Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20040629

Dossier : T-66-86A

Référence : 2004 CF 933

Ottawa (Ontario), le 29 juin 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE JAMES RUSSELL

ENTRE :

                                                       LA BANDE DE SAWRIDGE

                                                                                                                                        défenderesse

                                                                             et

SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                                                                       demanderesse

                                                                             et

LE CONSEIL NATIONAL DES AUTOCHTONES DU CANADA,

LE CONSEIL NATIONAL DES AUTOCHTONES DU CANADA (ALBERTA)

LA NON-STATUS INDIAN ASSOCIATION OF ALBERTA

L'ASSOCIATION DES FEMMES AUTOCHTONES DU CANADA

                                                                                                                                          intervenants

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

L'HISTORIQUE


[1]                Dans son ordonnance préparatoire, datée du 26 mars 2004, le juge Hugessen ordonnait, notamment, que toutes [traduction] « les modifications aux actes de procédure soient demandées dans le cadre de requêtes présentées en vertu de l'article 369 des Règles, au plus tard le 18 mai 2004 » .

[2]                En réponse à cette décision, la Couronne demande l'autorisation de modifier sa défense (la requête de la Couronne) et la bande de Sawridge (la bande) a présenté une requête pour obtenir l'autorisation de modifier sa nouvelle déclaration (la requête de la bande).

Le contexte

[3]                En l'espèce, il y a lieu de tenir compte du contexte particulier qui entoure la présentation de ces requêtes en modification, en sus de la jurisprudence qui traite des modifications aux actes de procédure. Certaines modifications sont nécessaires suite aux décisions du juge Hugessen de modifier l'intitulé et de diviser l'action en deux. Ces modifications de nature technique sont nécessaires pour se conformer à la situation créée par les décisions du juge Hugessen.


[4]                Mais le juge Hugessen, qui est chargé de la gestion de l'instance, a aussi déclaré clairement qu'à l'exception de questions soulevées par la production de nouveaux documents par voie d'interrogation écrite suite à une requête en autorisation présentée en vertu de l'article 369 des Règles, les interrogatoires sont terminés et le procès est prévu en janvier 2005. Par conséquent, toute modification suggérée, ou tout défaut de modifier, qui soulève de nouvelles questions et/ou positions qui exigeraient de nouveaux interrogatoires et/ou réponses pouvant mettre en cause le calendrier établi sont fort malvenues à cette étape d'une action qui est en cours depuis longtemps et dont le parcours a été ardu.

[5]                Il faut donc tenir compte de ces circonstances particulières en examinant chacune des requêtes.

La requête de la Couronne

[6]                La Couronne déclare que sa requête pour obtenir l'autorisation de faire signifier et de déposer une défense modifiée a pour objectif de préciser les véritables questions litigieuses dans cette action et de permettre la tenue d'un procès complet et équitable :

a)          en incorporant les aveux de la Couronne lors de l'interrogatoire préalable;

b)          en reflétant les positions prises par la Couronne au cours des interrogatoires et des mesures interlocutoires; et

c)          en corrigeant les erreurs mineures dans les actes de procédure.


[7]                La bande ne s'oppose pas à plusieurs des amendements proposés par la Couronne, mais elle s'oppose au fait qu'on soulève de nouvelles allégations qui n'ont pas fait l'objet d'interrogatoires. Elle s'objecte aussi aux modifications où la Couronne change sa position antérieure, de n'avoir pas connaissance des faits, pour la remplacer par l'affirmation d'un fondement factuel au rejet, alors qu'il n'a pas été possible d'interroger la Couronne à ce sujet, ou lorsque la modification proposée introduit en réalité un argument juridique. Dans sa requête, la bande répond aussi à la requête de la Couronne en demandant l'autorisation [traduction] « de répondre à la suggestion de la Couronne qu'on n'aurait pas présenté le droit réclamé de façon assez détaillée » .

[8]                La Non-Status Indian Association of Alberta (la NSIAA) a répondu à la requête de la Couronne, mais elle ne présente aucune allégation [traduction] « sauf à noter que la requête deviendra probablement théorique si l'on autorise la modification des déclarations, puisque la Couronne aurait alors le droit de déposer une défense modifiée en tout état de cause » .

[9]                La Cour interprète le point de vue de la NSIAA au sujet de la requête de la Couronne comme voulant dire qu'elle ne s'oppose pas aux modifications proposées, mais qu'elle partage les préoccupations de la Cour et son avis qu'il y a lieu d'entendre et de trancher les requêtes de la Couronne et de la bande en même temps, afin d'arriver à une solution pratique qui n'occasionnera pas d'autres litiges procéduriers qui viendraient gêner la bonne marche du dossier jusqu'au procès, selon le calendrier établi.


[10]            Je suis fortement encouragé par les réponses données à la requête de la Couronne par la bande et la NSIAA, puisque même si nous ne sommes pas du même avis quant à la suite à donner, je vois dans ces réponses (et ceci est aussi vrai de la réponse de la Couronne à la requête de la bande) une acceptation claire du fait que toute initiative dans cette action qui nous ferait sortir des paramètres définis par le juge Hugessen devrait être évitée dans toute la mesure du possible.

[11]            Le critère permettant de déterminer si l'on doit autoriser la modification des actes de procédure est bien établi. Comme le fait ressortir la Couronne, ce critère a été approuvé et résumé par le juge Malone, dans une décision récente de la Cour d'appel fédérale :

La règle 75 des Règles de la Cour fédérale (1998) autorise les requêtes en modification d'un document, si ces modifications sont faites à des conditions qui « permettent de protéger les droits de toutes les parties » . Le critère d'application de la règle 75 a été énoncé par cette Cour dans Canderel Ltée c. Canada [...] où il a été affirmé qu'une modification devrait être autorisée « à tout stade de l'action » , sous réserve de trois conditions: la modification doit être faite aux fins de déterminer les véritables questions litigieuses entre les parties; la modification ne doit pas causer d'injustice à l'autre partie que des dépens ne pourraient réparer; et la modification doit servir les intérêts de la justice. En outre, plus l'instance tire à sa fin, plus il devient difficile de démontrer qu'une modification ne cause pas d'injustice.

Richardson International Ltd. c. (Le navire) Mys Chikhacheva 2002 CAF 97; [2002] A.C.F. 97, au paragr. 48.

[12]            On convient généralement qu'une modification proposée doit être autorisée si elle ne cause pas un préjudice à la partie adverse. On convient aussi que, dans le cadre d'une requête pour modifier un acte de procédure, la Cour doit présumer la véracité des faits présentés à l'appui de la modification. Voir Rolls Royce plc c. Fitzwilliam (2000), 10 C.P.R. (4th) 1, 2000 CarswellNat 2973 (C.F. 1re inst.).


[13]            Il est aussi bien établi que les modifications fondées sur les interrogatoires qui mettent en perspective et présentent de façon plus détaillée les questions en litige sont généralement perçues comme venant faciliter le procès en aidant à déterminer les véritables questions litigieuses. Voir, par exemple, Hoechst Marion Roussel Deutchland Gmbtt c. Adir et Cie (2000), 190 F.T.R. 233, 2000 CarswellNat 967 (1re inst.).

[14]            On a aussi reconnu (et ceci est particulièrement important en l'espèce) que parmi les facteurs permettant de déterminer si une modification causerait un préjudice que les dépens ne pourraient réparer on trouve l'état d'avancement de l'action, le retard que la modification pourrait causer à la marche expéditive du procès, et la façon par laquelle la position de la partie adverse, exprimée dans ses actes de procédure et ses arguments, serait mise en cause par la modification. Voir, par exemple, Yeager c. Canada (Service correctionnel) (2000), 189 F.T.R. 196, 2000 CarswellNat 711 (1re inst.).

[15]            J'ai examiné avec soin les modifications proposées par la Couronne à sa défense dans la requête de la Couronne. En appliquant la jurisprudence, et compte tenu des objections soulevées par la bande et du contexte particulier de cette action, je suis d'avis que les modifications proposées par la Couronne sont acceptables, à l'exception des suivantes :

-            les modifications au paragraphe 4 ne sont pas autorisées, sauf pour modifier la dernière ligne pour remplacer le pluriel par le singulier;

-            les modifications au paragraphe 6 ne sont pas autorisées, sauf pour remplacer le pluriel par le singulier;

-            les modifications au paragraphe 11 ne sont pas autorisées, sauf pour remplacer le pluriel par le singulier;


-            au paragraphe 16, la suppression de [traduction] « aucune connaissance » n'est pas autorisée;

-            au paragraphe 17, la suppression de [traduction] « déclare n'avoir aucune connaissance quant à savoir, et » , aux deuxième et troisième lignes, n'est pas autorisée;

-            les modifications au paragraphe 18 ne sont pas autorisées, sauf que la Couronne peut ajouter qu'elle reprend le paragraphe 13 et qu'elle peut faire le changement requis pour remplacer le pluriel par le singulier;

-            les modifications au paragraphe 19 ne sont pas autorisées;

-            les modifications aux alinéas 20a),b) et d) ne sont pas autorisées;

-            les modifications au paragraphe 24 ne peuvent être autorisées, sauf pour remplacer le pluriel par le singulier;

-            les modifications au paragraphe 26 ne sont pas autorisées, sauf pour remplacer le pluriel par le singulier;

-            les modifications au paragraphe 28 (ancien paragraphe 29) ne sont pas autorisées, sauf pour clarifier la position de la Couronne au sujet de l'interprétation des dispositions constitutionnelles en cause ainsi que des droits à l'égalité des sexes;

-            Les modifications à l'alinéa 32b) ne sont pas autorisées, sauf pour remplacer le pluriel par le singulier;

-            les modifications au paragraphe 33 ne sont pas autorisées, sauf pour remplacer le singulier par le pluriel.


[16]            En n'acceptant pas ces modifications, je n'accorde que peu de poids à l'affirmation de la bande que la Couronne change sa position de n'avoir pas connaissance des faits pour la remplacer par l'affirmation d'un fondement factuel au rejet. La plupart des paragraphes énoncent déjà de toute façon que la Couronne n'accepte pas les allégations de la bande et le paragraphe 1 de la défense contient un rejet général. Je ne vois pas qu'à cette étape autre chose soit nécessaire pour clarifier la position de la Couronne.

[17]            S'agissant des objections aux modifications présentées par la bande avec lesquelles je ne suis pas d'accord, voici mes motifs :

-            au paragraphe 8, il me semble que la modification proposée n'introduit pas de nouvelles allégations qui exigeraient d'autres interrogatoires, mais plutôt qu'elle est une clarification de la position de la Couronne transmise à la bande en réponse aux engagements numéros 18 et 21, qui éclaire les questions en litige.

-            au nouveau paragraphe 30 proposé, je suis d'avis qu'il ne s'agit pas de l'introduction de nouvelles allégations ou d'un changement de position, mais à nouveau qu'on y trouve une vraie réponse aux engagements 88 et 109, qui éclaire les questions en litige.


-            à l'alinéa 32a), il me semble que les changements proposés sont utiles en ce qu'ils clarifient la position de la Couronne, mais il y a un changement qui remplace le déni par la justification et qui nécessite une explication additionnelle. Par conséquent, je suis d'accord pour autoriser la modification, en autorisant la bande à procéder à un interrogatoire écrit additionnel à ce sujet si elle en sent le besoin.

-            à l'alinéa 20c), je ne vois pas qu'on aurait remplacé l'absence de connaissance par le déni. La Couronne plaide maintenant le manque de pertinence.

-            quant à l'ajout au paragraphe 35, mon examen du dossier m'amène à la conclusion que ce résumé est issu des interrogatoires et des requêtes qui ont déjà été présentés par la Couronne sur les questions maintenant circonscrites par le libellé proposé. En tant que tel, il s'agit d'une vraie réponse à la position de la bande et d'une clarification apportée à la Cour au sujet des vraies questions litigieuses entre les parties qui ont été définies durant le cheminement de l'action. L'historique de ce dossier démontre que la bande connaît fort bien la position de la Couronne, qu'elle a eu moult occasions de discuter des allégations présentées et, selon moi, qu'un énoncé clair de la position de la Couronne à cette étape ne lui causera pas de préjudice.

La requête de la bande

[18]            La bande présente divers motifs pour justifier les modifications qu'elle propose :


a)          des modifications de grammaire et de syntaxe aux actes de procédure sont rendues nécessaires par la modification de l'intitulé de l'action ordonnée par le juge Hugessen, qui a divisé l'action en deux actions (T-66-86A et T-66-86B) qui seront entendues ensemble;

b)          d'autres modifications sont requises par suite d'allégations présentées dans la requête de la Couronne, ainsi que du fait que la Couronne suggère que les actes de procédure de la bande ne sont pas toujours assez spécifiques.

[19]            La réponse de la Couronne à la requête de la bande ne conteste pas les modifications de nature technique proposées, mais elle présente des objections à d'autres modifications qui ont pour objectif d'élargir la réclamation de la bande à cette étape tardive de l'instance et qui se solderont inévitablement par des délais qui viendront mettre en cause le calendrier établi.

[20]            La réponse de la NSIAA aux modifications proposées par la bande ne s'oppose pas non plus aux modifications de nature technique imposées par les décisions du juge Hugessen de modifier l'intitulé et de diviser les actions. Toutefois, la NSIAA s'oppose de façon ferme à d'autres modifications pour divers motifs, et elle indique qu'elles viendraient inévitablement retarder un procès qu'il a fallu plusieurs années pour organiser.


[21]            Avant d'examiner les modifications proposées par la bande au vu de l'article 75 des Règles et de la jurisprudence applicable, la Cour doit noter le fait que la bande présente l'affidavit de son propre avocat à l'appui de sa requête, nonobstant le fait que le juge Hugessen a critiqué cette pratique par le passé.

[22]            La bande demande l'autorisation de la Cour de déposer l'affidavit de son avocat. Toutefois, comme il ressort clairement des réponses de la Couronne et de la NSIAA, certaines des modifications proposées par la bande sont hautement litigieuses et, en toute objectivité, je crois que l'avocat de la bande aurait dû tenir compte de ce fait.

[23]            Au vu de l'historique de ce dossier et du long chemin qui reste à parcourir, je crois qu'il est préférable d'indiquer clairement à toutes les parties que les pratiques et procédures qui ne sont pas conformes aux Règles de la Cour fédérale (1998) ne sont pas acceptables. En conséquence, l'affidavit de l'avocat de la bande n'est pas acceptable et ne peut servir de fondement à la requête de la bande, dans la mesure où il traite de questions qui ne sont pas simplement de nature technique et non litigieuses.


[24]            Heureusement, ceci n'est pas vraiment un inconvénient pour la bande étant donné que l'historique de ce dossier et la documentation qu'on y trouve sont tels que toutes les modifications aux actes de procédure qui découlent de la décision du juge Hugessen sont évidentes et que la Couronne et la NSIAA ne s'y opposent pas. Quant aux questions litigieuses, même si j'acceptais l'affidavit je ne pourrais conclure que les modifications proposées sont acceptables, pour les motifs que j'énoncerai plus tard. De toute façon, la Cour doit présumer la véracité des faits énoncés dans les modifications.

[25]            Les allégations présentées par la Couronne dans sa requête au sujet du manque de précision de certaines des assertions de la bande trouvent leur origine dans les interrogatoires, et dans les diverses requêtes introduites en cours d'instance. La bande sait très bien quelles questions ont été soulevées jusqu'ici en l'espèce. Il est parfaitement évident que la bande n'est pas d'accord avec la position énoncée par la Couronne dans le paragraphe 35 proposé et, dans les circonstances, il suffisait d'une simple modification aux actes de procédure de la bande énonçant ce désaccord. La bande a déjà eu l'occasion par le passé dans les requêtes et la correspondance de répondre pleinement aux préoccupations de la Couronne au sujet du manque de précision, puisqu'elle pouvait déposer des détails qui auraient permis à la Cour de déterminer les vraies questions litigieuses entre les parties ainsi que le détail de sa position. La bande n'a pas utilisé ces occasions et elle ne peut maintenant prétendre qu'elle doit modifier ses actes de procédure afin de répondre à ce qu'elle dit n'être rien d'autre qu'une [traduction] « demande de détails » de la Couronne.

[26]            Il y a plusieurs objections à apporter aux aspects litigieux des modifications proposées par la bande :


a)          certaines des modifications proposées au paragraphe 8 sont contraires à des décisions de notre Cour qui portent que la demanderesse en l'instance est la bande elle-même; et

b)          certaines des modifications auraient pour conséquence d'élargir la portée de l'action et introduiraient une nouvelle réclamation d'autodétermination; et

c)          certaines des modifications viendraient élargir encore plus les réclamations en soulevant des allégations au sujet d'autres premières nations.


[27]            Selon moi, les modifications contestables dont je ferai état plus tard ne viennent pas clarifier les questions litigieuses présentées à la Cour. Elles soulèvent de nouvelles questions litigieuses qui exigeraient d'autres interrogatoires, retardant à nouveau le procès. Le fait que ces modifications soient proposées si tard, leur nombre et importance, la mesure dans laquelle des positions antérieures sont modifiées et le préjudice inévitable qui serait causé à la Couronne (voir Maurice c. Canada (Ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien), [2004] A.C.F. no 670, 2004 CF 528, au paragr. 10), me convainquent que ces modifications ne doivent pas être autorisées. De plus, certaines d'entre elles ne sont pas pertinentes aux questions en litige. Comme la NSIAA le fait remarquer, la conséquence de certaines des modifications proposées par la bande serait de [traduction] « mettre la Couronne en cause pour sa conduite globale dans ses relations avec les premières nations au Canada. Un procès qui est prévu durer des mois pourrait maintenant prendre des années à régler » . De plus, certaines autres modifications auraient pour effet de [traduction] « étendre considérablement la portée de cette action et soulever des questions qui n'ont pas fait l'objet d'interrogatoires [dans un contexte où] les modifications n'ajoutent aucun élément de fond à la prétention de la demanderesse qu'elle a un droit autochtone de décider à qui elle reconnaît le statut de membre [...] » . En fait, il me semble que les termes « première nation » s'appliquent exclusivement à la bande demanderesse. Le fait d'utiliser deux expressions différentes ( « demanderesse » et « première nation » ) lorsqu'on parle de la bande n'ajoute rien, bien que je n'aie aucune objection de fond à ce que la bande utilise ces deux expressions.

[28]            La Cour partage aussi les préoccupations soulevées par la NSIAA au sujet de certaines des modifications non techniques proposées par la bande, qui ne sont pas acceptables parce qu'elles constituent une tentative d'introduire une preuve de faits semblables sans démontrer l'existence d'un lien entre ces faits et la prétention au coeur de la présente espèce, savoir que la Couronne a enfreint le droit de la bande de décider à qui elle reconnaît le statut de membre. Comme le déclare la NSIAA, le [traduction] « retard qui sera inévitablement causé par ces modifications considérables créera un préjudice qu'on ne peut compenser » .

[29]            Dans son ordonnance du 26 mai 2003, le juge Hugessen a ordonné que chaque action soit « continuée au nom de la première nation demanderesse et que l'intitulé soit modifié en conséquence » .


[30]            Cette ordonnance exige que les actes de procédure soient maintenant interprétés comme si la bande procédait séparément et ceci exige nécessairement certaines modifications de nature technique aux actes de procédure.


[31]            L'ordonnance préparatoire du juge Hugessen datée du 26 mars 2004 porte que [traduction] « les modifications aux actes de procédure sont demandées dans le cadre de requêtes présentées en vertu de l'article 369 des Règles, au plus tard le 18 mai 2004 » . Elle n'interdit pas les modifications autres que celles portant sur des questions de nature technique, mais il semble raisonnable de s'attendre à ce que la bande, dans toute requête en modification, se serait au moins assurée que les changements inévitables nécessaires suite à l'ordonnance du juge Hugessen du 26 mai 2003 auraient été mis de l'avant. Le fait que la requête de la bande ne traite aucunement de ces changements ne change rien, selon moi, au fait que celle-ci poursuit maintenant une action séparée et que les actes de procédure doivent être interprétés en ce sens. Tous les changements aux textes rendus nécessaires par l'ordonnance du juge Hugessen doivent maintenant être considérés faire partie des actes de procédure. La Couronne et la NSIAA ne peuvent être placées dans une moins bonne situation du simple fait que la bande n'a pas demandé l'autorisation de faire signifier et déposer les modifications rendues nécessaires par l'ordonnance du 26 mai 2003 du juge Hugessen, et ce au cours de la période prévue par l'ordonnance préparatoire du 26 mars 2004. Vu d'une autre façon, lorsqu'une action est divisée et que l'intitulé est modifié pour ne comporter qu'une demanderesse, le fait de ne pas refléter ce changement dans le corps des actes de procédure est en soi une modification qui doit être justifiée. L'article 75 des Règles précise très clairement que la Cour peut autoriser des modifications « aux conditions qui permettent de protéger les droits de toutes les parties » .

[32]            Les requêtes de la Couronne et de la bande demandent toutes deux [traduction] « toute autre réparation que la Cour » considère appropriée. En conséquence, au vu de l'ordonnance du 26 mai 2003 du juge Hugessen et de l'injustice qui pourrait être imposée à la Couronne s'il n'était pas clair que les actes de procédure doivent maintenant être interprétés comme comportant tous les changements rendus nécessaires par cette ordonnance, je suis d'avis que cette question doit être réglée dans le cadre de l'ordonnance rendue suite aux requêtes de la Couronne et de la bande.

[33]            J'ai examiné avec soin les modifications proposées par la bande à sa nouvelle déclaration. En appliquant la jurisprudence, et compte tenu des objections soulevées par la Couronne et la NSIAA et du contexte particulier de cette action, je suis d'avis que les modifications proposées par la bande sont acceptables, à l'exception des suivantes :

-            au paragraphe 8, le défaut d'avoir modifié les termes « premières nations » pour les remplacer par « première nation » et l'ajout des termes [traduction] « qui ont fait une demande et ont été reconnus comme membres sont » ne sont pas autorisés;

-            au paragraphe 10, l'ajout des termes [traduction] « à l'autonomie gouvernementale de » n'est pas autorisé;


-            au paragraphe 11, l'ajout des termes [traduction] « ses propres affaires » et l'ajout de l'avant-dernière phrase à la fin du paragraphe, rédigée comme suit [traduction] « La façon correcte de définir le droit spécifique réclamé en l'espèce est de dire que la première nation ou la communauté formée par la bande a droit à l'autodétermination ou à son propre gouvernement, y compris celui d'avoir ses propres processus politiques, institutions et structures de décision, pour la gouvernance de ses affaires internes » ne sont pas autorisés;

-            au paragraphe 12, l'ajout des termes [traduction] « autodétermination ou » et « quelque autre élément que suppose un tel droit à l'autodétermination ou à son propre gouvernement » à la dernière phrase du paragraphe n'est pas autorisé;

-            au paragraphe 14, l'ajout des termes [traduction] « et la liberté de contrôler ses propres affaires » dans la dernière phrase n'est pas autorisé;

-            aux paragraphes 20, 21 et 22, et à l'alinéa 23f), tous les ajouts et/ou références visant à inclure d'autres premières nations que la demanderesse ne sont pas autorisés;

-            aux paragraphes 4, 7 et 8, aux alinéas 26b), 26c) 26d) et aux sous-alinéas 26e)(i), (ii), (iii), (iv), (vi), (vii) et (viii), où l'on n'a pas remplacé « premières nations » par le singulier « première nation » (et où par conséquent le sens des actes de procédure est changé pour y inclure d'autres premières nations que la demanderesse), la modification n'est pas autorisée;


-            au paragraphe 5, l'ajout des mots [traduction] « territoire traditionnel et » n'est pas autorisé;

-            au paragraphe 15, l'ajout des mots [traduction] « comme elle a procédé avant la signature des traités, en accord avec ses propres institutions, son droit coutumier et ses traditions » n'est pas autorisé.

ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que :

1.          La Couronne est autorisée à faire signifier et déposer une défense modifiée, sous la forme annexée à l'affidavit de Christine Hall à l'appui de la requête de la Couronne, à l'exception des modifications proposées qui ne sont pas autorisées (énumérées au paragraphe 15 des motifs de l'ordonnance);

2.          La bande est autorisée à faire signifier et déposer une nouvelle déclaration modifiée, sous la forme présentée dans la requête de la bande, sauf pour les modifications qui ne sont pas autorisées (énumérées au paragraphe 33 des motifs de l'ordonnance);


3.          La bande modifiera sa nouvelle déclaration de façon globale pour remplacer toutes les mentions de « premières nations » au pluriel par « première nation » au singulier, ainsi que pour apporter tous les changements grammaticaux mineurs impliqués, pour donner suite aux ordonnances du juge Hugessen modifiant l'intitulé et divisant les actions;

4.          La bande a le droit, si elle considère la chose nécessaire, de présenter un interrogatoire écrit à la Couronne, mais seulement au sujet des modifications autorisées suite à la requête de la Couronne à l'alinéa 32a) de la défense modifiée.

                                                                                  « James Russell »                 

                                                                                                     Juge                           

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                         COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                    T-66-86A

INTITULÉ :                                                   LA BANDE DE SAWRIDGE

                                                                                        défenderesse

et

SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                       demanderesse

et

LE CONSEIL NATIONAL DES AUTOCHTONES DU CANADA, LE CONSEIL NATIONAL DES AUTOCHTONES DU CANADA (ALBERTA),

LA NON-STATUS INDIAN ASSOCIATION OF ALBERTA et L'ASSOCIATION DES FEMMES AUTOCHTONES DU CANADA

                                                                                          intervenants

Requête sur prétentions écrites en vertu de l'article 369 des Règles

MOTIF DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                               LE JUGE RUSSELL

DATE DES MOTIFS :                                              LE 29 JUIN 2004

PRÉTENTIONS ÉCRITES :

Philip Healey, Martin Henderson                                   POUR LA DEMANDERESSE

Lori Mattis

Kathleen Lohlman, Janell Koch                                      POUR LA DÉFENDERESSE,

LA COURONNE

Michael Donaldson                                                        POUR L'INTERVENANTE,

NON-STATUS INDIAN ASSOCIATION OF ALBERTA


Mary Eberts                                                                  POUR L'INTERVENANTE, ASSOCIATION DES FEMMES AUTOCHTONES DU CANADA

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Aird & Berlis                                                                 POUR LES DEMANDERESSES

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg                                                          POUR LA DÉFENDERESSE,

Sous-procureur général du Canada                                LA COURONNE

Burnet Duckworth Palmer                                             POUR L'INTERVENANTE,

Calgary (Alberta)                                                           NON-STATUS INDIAN ASSOCIATION OF ALBERTA

Eberts Syms Street & Corbett                                       POUR L'INTERVENANTE,

Toronto (Ontario)                                                          ASSOCIATION DES FEMMES AUTOCHTONES DU CANADA

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.