Date : 20041006
Dossier : IMM-5794-03
Référence : 2004 CF 1372
ENTRE :
NINA LAZAREVA
demanderesse
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE FAISANT SUITE
À LA REQUÊTE EN RÉEXAMEN
LE JUGE PHELAN
[1] Le ministre a présenté, en application de l'article 397 des Règles, une demande de réexamen de l'ordonnance de la Cour en date du 20 juillet 2004 :
a) prescrivant que la décision rendue par le ministre le 8 juillet 2003 (par laquelle la demande de Mme Lazareva visant à ce que soit levée l'obligation de présenter la demande de résidence permanente à l'extérieur du Canada a été rejetée) soit annulée;
b) enjoignant au ministre d'évaluer la demande de Mme Lazareva au Canada;
c) enjoignant au ministre de suspendre toutes les mesures visant au renvoi de Mme Lazareva jusqu'à ce que soit tranchée la demande de résidence permanente.
[2] Le ministre a invoqué trois (3) raisons à l'appui de sa requête en réexamen :
1) la Cour a par erreur tenu compte d'éléments de preuve qui ne lui avaient pas été soumis;
2) la Cour a par erreur accueilli la demande CH de Mme Lazareva;
3) la Cour a par erreur interdit au ministre de tenter de renvoyer Mme Lazareva du Canada ou l'a empêché de le faire.
[3] La réparation prévue à l'article 399 des Règles est exceptionnelle, et elle vise à corriger les erreurs commises par inadvertance et à faire en sorte que les motifs d'une ordonnance concordent avec l'ordonnance elle-même. Elle ne constitue pas un moyen déguisé de faire appel d'une décision, ce qui serait particulièrement contre-indiqué dans le cas des affaires d'immigration où il n'existe pas de droit d'appel automatique.
Éléments de preuve qui n'ont pas été soumis à la Cour
[4] Le ministre reproche à la Cour d'avoir tenu compte du fait que la Russie était prête à accueillir Mme Lazareva. Le ministre ayant conclu que c'est en Bulgarie qu'elle allait retourner en dépit du fait qu'elle n'avait pas la citoyenneté bulgare, la question du pays où la demanderesse devait retourner pour présenter sa demande de résidence permanente constituait un élément factuel important.
[5] Dans ses représentations concernant la question du statut d'_ apatride _, l'avocat du ministre s'est appuyé sur le fait que la Russie pouvait accueillir la demanderesse. Il s'agissait d'une information fournie par l'avocat de Mme Lazareva, à laquelle l'avocat du ministre ne s'était pas objecté.
[6] La Cour en a conclu que ce fait n'était pas contesté. En fait, il s'agit d'une question qui est au coeur du présent contrôle judiciaire. La Cour peut tenir compte des faits qui sont survenus après que la décision faisant l'objet du contrôle a été rendue lorsqu'ils revêtent une pertinence particulière. Conclure autrement équivaudrait à obliger la Cour à ignorer aveuglément la véritable situation.
[7] La Cour sait dorénavant que le ministre n'admet pas ce fait. Si l'endroit où la demanderesse doit retourner avait été l'unique raison justifiant que la décision du ministre soit infirmée, il y aurait peut-être lieu d'examiner de nouveau cette décision. Toutefois, il existe d'autres raisons indépendantes justifiant que la décision du ministre soit infirmée. Par conséquent, il n'y a pas lieu de l'examiner de nouveau.
Octroi de la demande CH
[8] Le ministre soutient que la Cour n'a pas compétence pour faire droit à la demande CH de Mme Lazareva. Même si la Cour l'avait fait, il ne s'agit pas là d'une raison qui peut être invoquée à l'appui d'une requête fondée sur l'article 397 des Règles.
[9] Le ministre reconnaît au paragraphe 6 de sa réponse écrite que la Cour a compétence pour [traduction] _ ordonner au tribunal inférieur d'en arriver à une conclusion précise ou donner des instructions qui astreignent le tribunal à parvenir à un certain résultat _. C'est précisément ce que la Cour a fait en formulant l'instruction contenue dans l'ordonnance. Le pouvoir discrétionnaire que le paragraphe 25(1) de la LIPR confère au ministre doit être exercé d'une façon qui donne effet à l'ordonnance de la Cour. Le ministre a compétence pour traiter la demande d'établissement de Mme Lazareva, et la Cour s'attend à ce qu'il le fasse.
Sursis à l'exécution de la mesure de renvoi
[10] Là encore, les raisons soulevées par le ministre ne constituent pas des moyens valables à l'appui d'une requête fondée sur l'article 397 des Règles. L'ordonnance de la Cour concorde avec ses motifs; la requête du ministre constitue simplement une tentative de contestation indirecte ou d'appel déguisé de l'ordonnance.
[11] Il faut examiner la compétence que le paragraphe 18.1(3) confère à la Cour dans le contexte plus large de l'article 18.1 et en tenant compte de l'article 18 et des modifications apportées à la compétence de la Cour fédérale. Ali c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, [1994] 3 CF 73 (1re inst.).
[12] La Cour a le pouvoir d'émettre des instructions pour faire en sorte que l'objet de son ordonnance soit atteint. Une démarche visant à renvoyer Mme Lazareva pour le motif qu'elle doit présenter sa demande de résidence permanente à l'extérieur du Canada ferait échec à la décision de la Cour.
[13] Au lieu d'émettre une instruction enjoignant au ministre de se prononcer sur la demande de Mme Lazareva dans un certain délai, la Cour a pris des mesures pour faire en sorte que sa décision principale soit respectée. Elle s'attendait et elle s'attend à ce que le ministre procède au traitement de la demande de Mme Lazareva.
Conclusion
[14] La présente requête sera rejetée.
[15] Il n'existe pas de raison justifiant que la conclusion de la Cour voulant qu'il n'y ait pas de question à certifier soit examinée de nouveau.
[16] Si le défendeur éprouve des problèmes dans l'exécution de l'ordonnance de la Cour, il doit demander à celle-ci de lui donner des instructions additionnelles.
_ Michael L. Phelan _
Juge
Traduction certifiée conforme
Aleksandra Koziorowska, LL.B.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-5794-03
INTITULÉ : NINA LAZAREVA
c.
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
REQUÊTE JUGÉE SUR DOSSIER, SANS COMPARUTION DES PARTIES
MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LE JUGE PHELAN
DATE DES MOTIFS : LE 6 OCTOBRE 2004
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Inna Kogan POUR LA DEMANDERESSE
Toronto (Ontario)
Morris Rosenberg POUR LE DÉFENDEUR
Sous-procureur général du Canada
Ottawa (Ontario)