Date : 20020409
Dossier : IMM-2948-01
Référence neutre : 2002 CFPI 396
ENTRE :
ZHI HUANG
demandeur
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
INTRODUCTION
[1] M. Zhi Huang (le demandeur) demande le contrôle judiciaire en vertu de l'article 18.1(2) de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, dans sa forme modifiée, d'une décision rendue par l'agente des visas Ayesha Rekhi (l'agente des visas) du Consulat général du Canada à Hong Kong. Dans sa décision, datée du 15 mai 2001, l'agente des visas a refusé la demande de résidence permanente au Canada du demandeur.
LES FAITS
[2] Le demandeur est un citoyen de la Chine. Celui-ci a fait une demande de résidence permanente en tant que demandeur « indépendant » comme programmeur. Le 8 juillet 1999, celui-ci a présenté sa demande au consulat à Hong Kong.
[3] Le 15 mai 2001, le demandeur a été reçu en entrevue par l'agente des visas. L'entrevue s'est déroulée en anglais sans interprète et le demandeur était accompagné de son épouse.
[4] Selon l'affidavit de l'agente des visas déposé dans la présente instance, celle-ci a examiné les certificats d'études du demandeur et elle a émis des réserves quant à leur bien-fondé. Après avoir fait enquête, celle-ci a été convaincue de la légitimité de ces certificats d'études.
[5] Au cours de son évaluation des antécédents scolaires du demandeur, l'agente des visas a interrogé ce dernier sur les cours qu'il avait suivis et sur son emploi, ses tâches et ses responsabilités. Celle-ci n'a pas été convaincue que le demandeur comprenait les concepts qu'il avait décrits et elle l'a informé qu'elle avait des doutes quant à ses études et quant à son expérience.
[6] L'agente des visas a conclu, en se fondant sur les réponses du demandeur à ses questions et sur son opinion voulant que ce dernier ne comprenait pas le langage technique qu'il utilisait, que celui-cil manquait d'expérience dans la profession qu'il envisageait d'exercer. Celle-ci ne lui a accordé aucun point d'appréciation pour l'expérience antérieure.
[7] L'agente des visas a aussi conclu que le demandeur n'avait pas effectué un nombre important de tâches parmi les tâches principales énumérées dans la Classification nationale des professions (CNP) 2163 (CNP 2163). Par conséquent, celle-ci ne lui a accordé aucun point d'appréciation pour l'expérience professionnelle.
[8] L'agente des visas a informé le demandeur à la fin de l'entrevue que sa demande était refusée. Celle-ci a expliqué que son refus était fondé sur l'évaluation qu'elle avait faite des renseignements que celui-ci lui avait fournis lors de l'entrevue et elle l'a informé qu'elle n'était pas convaincue qu'il avait de l'expérience dans la profession de programmeur qu'il envisageait d'exercer.
[9] Cette décision défavorable a été confirmée dans une lettre qui a été envoyée par l'agente des visas le 15 mai 2001.
ARGUMENTS DU DEMANDEUR
[10] Le demandeur soutient qu'aucune des tâches principales décrites en rapport avec le travail de programmeur dans la CNP n'est obligatoire ou essentielle. Celui-ci prétend qu'il a fourni la preuve à l'agente des visas qu'il a effectué un nombre important des tâches décrites notamment la création de programmes, le débogage d'ordinateurs et la mise en oeuvre de logiciels.
[11] Le demandeur prétend que l'agente des visas n'a pas utilisé de test de corroboration afin de déterminer son aptitude à exercer la profession de programmeur et il affirme qu'en l'absence d'un tel test et en l'absence de toute indication que les réponses qu'il a données à l'agente étaient clairement erronées, il était déraisonnable que celle-ci conclue qu'il n'avait pas d'expérience comme programmeur.
[12] Le demandeur prétend, en outre, que l'agente des visas a omis de lui faire part de ses doutes de manière à ce qu'il ait une occasion raisonnable de répondre. Celui-ci prétend qu'il s'agit d'une violation de l'équité procédurale.
ARGUMENTS DU DÉFENDEUR
[13] Le défendeur prétend, au départ, que la décision de l'agente des visas doit faire l'objet d'un grand respect, car elle implique l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire par une autorité statutaire. La décision doit être maintenue à moins qu'il n'y ait une erreur en droit manifeste dans le dossier ou une contravention à l'obligation d'équité appropriée à l'exercice de ce pouvoir discrétionnaire. À cet égard, le défendeur s'appuie sur l'arrêt Maple Lodge Farms Ltd. c. Canada, [1982] 2 R.C.S. 2 aux pages 7 et 8.
[14] Le défendeur prétend ensuite que la question de savoir si le demandeur possède les qualifications ou l'expérience dans la profession pour laquelle il a appliqué représente une question de fait. Encore une fois, on doit faire preuve de respect envers l'agente des visas à cet égard.
[15] Ensuite, le défendeur soutient qu'il incombe au demandeur de prouver qu'il est admissible à immigrer au Canada et cite l'article 8 de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, dans sa forme modifiée. Le demandeur n'a pas réussi à se décharger de ce fardeau.
[16] Le défendeur prétend ensuite que l'évaluation de l'agente des visas était raisonnable compte tenu des réponses du demandeur. Le défendeur prétend également que l'agente des visas n'était pas obligée d'informer le demandeur des doutes qu'elle pouvait avoir lorsqu'elle a évalué la demande de ce dernier.
[17] De toute manière, le défendeur affirme que l'agente des visas a informé le demandeur de sa préoccupation et elle lui a donné la chance de répondre à deux occasions.
QUESTIONS EN LITIGE
[18] Deux questions sont soulevées par cette demande :
i) L'agente des visas a-t-elle évalué correctement l'expérience du demandeur?
ii) L'agente des visas a-t-elle omis de faire part au demandeur de ses inquiétudes concernant son expérience?
ANALYSE
[19] La norme de contrôle de la décision discrétionnaire d'un agent des visas en demeure une de respect. Le critère mentionné dans l'arrêt Maple Lodge Farms Ltd., précité, est le suivant :
C'est aussi une règle bien établie que les cours ne doivent pas s'ingérer dans l'exercice qu'un organisme désigné par la loi fait d'un pouvoir discrétionnaire simplement parce que la cour aurait exercé ce pouvoir différemment si la responsabilité lui en avait incombé. Lorsque le pouvoir discrétionnaire accordé par la loi a été exercé de bonne foi et, si nécessaire, conformément aux principes de justice naturelle, si on ne s'est pas fondé sur des considérations inappropriées ou étrangères à l'objet de la loi, les cours ne devraient pas modifier la décision. |
[20] Ce critère n'a pas été réfuté par l'arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, en l'absence de raisons d'ordre humanitaire; voir Liu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2000), 182 F.T.R. 251.
[21] Il est établi que la question de savoir si un demandeur possède ou non l'expérience ou les compétences requises pour la profession pour laquelle il désire être admis au Canada représente une question de fait qui doit être tranchée par l'agent des visas. À cet égard, je réfère à l'arrêt Lim c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (1991), 121 N.R. 241 (C.F. 1re inst.).
[22] Il est aussi bien établi qu'il incombe au demandeur de prouver qu'il répond aux critères de sélection pour entrer au Canada; voir Xin c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2001] FCT 362, [2001] A.C.F. no 587 (C.F. 1re inst.) (QL).
[23] L'agente des visas, en se fondant sur l'entrevue qu'elle a menée avec le demandeur, n'a pas été satisfaite des réponses que celui-ci a fournies à ses questions relatives à son emploi, à son expérience et à sa compréhension du langage technique. Malgréles arguments habiles de l'avocat du demandeur, je suis tenue de suivre le courant de jurisprudence qui reconnaît que l'on doive faire preuve de retenue àl'égard des conclusions tirées par un agent des visas suite à une entrevue avec un immigrant éventuel.
[24] Le dossier n'indique pas que l'agente des visas ait commis une erreur dans son évaluation de la compréhension qu'avait le demandeur du langage technique en usage dans la profession envisagée et il n'y a rien non plus qui indique que celle-ci se soit trompée dans son évaluation de l'expérience du demandeur.
[25] Il n'est pas question ici d'évaluer la compétence du demandeur quant à la profession qu'il envisage d'exercer, comme le souligne l'arrêt Chen c. Canada (Ministre de la Citoyennetéet de l'Immigration)(2000), 190 F.T.R. 260.
[26] Quant à l'absence présumée d'équité procédurale résultant du fait que l'agente des visas a omis de donner au demandeur la possibilité de répondre à ses préoccupations, l'affidavit de l'agente des visas mentionne que celle-ci a omis de demander au demandeur, à deux occasions, de donner plus de renseignements afin de répondre à ses préoccupations. Cette réponse, bien que minime, était opportune.
[27] Dans les circonstances, il n'y a pas lieu que notre Cour intervienne dans la décision qui nous intéresse. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.
[28] L'avocat a fait savoir qu'il n'y a aucune question à certifier.
ORDONNANCE
[29] La demande de contrôle judiciaire est rejetée.
« E. Heneghan »
Juge
Ottawa (Ontario)
Le 9 avril 2002
Traduction certifiée conforme
Martine Guay, LL. L.
COUR FÉDÉ RALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-2948-01
INTITULÉ : Zhi Huang c. M.C.I.
LIEU DE L'AUDIENCE : Vancouver (Colombie-Britannique)
DATE DE L'AUDIENCE : Le 3 avril 2002
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE : Madame le juge Heneghan
DATE DES MOTIFS : Le 9 avril 2002
COMPARUTIONS :
Dennis Tanack POUR LE DEMANDEUR
Emilia Pech POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Dennis Tanack POUR LE DEMANDEUR
Vancouver (Colombie-Britannique)
Sous-procureur général du Canada POUR LE DÉFENDEUR
Ministère de la Justice
Vancouver (Colombie-Britannique)