Date : 20050602
Dossier : IMM-5862-04
Référence : 2005 CF 800
Toronto (Ontario), le 2 juin 2005
EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE MACTAVISH
ENTRE :
URVASHI SUCHIT
demanderesse
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] La Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a prononcé le désistement de la demande d'asile d'Urvashi Suchit. Mme Suchit sollicite maintenant le contrôle judiciaire de cette décision.
[2] Bien que son exposé des faits et du droit soulève plusieurs arguments, Mme Suchit a, pour l'essentiel, fait valoir dans sa plaidoirie que la décision de la Commission était tout simplement inéquitable. Mme Suchit soutient avoir fait d'importants efforts pour se bâtir une vie meilleure au Canada et qu'elle mérite qu'on lui accorde l'opportunité de faire statuer sur le fond de sa demande d'asile.
Contexte
[3] Mme Suchit est une citoyenne de Trinité, qui allègue avoir été victime de violence familiale. Munie d'un visa de visiteur, elle est arrivée au Canada en août 2000. Mme Suchit a déposé sa demande d'asile environ trois ans plus tard.
[4] Sa demande devait être entendue le 21 avril 2004. Plusieurs semaines avant la date prévue, Mme Suchit a confirmé par écrit qu'elle était prête à procéder le 21 avril, mais il appert qu'à cette date elle était malade et qu'à la demande de son conseiller, une audience relative au désistement a été fixée au 3 mai 2004.
[5] Mme Suchit est à nouveau tombé malade et, le 3 mai, elle n'a pas été en mesure de se présenter à l'audience relative au désistement. Toutefois, il semble qu'à cette date aucun membre de la Commission n'était disponible pour entendre l'affaire, dont l'audition a encore été reportée, cette fois au 28 mai 2004. Le 6 mai 2004, Mme Suchit a, à nouveau, confirmé par écrit qu'elle était prête à procéder à la date fixée.
[6] À un certain moment, entre le 6 et le 27 mai, Mme Suchit a informé son conseiller que, parce qu'elle n'était pas en mesure de le rémunérer, elle retiendrait [traduction] « en temps opportun » les services d'un autre conseiller. Le jour précédant l'audience relative au désistement, le conseiller de Mme Suchit a avisé la Commission qu'il ne la représentait plus.
[7] De plus, au cours de cette période de trois semaines, Mme Suchit a présenté une demande d'aide juridique.
[8] Mme Suchit s'est présentée seule à l'audience relative au désistement. Elle a informé le président de l'audience qu'elle n'était pas prête à être entendue relativement à sa demande d'asile et elle a demandé qu'un délai lui soit accordé afin qu'elle puisse retenir les services d'un avocat. Après avoir considéré les observations de la demanderesse et examiné l'historique du dossier, le président de l'audience a conclu que Mme Suchit avait eu amplement le temps de se trouver un avocat et, par conséquent, il a prononcé le désistement de la demande d'asile.
Norme de contrôle
[9] Dans le cadre d'une demande comme celle dont je suis saisie, il ne s'agit pas de savoir si je suis d'accord avec la décision de la Commission, mais plutôt de savoir si la décision était raisonnable compte tenu des circonstances : voir, à titre d'exemple, Ahamad c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, [2000] 3 C.F. 109.
Analyse
[10] Avant de prononcer le désistement d'une demande d'asile, la Commission doit prendre en considération les explications du demandeur ainsi que les circonstances de l'affaire, ce qui comprend notamment la question de savoir si le demandeur est prêt à procéder : voir le par. 58(3) des Règles de la Section de la protection des réfugiés.
[11] En l'espèce, la seule raison invoquée par Mme Suchit pour expliquer pourquoi elle n'était pas en mesure de procéder consistait à dire qu'il lui fallait obtenir l'aide juridique pour retenir les services d'un avocat.
[12] Il est bien établi dans la jurisprudence que les retards liés à l'obtention de l'aide juridique ne justifient pas, en soi, que les demandeurs ne se conforment pas aux dates fixées par la Commission : voir à titre d'exemple, Yang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2004] A.C.F. no 1998.
[13] De plus, la preuve documentaire démontre clairement qu'entre octobre 2003 et mai 2004, on a, à de nombreuses reprises, rappelé à Mme Suchit qu'elle était en droit de se faire représenter par un conseiller et que, le cas échéant, celui-ci devait être disponible à la date fixée pour l'audition de sa demande. On lui a également, à maintes reprises, rappelé qu'elle pouvait faire appel à l'aide juridique si, en raison de sa situation financière, elle n'était pas en mesure de retenir les services d'un avocat.
[14] Il appert de la preuve que Mme Suchit a elle-même soumise que, dans les mois précédant l'audition de sa demande d'asile, elle n'a pas pris d'arrangements financiers avec son conseiller afin qu'il la représente et que ce n'est qu'à quelques jours de l'audience relative au désistement qu'elle a entrepris des démarches pour être admise à l'aide juridique.
[15] Dans les circonstances, je suis d'avis que la Commission pouvait raisonnablement conclure que Mme Suchit n'avait donné aucune raison acceptable pour expliquer pourquoi le désistement de sa demande d'asile n'aurait pas dû être prononcé.
[16] Dans ses observations écrites, Mme Suchit soutient également que les droits fondamentaux que lui garantissent les articles 7 à 14 de la Charte canadienne des droits et libertés n'ont pas été respectés.
[17] Selon ce que je comprends, les arguments de Mme Suchit partent du principe que tous les demandeurs d'asile ont le droit absolu de voir leur demande trancher sur le fond.
[18] Plusieurs raisons justifient le rejet des arguments que fait valoir Mme Suchit sur le fondement de la Charte. Toutefois, la présente demande peut être tranchée sur la base d'un seul motif, à savoir que notre Cour ne peut connaître des arguments avancés par Mme Suchit, celle-ci n'ayant pas fait valoir les questions relatives à la Charte devant la Commission : voir Chen c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 1954.
Conclusion
[19] Mme Suchit croit avoir travaillé dur pour se bâtir une vie ici. Elle dit également qu'elle subirait un grave préjudice si elle devait être renvoyée à Trinité. Il est possible que Mme Suchit dispose d'autres moyens sous le régime de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, mais l'argument qu'elle invoque ici ne permet pas à la Cour de faire droit à sa demande.
[20] Ayant examiné les observations orales et écrites de Mme Suchit ainsi que le dossier, je ne suis pas convaincue que la Commission a commis une erreur en prononçant le désistement de sa demande d'asile. Par conséquent, la demande est rejetée.
Certification
[21] À l'audience, des explications ont été données à Mme Suchit en ce qui concerne le processus de certification et elle a eu l'occasion de déterminer si elle souhaitait faire certifier une question. Aucune des parties n'a proposé qu'une question soit certifiée et aucune question n'est sujette à certification.
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE :
1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.
2. Aucune question grave de portée générale n'est certifiée.
« A. Mactavish »
Juge
Traduction certifiée conforme
Chantal DesRochers, LL.B.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-5862-04
INTITULÉ : URVASHI SUCHIT
demanderesse
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
DATE DE L'AUDIENCE : LE 1ER JUIN 2005
LIEU DE L'AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
ET ORDONNANCE : LA JUGE MACTAVISH
DATE : LE 2 JUIN 2005
COMPARUTIONS :
Urvashi Suchit POUR LA DEMANDERESSE
Gordon Lee POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Urvashi Suchit
Toronto (Ontario) POUR LA DEMANDERESSE
John H. Sims, c.r.
Sous-procureur général du Canada POUR LE DÉFENDEUR