Date 20201015
Dossier : IMM-6050-19
Référence : 2020 CF 971
[TRADUCTION FRANÇAISE]
Ottawa (Ontario), le 15 octobre 2020
En présence de madame la juge Pallotta
ENTRE :
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KOLAWOLE MONSUR AKINTOLA
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ABIOLA SHAKIRAT AKINTOLA
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FAHAM IYIOLA AKINTOLA
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FRUQON FIMINIYI AKINTOLA
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demandeurs
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et
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LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET
DE L’IMMIGRATION
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défendeur
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JUGEMENT ET MOTIFS
I.
Aperçu
[1]
Kolawole Monsur Akintola, sa femme, Abiola Shakirat Akintola, et deux de leurs enfants mineurs sollicitent un contrôle judiciaire au titre du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR]. Ils sont des citoyens nigérians qui affirment craindre d’être persécutés parce que M. Akintola est bisexuel et que son orientation sexuelle a été dévoilée en 2017. Les demandeurs ont tenté d’obtenir de l’aide auprès d’un aîné de la famille, ce qui a aggravé la situation puisque ce dernier a insisté pour que Mme Akintola et les enfants se soumettent à des rituels terrifiants. Les demandeurs ont fui le Nigéria et se sont rendus aux États‑Unis, puis au Canada, où ils ont présenté des demandes d’asile fondées sur les articles 96 et 97 de la LIPR.
[2]
La Section de la protection des réfugiés (la SPR) a rejeté la demande de M. Akintola au motif que les éléments de preuve présentés n’étaient pas crédibles, et elle a souligné l’existence [traduction] « [d’]une série d’invraisemblances en cascade et de préoccupations relatives à la crédibilité qui min[aient] l’ensemble des affirmations »
. La SPR a jugé que M. Akintola n’avait pas prouvé qu’il est bisexuel, et elle a conclu qu’il ne serait pas exposé à une possibilité sérieuse de persécution s’il retournait au Nigéria. Étant donné que les demandes d’asile des autres demandeurs étaient liées à la demande de M. Akintola, elles ont aussi été rejetées par la SPR.
[3]
La Section d’appel des réfugiés (la SAR) a rejeté l’appel des demandeurs. Bien que la SAR ait invalidé trois des conclusions de la SPR en matière de crédibilité, la question de la crédibilité est tout de même demeurée le facteur déterminant de sa décision. La SAR a conclu qu’un certain nombre d’éléments clés de la demande d’asile de M. Akintola n’étaient pas crédibles, notamment sa prétendue bisexualité.
[4]
Les demandeurs affirment que la décision de la SAR était déraisonnable. Ils soutiennent que la SAR a commis une erreur lorsqu’elle a évalué leur crédibilité et apprécié la preuve documentaire déposée à l’appui de leurs demandes d’asile. Ils font également valoir que la SAR a omis d’analyser la question de savoir si les demandeurs étaient des réfugiés sur place, c’est-à-dire s’ils pouvaient invoquer une crainte fondée de persécution ou de préjudice compte tenu des événements survenus après leur départ du Nigéria.
[5]
Pour les motifs exposés ci‑dessous, je dois rejeter la présente demande de contrôle judiciaire. Les conclusions de la SAR en matière de crédibilité et son appréciation de la preuve documentaire n’étaient pas déraisonnables. En outre, comme la SAR a conclu que M. Akintola n’est pas bisexuel, elle n’était pas tenue d’analyser la question de savoir si les demandeurs étaient des réfugiés sur place.
II.
Questions en litige et norme de contrôle
[6]
Les questions en litige dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire sont les suivantes :
La SAR a‑t‑elle commis une erreur dans son évaluation de la crédibilité des demandeurs?
La SAR a‑t-elle commis une erreur dans son appréciation de la preuve documentaire déposée à l’appui des demandes d’asile des demandeurs?
La SAR a‑t‑elle commis une erreur en omettant d’analyser la question de savoir si les demandeurs étaient des réfugiés sur place?
[7]
Conformément à l’arrêt rendu par la Cour suprême du Canada dans l’affaire Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov], la norme de contrôle applicable à toutes les questions est celle de la décision raisonnable. Le contrôle selon la norme de la décision raisonnable est rigoureux et fondé sur le principe de la retenue judiciaire : Vavilov aux para 12‑13, 75 et 85. La cour de révision doit déterminer si la décision possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité : Vavilov au para 99. Une décision raisonnable doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle, et elle est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti : Vavilov au para 85. Il incombe à la partie qui conteste la décision d’en démontrer le caractère déraisonnable : Vavilov au para 100.
III.
Analyse
A.
La SAR a‑t‑elle commis une erreur dans son évaluation de la crédibilité des demandeurs?
[8]
La SPR a invoqué sept motifs à l’appui de sa conclusion défavorable en matière de crédibilité. Selon les demandeurs, il s’agit de six conclusions d’invraisemblance et d’une conclusion de contradiction en ce qui a trait à la preuve. En appel, la SAR a invalidé trois des conclusions d’invraisemblance de la SPR. Les demandeurs contestent les quatre autres conclusions dans le cadre du présent contrôle judiciaire : une conclusion d’invraisemblance confirmée par la SAR et trois conclusions qui n’étaient pas contestées selon la SAR. Les demandeurs contestent également le caractère raisonnable de la conclusion générale de la SAR en matière de crédibilité, notamment parce que la SAR a invalidé trois des sept motifs à l’appui de la décision défavorable de la SPR en matière de crédibilité.
(1)
Conclusion d’invraisemblance
[9]
Les demandeurs soutiennent que la SAR a commis une erreur lorsqu’elle a confirmé la conclusion de la SPR selon laquelle le récit de M. Akintola sur la façon dont son orientation sexuelle a été dévoilée était invraisemblable. M. Akintola a prétendu qu’un vendredi soir, vers la fin de juillet 2017, un client de l’imprimerie où il travaillait l’a surpris en compagnie de son amant sur une plage isolée de Lagos. Le lendemain, M. Akintola a discuté avec ce client, et celui‑ci a promis de ne pas dévoiler son secret; cependant, avant la fin de la semaine, le client a rendu visite à M. Akintola dans son bureau et a fait pression sur lui pour qu’il imprime des documents destinés à frauder le gouvernement. M. Akintola a refusé et le client est sorti du bureau précipitamment. M. Akintola avait peur de ce que le client allait faire; il a donc cessé d’aller travailler, et il a été congédié plus tard ce mois-là.
[10]
La SAR a déclaré que la probabilité qu’un client tombe par hasard sur M. Akintola et son amant sur une plage isolée alors que ceux‑ci évitaient délibérément qu’on les repère était « extrêmement minc[e] »
. Les demandeurs soutiennent que la SAR n’a pas su faire l’importante distinction entre un événement improbable et un événement invraisemblable qui pousse un tribunal à remettre en question la crédibilité d’une personne. Ils affirment que ce n’est pas parce que la probabilité qu’une rencontre fortuite se produise est faible qu’il faut conclure qu’une telle rencontre est invraisemblable. Qui plus est, les demandeurs allèguent que la SAR n’a pas su faire la distinction entre la probabilité qu’une personne en particulier (M. Akintola) fasse une rencontre fortuite et la probabilité que des rencontres fortuites se produisent. La probabilité que des rencontres fortuites se produisent n’est pas « extrêmement minc[e] »
. Les demandeurs affirment que le fait de ne pas avoir su faire cette distinction a donné lieu à un biais de sélection parce que les bisexuels au Nigéria doivent cacher leur orientation sexuelle et que seuls ceux qui jouent de malchance et dont l’orientation sexuelle est révélée sont contraints de fuir et de présenter une demande d’asile.
[11]
Les demandeurs font valoir que la jurisprudence de la Cour place la barre très haute pour ce qui est des conclusions d’invraisemblance qui donnent lieu à une conclusion selon laquelle un témoin ne dit pas la vérité – la version donnée par le témoin des événements doit « déborde[r] le cadre de ce à quoi on peut logiquement s’attendre »
: Valtchev c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 776 au para 7 [Valtchev]. Selon les demandeurs, les raisons pour lesquelles la SAR a remis en doute leur crédibilité ne satisfont même pas aux exigences établies dans la décision K.K. c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 78, qui semblent pourtant moins élevées que celles établies dans la décision Valtchev.
[12]
La SAR (tout comme la SPR) est tenue de justifier ses conclusions sur la crédibilité en faisant expressément et clairement état des éléments de preuve : Maldonado c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1979), [1980] 2 CF 302 (CA) au para 16 [Maldonado]. Cette obligation est particulièrement importante lorsque des conclusions d’invraisemblance ont des répercussions sur la crédibilité d’un demandeur; en effet, pareilles conclusions sont en elles‑mêmes des évaluations subjectives qui dépendent largement de l’idée que le tribunal se fait de ce qui constitue un comportement sensé : Leung c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] ACF no 774 au para 15. Comme l’a mentionné la juge Gleason aux paragraphes 9 à 11 de la décision Aguilar Zacarias c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1155, la Cour devrait tirer des conclusions concernant la crédibilité qui reposent sur des conclusions d’invraisemblance seulement dans les situations où il est clairement invraisemblable que les faits se soient produits comme le témoin le prétend, à la lumière du bon sens ou du dossier de preuve :
Ainsi, la Commission peut conclure qu’une affirmation est invraisemblable si cette affirmation est dénuée de sens à la lumière de la preuve déposée ou si (pour emprunter la formule utilisée par le juge Muldoon dans la décision Valtchev) « les faits articulés débordent le cadre de ce à quoi on peut logiquement s’attendre ». De plus, la Cour a déjà statué que la Commission doit invoquer « des éléments de preuve fiables et vérifiables au regard desquels la vraisemblance des témoignages des demandeurs pourraient être appréciés » [sic], sinon la conclusion au sujet de l’invraisemblance pourrait n’être que « de la spéculation non fondée » […]
[Renvois omis.]
[13]
En l’espèce, les conclusions relatives à la vraisemblance tirées par la SAR ne constituent pas de la spéculation non fondée. Comme le fait remarquer à juste titre le défendeur, la SAR n’a pas conclu que les circonstances dans lesquelles la bisexualité de M. Akintola a été dévoilée étaient invraisemblables simplement parce qu’il était peu probable qu’il fasse une rencontre fortuite. La SAR a plutôt estimé qu’il n’était pas plausible qu’un client du demandeur soit tombé par hasard sur deux hommes qui évitaient délibérément d’être repérés sur une plage isolée. Dans son affidavit, M. Akintola a allégué que son partenaire et lui s’embrassaient à l’intérieur d’un véhicule [traduction] « garé dans une partie très isolée de la plage que personne ne fréquentait habituellement »
. La SAR a expressément examiné le critère énoncé dans la décision Valtchev et a conclu, selon la prépondérance des probabilités, que le récit de M. Akintola débordait le cadre de ce à quoi on peut logiquement s’attendre. En outre, la SAR a constaté que la SPR avait « conclu qu’il y avait lieu de douter de la véracité des allégations des [demandeurs] »
compte tenu des nombreuses préoccupations et conclusions relatives à la crédibilité. Elle a ajouté que, dans de telles circonstances, la présomption de véracité cesse d’exister : voir la décision Maldonado. Ainsi, la SAR s’est penchée sur la question de savoir si le récit de la rencontre sur la plage était plausible à la lumière des autres éléments de preuve et conclusions, y compris les conclusions non contestées (abordées dans la deuxième rubrique ci‑dessous). Enfin, la SAR n’a pas tiré sa conclusion sur la crédibilité des demandeurs en se fondant uniquement sur le caractère invraisemblable de la rencontre sur la plage décrite par M. Akintola. Elle a plutôt évalué l’ensemble des conclusions et des éléments de preuve (voir la troisième rubrique ci‑dessous).
[14]
La SAR a le droit de tirer des conclusions au sujet de la crédibilité d’un demandeur en se fondant sur des invraisemblances, le bon sens et la rationalité, et elle peut rejeter une preuve si elle est incompatible avec les probabilités touchant l’ensemble de l’affaire ou si elle est marquée par des incohérences : Lawani c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 924 au para 26; voir aussi Aguebor c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] ACF no 732 (CAF). Les demandeurs n’ont pas établi que la conclusion d’invraisemblance de la SAR était déraisonnable.
(2)
Conclusions non contestées de la SPR
[15]
Selon les renseignements qui figurent dans leur formulaire Fondement de la demande d’asile, les demandeurs ont décidé de partir en vacances en famille après que M. Akintola a perdu son emploi. Ils ont demandé des visas américains, lesquels leur ont été délivrés le 11 septembre 2017. Le 30 septembre 2017, M. Akintola était sorti faire des courses en prévision des vacances à venir quand il a reçu un appel de sa femme. Le client de l’imprimerie était chez lui en compagnie des policiers, et ils le cherchaient. Mme Akintola voulait savoir si leurs allégations à propos de lui et d’un autre homme étaient vraies. Une foule de voisins s’était rassemblée pour appuyer les policiers et réclamer que M. Akintola soit arrêté. Environ une heure plus tard, Mme Akintola a rappelé son mari pour lui dire de ne pas revenir à la maison parce que la foule ne s’était pas dispersée. Elle a rassemblé quelques vêtements et les demandeurs ont fui vers Abeokuta, la ville natale de M. Akintola, pour demander l’aide d’un aîné de la famille. Cependant, lorsque M. Akintola a avoué sa bisexualité, la famille a décrété que les demandeurs devraient subir une purification rituelle : Mme Akintola devait être excisée et les deux enfants devaient être enchaînés sans pouvoir boire ni manger pendant sept jours. L’aîné de la famille a déclaré que les rituels devaient être pratiqués avant la fin du mois d’octobre. Les demandeurs sont restés cachés à Abeokuta jusqu’au matin du 11 octobre 2017, date à laquelle ils ont quitté la maison familiale pour l’aéroport de Lagos. Ils sont arrivés aux États‑Unis le 12 octobre 2017 et sont entrés au Canada le 18 octobre 2017, où ils ont demandé l’asile.
[16]
La SAR était d’avis que deux des conclusions d’invraisemblance de la SPR et une conclusion de contradiction en ce qui a trait à la preuve relative aux événements décrits ci‑dessus n’étaient pas contestées. Il s’agit des conclusions suivantes :
[…]
c) il était invraisemblable que l’aîné de la famille, qui insistait pour que les rituels soient pratiqués, donne [aux demandeurs] un mois pour le faire et, ce faisant, leur donne la chance de s’échapper;
d) il était invraisemblable que les [demandeurs] aient pu partir de l’aéroport de Lagos après que leurs documents personnels eurent [sic] été vérifiés par des responsables;
[…]
f) l’information présentée par [Mme Akintola] dans ses documents de point d’entrée selon laquelle elle travaillait à Lagos jusqu’à peu de temps avant que la famille ne parte pour les États‑Unis était incompatible avec l’affirmation selon laquelle la famille se cachait [à Abeokuta] […]
[17]
Les demandeurs font valoir qu’ils ont le droit de contester les conclusions ci‑dessus dans le cadre d’un contrôle judiciaire. Premièrement, ils soutiennent que la SAR a commis une erreur lorsqu’elle a déclaré que ces conclusions n’étaient « pas contestées »
parce qu’ils contestaient en réalité toutes les conclusions de la SPR dans leur appel devant la SAR. Ils déclarent également que la conclusion de contradiction en ce qui a trait à la preuve énoncée au point f) a été expressément contestée dans l’affidavit de M. Akintola, qui a expliqué que Mme Akintola avait commis une erreur dans les documents fournis au point d’entrée. Deuxièmement, les demandeurs font valoir qu’ils ont le droit de contester les conclusions de la SPR parce que la SAR s’est fondée sur ces conclusions pour tirer sa conclusion en matière de crédibilité sans toutefois expliquer pourquoi elle y souscrivait.
[18]
Les demandeurs soutiennent – si tant est qu’ils ont le droit de contester les conclusions de la SPR dans le cadre de la présente instance – que ces conclusions ne sont pas fondées. Ils affirment que les conclusions d’invraisemblance de la SPR reposaient sur des hypothèses inappropriées qui n’étaient pas étayées par des éléments de preuve, et qu’elles ne satisfont pas au critère établi dans la décision Valtchev. Les demandeurs font valoir que la conclusion de contradiction en ce qui a trait à la preuve tirée par la SPR était erronée; en effet, ils devaient indiquer sur les formulaires fournis au point d’entrée les antécédents professionnels de Mme Akintola et non la date à laquelle elle a cessé de travailler. Mme Akintola a simplement indiqué une période générale, sous forme de mois et d’année, pour son emploi (de février 2016 à octobre 2017, maquilleuse, Lagos, Nigéria), et il était déraisonnable pour la SPR de considérer que sa réponse prouvait qu’elle se trouvait à Lagos en octobre 2017 et qu’elle ne se cachait pas à Abeokuta, comme l’avait affirmé M. Akintola dans son témoignage.
[19]
Après avoir examiné l’avis d’appel et le mémoire des demandeurs qui ont été présentés à la SAR, j’estime que la SAR a abordé toutes les questions soulevées par les demandeurs. La SAR a souligné à juste titre que les demandeurs avaient présenté un certain nombre d’arguments généraux (par exemple, que la SPR n’a pas tenu compte du principe établi dans la décision Maldonado, qu’elle n’a pas examiné l’affaire de manière globale et qu’elle s’est laissée distraire par des problèmes mineurs perçus en matière de crédibilité) sans toutefois en fournir les motifs ni indiquer l’endroit où se trouvent les erreurs dans les motifs de la SPR, comme l’exige l’alinéa 3(3)g) des Règles de la Section d’appel des réfugiés, DORS/2012‑257 [les Règles de la SAR]. En l’absence de directives de la part des demandeurs et malgré son examen du dossier, la SAR a été « incapable de constater la moindre corroboration de ces arguments généraux »
et ne les a donc pas abordés. La SAR a aussi indiqué ce qui suit : « [é]tant donné que les [demandeurs] n’ont pas contesté les conclusions c), d) et f) susmentionnées de la SPR, je n’en ferai pas l’analyse dans les présents motifs de décision. Je signale toutefois que je les ai examinées et que j’y souscris ».
[20]
Dans les déclarations que M. Akintola a faites dans son affidavit relativement à l’erreur commise par sa femme, il n’a pas soulevé la question de la conclusion de contradiction de la SPR comme motif d’appel comme l’exigent les Règles de la SAR. En tout état de cause, je ne vois pas comment l’affidavit de M. Akintola aide les demandeurs. Dans son affidavit, il déclare que Mme Akintola [traduction] « a fait une erreur dans les documents fournis à la frontière canadienne lorsqu’elle a déclaré avoir travaillé à Lagos jusqu’à [leur] fuite du Nigéria vers les États‑Unis »
. Il ajoute qu’elle a cessé de travailler fin septembre 2017, lorsque la famille a quitté Lagos pour se réfugier à Abeokuta et se cacher avec les membres de sa famille. Ainsi, le témoignage de M. Akintola confirme bel et bien la contradiction en ce qui a trait à la preuve et réfute l’argument des demandeurs selon lequel il était déraisonnable pour la SPR de considérer que la réponse donnée par Mme Akintola sur le formulaire fourni au point d’entrée prouvait qu’elle se trouvait à Lagos en octobre.
[21]
Le résumé fait par la SAR des conclusions non contestées, suivi d’une déclaration générale selon laquelle la SAR souscrit à ces conclusions, ne donne pas aux demandeurs le droit de soulever – pour la première fois dans le cadre d’un contrôle judiciaire – des erreurs qui auraient été commises par la SPR et qui n’ont pas été contestées en appel : Dahal c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 1102 aux para 30‑39 (voir aussi Dibia c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2017 CF 1076 au para 14, et Khan c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 855 au para 37). La SAR n’est pas tenue de fournir des motifs pour les conclusions qui n’ont pas été contestées, et son approche n’était pas erronée.
(3)
Évaluation cumulative
[22]
Enfin, les demandeurs font valoir que, même si l’on accordait une certaine importance aux conclusions défavorables en matière de crédibilité, leur poids cumulatif serait insuffisant pour justifier que la SAR conclue que les demandeurs n’étaient pas crédibles. Ils soutiennent que la SAR n’a pas analysé les [traduction] « répercussions globales »
de l’invalidation de trois des sept conclusions défavorables qui appuyaient la décision défavorable de la SPR en matière de crédibilité, et qu’il était déraisonnable pour la SAR de confirmer la décision de la SPR à la lumière de ces [traduction] « répercussions globales »
.
[23]
Je ne suis pas de cet avis. La SAR a déclaré que sa conclusion sur la crédibilité était fondée sur l’ensemble de la preuve :
Lorsque j’évalue les conclusions de la SPR avec lesquelles je suis d’accord – y compris les conclusions de la SPR qui ne sont pas contestées – et les documents à l’appui, je conclus que [M. Akintola] ainsi que les autres [demandeurs] manquent de crédibilité dans l’ensemble. J’estime, selon la prépondérance des probabilités, que [M. Akintola] n’est pas bisexuel; qu’il n’a pas été découvert en train d’embrasser un homme dans sa voiture; qu’il n’a pas été perçu comme une personne bisexuelle par la police, sa collectivité ou l’aîné de sa famille, et que sa famille et lui n’ont pas été menacés d’être soumis à des rituels. Par conséquent, je conclus qu’il n’y a pas de possibilité sérieuse qu’ils soient persécutés et qu’ils ne risquent pas non plus de subir un préjudice suivant le paragraphe 97(1) à leur retour au Nigéria.
[24]
Après avoir examiné la décision de la SAR et le dossier de la preuve qui lui avait été soumis, je conclus que la SAR a tiré sa conclusion sur la crédibilité en se fondant sur l’ensemble de la preuve, comme il est indiqué ci‑dessus. La SAR n’a pas tenu compte des conclusions de la SPR qu’elle a invalidées, et elle a raisonnablement apprécié le reste des conclusions ainsi que les documents à l’appui pour conclure que M. Akintola et les autres demandeurs manquaient de crédibilité. Ainsi, les [traduction] « répercussions globales »
de l’invalidation de trois des conclusions d’invraisemblance de la SPR ont été expressément abordées dans les motifs de la SAR. Les cours de révision doivent également s’abstenir d’apprécier à nouveau la preuve examinée par le décideur : Vavilov au para 125. Les demandeurs n’ont pas démontré que l’appréciation de la preuve par la SAR était déraisonnable.
[25]
En conclusion, j’estime que la SAR n’a pas commis d’erreur lorsqu’elle a évalué la crédibilité des demandeurs et que cette évaluation était raisonnable.
B.
La SAR a‑t-elle commis une erreur dans son appréciation de la preuve documentaire déposée à l’appui des demandes d’asile des demandeurs?
[26]
Dans leurs observations écrites, les demandeurs ont contesté l’évaluation faite par la SAR de trois documents : l’évaluation d’une psychothérapeute, une lettre de la sœur de M. Akintola et un dossier d’orientation d’un cours de deux heures que M. Akintola a suivi auprès du centre The 519, une organisation canadienne à but non lucratif qui appuie les communautés LGBTQ. Au cours de l’audience, les demandeurs ont limité leurs arguments à la lettre de la sœur de M. Akintola et à un document non mentionné dans les observations écrites, à savoir une lettre du voisin de M. Akintola. Bien que les demandeurs n’aient pas exprimé de préoccupations quant à la manière dont la SAR a traité le rapport de la psychothérapeute et le dossier d’orientation dans leurs témoignages, j’ai néanmoins abordé ci‑dessous leurs observations écrites.
(1)
Lettre de la sœur de M. Akintola
[27]
La SPR n’a accordé aucun poids à une lettre de la sœur de M. Akintola dans laquelle il est indiqué de manière erronée que la police s’est rendue au domicile des demandeurs le 29 septembre 2017 plutôt que le 30 septembre 2017. Devant la SAR, les demandeurs ont cherché à faire admettre un échange de courriels daté du 15 décembre 2017 entre M. Akintola et sa sœur, dans lequel celle‑ci expliquait que la lettre contenait une erreur typographique et qu’elle avait voulu écrire que la visite avait eu lieu le 30 septembre 2017. Les demandeurs soutiennent que cet échange de courriels constituait un nouvel élément de preuve qui n’était pas accessible au moment où M. Akintola a présenté sa demande d’asile « car il est uniquement survenu parce que le tribunal s’est montré sceptique à l’égard de [s]a version des faits »
. La SAR a refusé d’admettre l’échange de courriels comme nouvel élément de preuve en appel parce que l’échange a eu lieu plusieurs mois avant l’audience de la SPR et que le courriel de M. Akintola à sa sœur pour lui souligner son erreur donnait à penser qu’il était conscient que cette erreur pourrait miner la fiabilité de son témoignage. C’est pourquoi la SAR a conclu que les demandeurs n’avaient pas satisfait aux exigences relatives à l’admissibilité des éléments de preuve énoncées au paragraphe 110(4) de la LIPR. La SAR n’a pas tenu compte de l’explication de la sœur du demandeur et a souscrit à la conclusion de la SPR selon laquelle la lettre ne devrait pas avoir de poids parce que la date qui y était indiquée était incorrecte.
[28]
Dans la présente demande de contrôle judiciaire, les demandeurs font valoir que la différence entre les dates était mineure et que la SAR a examiné la preuve à la loupe, contrairement à ce qui est exigé dans l’arrêt Attakora c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1989] ACF no 444 (CAF). Les demandeurs affirment également que cette différence entre les dates ne leur a jamais été signalée lors de l’audience de la SPR. Je ne suis pas convaincue par ces arguments. Je constate que les demandeurs n’ont pas soulevé en appel le fait que la SPR ne leur a pas fait part de cette différence. Néanmoins, M. Akintola était bien au fait de l’erreur et celle‑ci était suffisamment importante pour qu’il écrive à sa sœur à ce sujet. Les demandeurs n’ont pas démontré qu’il était déraisonnable que la SAR souscrive à la conclusion selon laquelle il ne fallait pas accorder de poids à la lettre de la sœur de M. Akintola.
(2)
Lettre du voisin de M. Akintola
[29]
Comme il est indiqué ci‑dessus, les demandeurs n’ont pas abordé la lettre du voisin dans leurs observations écrites. Plus important encore, et comme le souligne à juste titre le défendeur, les demandeurs n’ont pas soulevé comme motif d’appel devant la SAR une erreur relative à la lettre du voisin. Les motifs de la SAR ne mentionnent pas la lettre, et les observations orales des demandeurs se sont concentrées sur les motifs de la SPR.
[30]
Les demandeurs soutiennent que la SPR a commis une erreur en n’accordant aucun poids à l’affidavit du voisin pour les raisons suivantes : i) elle a supposé à tort que la lettre était un affidavit; ii) elle s’est appuyée sur les renseignements contenus dans le cartable national de documentation (le CND) du Nigéria, selon lesquels il n’est pas courant au Nigéria qu’un commissaire à l’assermentation fasse signer un affidavit concernant le genre et l’orientation sexuelle d’une personne en raison du degré élevé d’homophobie dans ce pays; et iii) elle s’est appuyée sur les renseignements figurant dans le CND selon lesquels il est facile d’obtenir des documents frauduleux au Nigéria.
[31]
Je conviens avec les demandeurs que la SPR a supposé que la lettre était un affidavit, alors que ce n’était pas le cas. Cependant, il est plus troublant de constater que la SPR n’a accordé aucun poids à ce qu’elle croyait être un élément de preuve produit sous serment uniquement parce que le CND décrit les obstacles qui rendent difficile l’obtention d’éléments de preuve sous serment sur l’orientation sexuelle au Nigéria. La SPR n’a pas expliqué pourquoi elle n’accordait aucun poids au document; elle a simplement supposé à tort que le document avait été produit sous serment alors qu’elle se serait illogiquement attendue à ce qu’il n’ait pas été produit sous serment. De la même manière, la SPR n’a pas expliqué pourquoi elle soupçonnait que le document était frauduleux. Il serait abusif d’exiger des demandeurs d’asile qu’ils déposent un élément de preuve qui n’a pas été produit sous serment, même lorsque pareil élément de preuve est disponible, afin d’éviter une conclusion défavorable ou une conclusion de fraude. À mon avis, la conclusion de la SPR selon laquelle [traduction] « aucun poids ne peut être accordé à ce document »
n’était ni justifiée ni raisonnable.
[32]
Cela dit, les demandeurs n’ont pas relevé d’erreur dans la décision de la SAR. La SAR n’était pas tenue de se pencher sur la façon dont la SPR avait traité la lettre du voisin parce que les demandeurs n’avaient pas soulevé cette question comme motif d’appel. Les motifs de la SAR ne me permettent pas de conclure qu’elle a fait la même supposition erronée que la SPR ou qu’elle n’a accordé aucun poids à la lettre du voisin sur le même fondement déraisonnable. La SAR n’a assurément pas accepté toutes les conclusions de la SPR sans les avoir dûment examinées – en fait, elle a invalidé trois des quatre conclusions d’invraisemblance qui étaient contestées en appel. Par conséquent, les demandeurs n’ont pas démontré que le traitement par la SAR de la lettre du voisin était déraisonnable.
(3)
Rapport de la psychothérapeute
[33]
Les demandeurs allèguent que la SAR a commis une erreur en concluant que le rapport de la psychothérapeute Natalie Riback avait « très peu de valeur »
. Les demandeurs soutiennent que la SAR : 1) n’a pas respecté les titres de compétence de Mme Riback; 2) n’a pas accordé suffisamment de poids aux conclusions de cette dernière sur la santé mentale de M. Akintola; et 3) a estimé à tort que Mme Riback s’était donné pour rôle de défendre les intérêts des demandeurs plutôt que de faire fonction de professionnelle de la santé impartiale.
[34]
Je ne suis pas d’accord avec les observations des demandeurs. La SAR a reconnu les titres de compétence de Mme Riback en tant que psychothérapeute, mais elle a constaté que son rapport reprenait bon nombre des affirmations de M. Akintola. Même s’il était indiqué dans le rapport que M. Akintola avait des troubles de la mémoire à court terme, les questions de crédibilité soulevées par son témoignage ne concernaient pas des troubles de la mémoire, mais plutôt le caractère vraisemblable des événements en question. Par conséquent, la SAR a raisonnablement conclu que, même si elle acceptait le diagnostic de trouble de stress post‑traumatique, il n’y aurait que peu d’incidence sur le caractère vraisemblable du témoignage de M. Akintola. En outre, la SAR a fourni des exemples précis où la psychothérapeute défend les intérêts des demandeurs dans son rapport. À mon avis, la façon dont la SAR a traité le rapport de la psychothérapeute était conforme à la jurisprudence : Verma c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 404 aux para 28, 34‑35; Egbesola c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 204 aux para 13‑15; Molefe c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 317 aux para 31‑33. Je ne suis pas convaincue que la conclusion de la SAR concernant le rapport de Mme Riback était déraisonnable.
(4)
Dossier d’orientation de l’organisme The 519
[35]
Les demandeurs soutiennent que la SAR a commis une erreur lorsqu’elle a conclu que la participation de M. Akintola à une séance d’orientation donnée par l’organisme The 519 n’avait que peu de valeur probante et ne prouvait pas qu’il est bisexuel.
[36]
La SAR a accordé un certain poids au dossier d’orientation de l’organisme The 519. Selon moi, la SAR n’a commis aucune erreur à cet égard. Elle a reconnu que M. Akintola avait participé au cours et que sa participation démontrait qu’il souhaitait être reconnu en tant que bisexuel. Cependant, la SAR a raisonnablement expliqué que la participation à un cours de deux heures ne permettait pas d’établir la bisexualité de M. Akintola étant donné qu’il y avait des raisons de douter de la véracité de ses allégations.
C.
La SAR a‑t‑elle commis une erreur lorsqu’elle a omis d’analyser la question de savoir si les demandeurs étaient des réfugiés sur place?
[37]
Selon leurs observations écrites, les demandeurs affirment que la SAR n’a jamais conclu que M. Akintola n’est pas bisexuel et qu’elle a donc accepté son identité sexuelle. Ils avancent que la SAR est tenue d’examiner la question du statut de réfugié sur place si des éléments de preuve relatifs aux activités qui ont eu lieu au Canada et qui sont susceptibles d’avoir des conséquences importantes dans le pays d’origine du demandeur d’asile « ressort[ent] du dossier de façon perceptible »
: Mohajery c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 185 aux para 31‑32. En l’espèce, les demandeurs affirment que la SAR aurait dû chercher à trancher la question de savoir si M. Akintola pouvait vivre ouvertement sa bisexualité au Nigéria.
[38]
Contrairement aux observations des demandeurs, la SAR a expressément conclu que M. Akintola n’est pas bisexuel. Les demandeurs ont reconnu dans leur témoignage que leur argument relatif au statut de réfugié sur place reposait sur la présomption selon laquelle la Cour allait déterminer que la conclusion de la SAR en matière de crédibilité était déraisonnable. J’ai toutefois conclu qu’elle ne l’était pas. La demande d’asile sur place n’a donc aucun fondement, et la SAR n’a pas commis d’erreur en ne procédant pas à cette analyse.
IV.
Conclusion
[39]
Pour les motifs que j’ai exposés, je conclus que la décision de la SAR était raisonnable. Par conséquent, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.
[40]
Aucune des parties n’a proposé de question à certifier et la présente affaire n’en soulève aucune.
JUGEMENT dans le dossier IMM‑6050‑19
LA COUR ORDONNE :
La demande de contrôle judiciaire est rejetée.
Il n’y a aucune question à certifier.
« Christine M. Pallotta »
Juge
Traduction certifiée conforme
Julie Blain McIntosh
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
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IMM-6050-19
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INTITULÉ :
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KOLAWOLE MONSUR AKINTOLA, ABIOLA SHAKIRAT AKINTOLA, FAHAM IYIOLA AKINTOLA, FRUQON FIMINIYI AKINTOLA c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
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LIEU DE L’AUDIENCE :
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TORONTO (ONTARIO) (PAR VIDÉOCONFÉRENCE)
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DATE DE L’AUDIENCE :
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Le 22 juin 2020
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JUGEMENT ET MOTIFS :
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LA JUGE PALLOTTA
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DATE DES MOTIFS :
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LE 15 OCTOBRE 2020
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COMPARUTIONS :
Adam Wawrzkiewicz
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POUR LES DEMANDEURS
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Kevin Spykerman
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POUR LE DÉFENDEUR
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Lewis & Associates
Avocats
Toronto (Ontario)
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POUR LES DEMANDEURS
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Procureur général du Canada
Toronto (Ontario)
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POUR LE DÉFENDEUR
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