Ottawa (Ontario), le 30 novembre 2005
EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE TREMBLAY-LAMER
ENTRE :
RHODIA INC.
(défenderesses reconventionnelles)
et
116038 B.C. LTD.
(demanderesses reconventionnelles)
MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] La présente affaire porte sur trois requêtes :
(1) La requête présentée par la défenderesse Jarvis Imports (2000) Ltd. (la défenderesse Jarvis) en vue d’obtenir un affidavit de documents plus complet de la part des demanderesses.
(2) L’appel interjeté par les défenderesses contre l’ordonnance rendue par le protonotaire Morneau le 25 octobre 2005.
(3) L’appel interjeté par les demanderesses contre l’ordonnance prononcée par le protonotaire Morneau le 25 octobre 2005.
[2] Ces requêtes découlent d’une action intentée par les demanderesses le 12 octobre 2004 contre les défenderesses alléguant la contrefaçon d’une marque de commerce déposée, la commercialisation trompeuse et la dépréciation de la valeur de l’achalandage. Les demanderesses veulent obtenir des déclarations, des injonctions, la destruction des articles prétendument contrefaits ainsi que des dommages-intérêts.
(1) La requête présentée par la défenderesse Jarvis en vue d’obtenir un affidavit de documents plus complet de la part des demanderesses
[3] La défenderesse Jarvis sollicite une ordonnance enjoignant chacune des demanderesses (défenderesses reconventionnelles) à produire un affidavit plus ample et plus complet énumérant tous les documents ayant trait à toute allégation non admise dans les actes de procédure.
[4] La défenderesse Jarvis allègue que les demanderesses n’ont pas énuméré tous les documents pertinents qui sont en la possession, sous l’autorité ou sous la garde de chaque demanderesse, et qu’elles n’ont donc pas fourni un affidavit de documents approprié et complet conformément aux articles 222 et 223 des Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106 (voir le libellé des Règles 222 et 223 à l’annexe A).
[5] Il est bien établi que la partie qui demande la production de documents supplémentaires doit présenter des éléments de preuve convaincants tendant à démontrer l’existence de documents disponibles mais n’ayant pas été produits, et qu’il incombe à la partie formulant l’allégation de démontrer que les preuves de l’autre partie sont inadéquates : Bande de Montana c. Canada, [2001] A.C.F. no 991 (C.F. 1re inst.), paragraphe 5; Havana House Cigar & Tobacco Merchants Ltd. c. Naeini (1998), 80 C.P.R. (3d) 132, paragraphe 19, conf. par (1998), 80 C.P.R. (3d) 563 (C.F. 1re inst.); Apotex Inc. c. Merck & Co., (2004) 33 C.P.R. (4th) 387 (C.F.), paragraphes 13 et 14.
[6] Il est aussi de droit constant que la principale considération relative à la portée de l’interrogatoire préalable est la pertinence : Reading & Bates Construction Co. c. Baker Energy Resources Corp. (1988), 24 C.P.R. (3d) 66, page 70 (C.F. 1re inst.), pages 70 à 72, cité avec approbation dans Merck & Co. c. Apotex Inc., [2003] A.C.F. no 1725 (C.A.), paragraphe 10. Le principe permettant de déterminer si un document a bien trait aux points litigieux de l'action veut que l’on puisse raisonnablement supposer qu'il contient des renseignements pouvant, soit directement, soit indirectement, permettre à la partie qui exige l'affidavit ou bien de plaider sa propre cause, ou bien de nuire à celle de son adversaire, ou encore pouvant équitablement la lancer dans une enquête susceptible d'entraîner l'une ou l'autre de ces deux conséquences : Compagnie Financière Du Pacifique c. Peruvian Guano Co. (1882), 11 Q.B.D. 55 (C.A.), page 63, cité avec approbation dans Fiddler Enterprises Ltd. c. Allied Shipbuilders Ltd., [2002] A.C.F. no 78 (C.F. 1re inst.), paragraphe 8.
[7] La demande de production vise sept groupes de documents décrits dans l’avis de requête.
[8] Le premier groupe de documents a trait à la vente au Canada et à l’échelle mondiale de fibres textiles; de fils et de textiles tissés, tricotés, ficelés, feutrés et non tissés; de dentelles et de broderies, de rubans et de tresses; de paillassons et de petits tapis, de préparations ignifuges pour le traitement des fibres textiles, des fils et des textiles tissés, tricotés, ficelés, feutrés et non tissés de toutes sortes en liaison avec la marque de commerce PROBAN, y compris, sans restriction aucune :
- les bons de commande;
- les factures;
- les listes de prix;
- les documents échangés avec les clients, les distributeurs ou les détenteurs de licence;
- tout document administratif, financier ou autre faisant référence au volume de ventes des produits PROBAN; et
- le support de mise en mémoire contenant une telle information.
[9] Les demanderesses ont allégué que la marque de commerce PROBAN est bien connue au Canada et à l’échelle mondiale et que la mise au point, la promotion et la publicité de cette marque ont nécessité énormément de temps, d’efforts et d’argent. La défenderesse Jarvis soutient que les demanderesses n’ont pas fourni de liste ni produit de documents établissant ce fait, ni aucun document attestant le volume de ventes ou la quantité de temps, d'efforts et d'argent consacrés au Canada et à l’échelle mondiale en liaison avec la marque de commerce PROBAN en cause.
[10] Dans une ordonnance de disjonction rendue le 21 février 2005, le protonotaire Hargrave a déclaré que toute question ayant trait à l’étendue de la contrefaçon, toute question ayant trait aux dommages-intérêts découlant de la contrefaçon, ou toute question relative aux profits découlant de la contrefaçon (collectivement, les questions reportées) feraient l’objet d’une décision distincte, prise au terme de l’instruction des autres questions en litige soulevées par l’action. Les demanderesses plaident que les documents de cette catégorie visent des questions relatives à l’étendue de la contrefaçon, aux dommages-intérêts découlant de la contrefaçon et aux profits découlant de la contrefaçon, et qu’ils n’ont donc pas à être produits.
[11] Dans Bande de Montana c. Canada, [2001] A.C.F. no 528 (C.F. 1re inst.), le juge Hugessen a déclaré aux paragraphes 4 et 5 :
Cela m'amène à la requête dont je suis saisi aujourd'hui relativement à la communication de documents et à l'interrogatoire préalable. À mon sens, il est fondamental de s'assurer que, lorsqu'il existe une ordonnance de séparation des chefs, les questions séparées qui ne seront pas instruites dans le cadre du premier procès ne soient d'aucune pertinence au regard de ce premier procès. Le fait de mettre le tout dans un contexte très familier, dans lequel la responsabilité et les dommages-intérêts constituent des questions séparées liées aux dommages-intérêts, n'est d'aucune pertinence relativement au procès sur la question de la responsabilité.
Il s'ensuit que les interrogatoires préalables écrits ou oraux qui sont menés à la suite d'une ordonnance de séparation des chefs devraient se limiter aux questions qui seront instruites dans le cadre du premier procès. Ne devraient pas être soumises les questions portant sur des points qui ne seront pertinents qu'au cours du second procès, si effectivement c'est le cas. […]
[12] De même, dans Intel Corp. c. 3395383 Canada Inc. (2003), 28 C.P.R. (4th) 48 (prot.), paragraphe 28 (conf. par (2004), 30 C.P.R. (4th) 469 (C.F. 1re inst.), conf. par (2004), 35 C.P.R. (4th) 97 (C.A.)) :
Partant, lorsque des questions concernant l'étendue de l'ingérence ainsi que les préjudices/profits ont été dissociées des questions de responsabilité, il ne faudrait pas, à l'étape du procès sur la responsabilité, exiger des réponses à celles qui portent sur l'étendue des dommages et/ou des profits, sinon, on porterait atteinte à l'objectif même de la règle 107.
[13] Même si ces deux affaires portaient sur des questions posées lors d’un interrogatoire préalable oral, j’estime que le raisonnement vaut également pour la communication de documents. Compte tenu de l’ordonnance de disjonction, des documents concernant des questions qui ne deviendront pertinentes que si les questions reportées doivent être instruites n’ont pas à être produits au premier procès. À mon avis, la majorité des documents du premier groupe n’auront aucun impact sur la question de la responsabilité relative à la contrefaçon alléguée de la marque de commerce puisqu’ils visent des questions concernant les dommages-intérêts découlant de la contrefaçon. Par conséquent, ils ne devraient pas être produits. Je suis par contre d’avis que, s’agissant de la renommée de la marque de commerce, les documents administratifs et financiers attestant le volume de ventes des produits PROBAN au Canada et à l’échelle mondiale sont pertinents quant à la contrefaçon alléguée d’une marque de commerce déposée, à la commercialisation trompeuse et à la dépréciation de la valeur de l’achalandage, et qu’ils devraient être produits.
[14] Le deuxième groupe de documents concerne la publicité ou la commercialisation de la marque de commerce PROBAN au Canada et à l’échelle mondiale, y compris sans restriction aucune :
- les annonces publicitaires, dépliants, catalogues, brochures et bulletins;
- les documents établissant la valeur du volume de ces annonces publicitaires, y compris les factures et les documents administratifs, financiers ou autres faisant référence au volume ou aux dépenses relatives à la commercialisation; le support de mise en mémoire contenant cette information.
[15] Le troisième groupe de documents concerne la mise au point, la promotion et la publicité de la marque de commerce PROBAN au Canada et à l’échelle mondiale, y compris sans restriction aucune :
- les plans d’affaires, les plans de commercialisation et les plans de publicité;
- les documents financiers faisant état des dépenses engagées pour cette mise au point, promotion et publicité;
- les documents indiquant le nombre de personnes et d’efforts requis pour ces activités; et
- le support de mise en mémoire contenant cette information.
[16] Le quatrième groupe comprend toutes les publications au Canada ou ailleurs contenant des références au PROBAN et tous les documents indiquant la portée, l’étendue ou la diffusion de matériel dans lequel apparaissent ces références.
[17] Les demanderesses disent avoir fourni aux défenderesses les documents pertinents se rapportant à la mise au point, à la promotion et à la publicité de la marque de commerce PROBAN et se trouvant sous son autorité ou sa garde.
[18] Les demanderesses soutiennent aussi que les documents demandés par la défenderesse Jarvis concernent le montant des dommages-intérêts, qui fera l’objet d’un renvoi après instruction, le cas échéant.
[19] Je ne peux accepter que les deuxième et quatrième groupes de documents se rapportent uniquement au montant des dommages-intérêts. À mon avis, ces documents sont bel et bien pertinents à la question en litige car ils concernent l’utilisation de la marque de commerce PROBAN. Les demanderesses ont fait valoir que la demanderesse Rhodia UK Limited et ses prédécesseurs ont employé la marque de commerce PROBAN pendant plus de 45 ans et qu’elle est bien connue au Canada et partout dans le monde. Des documents indiquant dans quelle mesure le PROBAN est bien connu au Canada et partout dans le monde sont pertinents pour la première instruction car ils peuvent tendre à prouver ou à réfuter les allégations des demanderesses selon lesquelles les actions des défenderesses ont créé de la confusion, réduit la valeur de l’achalandage des demanderesses et causé d’autres torts aux affaires des demanderesses. Pour ces raisons, j’ordonne que les documents des deuxième et quatrième groupes soient produits.
[20] Les documents des deuxième et quatrième groupes concernent la publicité et la commercialisation de la marque de commerce PROBAN. Les six documents déjà produits par les demanderesses (dont la présentation Powerpoint, les extraits du site Internet de Rhodia et le communiqué de presse) en sont des exemples car ils visent la mise au point, la promotion et la publicité de la marque de commerce. À l’opposé, le troisième groupe de documents comprend des plans d’affaires, de commercialisation et de publicité ainsi que des documents financiers indiquant les dépenses et les efforts consacrés à la mise au point, à la promotion et à la publicité de la marque de commerce PROBAN. À mon avis, le troisième groupe n’est pas pertinent quant à savoir si les actions des défenderesses ont créé de la confusion ou réduit la valeur de l’achalandage des demanderesses. Ces documents se rapportant davantage à la question du montant des dommages-intérêts, ils ne devraient pas être produits.
[21] Le cinquième groupe comprend des documents que l’on peut se procurer auprès des titulaires de licence des demanderesses et qui appartiennent aux mêmes catégories que les groupes un à quatre mentionnés plus haut.
[22] Ces documents sont en la possession de tiers. Les demanderesses font d’abord valoir que les défenderesses n’ont présenté aucune preuve attestant la disponibilité et la pertinence de ces documents. Deuxièmement, les demanderesses ont produit les contrats de licence disponibles conclus entre elles-mêmes et les titulaires de licence, et elles ont produit également une liasse de factures relatives aux ventes de l’un d’entre eux, Westex Inc., pour des tissus et des fibres traités avec le produit PROBAN. Enfin, la production des documents du type demandé ne devrait avoir lieu que dans le contexte d’un renvoi après instruction.
[23] Bien qu’on puisse présumer qu’il existe une forme quelconque de relation d’affaires entre les demanderesses et leurs titulaires de licence autorisés, le simple fait que les demanderesses aient été en mesure de produire les contrats de licence ne signifie pas qu’elles ont la possession, l’autorité ou la garde requise pour produire le matériel de commercialisation, de publicité et de promotion des titulaires de licence que cherche à obtenir la défenderesse Jarvis. Celle-ci ne s’est pas acquittée de son fardeau de démontrer que le cinquième groupe de documents devrait être produit.
[24] Le sixième groupe de documents a trait à la personnalité juridique de Rhodia UK Limited et de Rhodia Inc., y compris mais sans restriction aucune :
- les statuts constitutifs;
- les actes de constitution.
[25] Ce point a été réglé par les parties, les demanderesses ayant inclus, aux éléments 47 et 48 de leurs affidavits de documents modifiés, le certificat de constitution de Rhodia Inc. et le certificat de constitution de Rhodia UK Limited.
[26] Le septième groupe de documents se rapporte aux droits de propriété de la marque de commerce PROBAN et de son enregistrement, y compris sans restriction aucune les documents relatifs aux cessions et autres changements de nom de l’inscrivant original Proban à Albright & Wilson Ltd., apparemment le prochain successeur en titre.
[27] En réponse à la demande des défenderesses, les demanderesses ont désigné les documents pertinents comme étant les éléments 1 à 4, 28 à 30 et 32 de l’annexe 1 de l’affidavit de documents modifié.
[28] Le huitième groupe est une copie des annexes jointes au document numéro 17 de chacun des affidavits de documents des demanderesses.
[29] J’accepte la preuve par affidavit de Ginette Renaud, en réponse à la demande des défenderesses, portant que le document demandé n’a pu être trouvé.
[30] Le neuvième groupe est une copie de la licence de transfert de techniques mentionnée dans le document numéro 26 de chacun des affidavits de documents des demanderesses.
[31] Ce document était le document 25 de l’affidavit de documents des demanderesses. Celles-ci ont également ajouté des copies d’autres accords de licence sous les éléments 39 à 46 de leurs affidavits de documents modifiés.
[32] En réponse à la demande de documentation des défenderesses concernant les « réseaux de vente », j’accepte l’argument des demanderesses portant qu’il s’agit là d’une question qui fera l’objet d’un témoignage au procès et que les demanderesses ne disposent d’aucun document se rapportant spécifiquement aux « réseaux de vente » autre que les documents déjà produits.
[33] En conclusion, j’accueillerai la requête en partie. Conformément aux présents motifs, un affidavit de documents plus complet devra être produit dans les vingt-et-un (21) jours de la présente ordonnance. Les dépens suivront l’issue de la cause.
(2) L’appel interjeté par les défenderesses contre l’ordonnance rendue par le protonotaire Morneau le 25 octobre 2005.
[34] Cette requête des défenderesses vise l’obtention d’une ordonnance annulant en partie l’ordonnance rendue par le protonotaire Morneau le 25 octobre 2005, dans laquelle la Cour ordonnait notamment que les interrogatoires préalables des deux défenderesses aient lieu dans les soixante (60) jours de ladite ordonnance.
[35] Les défenderesses plaident que le protonotaire Morneau a commis une erreur en ne tenant pas compte du fait que la communication de documents des demanderesses est incomplète et en n’y donnant pas suite, étant donné la requête en instance des défenderesses en vue d’obtenir un affidavit de documents complet, et parce que l’équité exige une communication complète de documents de la part des demanderesses avant que les défenderesses soient interrogées. Les défenderesses soutiennent aussi que l’équité exige que tous les documents leur soient communiqués afin qu’elles puissent bien se préparer aux interrogatoires préalables.
[36] Il est bien établi que le juge saisi de l’appel contre l'ordonnance discrétionnaire d'un protonotaire ne doit pas intervenir sauf dans les deux cas suivants : a) l'ordonnance porte sur des questions ayant une influence déterminante sur l'issue du principal; b) l'ordonnance est entachée d'erreur flagrante, en ce sens que le protonotaire a exercé son pouvoir en vertu d'un mauvais principe ou d'une mauvaise appréciation des faits : Merck & Co. Inc. c. Apotex Inc., [2004] 2 R.C.F. 459 (C.A.), paragraphe 19.
[37] Pour décider si les questions ont une influence déterminante sur l'issue du principal, la Cour a statué que « l'accent est mis sur le sujet des ordonnances et non sur leur effet » (Merck & Co., ibid., paragraphe 18).
[38] La production de documents, avant l’interrogatoire préalable et le procès, constitue l’une de nos plus importantes procédures (Havana House, précitée, paragraphe 19). Elle soulève donc à mon avis une question ayant une influence déterminante sur l'issue du principal.
[39] De plus, l’équité exige que chacune des parties ait une communication complète des documents ainsi qu’un temps de préparation approprié avant la tenue de l’interrogatoire préalable (British Columbia Ferry Corp. c. Royal Vancouver (The), [1995] A.C.F. no 507 (prot.), paragraphe 28.
[40] Je conviens avec les défenderesses que le protonotaire Morneau a eu tort d’ordonner que les interrogatoires préalables aient lieu en dépit de leur requête en instance en vue d’obtenir un affidavit de documents plus complet de la part des demanderesses. Je ne retiens pas l’argument des demanderesses voulant que la production de leur affidavit de documents modifié n’aura aucune incidence sur l’interrogatoire préalable des défenderesses. Les défenderesses devraient avoir une communication complète de tous les documents pour se préparer à l’interrogatoire préalable. Si les défenderesses réussissaient à dénicher d'autres documents ou venaient à apprendre l'existence d'autres documents lors de l'interrogatoire préalable, il y aurait fort probablement d'autres interrogatoires préalables, occasionnant ainsi d'autres retards et d'autres frais (Havana House, précitée, paragraphe 23).
[41] Pour ces motifs, j’accueillerai l’appel des défenderesses. L’interrogatoire préalable des défenderesses aura lieu dans les soixante (60) jours de la date du dépôt d’un affidavit de documents plus complet par les demanderesses. Les dépens suivront l’issue de la cause.
(3) L’appel interjeté par les demanderesses contre l’ordonnance rendue par le protonotaire Morneau le 25 octobre 2005.
[42] Cette requête des demanderesses vise l’obtention d’une ordonnance annulant en partie l’ordonnance rendue par le protonotaire Morneau le 25 octobre 2005, et ordonnant à la défenderesse 116038 B.C. Ltd. de déposer un affidavit de documents plus complet et ordonnant que les interrogatoires préalables des deux demanderesses aient lieu dans les 60 jours de la fin des interrogatoires préalables des défenderesses.
[43] Dans une décision rendue le 25 octobre 2005, le protonotaire Morneau :
a) ordonnait que les interrogatoires préalables des deux défenderesses aient lieu dans les soixante (60) jours de la date de cette décision et se déroulent l’un après l’autre le même jour ou durant des jours consécutifs;
b) refusait d’ordonner à la défenderesse 116038 B.C. Ltd. de produire un affidavit de documents plus complet;
c) refusait d’ordonner que les interrogatoires préalables des demanderesses se déroulent dans les soixante (60) jours de la fin des interrogatoires préalables des défenderesses.
[44] Le protonotaire Morneau n’était pas convaincu que les demanderesses avaient produit une preuve convaincante établissant que la défenderesse116038 B.C. Ltd. obviait à la production de documents pertinents.
[45] Les demanderesses soutiennent que le protonotaire Morneau a exercé son pouvoir discrétionnaire en vertu d'un mauvais principe ou d'une mauvaise appréciation des faits. Les demanderesses font aussi valoir que le protonotaire a exercé son pouvoir discrétionnaire à tort relativement à une question ayant une influence déterminante sur l'issue du principal.
[46] Les demanderesses allèguent que même si la défenderesse 116038 B.C. Ltd. n’a produit la liste d’aucun document dans les annexes 1, 2, 3 et 4 de son affidavit de documents, elle a produit des documents pertinents à l’appui de sa requête en jugement sommaire (qui a été rejetée). Le protonotaire Morneau était saisi de ces documents puisqu’ils faisaient partie du dossier de réponse à la requête, lequel comprenait l’affidavit de Sarah Jarvis déposé en appui à la motion pour jugement sommaire ainsi que les pièces justificatives et la transcription de son contre-interrogatoire. Ainsi, les documents dont le protonotaire Morneau était saisi comprenaient une convention d’achat de biens ainsi que ses annexes faisant état de la vente de certains biens de la défenderesse 116038 B.C. Ltd. à l’autre défenderesse, Jarvis Imports (2000) Ltd., en novembre 2000.
[47] Dans l’affidavit de Sarah Jarvis, au paragraphe 7, ainsi que lors de son contre-interrogatoire, il est fait référence au numéro d’identification CA qui apparaît sur les articles contrefaits. Ce numéro est apposé sur les articles conformément à la Loi sur l'étiquetage des textiles, L.R.C. 1985, ch. T-10. Le numéro d’identification CA a été enregistré au nom de la défenderesse, 116038 B.C. Ltd., jusqu’en mai 2005, lorsqu’il a été cédé à l’autre défenderesse, Jarvis Imports (2000) Ltd. L’enregistrement du numéro d’identification CA et les documents faisant état de son transfert n’apparaissent pas dans l’affidavit de documents de 116038 B.C. Ltd.
[48] Comme je l’ai déjà souligné, la production de documents est considérée comme une importante pierre d’assise du processus d’interrogatoire préalable. En son absence, les demanderesses ne peuvent pas procéder à des interrogatoires préalables efficaces; elle a donc une influence déterminante sur l'issue de la présente affaire.
[49] En toute déférence, j’estime également que la décision du protonotaire Morneau sur ce point était fondée sur une mauvaise appréciation des faits, étant donné qu’il était saisi, dans le cadre de la requête, de documents qui étaient pertinents, comme la convention d’achat de biens, et qui ne figuraient pas dans l’affidavit de documents. De plus, il ressortait clairement des documents dont il disposait que les articles contrefaits avaient des étiquettes portant le numéro d’identification CA, lequel était au nom de 116038 B.C. Ltd. jusqu’en mai 2005. Pourtant, aucun document n’a été produit relativement à l’enregistrement de ce numéro par la défenderesse 116038 B.C. Ltd., ou relativement à sa cession à l’autre défenderesse, Jarvis Imports (2000) Ltd., en mai 2005. À mon avis, des documents attestant le transfert ou la cession de biens d’une entreprise ne sont pas que des dossiers d’archives.
[50] En définitive, j’ordonne la production d’un affidavit de documents plus complet par la défenderesse, 116038 B.C. Ltd., dans les vingt-et-un (21) jours de la date de la présente ordonnance, afin qu’il comprenne la convention d’achat de biens ainsi que les documents relatifs à l’enregistrement et à la cession du numéro d’identification CA.
[51] Le protonotaire Morneau ne dit rien dans sa décision au sujet de l’ordonnance demandée relativement aux interrogatoires préalables des demanderesses par les défenderesses. À mon avis, ayant ordonné que les interrogatoires préalables des défenderesses aient lieu dans les 60 jours du dépôt d’un affidavit de documents plus complet par les demanderesses, et étant donné les retards survenus jusqu’ici dans ce dossier, j’estime qu’il est nécessaire que je prononce une telle ordonnance afin de faire progresser le dossier. Les interrogatoires préalables des deux demanderesses auront donc lieu dans les soixante (60) jours de la fin des interrogatoires préalables des défenderesses.
[52] Les dépens suivront l’issue de la cause.
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE :
[1] La requête des défenderesses en vue d’obtenir un affidavit de documents plus complet est accueillie en partie. Les demanderesses doivent signifier et déposer un affidavit de documents modifié conformément aux présents motifs dans les vingt-et-un (21) jours de la présente ordonnance.
[2] L’appel des défenderesses contre l’ordonnance du protonotaire Morneau, en date du 25 octobre 2005, est accueilli.
[3] L’appel des demanderesses contre l’ordonnance du protonotaire Morneau, en date du 25 octobre 2005, est accueilli. La défenderesse 116038 B.C. Ltd. doit signifier et déposer un affidavit de documents modifié conformément aux présents motifs dans les vingt-et-un (21) jours de la présente ordonnance.
[4] Le calendrier des interrogatoires préalables des parties est fixé comme suit :
(1) les interrogatoires préalables des deux défenderesses auront lieu dans les soixante (60) jours de la date du dépôt de l’affidavit de documents modifié des demanderesses.
(2) les interrogatoires préalables des deux demanderesses auront lieu dans les soixante (60) jours de la fin des interrogatoires préalables des défenderesses.
[53] Les dépens suivront l’issue de la cause.
« Danièle Tremblay-Lamer »
JUGE
Traduction certifiée conforme
Thanh-Tram Dang, B.C.L., LL.B
Définition de « document »
222. (1) Pour l'application des règles 223 à 232 et 295, est assimilée à un document toute information enregistrée ou mise en mémoire sur un support, y compris un enregistrement sonore, un enregistrement vidéo, un film, une photographie, un diagramme, un graphique, une carte, un plan, un relevé, un registre comptable et une disquette.
Pertinence
(2) Pour l'application des règles 223 à 232 et 295, un document d'une partie est pertinent si la partie entend l'invoquer ou si le document est susceptible d'être préjudiciable à sa cause ou d'appuyer la cause d'une autre partie.
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Definition of "document"
222. (1) In rules 223 to 232 and 295, "document" includes an audio recording, video recording, film, photograph, chart, graph, map, plan, survey, book of account, computer diskette and any other device on which information is recorded or stored.
Interpretation
(2) For the purposes of rules 223 to 232 and 295, a document of a party is relevant if the party intends to rely on it or if the document tends to adversely affect the party's case or to support another party's case.
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Délai de signification de l'affidavit de documents
223. (1) Chaque partie signifie un affidavit de documents aux autres parties dans les 30 jours suivant la clôture des actes de procédure.
Contenu
(2) L'affidavit de documents est établi selon la formule 223 et contient :
a) des listes séparées et des descriptions de tous les documents pertinents:
(i) qui sont en la possession, sous l'autorité ou sous la garde de la partie et à l'égard desquels aucun privilège de non-divulgation n'est revendiqué,
(ii) qui sont ou étaient en la possession, sous l'autorité ou sous la garde de la partie et à l'égard desquels un privilège de non-divulgation est revendiqué,
(iii) qui étaient mais ne sont plus en la possession, sous l'autorité ou sous la garde de la partie et à l'égard desquels aucun privilège de non-divulgation n'est revendiqué,
(iv) que la partie croit être en la possession, sous l'autorité ou sous la garde d'une personne qui n'est pas partie à l'action;
b) un exposé des motifs de chaque revendication de privilège de non-divulgation à l'égard d'un document;
c) un énoncé expliquant comment un document a cessé d'être en la possession, sous l'autorité ou sous la garde de la partie et indiquant où le document se trouve actuellement, dans la mesure où il lui est possible de le déterminer;
d) les renseignements permettant d'identifier toute personne visée au sous-alinéa a)(iv), y compris ses nom et adresse s'ils sont connus;
e) une déclaration attestant que la partie n'a pas connaissance de l'existence de documents pertinents autres que ceux qui sont énumérés dans l'affidavit ou ceux qui sont ou étaient en la possession, sous l'autorité ou sous la garde d'une autre partie à l'action;
f) une mention précisant les dates, heures et lieux où les documents visés au sous-alinéa a)(i) peuvent être examinés.
Document sous l'autorité ou la garde d'une partie
(3) Pour l'application du paragraphe (2), un document est considéré comme étant sous l'autorité ou sous la garde d'une partie si :
a) d'une part, celle-ci a le droit d'en obtenir l'original ou une copie;
b) d'autre part, aucune partie adverse ne jouit de ce droit.
Liasse de documents
(4) Aux fins de l'établissement de l'affidavit de documents, une partie peut répertorier une liasse de documents comme un seul document si :
a) d'une part, les documents sont tous de même nature;
b) d'autre part, la description de la liasse est suffisamment détaillée pour qu'une autre partie puisse avoir une idée juste de son contenu. |
Time for service of affidavit of documents
223. (1) Every party shall serve an affidavit of documents on every other party within 30 days after the close of pleadings.
Contents
(2) An affidavit of documents shall be in Form 223 and shall contain
(a) separate lists and descriptions of all relevant documents that
(i) are in the possession, power or control of the party and for which no privilege is claimed,
(ii) are or were in the possession, power or control of the party and for which privilege is claimed,
(iii) were but are no longer in the possession, power or control of the party and or which no privilege is claimed, and
(iv) the party believes are in the possession, power or control of a person who is not a party to the action;
(b) a statement of the grounds for each claim of privilege in respect of a document;
(c) a description of how the party lost possession, power or control of any document and its current location, as far as the party can determine;
(d) the identity of each person referred to in subparagraph (a)(iv), including the person's name and address, if known;
(e) a statement that the party is not aware of any relevant document, other than those that are listed in the affidavit or are or were in the possession, power or control of another party to the action; and
(f) an indication of the time and place at which the documents referred to in subparagraph (a)(i) may be inspected.
Document within party's power or control
(3) For the purposes of subsection (2), a document shall be considered to be within a party's power or control if
(a) the party is entitled to obtain the original document or a copy of it; and
(b) no adverse party is so entitled.
Bundle of documents
(4) A party may treat a bundle of documents as a single document for the purposes of an affidavit of documents if
(a) the documents are all of the same nature; and
(b) the bundle is described in sufficient detail to enable another party to clearly ascertain its contents.
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COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : T-1832-04
INTITULÉ : RHODIA UK LIMITED et RHODIA INC.
c.
JARVIS IMPORTS (2000) LTD. et 116038 B.C. LTD.
LIEU DE L’AUDIENCE : Vancouver (Colombie-Britannique)
DATE DE L’AUDIENCE : Le 25 novembre 2005
MOTIFS DE L’ORDONNANCE : LA JUGE TREMBLAY-LAMER
DATE DES MOTIFS : Le 30 novembre 2005
COMPARUTIONS :
Hélène D’Iorio
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POUR LES DEMANDERESSES |
Paul Smith
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POUR LES DÉFENDERESSES |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Gowling Lafleur Henderson s.r.l. 1, Place Ville Marie, 37e étage Montréal (Québec) H3B 3P4
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POUR LES DEMANDERESSES |
Paul Smith Intellectual Property Law 330-1508 West Broadway Vancouver (C.-B.) V6J 1W8 |
POUR LES DÉFENDERESSES |