Date: 19990914
Dossier: IMM-6813-98
MONTRÉAL, QUÉBEC, CE 14E JOUR DE SEPTEMBRE 1999
PRÉSENT: L'HONORABLE JUGE DENAULT
ENTRE: MOHAMED AGGUINI
Demandeur
ET:
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
Défendeur
Demande de contrôle judiciaire d'une décision rendue le 17 décembre 1998, dans le dossier numéro M97-09473, par Danielle Debbas et Ghislain Lavoie, membres de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, conformément à l'article 82.1 de la Loi sur l'immigration.
ORDONNANCE
La demande de contrôle judiciaire est accueillie, la décision rendue par la Section du statut le 15 décembre 1998 est annulée et le dossier est retourné à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié pour une nouvelle enquête et audition par une formation différente.
Pierre Denault
Juge
Date: 19990914
Dossier: IMM-6813-98
PRÉSENT: L'HONORABLE JUGE DENAULT
ENTRE: MOHAMED AGGUINI
Demandeur
ET:
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
Défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
LE JUGE DENAULT
[1] Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire à l'encontre d'une décision de la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration du statut de réfugié selon laquelle le demandeur, citoyen de l'Algérie, n'est pas un réfugié au sens de la Convention.
[2] Il appert du dossier que le demandeur fondait sa demande de statut sur le fait que, professeur de français dans une école primaire en Algérie, il aurait été agressé par des individus à l'issue d'une réunion de professeurs et de parents d'élèves tenue le 7 août 1997, durant les vacances scolaires estivales. Traité d'ennemi de Dieu et battu, on l'aurait averti que s'il s'avisait d'enseigner à la rentrée scolaire, ce serait la mort pour lui. Secouru par des passants, il fut soigné dans un hôpital où il reprit conscience. Quelques semaines plus tard, il se rendait par bateau en Espagne, puis au Portugal où il a vécu un mois avant de venir au Canada; neuf jours après son arrivée, il a revendiqué le statut de réfugié.
[3] L'essentiel de la décision tient à ce que le tribunal n'a pas cru que cette réunion du 7 août 1997 avait eu lieu et, partant, que le demandeur avait été agressé à la suite de cette réunion. D'où on a jugé que le demandeur n'était pas crédible.
[4] En réalité, on n'a pas cru qu'une réunion, convoquée par un affichage dix jours avant celle-ci, pendant les vacances scolaires, ait pu avoir lieu, l'école étant fermée pour les vacances. La preuve révélait pourtant que l'affichage avait eu lieu non pas dix jours avant la réunion mais dix jours avant les vacances scolaires des professeurs, le 4 juillet 1997, qui commençaient elles-mêmes peu après celles des élèves.
[5] Le tribunal n'a pas davantage cru le demandeur dans sa description de la tenue vestimentaire de ses agresseurs et dans le fait qu'aucun n'aurait porté la barbe même si le demandeur les qualifiait d'Islamistes. Le tribunal a ainsi décidé que le demandeur "n'est pas crédible, selon les connaissances spécialisées du Tribunal, dans sa description." Ce motif retenu par le tribunal mérite deux commentaires : 1) le demandeur n'a pas qualifié ses agresseurs d'Islamistes parce qu'ils ne portaient pas la barbe mais en raison de l'accusation qu'ils ont formulé à son égard en le qualifiant d'"ennemi de Dieu" et de l'avertissement qu'ils lui ont servi; 2) il était abusif et arbitraire d'inférer qu'un individu ne portant pas la barbe ne pouvait être un Islamiste.
[6] J'estime en effet que le tribunal ne pouvait, aux termes des paragraphes 68(4) et (5) de la Loi sur l'immigration admettre ce fait d'office sans informer le demandeur de son intention à ce sujet et sans lui donner la possibilité de présenter des observations à cet égard. S'interrogeant sur la portée de ces paragraphes 68(4) et (5), la Cour d'appel fédérale a reconnu, dans Zena Bula v. SEC, (A-329-94, 19 juin 1996), que :
De façon plus précise, nous ne pouvons qu'approuver la remarque du juge à l'effet qu'il est de l'essence même du rôle du tribunal qui entend les témoins de se prononcer sur leur crédibilité et nous croyons qu'il est non seulement normal, mais inévitable, que, ce faisant, les membres soient influencés par l'expérience qu'ils ont pu acquérir dans l'exercice de leurs fonctions. Tant qu'il ne s'agit que d'expérience acquise et non d'informations précises, les paragraphes 4 et 5 de l'article 68 de la Loi ne sont nullement impliqués. |
(c'est mon soulignement)
En l'espèce, j'estime déraisonnable la conclusion du tribunal selon laquelle le demandeur n'est pas crédible parce que, "selon la connaissance spécialisée du tribunal", aucun de ses agresseurs, qualifié d'Islamiste, n'aurait porté la barbe. De plus, cette conclusion ne pouvait découler de l'expérience acquise par les commissaires dans l'audition de causes en provenance d'Algérie mais d'une information précise au sujet de laquelle le demandeur avait le droit d'être informé de l'intention du tribunal d'en venir à cette conclusion, et de présenter, à cet égard, des observations.
[7] Vu la conclusion à laquelle la Cour en vient aux paragraphes précédents, il me paraît inutile d'élaborer davantage sur les autres motifs soulevés par le demandeur dans sa demande de contrôle judiciaire. Qu'il me suffise de mentionner que les commentaires négatifs des commissaires sur la couleur des cheveux du demandeur m'apparaissent, en l'espèce, farfelus et inutiles, et ne visent qu'à miner sa crédibilité alors que son identité n'a par ailleurs nullement été mise en doute.
[8] Pour ces motifs la demande de contrôle judiciaire est accueillie. Il n'y a pas en l'espèce matière à certifier une question sérieuse de portée générale au sens de l'article 83(1) de la Loi sur l'immigration.
Pierre Denault
Juge
MONTRÉAL, QUÉBEC
Le 14 septembre 1999
Section de première instance de
la Cour fédérale du Canada
Date : 19990914
Dossier : IMM-6813-98
Entre :
MAHAMED AGGUINI
Demandeur
ET
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
Défendeur
MOTIFS DE L"ORDONNANCE
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
NOMS DES AVOCATS ET DES AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
NO DE LA COUR : IMM-6813-98
INTITULÉ : MOHAMED AGGUINI
Demandeur
ET |
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ |
ET DE L'IMMIGRATION
Défendeur
LIEU DE L'AUDIENCE : MONTRÉAL (QUÉBEC)
DATE DE L'AUDIENCE : le 13 septembre 1999
MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE L'HONORABLE JUGE DENAULT
EN DATE DU 14 septembre 1999
COMPARUTIONS :
Me Stéphanie Valois pour le demandeur
Me Martine Valois pour le défendeur
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Me Stéphanie Valois pour le demandeur
Montréal (Québec)
Morris Rosenberg
Sous-procureur général du Canada
Montréal (Québec) pour le défendeur