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     Date : 19981009

     Dossier : IMM-439-98

ENTRE :

     HAZARA SINGH BHINDER,

     Demandeur,

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     Défendeur.

     ORDONNANCE ET MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE BLAIS

[1]      Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision rendue par Shirley R. Wales, membre de la Section d'appel de l'immigration de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Section d'appel) le 15 janvier 1998, par laquelle la Section d'appel a rejeté l'appel interjeté par le demandeur à l'encontre du refus par l'agent des visas, pour défaut de compétence, de sa demande parrainée de résidence permanente.

[2]      L'agent des visas a conclu que la Hindu Adoptions and Maintenance Act, 1956 interdit l'adoption d'un fils par un Hindou lorsque le parent adoptif a déjà un fils.

[3]      L'avis d'appel a été déposé le 23 mars 1994.

[4]      L'audition de l'appel, prévue pour le 7 mai 1996, a été ajournée. L'audition fixée par la suite au mois de juillet 1996 a de nouveau été reportée. La nouvelle date d'audition fixée au 28 mai 1997 a finalement été remise au 17 novembre 1997.

[5]      Au moment de l'audition de l'appel, l'avocat du demandeur a demandé un ajournement parce que le demandeur ne pouvait pas assister à l'audience, pour cause de maladie, et que son témoin expert, Varinder Thareja, était également trop malade pour se présenter.

[6]      La Section d'appel a conclu que le demandeur n'avait pas respecté la règle 19 des Règles de la Section d'appel de l'immigration, DORS/93-46, que l'avis requis n'avait pas été donné au défendeur et qu'aucun résumé de la teneur du témoignage projeté n'avait été fourni. Dès le début de l'audition, l'avocat du demandeur a demandé un ajournement compte tenu de l'impossibilité pour le demandeur de se présenter à l'audience, comme le révèle la page 575 de la transcription de l'audience.

[7]      Comme l'indique la page 575 de la transcription de l'audience, la présidente du tribunal n'a pas vraiment répondu à la demande d'ajournement, mais elle a déclaré :

         [Traduction]      LA PRÉSIDENTE : J'ai lu le dossier et il soulève des questions de compétence et, Maître, vous n'avez peut-être pas connaissance de toutes les difficultés que pose ce dossier parce que, dans les documents que vous n'avez pas eu l'occasion d'examiner, on trouve un certificat attestant que le fils de l'appelant a été baptisé dans la foi chrétienne et il y a des éléments émanant de l'agent des visas, ou obtenus par lui, qui indiquent que l'authenticité de ce document pose un problème. Êtes-vous au courant de ces faits?         
         ( ... )         
              LA PRÉSIDENTE : Bon, je pense que, pour l'instant, la meilleure façon d'utiliser notre temps serait de trancher la question de la compétence et je demande à l'avocat de l'appelant de démontrer comment, compte tenu de l'article 11 de la Hindu Adoptions and Maintenance Act , le présent appel pourrait être accueilli et je crois que vous avez tous les deux reçu trois causes. La cause Vodaliya (ph) et les deux décisions Chowdhury de la Section d'appel de l'immigration alors devant la Cour d'appel fédérale concernant l'article 11 de la Hindu Adoptions and Maintenance Act. Par conséquent, si on peut d'abord régler la question de compétence et, si je comprends bien les faits qui me seront soumis, l'appelant prétend adopter le fils de son fils et si vous pouvez me démontrer en droit comment cette adoption peut être valable sous le régime de la Hindu Adoptions and Maintenance Act, afin de confirmer que j'ai compétence pour entendre l'appel parce que le demandeur appartenant à la catégorie de la famille.         

[8]      Comme on peut le constater, la présidente n'a pas répondu à la demande d'ajournement et l'avocat du demandeur a dû répondre à des questions portant sur la jurisprudence et sur la compétence, la question de l'ajournement n'étant pas tranchée. Le débat s'est donc poursuivi entre la présidente et les deux avocats sur la question de la procédure d'adoption en Inde.

[9]      À la page 583 de la transcription de l'audience, la présidente a posé une question à l'avocat du demandeur :

         [Traduction]      LA PRÉSIDENTE : Oui. Maître, si je puis vous demander, si je comprends bien le fond de vos prétentions, c'est la coutume Sikh concernant les rites d'inhumation du père qui fondent essentiellement l'exemption de la HAMA dans les circonstances et c'est une coutume visée par l'article 2(c), l'alinéa 1(c) de la HAMA, une coutume ou un usage qui fait partie intégrante du droit. Pouvez vous citer des sources à l'appui de cette prétention?         
              L'AVOCAT : Eh bien, comme je le dis, ce sont des renseignements dont le témoin expert devait traiter. Un autre homme s'est présenté à la dernière minute et c'est quelqu'un du Temple Sikh à qui on a fait appel pour qu'il tente de remplacer le témoin qui est malade. Je pense qu'il pourrait témoigner sur cette question.         
              LA PRÉSIDENTE : Quel est son rapport avec le Temple?         
              L'AVOCAT : Je pense qu'il est un membre du clergé.         
              LA PRÉSIDENTE : Voulez-vous que la cause soit remise pour qu'il puisse témoigner?         
              L'AVOCAT : Oui, je vous en serais très reconnaissant.         

La discussion s'est poursuivie entre la présidente et les deux avocats, pendant que le témoin attendait dans le corridor.

[10]      À la page 586 de la transcription de l'audience, la présidente a dit :

         [Traduction]      Compte tenu de toutes les circonstances, j'hésite à accorder l'ajournement en raison du temps écoulé et du fait que la demande n'a été formulée qu'en réponse sur la question de compétence.         

[11]      Enfin, à la page 588 de la transcription de l'audience, la présidente a décidé de trancher la question de la compétence :

         [Traduction]      LA PRÉSIDENTE : (...) J'espérais être en mesure, à la fin de la pause, de prononcer des motifs oralement sur la question de la compétence. Je n'y suis pas parvenue. J'ai donc repris la séance uniquement pour dire que des motifs écrits suivront sur la question de compétence. Selon la décision qui s'ensuivra, ou bien une nouvelle date sera fixée pour l'audition de la preuve relative à l'affaire, ou bien, si la question de la compétence est résolue de façon défavorable à l'appelant, l'affaire sera réglée, étant donné que le demandeur ne sera alors pas, par définition, un membre de la catégorie de la famille et que la Section d'appel n'aura donc pas compétence. Ainsi, si l'appelant a gain de cause en ce qui concerne la compétence, nous reprendrons l'audience. Par contre, s'il échoue sur la question de la compétence, l'appel sera rejeté pour défaut de compétence de la Commission. (...)         
              Me MILLAR : (...) J'ai une seule question à poser. Si vous concluez que le tribunal a compétence, que l'adoption est valable, faudra-t-il reprendre l'audition pour la présentation d'une preuve additionnelle?         
              LA PRÉSIDENTE : Oui, parce que l'authenticité de certains documents est en litige et il incombera à l'appelant de faire la preuve de certains faits allégués. En tranchant la question de la compétence, j'ai bien voulu tenir pour acquis que certains éléments de preuve pouvaient être établis, mais cette hypothèse se confirmera ou non lorsque l'appelant sera effectivement mis à l'épreuve.         
              Me MILLAR : Donc, si nous reprenons l'audience plus tard, la question de la compétence sera à nouveau soulevée si la preuve produite après la reprise de l'audience démontre que l'adoption n'est pas valable en vertu de la HAMA?         
              LA PRÉSIDENTE : Eh bien, cette partie de l'audience vise à traiter du par. 11(1) de a HAMA ---         
              Me MILLAR : Oui.         
              LA PRÉSIDENTE : --- la compétence et je suis sûre que -- eh bien, le commissaire Townshend a porté à ma connaissance la décision selon laquelle des questions peuvent toujours être soulevées et servir de fondement au ministre, peu importe le moment de l'audience auquel elles surgissent.         

[12]      Ces remarques étaient à tout le moins ambiguës et il est clair qu'il existe un lien étroit entre la question de compétence et le bien-fondé de la cause. Dans la décision rendue par la Section d'appel le 15 janvier 1998, à la page 6 de la transcription de l'audience, on peut lire :

         [Traduction]      L'avocat de l'appelant a soutenu que la coutume sikh selon laquelle les fils et les petits-fils exécutent des rites d'inhumation pour leurs pères et leurs grands-pères est une coutume ou un usage visé par l'alinéa 2(1)a) de la HAMA, et que la HAMA ne s'applique donc pas à la présente adoption. Aucun élément de preuve n'a été produit pour établir qu'il s'agit là d'un énoncé exact du droit indien.         

[13]      Cette affirmation est difficile à concilier avec la déclaration de la présidente, consignée à la page 587 de la transcription de l'audience :

         [Traduction]      LA PRÉSIDENTE : (...) Encore une fois, pour plus de clarté, je vais verser au dossier comme pièce A-2 la lettre de présentation de l'avocat de l'appelant, datée du 28 octobre 1997, et la déclaration solennelle de l'autre expert, comme deuxième pièce A-2. Je vais prendre quelques minutes pour réexaminer les documents et les arguments et, encore une fois, j'étudie la question de la compétence et j'évaluerai les arguments en regard des obstacles posés par le par. 11(1) de la HAMA qui, à sa lecture, semble faire obstacle à la démonstration par l'appelant du fait que le demandeur est un membre de la catégorie de la famille. Je vais aussi mettre de côté les feuilles fournies par l'avocat de l'appelant et, Maître, si vous voulez bien les reprendre, je ne voudrais pas qu'elles se perdent dans le fouillis du dossier.         

[14]      L'avocat du défendeur a reconnu devant moi qu'il est clair que la décision de la Commission est entachée d'une erreur puisqu'elle mentionne qu'aucun élément de preuve n'a été produit, alors que cette preuve a été fournie, comme la présidente le mentionne elle-même à la page 587 de la transcription.

[15]      Je crois que la décision de rejeter la demande pour défaut de compétence rendue par la commissaire a tranché en même temps la demande sur le fond.

[16]      Le demandeur a été privé de la possibilité d'obtenir un ajournement et de présenter un témoin expert sur la question du processus d'adoption en Inde. L'avocat du défendeur aurait évidemment aussi eu l'occasion de produire une preuve relativement à la même question et de contre-interroger le témoin. Malheureusement, la décision de la Commission de refuser l'ajournement demandé par le demandeur, parce que la maladie l'empêchait d'assister à l'audience et parce que son témoin expert était aussi incapable de se présenter pour cause de maladie, a causé un véritable préjudice au demandeur, parce que la décision concernant le défaut de compétence a écarté l'ensemble du dossier et, qui plus est, l'avocat du demandeur n'a pas eu la possibilité de présenter des observations sur le fond de l'affaire.

[17]      Étant donné que la commissaire a soulevé elle-même la question de la compétence au tout début de l'audience, elle aurait dû accéder à la demande d'ajournement formulée par l'avocat du demandeur de façon qu'aucune partie ne soit lésée par la décision sur la question de compétence.

[18]      Je constate que l'avocat du demandeur n'a pas suivi les règles applicables à une demande d'ajournement dans le but de faire entendre un témoin expert par la Commission, mais ce problème mineur aurait pu être réglé de façon satisfaisante par un ajournement.

[19]      Pour tous ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est accueillie.

[20]      La décision de la Section d'appel est annulée et l'affaire est renvoyée à la Commission pour la tenue d'une nouvelle audition par un tribunal différemment constitué.

[21]      Ni l'un ni l'autre des avocats n'a recommandé la certification d'une question et je n'en certifierai aucune.

     Pierre Blais

                                     juge

OTTAWA (ONTARIO)

9 octobre 1998

Traduction certifiée conforme

Laurier Parenteau, LL.L.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NUMÉRO DU GREFFE :          IMM-439-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :      HAZARA SINGH BHINDER c. MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :          TORONTO

DATE DE L'AUDIENCE :          29 SEPTEMBRE 1998

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE BLAIS

DATE DES MOTIFS :          9 OCTOBRE 1998

ONT COMPARU :

Me Joseph Farkas              POUR LE DEMANDEUR

Me Kevin Lunney              POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Me Joseph Farkas              POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

Me Morris Rosenberg          POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général

du Canada

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