Date : 20000906
Dossier : IMM-2358-99
Ottawa (Ontario), le 6 septembre 2000
En présence de Monsieur le juge Pinard
Entre :
TATIANA ZARAISKAIA
demanderesse
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
ORDONNANCE
La demande de contrôle judiciaire de la décision de S.K. Brady, une agente d'immigration au Consulat général du Canada à Détroit (Michigan), datée du 1er avril 1999, qui conclut que la demanderesse ne satisfait pas aux exigences pour l'octroi de la résidence permanente au Canada, est rejetée.
YVON PINARD
JUGE
Traduction certifiée conforme
Kathleen Larochelle, LL.B.
Date : 20000906
Dossier : IMM-2358-99
Entre :
TATIANA ZARAISKAIA
demanderesse
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
LE JUGE PINARD
[1] La demanderesse sollicite le contrôle judiciaire d'une décision de S. K. Brady, une agente d'immigration, au Consulat général du Canada à Détroit (Michigan), datée du 1er avril 1999, selon laquelle la demanderesse ne satisfaisait pas aux exigences pour l'octroi de la résidence permanente au Canada.
[2] La demanderesse est une citoyenne de la Russie. Le 31 mars 1999, elle a présenté une demande de résidence permanente à titre de membre de la catégorie des immigrants indépendants. Dans sa demande, elle a indiqué que la profession qu'elle envisageait d'exercer au Canada était celle de « physicienne » .
[3] Dans une lettre datée du 1er avril 1999, l'agente des visas a rejeté la demande de la demanderesse. Dans sa décision, l'agente des visas a apprécié la demanderesse à titre d' « étudiante » et lui a attribué les points d'appréciation suivants :
Âge 10
Facteur professionnel 00 |
Études / Formation 00 |
Expérience 00 |
Emploi réservé 00 |
Facteur démographique 08 |
Études 16 |
Anglais 09 |
Français 00 |
Boni 00
Personnalité 06 |
Total 49
L'agente des visas a également affirmé ce qui suit :
[TRADUCTION] Vous avez déclaré et confirmé à plusieurs reprises que vous allez continuer à être une étudiante à temps plein pendant encore au moins trois ans. Vous avez soumis deux lettres de l'Université de Guelph à l'appui de cette affirmation. Vous n'avez reçu aucune offre d'emploi au Canada autre que celle d'assistante d'enseignement et d'assistante de recherche, qui toutes deux sont conditionnelles à votre inscription et au fait que vous entrepreniez à temps plein des études de doctorat. [...] |
Lors de l'entrevue, vous avez eu l'occasion de répondre à mes préoccupations relativement au fait que vous aviez l'intention de travailler ou d'étudier. Vous avez encore une fois confirmé que vous avez l'intention de suivre un programme d'études à temps plein pendant au moins trois ans. Compte tenu des renseignements que vous avez soumis et à maintes reprises confirmés, je suis d'avis que vous n'avez pas l'intention de joindre la population active au Canada. |
[4] L'agente des visas a également apprécié la demanderesse en fonction des professions d'assistante de recherche et d'assistante d'enseignement. Aucune appréciation n'a satisfait aux « critères minimums de sélection » . Étant donné que l'agente des visas n'a attribué aucun point d'appréciation pour l'expérience et pour la demande par profession, la demande de la demanderesse a été automatiquement rejetée.
[5] Les décisions des agents des visas sont discrétionnaires. Une des décisions les plus fréquemment citées en ce qui a trait à la norme de contrôle qui doit être appliquée dans ce contexte est To c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (22 mai 1996), A-172-93 (C.A.F.). Dans l'arrêt To, le juge Stone a appliqué dans un contexte d'immigration les principes exposés par la Cour suprême du Canada :
En l'espèce, l'agente d'immigration n'était pas convaincue que l'appelant avait soit le sens des affaires soit les ressources pécuniaires personnelles nécessaires pour établir une entreprise au pays. Nous sommes d'accord avec le juge en chef adjoint Jerome qu'il n'est pas justifié que la Cour intervienne. Dans l'arrêt Maple Lodge Farms Limited c. Gouvernement du Canada et autre, [1982] 2 R.C.S. 2, aux pages 7 et 8, le juge McIntyre déclare ce qui suit au nom de la Cour: |
[...] C'est aussi une règle bien établie que les cours ne doivent pas s'ingérer dans l'exercice qu'un organisme désigné par la loi fait d'un pouvoir discrétionnaire simplement parce que la Cour aurait exercé ce pouvoir différemment si la responsabilité lui en avait incombé. Lorsque le pouvoir discrétionnaire accordé par la loi a été exercé de bonne foi et, si nécessaire, conformément aux principes de justice naturelle, si on ne s'est pas fondé sur des considérations inappropriées ou étrangères à l'objet de la loi, les cours ne devraient pas modifier la décision. [...] |
À notre avis, ces conditions, dans la mesure où elles s'appliquent, ont été remplies en l'espèce. Par conséquent, aucune raison n'a été établie pour modifier la décision de la Section de première instance. |
[6] Les questions en litige dans la présente affaire sont :
1. L'agente des visas a-t-elle commis une erreur en concluant que les offres d'emploi de la demanderesse étaient conditionnelles à son inscription à titre d'étudiante au doctorat et que cette expérience ne pouvait par conséquent compter en tant qu'expérience de travail convenable dans son domaine? |
2. L'agente des visas a-t-elle commis une erreur en « admettant » l'exigence selon laquelle la demanderesse doit prouver son intention de joindre immédiatement la population active du Canada à titre de physicienne? |
[7] En ce qui concerne la première question, l'argument de la demanderesse selon lequel les postes d'assistante de recherche et d'enseignement n'étaient pas conditionnels à son inscription à l'Université Brock est sans fondement. La lettre du département de physique, datée du 22 mars 1999, prévoit :
[TRADUCTION] Le département de physique est disposé à vous garantir la somme de 17 200 $ par année pour neuf semestres (3 années d'études à temps plein) à titre d'aide financière pour vos études supérieures dans le cadre du programme du Biophysics Interdepartmental Group (BIG) [groupe interdépartemental de biophysique]. Cette aide vous sera offerte sous forme de postes d'assistante d'enseignement et d'assistante de recherche au niveau des études supérieures. De plus, le professeur Ross Hallett, le directeur du BIG a affirmé que dans la première année de votre doctorat, vous recevrez une bourse additionnelle d'une valeur de 2 000 $. |
[8] Cette lettre indique que les postes d'assistante de recherche et d'enseignement sont conditionnels à son inscription à l'Université Brock, étant donné qu'ils visent spécifiquement le financement de ses études. En réalité, le fait que la lettre mentionne que la bourse de 2 000 $ constitue une [TRADUCTION] « bourse additionnelle » signifie que les postes d'assistant constituent eux-mêmes un type de bourse.
[9] Néanmoins, je ne crois pas que l'agente des visas a commis une erreur en refusant d'apprécier la demanderesse à titre de physicienne. Selon l'annexe I du Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-172 (le Règlement), des points d'appréciation pour le facteur professionnel « sont attribués en fonction des possibilités d'emploi au Canada dans la profession [...] c) que le requérant est prêt à exercer au Canada » [non souligné dans l'original]. Dans le texte anglais, la partie soulignée correspond à « is prepared to follow » . À mon avis, il était raisonnablement loisible à l'agente des visas de tirer la conclusion selon laquelle la demanderesse n'était pas prête à exercer la profession de physicienne au Canada d'après la preuve. Par conséquent, je ne crois pas qu'elle devait apprécier la demanderesse à titre de physicienne.
[10] Dans les circonstances, je ne suis pas d'avis que l'agente des visas a commis une erreur en attribuant à la demanderesse aucun point d'appréciation pour l'expérience parce que, selon le facteur 3 de l'annexe I du Règlement, des points d'appréciation sont attribués pour l'expérience acquise dans la profession pour laquelle le requérant est apprécié selon le facteur professionnel. Par conséquent, comme l'agente des visas a conclu que la demanderesse avait l'intention d'être une étudiante au Canada, elle ne pouvait pas reconnaître cette expérience au même titre que l'expérience acquise en tant que physicienne.
[11] En ce qui a trait à la seconde question en litige, la demanderesse invoque Margarosyan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1996), 37 Imm. L.R. (2d) 53 (C.F. 1re inst.), pour étayer le principe selon lequel ni la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2 ni l'annexe I du Règlement n'exigent qu'un demandeur de résidence permanente de la catégorie des immigrants indépendants prouve son intention d'exercer la profession mentionnée dans la demande dès son arrivée au Canada.
[12] La thèse du défendeur porte que les postes d'assistante d'enseignement et d'assistante de recherche de la demanderesse étaient conditionnels à son inscription à un programme de formation d'une durée de trois ans. Par conséquent, la demanderesse avait l'intention d'étudier et non de travailler.
[13] À mon avis, l'argument de la demanderesse selon lequel l'agente des visas a admis l'exigence voulant qu'elle doive commencer à exercer sa profession immédiatement, est sans fondement. Je crois que cette affaire peut être distinguée d'avec Margarosyan, précité, quant aux faits. Plus particulièrement, alors que l'agent des visas dans Margarosyan a conclu que la demanderesse n'avait pas l'intention de devenir une travailleuse autonome « à son arrivée au Canada » , l'agente des visas dans la présente affaire a conclu que la demanderesse n'avait simplement pas l'intention d'exercer la profession mentionnée. L'agente des visas affirme dans sa décision que [TRADUCTION] « [c]ompte tenu des renseignements que vous avez soumis et à maintes reprises confirmés, je suis d'avis que vous n'avez pas l'intention de joindre la population active au Canada » . Dans les notes du STIDI, elle a écrit :
INTENTION D'ÊTRE ÉTUDIANTE [...] |
[...] DOIT VOULOIR ET POUVOIR EXERCER AU CANADA LA PROFESSION ENVISAGÉE ET, À CE MOMENT-CI, ELLE NE VEUT PAS ET N'A PAS L'INTENTION D'EXERCER CETTE PROFESSION OU AUCUNE AUTRE. IL S'AGIT CLAIREMENT D'UNE ÉTUDIANTE, PAS D'UNE TRAVAILLEUSE [...] |
[14] Il n'y a rien dans la décision de l'agente des visas ou dans les notes du STIDI qui indique que la demanderesse avait l'intention de travailler à titre de physicienne à un moment quelconque après son arrivée au Canada. De fait, il appert que la demanderesse a elle-même indiqué, lorsque questionnée au sujet de ce qu'elle projetait de faire après l'obtention de son diplôme, qu'elle avait envisagé la possibilité de chercher un emploi, non pas à titre de physicienne mais à titre de professeure. Par conséquent, l'argument de la demanderesse quant à ce point précis doit être rejeté.
[15] Compte tenu de tout ce qui précède, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.
YVON PINARD
JUGE
OTTAWA (ONTARIO)
Le 6 septembre 2000
Traduction certifiée conforme
Kathleen Larochelle, LL.B.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-2358-99
INTITULÉ DE LA CAUSE : Tatiana Zaraiskaia c. Le ministre
de la Citoyenneté et de l'Immigration
LIEU DE L'AUDIENCE : Toronto (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE : Le 8 août 2000
MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR MONSIEUR LE JUGE PINARD
EN DATE DU : 6 septembre 2000
ONT COMPARU :
Ian Wong POUR LA DEMANDERESSE
Ann Margaret Oberst POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Ian Wong POUR LA DEMANDERESSE
Toronto (Ontario)
Morris Rosenberg POUR LE DÉFENDEUR
Sous-procureur général du Canada