtenu le droit d'établissement et a une petite fille, qui, comme son mari, est une résidente du Canada. Sa maison familiale est au Canada. En outre, il ressort à l'évidence des documents produits par la demanderesse que le Canada est en fait l'endroit où elle vit régulièrement, normalement ou habituellement. Elle a suivi des cours d'anglais langue seconde. Elle est inscrite au programme ontarien pour les personnes à formation internationale et fait des démarches pour voir comment son expérience professionnelle pourrait répondre aux besoins d'employeurs canadiens. De plus, elle a suivi un atelier de trois jours sur les stratégies de recherche d'emploi. Elle a un compte bancaire au Canada et y produit des déclarations annuelles d'impôt sur le revenu. Elle a une carte de l'assurance-maladie ontarienne et reçoit des soins médicaux. Elle va à l'église. Elle mène une vie sociale active au Canada, où elle-même et sa famille ont des amis. Ses séjours à l'étranger étaient manifestement de durée limitée : elle n'allait en Pologne, son pays de naissance, que pour y rendre visite à ses proches. Rien ne donne à penser qu'elle travaillait en Pologne ou essayait de s'y établir. Il ne fait aucun doute que les liens de la demanderesse avec le Canada sont plus étroits qu'avec tout autre pays. Par conséquent, je conclus que la demanderesse remplit les conditions de résidence prévues à l'alinéa 5(1)c) de la Loi et a droit à la citoyenneté canadienne.
[8] Pour ces motifs, le présent appel sera accueilli.
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE que l'appel soit accueilli.
Traduction certifiée conforme
Christiane Bélanger, LL.L.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : T‑678‑05
INTITULÉ : KATARZYNA ANNA KAZIMIERCZAK
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
LIEU DE L'AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L'AUDIENCE : LE 14 DÉCEMBRE 2005
MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LA JUGE TREMBLAY‑LAMER
DATE DES MOTIFS : LE 15 DÉCEMBRE 2005
COMPARUTIONS :
Christopher J. Roper
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POUR LA DEMANDERESSE |
Bernard Assan
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POUR LE DÉFENDEUR |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Christopher J. Roper Toronto (Ontario)
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POUR LA DEMANDERESSE |
John H. Sims, c.r. Sous-procureur général du Canada
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POUR LE DÉFENDEUR |