Date : 20010515
Dossier : IMM-2869-00
Référence neutre : 2001 CFPI 475
Entre :
Pathmalogini ARIYARAJNAM et
Kaurisa NAGULESWARAN
demanderesses
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
LE JUGE PINARD
[1] Les demanderesses sollicitent le contrôle judiciaire d'une décision de la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission), datée du 28 avril 2000, selon laquelle les demanderesses n'étaient pas des réfugiées au sens de la Convention suivant la définition contenue au paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2.
[2] La demanderesse principale, Mme Ariyarajnam, et sa fille de neuf ans, Kaurisa Naguleswaran, sont toutes deux citoyennes hindoues du Sri Lanka. Elles prétendent craindre avec raison d'être persécutées par l'armée sri-lankaise, par les Tigres libérateurs de l'Eelam Tamoul (TLET), par la police sri-lankaise et par le peuple cinghalais du fait de leur race, de leur religion, des opinions politiques qui leur sont imputées et de leur appartenance à un groupe social. La fille de la demanderesse principale fonde sa demande sur celle de sa mère.
[3] La Commission a décidé, jugeant que la demanderesse principale n'était pas crédible, qu'il n'existait aucun fondement lui permettant de conclure qu'elle avait raison de craindre d'être persécutée.
[4] La Commission a commis deux erreurs qui m'ont immédiatement frappé. Dans son résumé des faits, la Commission indique expressément que la demanderesse a quitté le Sri Lanka pour Colombo au cours de la deuxième semaine de juin 1999 et a quitté Colombo pour le Canada, le 28 juin 1999, pour y arriver le 9 juillet 1999. Cette dernière date est compatible avec le formulaire de renseignements personnels de la demanderesse qui mentionne qu'elle a présenté sa revendication du statut de réfugié à Montréal le 16 juillet 1999. Ces dates correspondent en outre à celles contenues dans l'extrait de la transcription du témoignage verbal qui suit :
[TRADUCTION]
Conseil En juin 1999, elle [la demanderesse] était à Colombo.
Commission Seulement en juin ?
Conseil Oui.
Commission À Colombo, et ensuite en juillet 1999 ?
Conseil De juillet jusqu'à maintenant, Montréal.
[. . .]
Commission Donc, M. Proulx, devons-nous comprendre que la revendicatrice était à Colombo de juin à juillet 1999 ?
Conseil Au cours de quelle période étiez-vous à Colombo ?
Demanderesse J'étais là jusqu'au 28 juin.
Commission Et quand êtes-vous arrivée à Colombo ?
Demanderesse Le 10.
Commission D'accord. Alors du 10 juin 1999 au 28 juin 1999, la revendicatrice était à .. ?
Conseil Colombo... Prête à quitter.
[5] Les conclusions suivantes que la Commission a tirées quant à la crédibilité sont clairement en contradiction avec la preuve objective déjà établie :
La revendicatrice a témoigné qu'elle a décidé de quitter le Sri Lanka à la suite d'un incident qui est survenu en février 1999. Cet incident est donc un élément central de la revendication.
[. . .]
La revendicatrice a témoigné que, même s'ils avaient décidé de quitter le Sri Lanka après cet incident, ils ne l'ont pas fait avant octobre 1999. Bien qu'ils y aient pensé, ils n'ont pas pris de mesures immédiates car, selon son témoignage, ils avaient beaucoup de biens, et donc beaucoup de choses à prendre en considération. Compte tenu du fait que la revendicatrice a fait allusion à l'incident de février 1999 en le qualifiant de pire moment de sa vie au Sri Lanka et d'élément qui a précipité sa décision de partir, le report de son départ ne correspond donc pas au comportement d'une personne qui fuit pour sauver sa vie. De plus, bien que, dans son Formulaire de renseignements personnels (FRP), elle ait fait référence au viol en bandes commis sur des femmes tamoules par l'armée, elle n'a pris aucune mesure immédiate pour réduire le risque que cela se reproduise. [...] Le tribunal croit donc que l'incident de février 1999 ne s'est probablement jamais produit et que, s'il s'est produit, la revendicatrice n'a pas prouvé avoir une crainte subjective d'être persécutée.
En outre, après avoir quitté Manipay pour se rendre au Canada, la revendicatrice, son mari et leur fille se sont arrêtés à Colombo où ils sont restés de juin 1999 à octobre 1999; le 20 octobre 1999 ils ont quitté le pays. La revendicatrice a témoigné qu'il a fallu environ cinq mois pour prendre tous les arrangements nécessaires avec un agent afin de quitter Colombo. Le tribunal croit que cette explication n'est pas raisonnable. De plus, après tout ce temps de préparation, son mari (présentement à Vavuniya) n'est pas parti avec elles, car l'agent n'a pas été capable d'obtenir un passeport pour tous les trois. Le tribunal croit que cette explication n'est ni raisonnable ni plausible.
(Non souligné dans l'original.)
[6] Après avoir examiné la preuve, je conclus que ces erreurs, qui sont déterminantes dans la conclusion quant au manque de crédibilité, étaient suffisantes pour entacher toute la décision de la Commission (voir, par exemple, Katalayi c. Ministre de la Citoyennetéet de l'Immigration (31 octobre 1997), IMM-179-97, aux paragraphes 6 et 7). Dans les circonstances, je suis d'avis que la Cour n'a pas à se substituer à la Commission et à effectuer l'appréciation des faits que la Commission aurait dû faire, n'eût été les erreurs commises.
[7] Par conséquent, puisque je suis d'avis que la Commission a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée sans tenir compte des éléments dont elle disposait (voir l'alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7), la demande de contrôle judiciaire est accueillie, la décision de la Commission est annulée et l'affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué pour une nouvelle audience.
[8] Compte tenu la présente décision, il n'y a pas lieu de certifier la question proposée par les demanderesses aux fins de la certification.
« YVON PINARD »
Juge
OTTAWA (ONTARIO)
Le 15 mai 2001
Traduction certifiée conforme
Danièle Laberge, LL.L.
Date : 20010515
Dossier : IMM-2869-00
Ottawa (Ontario), le 15 mai 2001
En présence de Monsieur le juge Pinard
Entre :
Pathmalogini ARIYARAJNAM et
Kaurisa NAGULESWARAN
demanderesses
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
ORDONNANCE
La demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision de la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié en date du 28 avril 2000, selon laquelle les demanderesses n'étaient pas des réfugiées au sens de la Convention, est annulée et l'affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué pour une nouvelle audience.
« YVON PINARD »
Juge
Traduction certifiée conforme
Danièle Laberge, LL.L.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
NUMÉRO DU GREFFE : IMM-2869-00
INTITULÉ DE LA CAUSE : Pathmalogini ARIYARAJNAM et autre c. M.C.I.
LIEU DE L'AUDIENCE : MONTRÉAL (QUÉBEC)
DATE DE L'AUDIENCE : Le 10 avril 2001
MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR : Monsieur le juge Pinard
DATE DES MOTIFS : Le 15 mai 2001
ONT COMPARU
Diane N. Doray POUR LES DEMANDERESSES
François Joyal POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
Diane N. Doray POUR LES DEMANDERESSES
Montréal (Québec)
Morris Rosenberg POUR LE DÉFENDEUR
Sous-procureur général du Canada